CA Bordeaux, 4e ch. com., 12 juin 2025, n° 23/02919
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Tolerie Industrielle Ingenierie (SAS)
Défendeur :
BO SERVICES (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Masson, Mme Jarnevic
Avocats :
Me Lançon, Me Naveilhan
EXPOSE DU LITIGE
1 - La société à responsabilité limitée [B] [O] Services (ci-après [B]) a pour activité la réparation et la vente de différents matériels de manutention et de stockage.
Le 1er septembre 2020, la société par actions simplifiée Tolerie Industrielle Ingenierie (ci-après T2I) a passé commande auprès de la société [B] 78 containers en acier pour un montant de 15 476,40 euros TTC.
Le 10 septembre 2020, la société [B] a adressé une facture d'acompte d'un montant de 7 738,20 euros TTC, réglée par la société T2I.
Le 27 novembre 2020, une facture d'un montant de 7 738,20 euros TTC correspondant au solde de la commande, a été adressée à la société T2I.
Le 11 décembre 2020, un avoir d'un montant de 240 euros TTC a été établi par la société [B] au titre d'un litige sur le transport des containers, ramenant le solde restant dû par la société T2I à la somme de 7 498,20 euros TTC.
La société T2I n'a pas procédé au règlement du solde du marché et a établi une fiche d'action corrective fournisseur, décrivant la non-conformité des produits. Le 11 mai 2021, la société T2I a fait réaliser un constat d'huissier.
Par courrier recommandé du 8 décembre 2021, la société [B] a mis en demeure la société T2I d'avoir à lui régler la somme de 7 498,20 euros TTC, en vain.
2 - Par acte du 9 mars 2022, la société [B] a assigné la société T2I devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 7 498,20 euros TTC et voir ordonner l'anatocisme.
Par jugement du 4 mai 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- Débouté la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS à payer à la société [B] [O] Services SARL une somme de 7 498,20 euros TTC, assortie des pénalités de retard égales à trois fois le taux d'intérêt légal, courant à compter du 9 décembre 2021,
- Ordonné l'anatocisme,
- Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS à payer à la société [B] [O] Services SARL une somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS aux entiers dépens de l'instance,
- Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
Par déclaration au greffe du 20 juin 2023, la SAS Tolerie Industrielle Ingenierie a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la SARL [B] [O] Services.
PRETENTIONS DES PARTIES
3 - Par dernières écritures notifiées par message électronique le 12 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Tolerie industrielle ingenierie demande à la cour de :
Vu les articles 1103, 1104, 1217 et 1231-1 du sode civil ;
- Déclarer la société Tolerie Industrielle Ingenierie recevable et bien fondée en son
appel, dès lors y faisant droit,
En conséquence,
- Infirmer le jugement entrepris en date du 04 mai 2023, en toutes ses dispositions soit en ce qu'il a :
Débouté la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS de l'ensemble de ses demandes,
Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS à payer à la société [B] [O] Services SARL une somme de 7 498,20 euros TTC, assortie des pénalités de retard égales à trois fois le taux d'intérêt légal, courant à compter du 9 décembre 2021 ;
Ordonné l'anatocisme,
Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS à payer à la société [B] [O] Services SARL une somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS aux entiers dépens de l'instance,
Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
Et statuant à nouveau, à titre principal
- Constatant que la Société Tolerie Industrielle Ingenierie apporte la preuve de la non-conformité des bacs vendus par la société [B] [O] Services et ce faisant que la société T2I établit la preuve de l'inexécution fautive du contrat, débouter la société CDS [B] [O] Services de l'intégralité de ses demandes de condamnation de la société Tolerie Industrielle Ingenierie, en ce compris le paiement du solde de facturation à hauteur de 7 498,20 euros ;
- Constatant que la société Tolerie Industrielle Ingenierie est, du fait de la carence fautive de la société [B] [O] Services à remédier à la non-conformité des bacs vendus, fondée à poursuivre l'exécution forcée du contrat, condamner la Société [B] [O] Services à payer la somme de 6 972 euros correspondant aux réparations effectuées par la Société Tolerie Industrielle Ingenierie suivant devis n°2102139 et juger qu'il n'y a lieu d'écarter l'exécution provisoire en la matière ;
A titre subsidiaire et si la Cour ne faisait pas droit à la demande de condamnation de la société CDS pour défaut de délivrance conforme,
- Constatant que la société [B] [O] Services a manqué à son obligation d'information et devoir de conseil à l'égard de la société Tolerie Industrielle Ingenierie, condamner la société [B] [O] Services à l'indemniser de son préjudice à hauteur de 7 498,20 euros ;
En tout état de cause,
- Condamner la Société [B] [O] Services CDS à payer à la Société Tolerie
Industrielle Ingenierie la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de
procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
- Débouter la société CDS [B] [O] Services de l'intégralité de ses demandes,
fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires.
4 - Par dernières écritures notifiées par message électronique le 14 décembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société [O] [B] Services demande à la cour de :
Vu l'article 1103 et 1343-2 du code civil ;
Vu l'article L.441-10 du code de commerce ;
Vu les articles 514 et 700 du code de procédure civile ;
Vu les pièces versées aux débats ;
- Recevoir la société [O] [B] Services en ses conclusions et l'y de'clarer aussi
recevable que bien fondée ;
- Débouter la société Tolerie Industrielle Ingenierie de l'ensemble de ses demandes,
fins et prétentions, en ce qu'elles sont toutes aussi injustifiées qu'infondé'es ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 4 mai 2023 (RG n°2022F00464) en toutes ses dispositions en ce qu'il a :
Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS à payer à la société [B] [O] Services une somme 7 498,20 euros TTC, assortie des pénalités de retard égales à trois fois le taux d'inté'rêts lé'gal, courant à compter du 9 décembre 2021 ;
Ordonné l'anatocisme ;
Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS à payer à la société [O] [B] Services SARL une somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de proce'dure civile ;
Condamné la société Tolerie Industrielle Ingenierie SAS aux entiers dépens de l'instance ;
Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;
Y ajoutant,
- Condamner la société Tolerie Industrielle Ingenierie au paiement d'une somme de
4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- Condamner la société Tolerie Industrielle Ingenierie aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 mars 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les allégations de manquements contractuels imputables à la société [B]
- Sur la délivrance conforme
Moyens des parties
5 - La société T2I fait valoir, au visa des articles 1103, 1104 et 1217 du code civil, que la société [B] a vendu des bacs non conformes au catalogue et que celle-ci a manqué à son obligation de bonne foi. Elle indique que l'utilisation qu'elle a faite des bacs est normale et conforme aux stipulations contractuelles.
6 - La société [B] réplique qu'un constat d'huissier ne suffit pas à établir la non-conformité des bacs livrés et que la société T2I a fait une mauvaise utilisation des bacs, s'agissant à la fois des contraintes de poids par bac et du déchargement des bacs.
Réponse de la cour
7 - Aux termes de l'article 1103 du code civil :
'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.'
Aux termes de l'article 1104 du code civil :
'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.'
En application des dispositions de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
8 - La société T2I relève une double non-conformité au regard des indications du catalogue : elle soutient que les bacs se déforment lorsqu'ils sont superposés et qu'ils ne sont pas adaptés aux chariots élévateurs. Elle affirme que les stipulations contractuelles ne font pas état d'un poids maximal en cas de superposition. Elle en conclut que les containers ne sont pas adaptés au secteur industriel.
9 - Le bon de commande n° 3282 du 1er septembre 2020 mentionne 78 'containers acier bleu 1200x1000x880 MM - Ref HC 1374A'. Le bon de commande correspond au devis, lequel ne fait état d'aucun autre élément descriptif.
La facture du 27 novembre 2000 reprend ces indications en précisant la capacité des containers : 1000 kg. La livraison a été réalisée au cours du mois de décembre 2020.
10 - Le catalogue indique, s'agissant des containers litigieux : 'container acier 1 000 kg - 2 semelles'. Leur description est la suivante : 'Container en tôle. Idéal pour le secteur industriel, stockage des marchandises, dépôt et écoulement de débris. Superposable pour un gain de place à l'intérieur de magasins, dépôt, usines productives.'
11 - Le 12 janvier 2021 la société T2I a sollicité par courriel la société [B] en demandant le nombre de bacs pouvant être empilés. La société [B] a répondu le jour même : 'Les containers ont une capacité de 1000 kg. Le container du bas doit supporter le poids des autres'.
12 - La fiche d'action 'corrective fournisseur' établie par l'appelante et datée du 13 janvier 2021, indique : 'Après 3 semaines d'utilisation, nous constatons un affaissement des cornières pour 3 bacs. Nous ne comprenons pas comment cela peut arriver, la charge dans chaque box ne dépassant pas 800 kg.' Cette fiche, adressée à l'intimée, comporte des clichés photographiques.
13 - La société T2I a par ailleurs fait réaliser un constat d'huissier le 11 mai 2021, dans les locaux du client final, la société Paprec, auquel n'a pas assisté la société [B].
L'intimée ne conteste pas les constatations réalisées par l'huissier mais la cause des désordres observés.
Les clichés photographiques mettent en évidence des déformations des pieds des containers ainsi que des déchirures de la tôle. Le salarié de la société Paprec a expliqué à l'huissier de justice que les pieds des bacs se déformaient au moment du chargement sur les chariots élévateurs et sous la charge des bacs gerbés au-dessus. Il a indiqué à l'huissier 'que les fourches du chariot élévateur doivent être en butée à l'intérieur des pieds pour bloquer le bac et éviter qu'il ne tombe'. Ce salarié a également précisé qu'il ne gerbait pas plus de 4 bacs pleins et que ces derniers étaient retournés pour être vidés.
Ainsi, il ressort des clichés photographiques et des constations de l'huissier de justice que la déformation des pieds est la conséquence du surpoids supporté par les bacs et que la déchirure de la tôle résulte des fourches des chariots élévateurs placées en butée.
14 - ll convient par ailleurs de relever que le fabricant des containers a refusé sa garantie, estimant que les bacs avaient été utilisés de manière non conforme, au regard des chocs visibles de chariot élévateur et des charges excessives.
15 - Dans l'hypothèse d'une superposition de 3 bacs, le poids supporté par le premier bac est de 2616 kilogrammes ; dans l'hypothèse d'une superposition de 4 bacs, le poids supporté par le premier bac est de 3 488 kilogrammes.
16 - Dès lors, il apparaît que les bacs livrés étaient conformes aux stipulations contractuelles, au regard du bon de commande et du catalogue, en l'absence d'indications particulières de l'appelante sur les documents contractuels.
Les désordres constatés sont en lien avec l'utilisation faite par le client des containers, tant en terme de surcharge que de manipulation par les chariots élévateurs. La société [B] n'a pas manqué à son obligation de délivrance ni à son obligation de bonne foi.
Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé de ce chef.
17 - Par suite, il convient de rejeter la demande de la société T2I à la condamnation de la société [B] au paiement de la somme de 6 972 euros, correspondant au montant des réparations des containers.
- Sur l'obligation d'information
Moyens des parties
18 - La société T2I fait valoir à titre subsidiaire, au visa de l'article 1231-1 du code civil, que la société [B] a manqué à deux reprises à son obligation de conseil et d'information : au moment de la vente du produit et lorsqu'elle l'a interrogée sur le caractère superposable des bacs. Elle fait état de la mauvaise foi de sa co-contractante.
Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 7 498,20 euros.
19 - La société [B] relève qu'elle n'a pas été informée que les bacs étaient commandés pour la société Paprec et que la société T2I est un professionnel en matière de tôlerie et d'acier.
Réponse de la cour
20 - Aux termes de l'article 1231-1 du code civil :
'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.'
Aux termes de l'article 1112-1 du code civil :
'[Localité 3] des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.'
21 - La société T2I reproche à la société [B] de ne pas l'avoir alertée sur la nécessité de s'assurer que le poids total des bacs superposés n'excédait pas 1000 kg. Elle relève que le catalogue indique pour ce type de containers : 'idéal pour le secteur industriel, stockage de marchandises, dépôt et écoulement de débris'.
22 - Il apparaît qu'en tant que professionnel et personne avertie, la société T2I devait avertir sa co-contractante de l'usage que son client souhaitait faire des containers. Aucun élément ne permet d'établir que la société T2I ait formulé des besoins particuliers en terme de poids pouvant être supporté ou de manipulation par des chariots, ni que ces informations étaient déterminantes. La société [B] ne pouvait supposer que les bacs allaient faire l'objet d'un retournement.
Par ailleurs, les spécifications du catalogue ne laissent pas présumer que les containers pouvaient supporter un poids supérieur à 1000 kg. Il est en effet clairement indiqué que ceux-ci peuvent supporter un poids de 1000 kg et qu'ils sont superposables 'pour un gain de place'.
En tout état de cause, dans son courriel en réponse en date du 12 janvier 2021, la société [B] a clairement indiqué à la société T2I que le poids maximal de chaque container est de 1 000 kg, le container du bas devant supporter le poids des autres. Ainsi, les contraintes de poids par bac devaient être prises en compte au moment du gerbage.
23 - Enfin, la société T2I relève la mauvaise foi de la société.
Or la société [B] a exécuté complètement ses obligations, sans que soit caractérisée une quelconque mauvaise foi puisqu'elle avait fourni à sa cocontractante, professionnelle avisée, les informations suffisantes pour que celle-ci puisse faire un usage adapté des bacs vendus.
24 - La demande de la société T2I relative à l'indemnisation de son préjudice sera donc rejetée et la décision du tribunal de commerce sera confirmée de ce chef.
Sur les demandes accessoires
25 - Partie succombante, la société T2I sera condamnée aux dépens d'appel et à verser la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 4 mai 2023,
Y ajoutant,
Condamne la société Tolerie Industrielle Ingenierie aux dépens d'appel,
Condamne la société Tolerie Industrielle Ingenierie à verser la somme de 3 500 euros à la société [B] [O] Services sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.