Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 13 juin 2025, n° 23/01223

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Linkt (SAS)

Défendeur :

Sogetra (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme de La Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Cholay, SCP Grappotte Benetreau

T. com. Paris, du 30 nov. 2022, n° 21/25…

30 novembre 2022

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Vu l'appel interjeté le 3 janvier 2023 par la société Linkt du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 novembre 2022 par lequel il a, avec exécution provisoire, débouté la société Linkt de sa demande en condamnation de la société Sogetra à payer la somme de 20.340 euros au titre de la résiliation du contrat de fourniture de service internet, condamné la société Linkt aux dépens et à payer à la société Sogetra somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 19 septembre 2023 pour la société Linkt afin d'entendre, en application des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil et 909 et 954 du code de procédure civile :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Linkt de sa demande en condamnation de la société Sogetra à payer la somme de 20.340 euros au titre de la résiliation du contrat de fourniture de service internet, condamné la société Linkt aux dépens et à payer à la société Sogetra somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- recevoir la société Linkt en son appel et l'en déclarer bien fondée,

- constater que la cour n'est saisie d'aucune demande au titre de l'annulation du contrat et de la demande de résiliation pour faute et de la demande indemnitaire,

- condamner la société Sogetra à payer la somme globale de 20.340 euros HT au titre des frais de résiliation anticipée avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2020,

- débouter la société Sogetra de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Sogetra à payer la somme de 6.000 euros par application de l'article 700 code de procédure civile exposés en première instance, et 5.000 euros exposés en appel,

- condamner la société Sogetra aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

* *

Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 juin 2023 pour la société Sogetra afin d'entendre, en application des articles 9 du code de procédure civile, 1104, 1112-1 et 1170 du code civil :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

subsidiairement,

- débouter la société Linkt de l'ensemble de ses demandes,

- prononcer l'annulation du contrat,

- condamner la société Linkt à payer la somme de 500 euros en réparation du préjudice causé par sa déloyauté dans l'exécution du contrat,

à titre très subsidiaire,

- réduire le montant de la demande de la société Linkt à son préjudice réel,

- prononcer la résiliation du contrat pour faute,

en tout état de cause,

- condamner la société Linkt au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la société d'avocats Grappotte-Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Il sera succinctement rapporté que la société Sogetra, qui exerce une activité de transport et de logistique, a négocié avec la société Linkt, prestataire de services informatiques pour les télécommunications, l'adaptation d'une solution de sécurisation de ses connexions internet puis a souscrit le 28 mars 2019 au bon de commande, assorti de 'spécifications techniques d'accès au service', pour la fourniture d'un service internet par fibre optique de 100 mégabit par seconde pour quatre adresses IP publiques moyennant le versement de la somme mensuelle de 678 euros TTC sur la durée de trois ans.

Le 25 avril 2019, la société Sogetra a indiqué ne pas pouvoir installer avant deux mois les nouveaux par-feu nécessaires à sa connexion au réseau Bolloré Transport & Logistics avec lequel elle réalise son activité, puis après l'installation par la société Linkt de sa ligne fibre de secours le 10 mai 2019, les parties n'ont plus collaboré avant de se rencontrer le 2 juin 2020 puis à la suite d'un courriel du 5 juin 2025 par lequel la société Linkt indiquait à la société Sogetra que 'Le projet de double adduction par 2 opérateurs n'est pas faisable techniquement', les parties ont échangé sur les modalités de résiliation du contrat la dernière fois le 25 juin 2020 avant que le 23 septembre 2020, la société Sogetra ne dénonce cette résiliation au motif qu'aucun procès-verbal d'installation n'a été établi, que d'après un avis de spécialiste, la solution proposée n'était pas compatible avec la commande et qu'enfin, la société Linkt avait elle-même incité à la résiliation du contrat.

Contestant les motifs de cette résiliation, la société Linkt a vainement mis en demeure la société Sogetra, le 30 décembre 2020, de régler l'indemnité contractuelle de résiliation pour la somme de 20.740,97 euros avant l'assigner aux mêmes fins devant la juridiction commerciale le 26 mai 2021.

1. Sur le bien fondé de l'annulation et de la résiliation du contrat

Pour entendre infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation du contrat aux torts de la société Sogetra en application de l'article 14.1 des conditions générales d'utilisation du service, et contester le manquement à son obligation de conseil que la société Sogetra lui reproche au soutien de sa demande en nullité du contrat, la société Linkt relève en premier lieu que la société Sogetra avait défini la nature de la connexion qu'elle souhaitait commander aux termes de son courriel du 21 mars 2019 :

'(') Objet de ma demande lors du 1er RDV:

Prise de contact.

Possibilité de nous fournir un 2ème accès Internet fibre haut débit (100 Mo) totalement indépendant de celui que nous utilisons actuellement Finalité :

Avoir un 2ème opérateur.

En cas de coupure fibre (travaux de voirie etc...) sur l'un des 2 liens, le second sera toujours opérationnel. Donc accès Internet secouru.

Mais également envoi./réception de mail secouru pour les comptes SOGETRA migré Office 365 mais aussi Bolloré [Localité 5] (qui utilise cet accès Internent pour leur messagerie également)

Comme vous le savez, nous avons subit de nombreuses coupures (plus ou moins longues) ces derniers mois et constatons qu'il dorénavant vraiment nécessaire de secourir ce lien.'

La société Linkt déduit que la société Sogetra a prétendu en cours de contrat à une modification de la commande en prétendant à la sécurisation de connexions pour deux opérateurs différents, et ceci, en contravention à ses obligations d'information de la prestataire pour la fourniture du service que les spécifications techniques d'accès au service remises lors de la souscription du contrat, lui mettaient à sa charge et selon lesquelles :

'Il est à remarquer que le dimensionnement et le paramétrage du routeur fourni par LINKT résulte de l'échange d'informations techniques entre le client et le Coordinateur Client désigné par Linkt pour assurer la mise en place du service, le Client s'assure que les informations nécessaires au Coordinateur Client Linkt et transmises à celui-ci ne sont pas erronées. Il est entendu que la transmission par le Client d'informations non-conformes, inexactes, incomplètes entraînant un dysfonctionnement quelconque du Service ne pourra engager la responsabilité de Linkt. Il est également entendu qu'en cas de non-transmission des informations nécessaires pour assurer la mise en place du Service, Linkt effectuera le paramétrage du routeur selon les règles d'ingénierie standard rendant le Service éventuellement non fonctionnel par le Client. Linkt facturera ainsi le Service à la date de livraison contractuelle du Lien d'Accès.

Et pour ce qui concernait les informations nécessaires au bon paramétrage du routeur, la description suivante était donnée à la société Sogetra :

' Le plan d'adressage et la configuration de l'interface Lan,

Le plan d'adressage local du client et la configuration permettant l'adaptation du(es) réseau(x) INTERNE Client tel que :

o La configuration d'une adresse IP du plan d'adressage du réseau local sur le routeur,

o La configuration éventuelle d'un Service DHCP,

Les équipements pouvant déjà être connectés sur le réseau local,

o Utilisation d'un serveur DNS propriété du Client plutôt que celui de Linkt

Mis en place d'un relai DHCP si le Client dispose d'un serveur DHCP (')'

Au demeurant, il suit de l'article 1112-1 du code civil que :

Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

Alors qu'il est constant que la société Sogetra n'est pas spécialisée dans les réseaux de télécommunications électroniques, il est manifeste que la solution de sécurisation de ses abonnements internet devait préalablement faire l'objet d'une évaluation de son réseau par la société Linkt en vue de la conseiller sur l'adaptation de l'offre de sécurisation, dont l'importance déterminante avait un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat, et que les spécifications techniques d'accès au service précitées n'étaient pas de nature à exonérer la prestataire de cette obligation.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la nullité du contrat, de prononcer celle-ci sur le fondement des articles 1112-1 et 1130 du code civil et par cette substitution de fondement, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Linkt de sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle.

2. Sur les dommages et intérêts fondés sur la mauvaise foi de la prestataire

La société Sogetra entend voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de la société Linkt à des dommages et intérêts fondés sur sa mauvaise foi dans la refus de la résiliation du contrat dont elle avait pourtant convenu de la nécessité ainsi que cela résulte des échanges de courriels et en particulier celui du 17 juillet 2020 dans lequel elle indiquait :

'Pour ma part, dans un premier temps, j'ai besoin que vous me fournissiez le montant de vos débours/frais engagés pour l'arrivée de la fibre jusqu'à ma salle informatique de [Localité 5].'

Au demeurant, ces seuls échanges ne caractérisent pas la mauvaise foi de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.

3. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Linkt succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a tranché les dépens et des frais irrépétibles, et statuant de ces chefs en cause d'appel, il convient de la condamner aux dépens et à payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

DÉBOUTE la société Sogetra de sa demande de nullité ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées sauf en ce qu'il a rejeté la nullité du contrat et prononcé sa résiliation ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du contrat ;

CONDAMNE la société Linkt aux dépens ;

CONDAMNE la société Linkt à payer à la société Sogetra la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site