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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 13 juin 2025, n° 22/18817

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Axecibles (SAS), Locam Location Automobiles Materiels (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme de La Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Olibé, Me Apelbaum, Me Migaud

T. com. Paris, du 15 juin 2022, n° 20220…

15 juin 2022

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 juin 2022 qui a :

- condamné Mme [T] [I] à payer à la société Locam location automobiles matériels ('société Locam') la somme de 1.584 euros augmentée des intérêts calculés aux taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points à compter du 6 août 2018,

- condamné Mme [I] à payer à la société Locam la somme de 12.000 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2018,

- débouté la société Locam de sa demande de restitution du site internent objet du contrat,

- condamné Mme [I] à verser à la société Axecibles la somme de 2.000 euros à la société Locam la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- dit mal fondées les parties dans leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [I] de ses dépens,

- ordonné l'exécution provisoire ;

Vu l'appel du jugement interjeté par Mme [I] le 4 novembre 2022 ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 février 2025 pour Mme [I] afin d'entendre :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

à titre principal,

- juger nul le contrat d'abonnement et de location de solution internet conclu entre Mme [I] et la société Axecibles le 1er mars 2018,

- juger caduc le contrat conclu le 1er mars 2018 entre Mme [I] et la société Locam,

à titre subsidiaire,

juger que la résolution du contrat d'abonnement et de location de solution internet est intervenue aux torts exclusifs de la société Axecibles,

- juger résolu les contrats conclus entre Mme [I] et les sociétés Axecibles et Locam le 1er mars 2018,

en tout état de cause,

- condamner la société Axecibles à payer la somme de 442,80 euros,

- condamner la société Locam à payer la somme de 9.315,52 euros augmentée des intérêts courus au taux légal entre professionnels à compter du jour de leur paiement, les sommes étant capitalisées, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

subsidiairement,

- juger manifestement excessif la clause pénale insérée dans le contrat conclu le 1er mars 2018 et réduire le montant de la clause pénale à l'euro symbolique,

- condamner corrélativement la société Locam à payer la somme de 9.314,52 euros augmentée des intérêts courus au taux légal entre professionnels à compter du jour de leur paiement, les sommes étant capitalisées, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Axecibles à transférer à Mme [I] le nom de domaine 'avocat-Pérussel-paoli.fr' dans les 8 jours de la décision à intervenir, sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard,

- condamner la société Axecibles à payer à la somme de 30.000 euros au titre de dommages et intérêts, montant majoré des intérêts au taux légal entre professionnels, à compter du 25 juin 2018, les sommes étant capitalisées, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Axecibles à payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour la première que pour la seconde instance,

- condamner la société Axecibles aux entiers dépens de première et seconde instance, en ce compris les frais de médiation ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 février 2025 pour la société Axecibles, afin d'entendre, en application de l'article 9 du code de procédure civile :

- juger la société Axecibles recevable et bien fondée en ses écritures,

- confirmer le jugement déféré du tribunal de commerce en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [I] en l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [I] à verser la somme 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [I] aux entiers dépens ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 avril 2023 pour la société Locam location automobiles matériels, afin d'entendre, en application des articles 1103, 1104 et 1352-3 du code civil :

- juger la société Locam recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger Mme [I] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il condamne Mme [I] à payer à la société Locam la somme de 12.000 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2018,

- condamner Mme [I] au paiement de la somme de 20.908,80 euros et ce avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L 441-6 du code de commerce) et ce à compter de la date de la mise en demeure le 6 août 2018,

- ordonner l'anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1352-3 du code civil,

- condamner Mme [I] au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [I] aux entiers dépens de la présente instance.

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Il sera succinctement rapporté que Mme [I], avocate, a été démarchée le 1er mars 2018 par la société Axecibles pour la création et la mise ligne d'un site professionnel ainsi que son référencement avant de souscrire, le 2 mars suivant un 'contrat d'abonnement et de location de solution internet' ainsi qu'un 'contrat de location de site Web' offerts par la société Locam moyennant le versement de 48 mensualités de 336 euros TTC, le site Web sous le nom de domaine 'Avocat-perussel-paoli.fr' ayant fait l'objet d'une livraison électronique acceptée le 22 mars 2018.

Déplorant des erreurs de mentions sur son site les 24 mars, 23 et 26 avril 2018, Mme [I] a suspendu le versement des mensualités avant de dénoncer le contrat à la société Axecibles le 25 juin 2018, puis le 13 mars 2019, Mme [I] a mis en demeure la société Axecibles de suspendre la mise en ligne de son site avant de l'assigner à cette fin devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, lequel a rejeté la demande selon une ordonnance du 31 octobre 2019.

Par ailleurs, la société Locam a assigné le 15 mars 2019 Mme [I] devant le tribunal de grande instance de Versailles pour le paiement des mensualité échues et impayées ainsi que l'indemnité de résiliation et la clause pénale, cette juridiction ayant décidé de renvoyer la connaissance de l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris saisi de l'assignation que Mme [I] a fait délivrer à la société Axecibles pour entendre voir prononcer la nullité du contrat fourniture du site ou subsidiairement, sa résolution, et la voir condamner à des dommages et intérêts.

1. Sur la nullité du contrat de prestation numérique

En liminaire, la cour relève qu'aux termes des conclusions des parties, il n'est pas contesté que Mme [I] est fondée à discuter la fourniture de la prestation sur le fondement du code de la consommation et il est par ailleurs rappelé que la formation du contrat le 2 mars 2018 justifie que soient visées ci-dessous les dispositions du code de la consommation en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022.

- tirée du dol dans la souscription du contrat de location financière

Mme [I] conteste le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle a régulièrement souscrit le contrat de location financière en soutenant à nouveau que la signature et le tampon de son cabinet sur le contrat, distinct de celui de la fourniture du site, ont été apposés par surprise au moyen de leur reproduction avec un feuillet carbone.

Cette affirmation n'est cependant pas vraisemblable alors que les pièces n°1 et n°2 produites par la société Axecibles établissent la preuve que les cartouches où sont apposés le tampon et la signature de Mme [I] ne sont pas situés aux mêmes emplacements en pied de page du 'contrat d'abonnement et de location de solution internet' et de celui du 'contrat de location de site Web', de sorte que le moyen sera rejeté.

- tirée du bénéfice du droit de rétractation

Mme [I] conteste encore le jugement en ce qu'il a écarté le bénéfice du droit de rétractation dont elle se prévaut à nouveau.

Il est rappelé les termes des dispositions du code de consommation suivantes :

Article L. 221-5

Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

(...)

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

article L. 221-7

La charge de la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel.

article L. 221-18

Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

article L. 221-28

Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :

1° De fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;

(...)

3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;

(...)

13° De fourniture d'un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation.

Ainsi que le relève la société Axecibles, la fourniture de site web entre dans le champ des exclusions de l'article L. 221-228 1°, 3° et 13°, et tandis qu'il résulte des termes du contrat de fourniture la preuve que Mme [I] a été informée et a renoncé au droit de rétractation dans les conditions de l'article L. 221-5 5° précité, le moyen sera aussi écarté.

- tirée de la violation de l'obligation générale d'information précontractuelle

Il est rappelé les termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation

Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

(...)

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

(...)

Il est constant que le contrat de fourniture de services numériques souscrit le 2 mars 2018 ne comporte aucune spécification du site Web ni celle relative à ses modalités de référencement, le cahier des charges étant établi entre les parties le 5 mars suivant, de sorte que, si simple que soit le développement d'un site Web ainsi que ses modalités de référencement, le consentement de Mme [I] prise en sa qualité de consommateur n'a pu être valablement éclairé et donné pour la fourniture de ces prestations à défaut de disposer des informations essentielles qui entraient dans les prévisions de l'article L. 111-1 1° et 5°, de sorte que pour ce motif, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la nullité du contrat, laquelle sera prononcée de ce chef ci-dessous.

2. Sur les conséquences de la nullité du contrat de fourniture

- entre Mme [I] et la société Axecibles

Aux termes de ses conclusions, la société Axecibles ne conteste pas avoir reçu de Mme [I] la somme de 442,80 euros au titre de l'exécution de leur contrat de fourniture du site, de sorte que par l'effet de la nullité retenue ci-dessus, la prestataire sera condamnée à restituer cette somme.

Il suit encore de la nullité que Mme [I] dispose du nom de domaine 'avocat-Pérussel-paoli.fr' et tandis que son indisponibilité actuelle n'est pas rapportée, il convient de la débouter de sa 'demande en restitution'.

Il n'est enfin pas démontré la preuve d'un quelconque préjudice qui serait résulté d'une perte de chance ou d'atteinte à l'image ou encore celle d'un préjudice moral en raison du délai avec lequel la société Axecibles a retiré le site de sa mise en ligne ou du référencement de celui-ci sur les moteurs de recherche sur Internet, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes de dommages et intérêts.

- entre Mme [I] et la société Locam

Il est rappelé les termes de l'article 1186 du code civil selon lesquels :

Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

Pour conclure à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Mme [I] à payer l'indemnité de résiliation, mais dont elle réfute cependant la requalification en clause pénale et dont elle réclame la pleine application, la société Locam n'élève aucun moyen outre ou contre les conséquences de la caducité du contrat de location financière souscrit et dont Mme [I] est bien fondée à se prévaloir.

D'autre part, aux termes de ses conclusions, la société Locam ne conteste pas ni même ne discute les preuves que Mme [I] met aux débats établissant qu'elle a acquitté des frais inhérents à la saisie attribution mise à exécution forcée du contrat de location financière par la bailleresse pour la somme totale de 9.315,52 euros, de sorte qu'il convient de faire droit à cette demande avec intérêts au taux légal à compter du jour du prélèvement de chacune de ces sommes sur le compte de Mme [I] et capitalisation des intérêts par année échue dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 4 février 2025, date de la première demande de ce chef.

3. Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les sociétés Locam et Axecibles succombant à l'action, le jugement sera infirmé en ce qu'il a tranché les frais irrépétibles et les dépens, et statuant à nouveau de ces chefs y compris en cause d'appel, elles seront condamnées aux dépens, partagés par moitié. Enfin, il est équitable de condamner la société Axecibles à payer à Mme [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

INFIRME le jugement en toute ses dispositions déférées, sauf celle qui a débouté Mme [T] [I] de ses demandes de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du contrat de fourniture de site Web passé le 2 mars 2018 entre Mme [T] [I] et la société Axecibles ;

CONDAMNE la société Axecibles à verser à Mme [T] [I] la somme de 442,80 euros ;

PRONONCE la caducité du contrat de financement passé le 2 mars 2018 entre Mme [T] [I] et la société Locam location automobiles matériels ;

CONDAMNE la société Locam location automobiles matériels à payer à Mme [T] [I] la somme de 9.315,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement et capitalisation à compter du compter du 4 février 2025 ;

CONDAMNE les sociétés Axecibles et Locam location automobiles matériels aux dépens de première instance et d'appel partagés par moitié ;

CONDAMNE la société Axecibles à payer à Mme [T] [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

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