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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 12 juin 2025, n° 24/03581

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/03581

12 juin 2025

N° RG 24/03581 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JZDL

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 12 JUIN 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2024006606

Tribunal de commerce de Rouen du 08 octobre 2024

APPELANTS :

Monsieur [I] [S]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 18]

[Adresse 5]

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Claire BROUILLER de la SELEURL MBC AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN

S.A.S.U. CMF RENOVATION

[Adresse 16]

[Localité 9]

représentée et assistée par Me Claire BROUILLER de la SELEURL MBC AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Association CAISSE CONGES INTEMPERIES BTP DU NORD OUEST

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée et assistée par Me Stéphanie BOULLEN, avocat au barreau de ROUEN

PARTIE INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. [K] [H]

Mandataire judiciaire [Adresse 2]

[Localité 7]

Non constituée bien que régulièrement assignée par voie de commissaire de justice le 31 octobre 2024 à personne morale.

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Mme VANNIER, présidente de chambre

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et entendu à l'audience en ses conclusions.

DEBATS :

A l'audience publique du 25 mars 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2025 puis prorogé à ce jour.

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 juin 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société CMF Rénovation exerce une activité de travaux de bâtiment, rénovation, second 'uvre. Son siège social est sis [Adresse 14], au domicile de son associé unique et gérant, Monsieur [I] [S].

Conformément aux articles D. 3141-12 et suivants du code du travail, la société CMF Rénovation s'est affiliée à l'association Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest et y est adhérente depuis le 1er avril 2021.

Par ordonnance datée du 16 mai 2024, le juge délégué du tribunal de commerce de Rouen a enjoint à la société CMF Rénovation de payer à l'association Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest la somme de 4 385,16 euros au titre des cotisations dues, outre les frais de greffe. L'ordonnance a été signifiée à la société CMF Rénovation selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

Le 8 août 2024, le greffier du tribunal de commerce de Rouen a établi un certificat de non-opposition.

L'association Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest a tenté de faire exécuter l'ordonnance d'injonction de payer en pratiquant une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société CMF Rénovation auprès de la banque Crédit Mutuel. Cette voie d'exécution s'est avérée vaine eu égard au solde débiteur des comptes de la société CMF Rénovation.

Par acte d'huissier de justice en date du 11 septembre 2024, l'association Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest a fait assigner la société CMF Rénovation devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de constater l'état de cessation des paiements de son débiteur, du prononcé de l'ouverture d'une procédure collective à son encontre. L'huissier de justice a dressé un procès-verbal de recherches infructueuses en application de l'article 659 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire en date du 8 octobre 2024, le tribunal de commerce de Rouen a :

- constaté l'état de cessation des paiements ;

- prononcé la liquidation judiciaire de : CMF Rénovation (SAS), [Adresse 15] ;

- fixé au 8 octobre 2023 la date de cessation des paiements ;

- nommé en qualité de juge-commissaire Madame [G] [J] ;

- nommé en qualité de liquidateur : SELARL [K] [H], mission conduite par Me [K] [H], [Adresse 4] ;

- dit n'y avoir lieu de faire application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée ;

- invité les salariés à désigner, le cas échéant, un représentant au sein de l'entreprise conformément aux dispositions des articles L. 621-4 et R. 621-14 du code de commerce ;

- dit que la SELARL [K] [H], mission conduite par Me [K] [H], devra établir la liste des créances déclarées avec ses propositions dans le délai de douze mois à compter du présent jugement ;

- désigné SAS CG2M, [Adresse 11], aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente décision ;

- dit que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur seront exercés par Monsieur [I] [S] ;

- fixé à 24 mois le délai au terme duquel la clôture devra être examinée ;

- passé les dépens en frais privilégiés.

La société CMF Rénovation et Monsieur [I] [S] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 octobre 2024.

La société CMF Rénovation a saisi le premier président de la cour d'appel de Rouen aux fins de suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement.

Par ordonnance de référé datée du 8 janvier 2025, le premier président de la cour d'appel de Rouen a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Le dossier a été communiqué au ministère public.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 10 mars 2025, la société CMF Rénovation et Monsieur [I] [S] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 8 octobre 2024 en ce qu'il a :

* constaté l'état de cessation des paiements ;

* prononcé la liquidation judiciaire de CMF Rénovation [Adresse 17] ;

* fixé au 8 octobre 2023 la date de la cessation des paiements ;

* nommé en qualité de juge-commissaire Madame [G] [J] ;

* nommé en qualité de liquidateur la SELARL [K] [H], [Adresse 3] ;

* dit n'y avoir lieu de faire application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée ;

* invité les salariés à désigner, le cas échéant, un représentant au sein de l'entreprise conformément aux dispositions des articles L. 621-4 et R. 621-14 du code de commerce ;

* dit que la SELARL [K] [H], mission conduite par Me [K] [H], devra établir la liste des créances déclarées avec ses propositions dans le délai de douze mois à compter du présent jugement ;

* désigné SAS [Adresse 13]M [Adresse 12] aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L. 622-6 du code de commerce dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente décision ;

* dit que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur seront exercés par Monsieur [I] [S] ;

* fixé à 24 mois le délai au terme duquel la clôture devra être examinée ;

* passé les dépens en frais privilégiés.

Statuant à nouveau :

- débouter la Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest de sa demande de constat d'état de cessation des paiements de la société CMF Rénovation ;

- dire n'y avoir lieu à condamnation de quiconque sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 février 2025, l'association Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que la Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest entend s'en remettre à justice ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 8 octobre 2024 en ce qu'il a constaté l'état de cessation des paiements de la SAS CMF Rénovation ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 8 octobre 2024 en ce qu'il a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS CMF Rénovation.

En conséquence, statuant à nouveau,

- prononcer, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SAS CMF Rénovation ;

- fixer la date de cessation des paiements au maximum légal des 18 mois de la date de l'arrêt à venir ;

- confirmer les mandats des organes de la procédure désignés par jugement du tribunal de commerce de Rouen en date du 8 octobre 2024 ;

- ordonner l'emploi des dépens et frais irrépétibles en frais privilégiés de la procédure;

En tout état de cause,

- condamner la SAS CMF Rénovation à payer à la Caisse Congés Intempéries BTP Nord-Ouest la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS CMF Rénovation aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 mars 2025, le ministère public demande à la cour de :

- voir constater qu'à ce jour l'entreprise est en état de cessation de paiement et en conséquence ordonner son redressement judiciaire avec date de cessation des paiements au 11 septembre 2024, cette date correspondant à la délivrance de l'assignation ;

- procéder au maintien des mandats des organes de la procédure ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2025.

Par note en délibéré en date du 13 mai 2025, le conseil de la société CMF Rénovation a exposé que la société disposait d'une somme de 365 703 € issue de règlements opérés par son principal client, la société Edf mais que cette information n'avait été communiquée par le mandataire judiciaire qu'à l'issue de l'audience, qu'elle est en mesure de justifier du règlement intégral de la somme de 6 933,22 € somme due à la CIBTP NO, cette dette ayant été à l'origine de la procédure collective. Elle ajoute que la société n'est pas en état de cessation des paiements, que si ce règlement a été tardif c'est en raison de l'attitude la banque dans laquelle est ouvert le compte de la société, la banque ayant débloqué tardivement le compte alors que l'arrêt de l'exécution provisoire avait été prononcé.

Compte tenu de cette note en délibéré, il a été demandé au Ministère Public et autres parties leurs observations.

Le Ministère Public a requis le 23 mai 2025 qu'il plaise à la Cour de constater que la société est à nouveau in bonis.

Le conseil de CIBTP a indiqué le 26 mai 2025 que nonobstant l'affirmation du règlement de la dette par la société en cause, elle n'avait reçu aucune somme ni sur le compte Carpa ni directement entre les mains de la Caisse de Congés et qu'il était toujours due une somme de 5 560, 21 € et qu'elle entendait maintenir ses demandes présentées le 24 février 2025.

Pour un exposé détaillé des demandes et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur l'ouverture d'une procédure collective

Le tribunal de commerce de Rouen a constaté l'état de cessation des paiements et a prononcé la liquidation judiciaire de la société CMF Rénovation au regard de la créance de la CIBTP qui n'était pas réglée, les mesures de recouvrement étant demeurées vaines, et constatant que la société n'était plus joignable et que son dirigeant ne s'était pas manifesté.

La société CMF Rénovation et son dirigeant ont conclu à l'infirmation du jugement faisant valoir que la société ne se trouvait pas en état de cessation des paiements était à jour de ses dettes fiscales, que ses créances clients s'élevaient au 31 décembre 2023 à 194 952 €, que son compte bancaire avait été bloqué en raison de l'ouverture de la procédure, situation qui avait perduré malgré la décision d'arrêt de l'exécution provisoire mais qu'elle continuait à exécuter des chantiers, que seul la procédure empêchait le paiement des factures.

La CIBTP a fait valoir qu'elle avait tenté en vain de recouvrer sa créance, que la société en cause n'avait jamais essayé de régler sa dette et opposait un mutisme le plus absolu, qu'au jour de l'assignation en première instance la société continuait à employer deux salariés, que l'encaissement des créances clients demeurait incertain, que la société affirmait être à jour de ses dettes fiscales sans en apporter la preuve, que sa créance s'élevait au 21 février 2025 à la somme de 5 560,21 € mais qu'elle s'en remettait à l'appréciation de la Cour pour apprécier l'existence ou non de la cessation des paiements.

Selon l'article L 631-1 du code de commerce, la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L 321-2 ou L 631-3 qui dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en état de cessation des paiements.

La cessation des paiements est appréciée le jour où statue la juridiction, même en cause d'appel.

La charge de prouver que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible incombe au créancier qui demande l'ouverture de la procédure.

En l'espèce, les appelants nonobstant la note en délibéré qu'ils ont adressée à la Cour n'établissent pas le règlement de la créance de la CIBTP, cependant il est établi que la société dispose depuis le début de l'année 2025 d'une somme de 365 703 €, son principal client, la société EDF ayant procédé à divers règlements qui ont pu être reversés sur le compte bancaire dont la société est titulaire. Il n'est pas connu de passif autre que celui déclaré par la CIBTP. La débitrice ne se trouve donc pas dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, il convient par conséquent d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de dire n'y avoir lieu au prononcé de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Chacune des parties gardera à sa charge ses frais irrépétibles.En revanche les dépens de première instance et d'appel resteront à la charge des appelants qui ne se sont manifestés que devant la Cour pour faire connaître leur situation et ce tardivement, obligeant leur créancier qui avait tenté d'autres moyens de recouvrement en vain, à les assigner devant la juridiction commerciale.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort , par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Constate que la société CMF rénovation ne se trouve pas en état de cessation des paiements.

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à son encontre.

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.

Condamne M.[I] [S] et la société CMF Rénovation aux entiers dépens.

La greffière, La présidente,

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