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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 12 juin 2025, n° 24/10216

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/10216

12 juin 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2025

Rôle N° RG 24/10216 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNRGY

Société ALIMENTATION DES D&D

C/

Société [L] [U] & [W] [Y]

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :12 juin 2025

à :

Me Sébastien BADIE

Me Alexandra BOISRAME

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 01 Août 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2024L02224.

APPELANTE

SAS ALIMENTATION DES D&D

société par actions simplifiée (société à associé unique), au capital de 5.000 euros, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 888 145 604 dont le siège social est situé [Adresse 3] pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

[L] [U] & [W] [Y]

mandat conduit par Maître [C] [U], Mandataire Judiciaire à la liquidation des entreprises, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ALIMENTATION D&D nommé auxdites fonctions par un Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 1er aout 2024 dont le siège est sis [Adresse 4], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

EN PRESENCE DE :

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,

demeurant COUR D'APPEL - 20. [Adresse 6]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère

Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère rapporteure

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2025.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2025,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société L'alimentation des D&D a été immatriculée le 1er juillet 2020 pour exercer initialement un fonds de commerce d'alimentation générale, [Adresse 1] à [Localité 5].

Par avenant du 5 juin 2024, le contrat de bail commercial liant la société L'alimentation D&D et son bailleur a été modifié afin que la société puisse exercer une activité de restauration rapide.

Par jugement en date du 23 mai 2024, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société L'alimentation des D&D et désigné la SCP [M] [U] et [W] [Y] prise en la personne de Maître [C] [U], en qualité de mandataire.

Par jugement en date du 7 août 2024, le tribunal de commerce de Marseille a'prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire'et dit n'y avoir lieu à faire application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée.

Pour prendre leur décision, les premiers juges ont considéré que'la société n'avait ni compte bancaire, ni assurance, qu'elle ne pouvait pas poursuivre son activité et que, compte tenu de ces éléments, elle n'apparaissait pas à même de présenter un plan permettant d'apurer le passif.

Selon déclaration en date du 7 août 2024 , la société L'alimentation des D&D a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions notifiées par RPVA le 2 octobre 2024, la société L'alimentation des D&D demande à la cour de':

Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le l er août 2024 en ce qu'il a:

- prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation Judiciaire, prévue par les dispositions des articles L.640-1 à L.644-6 du code de commerce, à l'égard de la SAS L'alimentation des D&D sise au [Adresse 2] ;

- dit n'y avoir lieu à faire application de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la L'alimentation des D&D ;

- fixé à douze mois à compter de ce jour le délai imparti au liquidateur pour déposer la liste des créances déclarées, conformément aux dispositions de l'article L.624-1 et L.631-18 du code de commerce, sous réserve de la décision qui sera prise par le juge commissaire sur le fondement de l'article L.641-4 du code de commerce et de l'article R.641-27 alinéa 2 du code de commerce;

Statuant à nouveau,

Débouter Me [C] [U] de ses demandes, fins et conclusions';

Renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Marseille, afin qu'il soit statué sur la poursuite de la période d'observation';

Statuer ce que de droit sur les dépens.

A l'appui de ses demandes, la société L'alimentation des D&D fait valoir qu'elle possède un compte bancaire et bénéficie d'une assurance multirisque professionnelle. Elle soutient que son chiffre d'affaires lui permet d'envisager un plan de remboursement du passif déclaré qui s'élève à la somme de 68 540,52 euros sur 8 ans avec consignations mensuelles d'un montant de 714 euros environ et qu'elle est donc en capacité de se redresser.

Selon conclusions notifiées le 30 octobre 2024, la SCP [M] [U] et [W] [Y] prise en la personne de Maître [C] [U], en qualité de liquidateur, demande à la cour de':

Confirmer le jugement entrepris';

Ordonner les dépens' frais privilégiés de la procédure.

A l'appui de ses demandes, le liquidateur fait observer que l'attestation d'assurance multirisques professionnelle, le justificatif d'ouverture du compte bancaire de la société et l'attestation d'absence de dettes établies par l'expert-comptable de la société ont été communiqués postérieurement à l'audience.

Il soutient que le moyen tenant aux capacités de redressement de la débitrice n'apparaît pas sérieux dans la mesure où la société met en avant des chiffres qui ne concernent pas la nouvelle activité de la société (restauration rapide) de sorte qu'ils ne sont pas déterminants quant aux perspectives de redressement de la société et où n'est produite aucune situation comptable pour 2024, en tout cas depuis le démarrage de la nouvelle activité supposé au 5 juin 2024, ni de justificatif de paiement des loyers.

Selon avis notifié par la voie du RPVA le 5 mars 2025, le ministère public sollicite la confirmation du jugement déféré pour les motifs développés par le mandataire que le ministère public fait siens.

Les parties ont été avisées le 17 septembre 2024 de la fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 2 avril 2025 et de la date prévisible de la clôture. La clôture a été prononcée le 6 mars 2025.

'

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L.631-15 du code de commerce dispose que «'I.-Au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation.

Le tribunal se prononce au vu d'un rapport, établi par l'administrateur ou, lorsqu'il n'en a pas été désigné, par le débiteur.

II.-À tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l'avis du ministère public.

Lorsque le tribunal prononce la liquidation, il met fin à la période d'observation et, sous réserve des dispositions de l'article L.641-10, à la mission de l'administrateur.'»

L'ouverture de la procédure collective caractérise l'état de cessation des paiements, lequel n'est pas contesté par la société L'alimentation des D&D.

Il se déduit des dispositions combinées des articles L.631-1 et L.631-15 du code de commerce que la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'est possible que si le redressement de l'entreprise est manifestement impossible.

Le passif s'élève à la somme de 68.540,52€ dont 36.858,83 € déclaré à titre définitif et 31.681,69 € à titre provisionnel.

L'appelante produit notamment une attestation d'assurance multirisques professionnelle en date du 3 juin 2024 et un relevé bancaire au nom de la société.

Le justificatif du paiement des loyers n'est pas communiqué mais l'appelante produit une attestation de l'expert-comptable en date du 26 juillet 2024 selon laquelle elle n'a pas créé de nouvelles dettes au 30 juin 2024 et il ne ressort pas des conclusions du mandataire que celui-ci a été contacté par le bailleur pour des impayés.

L'examen de la liasse fiscale 2022 permet de constater que la société a réalisé un chiffre d'affaires d'un montant de 113 294 euros (en augmentation par rapport à l'exercice 2021 où le chiffre d'affaires est de 79 903 euros). Le résultat est positif (8 888 euros).

Le chiffre réalisé au cours de l'exercice 2023 est d'un montant de 144 629 euros. Le résultat est positif (4 767 euros) bien qu'en baisse.

Compte tenu de ce qui précède, le redressement de la société n'apparaît pas manifestement impossible.

Dans ces conditions, le jugement querellé doit être infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

La cause et les parties seront renvoyées devant le tribunal de commerce afin que soit poursuivie la période d'observation et de permettre à la débitrice de présenter un plan de redressement permettant la poursuite de l'activité et l'apurement de l'intégralité du passif antérieur.

Les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement querellé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a employé les dépens en frais privilégiés de la procédure collective';

Renvoie la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Marseille pour la poursuite de la procédure et l'élaboration, le cas échéant, d'un plan de redressement permettant tout à la fois la poursuite de l'activité et l'apurement de l'intégralité du passif antérieur ;

Ordonne la publication des formalités légales à la diligence du greffe ;

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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