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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 12 juin 2025, n° 21/07674

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/07674

12 juin 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2025

Rôle N° RG 21/07674 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHQAZ

S.A.S.U. LOLA

C/

Etablissement SOCIETE GENERALE*

[M] [S] épouse [F]

S.A.S. EOS FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le : 12 JUIN 2025

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Caroline PAYEN

Me Audrey JURIENS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 7] en date du 10 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01658.

APPELANTE

S.A.S.U. LOLA

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Société SOCIETE GENERALE

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [M] [S] épouse [F]

née le 10 Juin 1957 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Audrey JURIENS de la SCP JURIENS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marion KERJEAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE INTERVENANTE

S.A.S. EOS FRANCE

Agissant, en vertu d'une lettre de désignation en date du 21 novembre 2024 en qualité de représentant-recouvreur de Fonds Communs de Titrisation FEDINVEST III, représenté par la Société FRANCE TITRISATION

Venant aux droits de la SOCIETE GENERALE, suivant acte de cession de créances en date du 19 novembre 2024

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Caroline PAYEN de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant:

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2025, puis avisées par message le 15 Mai 2025, que la décision était prorogée au 12 Juin 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2025.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 31 mars 2016, Mme [M] [S] a donné à bail à la SASU Lola des locaux commerciaux à usage exclusif de saladerie, confection, vente à emporter et livraison de salades et repas froids, sis [Adresse 1], pour une durée débutant le 15 avril 2016 et devant prendre fin le 14 avril 2025, moyennant un loyer annuel initial de 11352 euros.

La SASU Lola a cessé son activité le 5 novembre 2018 à la suite d'un dégât des eaux et ne l'a jamais reprise.

Par acte du 1er avril 2019, la SASU Lola a fait assigner Mme [S] devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins d'entendre prononcer la nullité du bail et ordonner la restitution des loyers versés, subsidiairement prononcer la résiliation du bail aux torts de la bailleresse, condamner la bailleresse à lui rembourser la somme de 528 euros au titre des provisions sur charges injustifiées, annuler la clause de révision triennale, condamner Mme [S] à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la non-réalisation par la bailleresse de différents travaux de mise aux normes et de désamiantage, en indemnisation de la perte de son fonds de commerce et de sa perte d'exploitation, outre le remboursement de diverses dépenses et frais.

Par jugement du 10 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- annulé la clause d'indexation prévoyant une révision uniquement à la hausse du loyer,

- condamné Mme [M] [S] à payer à la SASU Lola les sommes de :

- 528 euros au titre des provisions sur charges injustifiées,

- 1000 euros au titre des pertes d'exploitation et de marchandises (suite à la fermeture du commerce lors du dégât des eaux le 13 novembre 2018),

- débouté la SASU Lola du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [M] [S] à payer à la SASU Lola la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné Mme [M] [S] aux dépens avec distraction au profit de Maître Paul Guedj.

La SASU Lola a interjeté appel de cette décision le 21 mai 2021.

Elle a fait assigner la Société générale, créancier inscrit sur le fonds de commerce, en intervention forcée.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 février 2025, la SASU Lola demande à la cour de:

Recevoir l'appel de la SASU Lola, le dire bien fondé,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé la clause d'indexation prévoyant une révision uniquement à la hausse du loyer,

Pour le surplus :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné Mme [M] [S] à payer à la SASU Lola les sommes suivantes :

- 528 euros au titre des provisions sur charges injustifiées,

- 1000 euros au titre des pertes d'exploitation et de marchandises,

- débouté la SASU Lola du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

Vu l'article R.151-27 du code de l'urbanisme,

Vu l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation,

Vu l'article 1137, 1719 du code civil,

Juger le bail commercial litigieux nul de plein droit pour erreur sur la substance et ou dol du fait que le bailleur l'a consenti sur un local impropre à sa destination contractuelle, privant la SASU Lola pour une raison involontaire de sa volonté (sic), de la jouissance des lieux loués en raison de leur caractère inexploitable,

En conséquence,

Ordonner la restitution réciproque entre les parties de leurs droits respectifs,

En conséquence,

Condamner Mme [S] à régler à la SASU Lola :

- 47 mois de loyer (à parfaire au jour de la décision rendue) soit la somme de 44 462 euros, outre 624 euros au titre des charges,

- 5995,41 euros au titre de l'assurance du local,

- 1892 euros au titre de la caution versée,

- 2270 euros au titre des honoraires de l'agence ISP,

- 613,44 euros TOM et TF,

- 3614 euros au titre de la CFE,

- 65 000 euros au titre de la perte du fonds de commerce,

- 285 868 euros au titre de la perte d'exploitation depuis le 5 novembre 2018 au jour des présentes (1606 jours sur la base de l'estimation faite à dire d'expert MAAF),

Débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

À titre subsidiaire,

Vu les articles L 125-5 du code de l'environnement,

Prononcer la résiliation de plein droit du bail liant les parties aux torts exclusifs de la bailleresse,

Sur les préjudices subis,

Vu les articles L145-40-2 / L145-47 et R145-36 du code de commerce,

Condamner Mme [M] [S] à payer à la SASU Lola la somme de 640 euros au titre des charges injustifiées,

Vu les articles 1719 et 1720 du code civil,

Condamner la bailleresse à remettre le local en état suite aux sinistres,

Condamner la bailleresse à procéder à l'installation d'un système d'extraction des fumées et odeurs,

Condamner la bailleresse à effectuer les travaux prescrits par l'administration concernant la mise aux normes des installations électriques, de gaz, de désenfumage, de secours d'urgence, de chauffage ou de cuisine, ainsi que l'exécution des travaux pour faciliter l'accès aux handicapés,

Condamner la bailleresse à son obligation de délivrance d'un CREP,

Condamner Mme [M] [S] à régler la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi par la SASU Lola pour avoir été exposée ainsi que la clientèle à un environnement dangereux pour la santé (exposition au plomb),

Condamner Mme [M] [S] à régler la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi par la SASU Lola pour avoir été exposée ainsi que la clientèle à un environnement dangereux pour la santé,

Condamner la bailleresse à effectuer les travaux de désamiantage complets en sus de ceux effectués le 7 décembre 2018,

Condamner Mme [M] [S] à régler à la SASU Lola la somme de 5 037,48 euros au titre des travaux effectués par ses soins affectant le local

Condamner Mme [M] [S] à régler à la SASU Lola la somme de 954,60 euros au titre des frais de déménagements à envisager,

Condamner Mme [M] [S] à régler à la SASU Lola la somme de 420 euros au titre des frais de dépose du climatiseur avec récupération du gaz,

Condamner Mme [M] [S] à régler à la SASU Lola la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel distraits au profit de Maître Maud Daval-Guedj avocat.

Par conclusions déposées et notifiées le 20 février 2025, Mme [M] [S] épouse [F] demande à la cour de :

Vu l'article 1114 du Code civil ;

Vu les articles 1132 et 1133 du Code civil ;

Vu l'article 1137 du Code civil ;

Vu l'article 1111-1 du Code civil ;

Vu les articles 1178 et 1229 al. 3 du Code civil ;

Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé la clause d'indexation prévoyant une révision uniquement à la hausse du loyer et condamné Mme [M] [S] à payer à la SASU Lola la somme de 528 euros au titre des provisions sur charges injustifiées, la somme de 1000 euros au titre des pertes d'exploitation et de marchandises et la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SASU Lola du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau :

À titre principal,

Débouter la société Lola de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Si par extraordinaire, le Tribunal devait prononcer la nullité du contrat de bail, il conviendra de condamner la société Lola à régler à Mme [M] [S] la somme de 63382 euros HT, soit 76058,40 euros TTC représentant 67 mois de loyers à 946,00 euros HT par mois, pour la période d'août 2019 à février 2025, outre les charges, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir au titre de l'indemnité d'occupation des lieux,

À titre subsidiaire,

Débouter la société Lola de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

Débouter la société Lola de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Lola à régler à Mme [M] [S] la somme de 63382 euros HT, soit 76 058,40 euros TTC représentant 67 mois de loyers à 946,00 euros HT par mois, pour la période d'août 2019 à février 2025, outre les charges, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir au titre de l'indemnité d'occupation des lieux,

Condamner la société Lola à verser à Mme [M] [S] la somme de 6000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Lola aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 13 février 2025, la société EOS France venant aux droits de la Société générale demande à la cour de :

Donner acte à la société EOS France de son intervention volontaire,

Recevoir la concluante en ses présentes écritures et l'y déclarer recevable et bien fondée,

Juger que dans la mesure où les parties à l'instance ne formulent aucune demande à l'encontre de la Société générale assignée en intervention forcée en qualité de créancier inscrit, la société EOS France venant aux droits de la Société générale entend s'en remettre à la justice dans le cadre de la présente instance,

Y ajoutant,

Condamner la SASU Lola au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Caroline Payen avocat sous son affirmation de droit.

La procédure a été clôturée le 25 février 2025.

MOTIFS

Sur la demande de la SASU Lola tendant à fait juger le bail nul pour erreur sur la substance et/ou dol et les demandes subséquentes :

La SASU Lola prétend en premier lieu que le local loué était une habitation et non un commerce et qu'il y a une erreur sur la destination des lieux loués au sens de l'article R.151-27 du code de l'urbanisme.

Elle affirme qu'il appartenait à Mme [S] de solliciter, avant la signature du bail, une autorisation de changement d'usage conformément aux dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, ce qu'elle n'a pas fait.

La SASU Lola produit cependant un courrier du 23 septembre 2019 aux termes duquel l'adjoint au maire délégué à l'urbanisme de la ville d'[Localité 7] l'informe que le local faisant l'objet du bail dont s'agit, antérieurement occupé par un commerce de fleuriste, n'avait jamais eu la destination de logement.

Cette information a été confirmée par le même service aux termes d'un courrier adressé au conseil de la bailleresse le 12 mars 2020.

Le document administratif édité par l'administration fiscale le 28 février 2022 et produit par l'appelante, intitulé 'évaluation foncière des propriétés bâties - locaux professionnels', mentionne bien que le local est affecté à l'usage commercial catégorie MAG 1 - boutique et magasin sur rue. Ce local porte le n° INVAR 001 0071275 D.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la mise à jour mentionnée sur ce document au 24 juin 2017 ne porte pas sur l'affectation.

Sur le relevé de propriété au 1er janvier 2016 produit par la bailleresse, le local portant le n° INVAR 001 0071275 D apparaît déjà comme ayant une affectation commerciale.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu qu'aucune nullité ne pouvait être encourue de ce chef.

L'appelante prétend d'autre part avoir été trompée sur la conformité du local à sa destination contractuelle, et en particulier sur sa capacité à recevoir du public, faisant valoir que la bailleresse n'a effectué aucune démarche pour vérifier la conformité du projet avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées et avec les règles de sécurité, qu'un rapport du bureau Veritas du 20 août 2018 révèle 7 points de non-conformité de l'installation électrique alors qu'il lui avait été affirmé que l'électricité avait été récemment remise aux normes, qu'aucun système d'extraction des odeurs et d'air pollué n'a été installé, que l'absence de communication, par la bailleresse, lors de la conclusions du bail, de la liste des travaux réalisés et envisagés, rendue obligatoire par l'article L.145-40-2 du code de commerce, démontre le désir de la bailleresse de cacher l'état réel du local, de sorte que le dol est constitué.

L'article 2 du bail intitulé 'entretien - réparations' comporte la clause suivante :

'De stipulation expresse, tous les travaux prescrits par l'administration concernant la mise aux normes des installations électriques, de gaz, de désenfumage, de secours d'urgence, de chauffage ou de cuisine, ainsi que l'exécution des travaux pour faciliter l'accès aux handicapés sont à la charge du preneur.'

En présence d'une telle clause, librement négociée entre les parties, rédigée de façon explicite, et qui ne prive pas de sa substance l'obligation de délivrance de la bailleresse dès lors notamment que cette dernière reste tenue des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil conformément à l'article R.145-35 du code de commerce, la preneuse n'a pu se méprendre sur le fait qu'il lui incombait de réaliser d'éventuels travaux de mise aux normes électriques et d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et d'obtenir les autorisations nécessaires pour l'exploitation d'un établissement recevant du public.

L'absence d'un système d'extraction est en outre un fait apparent dont la preneuse a pu se convaincre en visitant le local.

Il n'est par ailleurs aucunement établi que le local livré par la bailleresse, dans lequel la preneuse a effectivement exercé son activité de saladerie, confection, vente à emporter et livraison de salades et repas froids, pendant plus de deux ans, sans s'inquiéter de l'absence de système d'extraction, était impropre à sa destination contractuelle, étant relevé que s'agissant de la mise aux normes de l'installation électrique, les sept préconisations contenues dans le rapport du bureau Veritas concernent les travaux mineurs que la preneuse pouvait facilement réaliser en exécution de la clause de transfert précitée, et que s'agissant de l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, il n'est produit aucun justificatif concernant la nécessité de travaux et leur nature.

L'appelante sera en conséquence déboutée de sa demande principale tendant à faire juger le bail commercial nul pour vice du consentement et de ses demandes en restitution et indemnitaires qui en découlent et portant sur :

- 47 mois de loyer (à parfaire au jour de la décision rendue) soit la somme de 44 462 euros, outre 624 euros au titre des charges,

- 5995,41 euros au titre de l'assurance du local,

- 1892 euros au titre de la caution versée,

- 2270 euros au titre des honoraires de l'agence ISP,

- 613,44 euros TOM et TF,

- 3614 euros au titre de la CFE,

- 65 000 euros au titre de la perte du fonds de commerce,

- 285 868 euros au titre de la perte d'exploitation depuis le 5 novembre 2018.

Sur la demande subsidiaire de l'appelante en résiliation du bail aux torts de la bailleresse:

À l'appui de cette demande, la SASU Lola reproche à la bailleresse de ne pas lui avoir remis en annexe du contrat de bail les diagnostics et inventaires obligatoires et en particulier l'état des risques naturels, miniers et technologiques prévu par l'article L.125-5 du code de l'environnement.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, le bail signé par la représentante de la SASU Lola mentionne que sont annexés au contrat le diagnostic de performance énergétique, l'état des risques naturels et technologiques et le dossier technique amiante.

Il est ainsi suffisamment établi que la preneuse a eu communication d'un tel document, la circonstance que l'exemplaire produit par la bailleresse à la présente procédure ne soit pas paraphé est inopérante à établir la preuve contraire.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SASU Lola de sa demande à ce titre.

Sur les demandes au titre des préjudices subis par la preneuse :

- condamnation de la bailleresse à payer à la SASU Lola la somme de 640 euros au titre des charges injustifiée :

La SASU Lola indique avoir réglé la somme de 16 euros par mois au titre des provisions sur charges de juin 2016 à août 2019, ce qui n'est pas contesté par la bailleresse.

Mme [S] ne produisant aucun compte de régularisation charges conforme aux dispositions des articles L.145-40-2 et R.145-36 du code de commerce, elle sera condamnée à restituer les provisions versées, soit la somme de 624 euros (16 x 39 mois).

- condamnation de la bailleresse à remettre le local en état suite aux sinistres :

L'appelante rappelle avoir subi deux dégâts des eaux en 2018 imputables à la bailleresse ainsi qu'un débordement d'eaux usées début novembre 2018, lié à un problème d'évacuation, à la suite duquel elle a cessé son activité.

Elle indique qu'un nouveau dégât des eaux s'est produit le 24 juin 2020, ayant donné lieu à l'intervention d'un plombier mandaté par l'agence immobilière, qui a réparé la fuite sans reboucher l'ouverture pratiquée dans le mur pour accéder à la canalisation.

Elle signale un dernier dégâts des eaux survenu le 22 janvier 2025.

La bailleresse justifie par la production de factures avoir remédié aux causes des sinistres intervenus en 2018.

S'agissant du sinistre intervenu fin janvier 2025, l'appelante produit un constat amiable de dégâts des eaux établi entre elle-même et la locataire du premier étage le 7 février 2025 dont il ressort que la cause de la fuite a été identifiée et réparée et que l'origine des dégâts est située chez la locataire du premier.

La réparation des éventuels dommages résultant de ce sinistre ne relève donc pas de la bailleresse.

Il ressort cependant d'un procès-verbal de constat établi le 3 février 2025 par une commissaire de justice mandaté par l'appelante que la bailleresse n'a jamais fait reboucher l'ouverture pratiquée par son plombier dans la cloison le 4 août 2020.

S'agissant des traces d'humidité relevées dans le local, la bailleresse fait valoir à juste titre que la SASU Lola ayant cessé toute exploitation depuis le 5 novembre 2018, le local souffre d'un manque d'aération et de chauffage qui contribue à sa dégradation.

La bailleresse sera condamnée à procéder à la seule remise en état de la cloison percée par son plombier le 4 août 2020.

- condamnation de la bailleresse à procéder à l'installation d'un système d'extraction des fumées et odeurs, à effectuer les travaux prescrits par l'administration concernant la mise aux normes des installations électriques, de gaz, de désenfumage, de secours d'urgence, de chauffage ou de cuisine, ainsi que l'exécution des travaux pour faciliter l'accès aux handicapés :

Ces travaux étant expressément mis à la charge du preneur par le bail, et la SASU Lola ne justifiant pas d'une demande de l'administration portant sur des gros travaux au sens de l'article 606 du code civil, cette demande sera rejetée.

- condamnation de la bailleresse à son obligation de délivrance d'un CREP et à dommages et intérêts pour préjudice d'exposition au plomb :

La SASU Lola se plaint de l'absence de remise, lors de la signature du bail, d'un constat de risque d'exposition au plomb (CREP).

Il résulte de l'article L.1334-7 du code de la santé publique que le CREP ne doit être établi que lorsque le local loué est affecté en tout ou en partie à l'habitation et a été construit avant le 1er janvier 1949.

L'appelante ne démontre pas que ces deux conditions cumulatives sont réunies en l'espèce et sera en conséquence déboutée de ses demandes à ce titre.

- condamnation de la bailleresse à effectuer les travaux de désamiantage complets en sus de ceux effectués le 7 décembre 2018 et dommages et intérêts pour préjudice d'exposition à l'amiante :

Le diagnostic amiante annexé au bail du 30 mars 2016 mentionne la présence d'amiante dans un conduit d'évacuation d'eaux usées en fibrociment situé dans un placard de la pièce principale et préconise simplement une évaluation périodique.

La SASU Lola a fait effectuer une nouvelle expertise par le bureau d'étude Delta conseils, qui confirme le 3 juillet 2018 la présence d'amiante sur ce seul conduit et préconise une action corrective de second niveau.

Par courrier du 31 juillet 2018, les services de santé publique de la ville d'[Localité 7], dont l'intervention avaient été sollicitée par la locataire, ont demandé à l'agence ISP, mandataire de la bailleresse, un diagnostic exhaustif de repérage amiante de la canalisation qui avait subi, depuis le DTA du 30 mars 2016, des détériorations, et qu'il conviendrait de remplacer à terme en respectant la procédure 'amiante'.

La bailleresse s'est conformée à ces demandes puisqu'elle a fait réaliser un dossier technique amiante le 11 septembre 2018 par la société [Adresse 8] qui confirme la préconisation d'une action corrective de second niveau, et a fait retirer et remplacer le 7 décembre 2018 le conduit en fibrociment situé dans le placard par la société Arvi travaux, entreprise qualifiée pour les travaux de désamiantage, dans le respect des procédures réglementaires applicables, ainsi qu'il ressort du rapport complet de fin de travaux établi le 8 février 2019, attestant en particulier de l'absence de fibres d'amiante en suspension dans l'air.

Il ne ressort d'aucune de ces pièces la nécessité de procéder à des travaux de désamiantage complémentaires.

En l'absence de démonstration d'un manquement de la bailleresse à ses obligations à ce titre, l'appelante sera déboutée de ses demandes.

- condamnation de Mme [M] [S] à régler à la SASU Lola la somme de 5 037,48 euros au titre des travaux effectués par ses soins affectant le local :

Les seuls justificatifs produits par l'appelante à l'appui de cette réclamation sont des tickets de caisse du magasin Castorama pour un montant total de 2186,28 euros pour des matériels et matériaux de bricolage.

Il n'est aucunement établi que ces achats correspondent à des travaux incombant à la bailleresse en application des clauses du bail qui ne laissent à la charge de cette dernière que les gros travaux de l'article 606 du code civil.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SASU Lola de ce chef de demande.

- condamnation de Mme [M] [S] à régler à la SASU Lola la somme de 954,60 euros au titre des frais de déménagements à envisager :

Outre le fait que les procès-verbaux de constat versés aux débats par la preneuse font apparaître que les locaux loués sont totalement vides de tout mobilier, le bail n'est ni annulé, ni résilié aux torts de la bailleresse de sorte que la demande au titre d'un déménagement à envisager n'est pas justifiée.

- condamnation de Mme [M] [S] à régler à la SASU Lola la somme de 420 euros au titre des frais de dépose du climatiseur avec récupération du gaz :

Par courrier du 23 septembre 2019, les services de l'urbanisme ont mis en demeure la locataire de retirer le nouveau climatiseur posé en façade par ses soins ou de régulariser la situation par le dépôt d'une déclaration préalable.

La circonstance qu'un ancien climatiseur était déjà en place lors de son entrée dans les lieux ne dispensait pas la preneuse de respecter les règles d'urbanisme pour procéder à son remplacement et ne saurait transférer sur la bailleresse la responsabilité des conséquences de l'infraction.

Il ressort en outre des termes du courrier précité que la SASU Lola pouvait régulariser la situation par le simple dépôt d'une déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la réception de la mise en demeure, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait.

Le jugement sera également confirmé sur le rejet de cette demande.

Sur l'appel incident de la bailleresse :

Mme [S] ne développe aucun moyen à l'appui de sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé la clause d'indexation prévoyant une révision uniquement à la hausse du loyer. Cette disposition sera en conséquence confirmée.

S'agissant de la disposition du jugement ayant condamné Mme [S] à payer à la SASU Lola la somme de 1000 euros au titre des pertes d'exploitation et de marchandises, les deux parties en demandent l'infirmation dans le dispositif de leurs écritures, et la SASU Lola est déboutée, par la présente décision, de sa prétention à ce titre, qui n'est formulée en cause d'appel que comme une conséquence de la nullité du contrat de bail.

Ce chef de jugement sera en conséquence infirmé.

Aux termes du dispositif de ses conclusions, la demande de Mme [S] en paiement d'une somme de 76058, 40 euros TTC représentant 67 mois de loyers et charges, est formé 'au titre de l'indemnité d'occupation des lieux'.

Le bail n'étant ni annulé ni résilié, l'appelante n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation.

Ce chef de demande sera en conséquence rejeté, il appartiendra à la bailleresse de recouvrer les sommes dues au titre des loyers et charges.

Sur l'intervention de la société EOS et les demandes accessoires :

Il sera donné acte à la société EOS de son intervention volontaire en qualité de représentant-recouvreur du Fonds commun de titrisation Fedinvest III représenté par la société France titrisation, venant aux droits de la Société générale, assignée en qualité de créancier inscrit, en vertu d'une cession de créances du 19 novembre 2024.

Partie succombante sur l'essentiel, la SASU Lola sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles au profit des parties intimée et intervenante, comme il sera dit au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Donne acte à la société EOS de son intervention volontaire en qualité de représentant-recouvreur du Fonds commun de titrisation Fedinvest III représenté par la société France titrisation, venant aux droits de la Société générale,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné Mme [M] [S] à payer à la SASU Lola les sommes de 528 euros au titre des provisions sur charges injustifiées et 1000 euros au titre des pertes d'exploitation et de marchandises,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne Mme [M] [S] à restituer à la SASU Lola la somme de 624 euros au titre des provisions sur charges injustifiées,

Condamne Mme [M] [S] à procéder à la remise en état de la cloison percée par son plombier le 4 août 2020,

Déboute la SASU Lola du surplus de ses demandes,

Déboute Mme [S] de sa demande en paiement d'une somme de 76058, 40 euros au titre d'une indemnité d'occupation,

Condamne la SASU Lola à payer à Mme [S] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à la société EOS la somme de 1000 euros sur le même fondement,

Condamne la SASU Lola aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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