CA Colmar, ch. 1 a, 4 juin 2025, n° 24/03476
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 260/25
Copie exécutoire à
- Me Raphaël REINS
Copie à M. le PG
Arrêt notifié aux parties
Le 04.06.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 04 Juin 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/03476 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IMIM
Décision déférée à la Cour : 11 Septembre 2024 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - Chambre commerciale
APPELANTS :
Monsieur [O] [E]
[Adresse 1]
S.A.S. TROJA HOLDING, en redressement judiciaire, prise en la personne de son gérant M. [E] [O]
[Adresse 4]
Représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. MJ EST, prise en la personne de Me [Y] [N], mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING
[Adresse 2]
non représentée, assignée par le commissaire de justice à personne habilitée le 27.01.2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mai 2025, en chambre du conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
Ministère Public :
représenté lors des débats par M. VARBANOV, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les conclusions écrites ont été communiquées aux parties.
ARRET :
- Réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La SAS TROJA HOLDING est une société présidée par Monsieur [O] [E], immatriculée au RCS de MULHOUSE depuis le 18 octobre 2017 (sous le numéro SIREN 831 415 294), ayant pour objet social l'exploitation d'une activité de souscription, achat, vente et gestion de titres ou de droits sociaux de toute société cotée ou non cotée, de réalisation de prestations de services, toutes opérations de trésorerie avec les sociétés ayant avec elle directement ou indirectement des liens de capital, acquisition, gestion et développement de marques et brevets et enfin d'acquisition et de gestion d'immeubles de participations dans les SCI.
Le 4 juin 2024, le Procureur de la République de MULHOUSE saisissait la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE afin de faire constater l'état de cessation des paiements et d'obtenir l'ouverture d'une procédure collective à son encontre, au motif que la SAS TROJA HOLDING était redevable d'importantes dettes fiscales et sociales.
La SAS TROJA HOLDING n'était ni comparante, ni représentée à l'audience du 11 septembre 2024, le président de la société ayant sollicité en vain un renvoi sur présentation d'un arrêt maladie.
Par jugement réputé contradictoire du 11 septembre 2024, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE prononçait le redressement judiciaire de la SAS TROJA HOLDING, conformément aux dispositions des articles L.631-1 et suivants du code de commerce et du règlement communautaire 2015/848 du 20 mai 2015, relatif aux procédures d'insolvabilité.
La chambre commerciale ordonnait le maintien de l'activité pendant toute la période d'observation, qu'elle ouvrait pour une durée de 6 mois jusqu'au 11 mars 2025 et fixait provisoirement la date de cessation des paiements au 1er janvier 2024.
Par déclaration au greffe le 20 septembre 2024, la SAS TROJA HOLDING et son gérant, M. [O] [E], ont interjeté appel du jugement du 11 septembre 2024 et, en parallèle, ont saisi la première présidente de la Cour d'appel de COLMAR d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE.
Par ordonnance de référé du 4 décembre 2024, la présidente de chambre de la Cour d'appel de COLMAR, agissant sur délégation de Madame la première présidente, a rejeté cette demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement déféré.
Dans leurs dernières écritures datées du 28 avril 2025, transmises par voie électronique le même jour, accompagnées d'un bordereau de pièces qui n'a pas fait l'objet de contestation, la SAS TROJA HOLDING et M. [O] [E] demandent à la cour de bien vouloir :
'DECLARER l'appel formé par la SAS TROJA HOLDING, en redressement judiciaire et
son gérant M. [O] [E] régulier, recevable et bien fondé,
DECLARER les demandes des concluants recevables et bien fondées, y FAIRE DROIT
FAIRE DROIT à l'ensemble des demandes des concluants,
DECLARER les irrecevables, en tous cas mal fondées, les demandes de la SELARL MJ EST, prise en la personne de Me [Y] [N], es qualité de mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING en redressement judiciaire & Mme ou M. le Procureur Général près la Cour d'Appel de COLMAR
DEBOUTER la SELARL MJ EST, prise en la personne de Me [Y] [N], es qualité
de mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING en redressement judiciaire & Mme ou
M. le Procureur Général près la Cour d'Appel de COLMAR, intimés, de l'ensemble de leurs
demandes.
A titre principal : ANNULER la décision entreprise - RENVOYER la présente affaire devant une juridiction de 1ère instance impartiale, autrement composée
A défaut, et/ou si la Cour entend évoquer cette affaire, STATUER comme suit - INFIRMER
la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions, soit en ce que les 1ers Juges ont statué comme suit :
' OUVRE la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS TROJA HOLDING
' FIXE provisoirement au 01/01/2024 la date de cessation des paiements
' OUVRE une période d'observation de 6 mois jusqu'au 11 mars 2025
' DIT que l'activité se poursuivra de plein droit tant qu'il ne sera pas mis fin à la période d'observation
' DESIGNE la SELARL MJ EST mandataire judiciaire prise en la personne de Me [Y] [N] et lui impartit un délai de 13 mois à compter de l'ouverture de la procédure pour établir la liste prévue à l'article L.631-18 du Code de Commerce
' DESIGNE Mme [L] [Z] et M. [X] [I] en qualité de juges commissaires
' INVITE la ou les personnes désignées par le Comité Social et économique ou à défaut les salariés à désigner au sein de l'entreprise un représentant des salariés qui sera élu par vote secret au scrutin uninominal à un tour et exercera la mission prévue à l'article L.625-2 ou le cas échéant à l'article L.621-4 du Code de Commerce,
' DIT que pendant la durée de la période d'observation, l'activité sera poursuivie par la débitrice qui devra établir un projet de plan de redressement de l'entreprise, conformément aux dispositions des articles L.626-2 à L.626-8 du Code de Commerce,
' DIT que pendant la durée de la période d'observation l'activité sera poursuivie par la débitrice qui devra établir un projet de plan de redressement de l'entreprise, conformément aux dispositions des articles L.626-2 à L.626-8 du Code de Commerce,
' RENVOIE l'affaire à l'audience du mercredi 27 novembre 2024 à 08h30 au Tribunal Judiciaire de MULHOUSE [Adresse 3] à laquelle il sera statué au vu du rapport du commissaire et du mandataire judiciaire sur la poursuite de l'activité en vue de l'élaboration d'un plan de redressement de l'entreprise ou sur son arrêt et la liquidation judiciaire,
' INVITE la SAS TROJA HOLDING ainsi que les représentants des salariés à se présenter à ladite audience,
' DIT que les mentions et formalités de publicité prévues par les articles R.621-6 à R.621-8, R531-12 du Code de Commerce seront accomplies à la diligence du greffier,
' DIT que le présent jugement prendra effet à compter de ce jour et qu'il sera exécutoire de plein droit à titre provisoire conformément à l'article R.661-1 du Code de Commerce,
DIT que les dépens seront liquidés en frais privilégiés de redressement judiciaire.
DEBOUTER les intimés de l'ensemble de leurs demandes, y compris s'agissant d'un éventuel
appel incident,
DIRE que la mesure de redressement judiciaire ordonnée, affectant la société concluante est
devenue sans objet, n'a plus lieu d'être,
ORDONNER la fin de cette mesure
LAISSER les frais et dépens de 1ère instance et d'appel à la charge du Trésor public.'
Au soutien de leur cause, les appelants exposent que':
- Monsieur [F], l'un des juges consulaires ayant statué en première instance, est un ancien expert-comptable de la société KPMG, avec laquelle la SAS TROJA HOLDING a collaboré pendant plusieurs années, de sorte que cette situation constituerait un conflit d'intérêt manifeste au regard des règles de récusation des articles L.111-6 du code de l'organisation judiciaire, L.722-13 du code de commerce et 341 du code de procédure civile,
- les dettes actualisées de la SAS TROJA HOLDING n'excéderaient pas ses capacités de trésorerie, de sorte qu'elle serait en mesure d'apurer son passif exigible et qu'en conséquence, elle ne serait pas en état de cessation des paiements.
A la requête de la SAS TROJA HOLDING et de Monsieur [O] [E], par acte de commissaire de justice délivré le 27 janvier 2025 à personne habilitée à la SELARL MJ EST, prise en la personne de Maître [Y] [N] mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING, les appelants ont signifié la déclaration d'appel du 20 septembre 2024, l'avis de déclaration d'appel du 11 octobre 2024, le récapitulatif de la déclaration d'appel du 15 octobre 2024, l'ordonnance rendue par le président de chambre le 7 janvier 2025, l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 7 janvier 2025, l'avis de convocation aux avocats, leurs conclusions d'appel du 19 décembre 2024 et leurs conclusions récapitulatives du 22 janvier 2025, accompagnées de leur bordereau de pièces.
La SELARL MJ EST, prise en la personne de Maître [Y] [N], mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING, ne s'est pas constituée intimée.
Dans des écrits datés du 15 avril 2025, transmis par voie électronique le 22 avril 2025 aux appelants, Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Colmar a sollicité de la cour, qu'elle confirme le jugement déféré.
Lors des débats du 5 mai 2025, le gérant de la société appelante a précisé être en contentieux avec la société KPMG, et notamment son représentant, qui était intervenu comme juge consulaire et avoir confié le dossier à son avocat pour étudier la possibilité d'aller au contentieux.
La cour a autorisé les appelants à produire, lors du délibéré, les correspondances qui ont pu être échangées avec un avocat sur ce sujet.
Par une note en délibéré déposée le 19 mai 2025, les appelants ont produit un email transmis à Monsieur [F] et au conseil de l'appelante le 20 mai 2021, ainsi que des copies d'échanges entre la société et KPMG, évoquant des échanges avec Monsieur [F].
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions,
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 5 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'article L.111-6 du code de l'organisation judiciaire prévoit un certain nombre de cas dans lesquels la récusation d'un magistrat peut être demandée, ou même décidée d'office par ce magistrat, conformément à l'article L.111-7 du même code. Le texte dispose que 'Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d'un juge peut être demandée': ['] 9°'S'il existe un conflit d'intérêts, au sens de l'article 7-1 de l'ordonnance n°58-127 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature'.
La situation de conflit d'intérêt est définie par l'article 7-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, comme 'toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction'.
Un juge ne peut pas siéger dans le cadre d'une affaire, lorsqu'il a des intérêts directs ou indirects et cela sans limite dans le temps.
Les appelants ont produit aux débats, d'une part une annexe 5 comportant des échanges de mails réalisés en mai 2022 et février 2020 entre Monsieur [F], en sa qualité de directeur d'agence KPMG, et la société PINO, représentée par son PDG Monsieur [O] [E], d'autre part une note en délibéré, transmise par voie électronique le 19 mai 2025, à laquelle est joint un échange de mails réalisés en mars et mai 2021 qui rapporte des échanges entre la société appelante et KPMG démontrant que Monsieur [F] était partie prenante.
Dès lors, il est établi que Monsieur [F] connaissait le gérant de la société appelante pour avoir travaillé avec lui, de sorte qu'à minima il existe une situation 'd'interférence' au sens de l'article susvisé, entre l'intérêt de la société et celui du juge consulaire, qui était clairement de nature à créer un sentiment légitime de suspicion chez le justiciable.
En tout état de cause, il convient de veiller de manière scrupuleuse à ce que la justice soit rendue de la manière la plus impartiale et objective, de sorte que la demande en nullité du jugement formulée par les appelants sera accueillie.
Par conséquent, la décision rendue par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE en date du 11 septembre 2024 sera annulée.
Les dépens resteront à la charge du trésor public.
P A R C E S M O T I F S
LA COUR,
DECLARE l'appel interjeté par la SAS TROJA HOLDING et [O] [E] recevable,
ANNULE le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse le 11 septembre 2024,
Y ajoutant,
DIT que les dépens resteront à la charge du trésor public.
LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :
Copie exécutoire à
- Me Raphaël REINS
Copie à M. le PG
Arrêt notifié aux parties
Le 04.06.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 04 Juin 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/03476 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IMIM
Décision déférée à la Cour : 11 Septembre 2024 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - Chambre commerciale
APPELANTS :
Monsieur [O] [E]
[Adresse 1]
S.A.S. TROJA HOLDING, en redressement judiciaire, prise en la personne de son gérant M. [E] [O]
[Adresse 4]
Représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. MJ EST, prise en la personne de Me [Y] [N], mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING
[Adresse 2]
non représentée, assignée par le commissaire de justice à personne habilitée le 27.01.2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mai 2025, en chambre du conseil, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
Ministère Public :
représenté lors des débats par M. VARBANOV, substitut général, qui a fait connaître son avis et dont les conclusions écrites ont été communiquées aux parties.
ARRET :
- Réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La SAS TROJA HOLDING est une société présidée par Monsieur [O] [E], immatriculée au RCS de MULHOUSE depuis le 18 octobre 2017 (sous le numéro SIREN 831 415 294), ayant pour objet social l'exploitation d'une activité de souscription, achat, vente et gestion de titres ou de droits sociaux de toute société cotée ou non cotée, de réalisation de prestations de services, toutes opérations de trésorerie avec les sociétés ayant avec elle directement ou indirectement des liens de capital, acquisition, gestion et développement de marques et brevets et enfin d'acquisition et de gestion d'immeubles de participations dans les SCI.
Le 4 juin 2024, le Procureur de la République de MULHOUSE saisissait la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE afin de faire constater l'état de cessation des paiements et d'obtenir l'ouverture d'une procédure collective à son encontre, au motif que la SAS TROJA HOLDING était redevable d'importantes dettes fiscales et sociales.
La SAS TROJA HOLDING n'était ni comparante, ni représentée à l'audience du 11 septembre 2024, le président de la société ayant sollicité en vain un renvoi sur présentation d'un arrêt maladie.
Par jugement réputé contradictoire du 11 septembre 2024, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE prononçait le redressement judiciaire de la SAS TROJA HOLDING, conformément aux dispositions des articles L.631-1 et suivants du code de commerce et du règlement communautaire 2015/848 du 20 mai 2015, relatif aux procédures d'insolvabilité.
La chambre commerciale ordonnait le maintien de l'activité pendant toute la période d'observation, qu'elle ouvrait pour une durée de 6 mois jusqu'au 11 mars 2025 et fixait provisoirement la date de cessation des paiements au 1er janvier 2024.
Par déclaration au greffe le 20 septembre 2024, la SAS TROJA HOLDING et son gérant, M. [O] [E], ont interjeté appel du jugement du 11 septembre 2024 et, en parallèle, ont saisi la première présidente de la Cour d'appel de COLMAR d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE.
Par ordonnance de référé du 4 décembre 2024, la présidente de chambre de la Cour d'appel de COLMAR, agissant sur délégation de Madame la première présidente, a rejeté cette demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement déféré.
Dans leurs dernières écritures datées du 28 avril 2025, transmises par voie électronique le même jour, accompagnées d'un bordereau de pièces qui n'a pas fait l'objet de contestation, la SAS TROJA HOLDING et M. [O] [E] demandent à la cour de bien vouloir :
'DECLARER l'appel formé par la SAS TROJA HOLDING, en redressement judiciaire et
son gérant M. [O] [E] régulier, recevable et bien fondé,
DECLARER les demandes des concluants recevables et bien fondées, y FAIRE DROIT
FAIRE DROIT à l'ensemble des demandes des concluants,
DECLARER les irrecevables, en tous cas mal fondées, les demandes de la SELARL MJ EST, prise en la personne de Me [Y] [N], es qualité de mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING en redressement judiciaire & Mme ou M. le Procureur Général près la Cour d'Appel de COLMAR
DEBOUTER la SELARL MJ EST, prise en la personne de Me [Y] [N], es qualité
de mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING en redressement judiciaire & Mme ou
M. le Procureur Général près la Cour d'Appel de COLMAR, intimés, de l'ensemble de leurs
demandes.
A titre principal : ANNULER la décision entreprise - RENVOYER la présente affaire devant une juridiction de 1ère instance impartiale, autrement composée
A défaut, et/ou si la Cour entend évoquer cette affaire, STATUER comme suit - INFIRMER
la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions, soit en ce que les 1ers Juges ont statué comme suit :
' OUVRE la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS TROJA HOLDING
' FIXE provisoirement au 01/01/2024 la date de cessation des paiements
' OUVRE une période d'observation de 6 mois jusqu'au 11 mars 2025
' DIT que l'activité se poursuivra de plein droit tant qu'il ne sera pas mis fin à la période d'observation
' DESIGNE la SELARL MJ EST mandataire judiciaire prise en la personne de Me [Y] [N] et lui impartit un délai de 13 mois à compter de l'ouverture de la procédure pour établir la liste prévue à l'article L.631-18 du Code de Commerce
' DESIGNE Mme [L] [Z] et M. [X] [I] en qualité de juges commissaires
' INVITE la ou les personnes désignées par le Comité Social et économique ou à défaut les salariés à désigner au sein de l'entreprise un représentant des salariés qui sera élu par vote secret au scrutin uninominal à un tour et exercera la mission prévue à l'article L.625-2 ou le cas échéant à l'article L.621-4 du Code de Commerce,
' DIT que pendant la durée de la période d'observation, l'activité sera poursuivie par la débitrice qui devra établir un projet de plan de redressement de l'entreprise, conformément aux dispositions des articles L.626-2 à L.626-8 du Code de Commerce,
' DIT que pendant la durée de la période d'observation l'activité sera poursuivie par la débitrice qui devra établir un projet de plan de redressement de l'entreprise, conformément aux dispositions des articles L.626-2 à L.626-8 du Code de Commerce,
' RENVOIE l'affaire à l'audience du mercredi 27 novembre 2024 à 08h30 au Tribunal Judiciaire de MULHOUSE [Adresse 3] à laquelle il sera statué au vu du rapport du commissaire et du mandataire judiciaire sur la poursuite de l'activité en vue de l'élaboration d'un plan de redressement de l'entreprise ou sur son arrêt et la liquidation judiciaire,
' INVITE la SAS TROJA HOLDING ainsi que les représentants des salariés à se présenter à ladite audience,
' DIT que les mentions et formalités de publicité prévues par les articles R.621-6 à R.621-8, R531-12 du Code de Commerce seront accomplies à la diligence du greffier,
' DIT que le présent jugement prendra effet à compter de ce jour et qu'il sera exécutoire de plein droit à titre provisoire conformément à l'article R.661-1 du Code de Commerce,
DIT que les dépens seront liquidés en frais privilégiés de redressement judiciaire.
DEBOUTER les intimés de l'ensemble de leurs demandes, y compris s'agissant d'un éventuel
appel incident,
DIRE que la mesure de redressement judiciaire ordonnée, affectant la société concluante est
devenue sans objet, n'a plus lieu d'être,
ORDONNER la fin de cette mesure
LAISSER les frais et dépens de 1ère instance et d'appel à la charge du Trésor public.'
Au soutien de leur cause, les appelants exposent que':
- Monsieur [F], l'un des juges consulaires ayant statué en première instance, est un ancien expert-comptable de la société KPMG, avec laquelle la SAS TROJA HOLDING a collaboré pendant plusieurs années, de sorte que cette situation constituerait un conflit d'intérêt manifeste au regard des règles de récusation des articles L.111-6 du code de l'organisation judiciaire, L.722-13 du code de commerce et 341 du code de procédure civile,
- les dettes actualisées de la SAS TROJA HOLDING n'excéderaient pas ses capacités de trésorerie, de sorte qu'elle serait en mesure d'apurer son passif exigible et qu'en conséquence, elle ne serait pas en état de cessation des paiements.
A la requête de la SAS TROJA HOLDING et de Monsieur [O] [E], par acte de commissaire de justice délivré le 27 janvier 2025 à personne habilitée à la SELARL MJ EST, prise en la personne de Maître [Y] [N] mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING, les appelants ont signifié la déclaration d'appel du 20 septembre 2024, l'avis de déclaration d'appel du 11 octobre 2024, le récapitulatif de la déclaration d'appel du 15 octobre 2024, l'ordonnance rendue par le président de chambre le 7 janvier 2025, l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 7 janvier 2025, l'avis de convocation aux avocats, leurs conclusions d'appel du 19 décembre 2024 et leurs conclusions récapitulatives du 22 janvier 2025, accompagnées de leur bordereau de pièces.
La SELARL MJ EST, prise en la personne de Maître [Y] [N], mandataire judiciaire de la SAS TROJA HOLDING, ne s'est pas constituée intimée.
Dans des écrits datés du 15 avril 2025, transmis par voie électronique le 22 avril 2025 aux appelants, Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Colmar a sollicité de la cour, qu'elle confirme le jugement déféré.
Lors des débats du 5 mai 2025, le gérant de la société appelante a précisé être en contentieux avec la société KPMG, et notamment son représentant, qui était intervenu comme juge consulaire et avoir confié le dossier à son avocat pour étudier la possibilité d'aller au contentieux.
La cour a autorisé les appelants à produire, lors du délibéré, les correspondances qui ont pu être échangées avec un avocat sur ce sujet.
Par une note en délibéré déposée le 19 mai 2025, les appelants ont produit un email transmis à Monsieur [F] et au conseil de l'appelante le 20 mai 2021, ainsi que des copies d'échanges entre la société et KPMG, évoquant des échanges avec Monsieur [F].
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions,
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 5 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'article L.111-6 du code de l'organisation judiciaire prévoit un certain nombre de cas dans lesquels la récusation d'un magistrat peut être demandée, ou même décidée d'office par ce magistrat, conformément à l'article L.111-7 du même code. Le texte dispose que 'Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d'un juge peut être demandée': ['] 9°'S'il existe un conflit d'intérêts, au sens de l'article 7-1 de l'ordonnance n°58-127 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature'.
La situation de conflit d'intérêt est définie par l'article 7-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, comme 'toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction'.
Un juge ne peut pas siéger dans le cadre d'une affaire, lorsqu'il a des intérêts directs ou indirects et cela sans limite dans le temps.
Les appelants ont produit aux débats, d'une part une annexe 5 comportant des échanges de mails réalisés en mai 2022 et février 2020 entre Monsieur [F], en sa qualité de directeur d'agence KPMG, et la société PINO, représentée par son PDG Monsieur [O] [E], d'autre part une note en délibéré, transmise par voie électronique le 19 mai 2025, à laquelle est joint un échange de mails réalisés en mars et mai 2021 qui rapporte des échanges entre la société appelante et KPMG démontrant que Monsieur [F] était partie prenante.
Dès lors, il est établi que Monsieur [F] connaissait le gérant de la société appelante pour avoir travaillé avec lui, de sorte qu'à minima il existe une situation 'd'interférence' au sens de l'article susvisé, entre l'intérêt de la société et celui du juge consulaire, qui était clairement de nature à créer un sentiment légitime de suspicion chez le justiciable.
En tout état de cause, il convient de veiller de manière scrupuleuse à ce que la justice soit rendue de la manière la plus impartiale et objective, de sorte que la demande en nullité du jugement formulée par les appelants sera accueillie.
Par conséquent, la décision rendue par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de MULHOUSE en date du 11 septembre 2024 sera annulée.
Les dépens resteront à la charge du trésor public.
P A R C E S M O T I F S
LA COUR,
DECLARE l'appel interjeté par la SAS TROJA HOLDING et [O] [E] recevable,
ANNULE le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse le 11 septembre 2024,
Y ajoutant,
DIT que les dépens resteront à la charge du trésor public.
LA GREFFIÈRE : LE PRÉSIDENT :