CA Bordeaux, 2e ch. civ., 27 mai 2025, n° 24/04214
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 27 MAI 2025
N° RG 24/04214 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N6JG
SOCIETE COOPERATIVE D'INTERET COLLECTIF AGRICOLE CASTANG
S.E.L.A.R.L. LGA
S.C.P. SCP CBF ASSOCIES
c/
S.E.L.A.R.L. EKIP'
S.C.E.A. LE CHAMP DE MILLET
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 28 mai 2024 par le Juge de la mise en état de LIBOURNE (RG : 23/00288) suivant deux déclarations d'appel des 18 et19 septembre 2024
APPELANTES :
SOCIETE COOPERATIVE D'INTERET COLLECTIF AGRICOLE CASTANG
dont le sigle est SCICA CASTANG, société coopérative à forme anonyme à capital variable au capital de 117.920,00 ', dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bergerac sous le numéro 323 931 857, prise en la personne de son Directeur Général unique, Monsieur [O] [K]
S.E.L.A.R.L. LGA
société d'exercice libéral à responsabilité limitée, au capital de 91.800 ', inscrite sous le n°444 762 330 au Registre du commerce et des sociétés de Bergerac, et dont le siège se situe [Adresse 3], prise en la personne de Maître [G] [P] et agissant ès qualités de mandataire judiciaire de la société SCICA CASTANG en vertu d'un jugement d'ouverture d'un redressement judiciaire rendu le 1er juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Bergerac
S.C.P. CBF ASSOCIES
société civile professionnelle de conseils juridiques, au capital de 15.040 ', inscrite sous le n° 494 003 213 au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse, dont le siège est sis [Adresse 1], prise en la personne de Maître [H] [W] et agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de la société SCICA CASTANG en vertu d'un jugement d'ouverture d'un redressement judiciaire rendu le 1er juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Bergerac
Représentées par Me Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistées de Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. EKIP'
SELARL au capital de 150 000 ', prise en la personne de son représentant légal, Maître [J] [C], domicilié en cette qualité en l'établissement secondaire de [Adresse 5], immatriculé au registre de commerce et des sociétés de LIBOURNE sous le numéro 453 211 393, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société civile d'exploitation agricole LE CHAMP DE MILLET, SCEA au capital de 170 784 ', dont le siège est situé [Adresse 4], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de LIBOURNE sous le numéro 385 191 093, désignée à cette fonction par jugement en date du 16 février 2024 ayant homologué le plan
S.C.E.A. LE CHAMP DE MILLET
société civile d'exploitation agricole dont le siège social est situé [Adresse 4], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Libourne sous le numéro 385 191 093, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentées par Me Anne JOURDAIN de la SELAS CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 01 avril 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
Audience tenue en présence de Mademoiselle [A] [E], attachée de justice et de Mademoiselle [I] [M], étudiante
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
1- La société Coopérative d'intérêt collectif agricole Castang (ci-après la Scica Castang) est constituée sous la forme d'une société coopérative créée par la loi du 5 août 1920 et relevant de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, et possédant certains caractères particuliers qui sont fixés par le livre V du code rural et de la pêche maritime, au premier rang desquels la protection des intérêts des agriculteurs.
L'activité principale de la Scica Castang est le prolongement de la production de ses apporteurs de pommes, par la commercialisation des fruits.
Parmi les apporteurs de la Scica Castang figure la Société civile d'exploitation agricole le champ de Millet (ci-après la Scea le champ de Millet).
2- Estimant que cette dernière ne respectait pas ses obligations et notamment celle de lui apporter la totalité de sa récolte de pommes, la Scica Castang l'a assignée, par acte du 28 février 2023, devant le tribunal judiciaire de Libourne aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 328 973, 38 euros TTC.
Par jugement du 17 février 2023, le tribunal judiciaire de Libourne a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire au bénéfice de la Scea Le Champ de Millet.
La Selarl Ekip' a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte en date du 7 avril 2023, la Scica Castang a appelé en la cause la Selarl Ekip en sa qualité de mandataire de la Scea le Champ de Millet.
Par conclusions d'incident du 21 septembre 2023, la Scea le Champ de Millet a saisi le juge de la mise en état pour obtenir que les demandes de la Scica Castang soient déclarées irrecevables.
Par ordonnance du 28 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Libourne a :
- déclaré irrecevables les demandes de la Scica Castang formées dans son assignation et ses dernières écritures,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 25 juin 2024 pour conclusions éventuelles des parties sur les demandes reconventionnelles de la Scea et son mandataire ou fixation de l'affaire,
- rejeté les demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Scica Castang aux dépens de l'incident.
La société coopérative d'intérêt collectif agricole Castang, la Selarl LGA et la Scp CBF Associés ont relevé appel de l'ordonnance le 18 septembre 2024.
Une deuxième déclaration d'appel a été régularisée le 19 septembre 2024 par la Selarl LGA et la Scp CBF Associés.
Par avis de jonction du 26 septembre 2024, le dossier N° RG 24/04179 a été joint au dossier N°RG 24/04214.
3- Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2025, la Scica Castang, la Selarl LGA et la Scp CBF Associés demandent à la cour d'appel, sur le fondement des articles L622-22, L622-24 et L624-1 du code de commerce:
sur l'appel incident,
- de débouter la Scea Le Champ De Millet de sa demande au titre des dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros,
sur le fond,
- d'infirmer l'ordonnance du 28 mai 2024 en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevables les demandes de la Scica Castang formées dans son assignation et ses dernières écritures,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 25 juin 2024 pour conclusions éventuelles des parties sur les demandes reconventionnelles de la Scea et son mandataire ou fixation de l'affaire,
- rejeté les demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Scica Castang aux dépens de l'incident,
statuant à nouveau,
- de déclarer que la scea Le Champ De Millet doit la somme totale de 417 136,89 euros TTC à la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 328 973,38 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2021 versé par la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 44 328,26 euros TTC au titre des aides et subventions accordées par la scica Castang à la scea Le Champ De Millet,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 43 835,25 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2022 versé par la scica Castang,
- de débouter la scea Le Champ De Millet de l'intégralité de ses demandes,
- de la condamner à payer à la scica Castang la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de la condamner aux entiers dépens de première instance et de la présente instance qui seront recouvrés par application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
4- Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 13 février 2025, la Selarl Ekip', en sa qualité de mandataire de la scea le champ de millet, demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 32 -1, 122,, 559, 561, 564 et 789 du code de procédure civile, L.622-21, I et L.622-17 du code de commerce :
- de dire et de juger irrecevables les sociétés appelantes en leur demande tendant à :
- déclarer que la scea Le Champ De Millet doit la somme totale de 417 136,89 euros TTC à la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 328 973,38 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2021 versé par la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 44 328,26 euros TTC au titre des aides et subventions accordées par la scica Castang à la scea Le Champ De Millet,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 43 835,25 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2022 versé par la scica Castang,
- de rejeter l'appel formé tendant à l'infirmation de la décision en date du 28 mai 2024 rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a :
- déclaré irrecevables les demandes de la scica Castang formées dans son assignation et ses dernières écritures,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 25 juin 2024 pour conclusions éventuelles des parties sur les demandes reconventionnelles de la scea et son mandataire ou fixation de l'affaire,
- rejeté les demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la scica Castang aux dépens de l'incident,
- de confirmer la décision en date du 28 mai 2024 rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Libourne, en l'intégralité de ses dispositions,
à titre reconventionnel,
- de condamner la scica Castang à payer à la scea Champ de Millet une somme de 20 000 euros,
en tout état de cause,
- de débouter les sociétés scica Castang, Selarl LGA et Scp CBF Associes de l'intégralité de leurs demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires,
- de condamner la scica Castang au paiement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes formées par la scica Castang.
5- La scica Castang soutient qu'en application des dispositions de l'article L.622-2 du code de commerce, son action est recevable dès lors qu'elle a déclaré sa créance, et que la publication de la procédure de sauvegarde n'ayant été faite au Bodacc que le 9 mars 2023, soit après la date de l'assignation, la fin de non-recevoir ne peut être admise.
6- La scea le Champ de Millet et son mandataire répliquent que l'assignation devant le juge commissaire a été délivrée postérieurement au jugement de sauvegarde.
Ils soutiennent que les créances de la société demanderesse font l'objet de contestations devant le juge commissaire qui est seul compétent pour en connaître, que l'action de la scica Castang est interdite en application de l'article L.611-21 du code de commerce.
Ils précisent que la scea le Champ de Millet n'est pas en situation de cessation de paiement.
Sur ce
7- Aux termes de l'article L.622-17-I du code civil, 'les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance'.
Selon les dispositions de l'article L.622-21-I du code de commerce, 'le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17, et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent'.
8- Le juge de la mise en état a considéré que l'assignation ayant été délivrée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, qui interdisait les actions en justice de la part des créanciers, les demandes de la scica Castang formées dans son assignation et ses conclusions au fond postérieures étaient irrecevables.
En l'espèce, la procédure de sauvegarde de la scea le Champ de Millet a été ouverte par jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 17 février 2023, et l'assignation en paiement a été délivrée le 28 février 2023.
9- Or, les créances dont se prévaut la scica Castang ont fait l'objet de déclarations et ont été contestées (pièce 15 scica Castang), et ne relèvent donc pas de l'article L.622-17-I du code de commerce.
10- Aux termes de l'article R.621-4 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde prend effet à compter de sa date, et non, contrairement à ce que soutient la scica Castang, à la date de publication du jugement au Bodacc, ce qui équivaudrait à ajouter une condition au texte de loi, étant précisé que la date de publication au Bodacc fait uniquement courir le délai de déclaration des créances.
11- En considération de ces éléments, l'assignation ayant été délivrée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, qui interdisait, comme l'a à juste titre rappelé le juge de la mise en état, les actions en justice de la part des créanciers, les demandes de la scica Castang sont irrecevables.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera donc confirmée.
Sur la demande formée par la scea le Champ de Millet tendant à la condamnation de la scica Castang au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
12- La scea le champ de Millet sollicite la condamnation de la scica Castang à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, au motif que l'appel est abusif et dilatoire.
13- La scica Castang fait valoir le principe du double degré de juridiction et le droit de former appel.
Sur ce,
14- La scea le Champ de Millet ne rapporte pas la preuve de ce que l'appel interjeté par la scica Castang révèle l'intention de nuire de celle-ci.
Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les mesures accessoires.
15- La scica Castang, partie perdante, supportera les dépens de la procédure d'appel et sera condamnée à payer à la scea le Champ de Millet la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de Libourne dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la Selarl Ekip', en sa qualité de mandataire de la société civile d'exploitation agricole le champ de Millet, de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la société Coopérative d'intérêt collectif agricole Castang aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne la société Coopérative d'intérêt collectif agricole Castang à payer à la Selarl Ekip', en sa qualité de mandataire de la société civile d'exploitation agricole le champ de Millet, la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 27 MAI 2025
N° RG 24/04214 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N6JG
SOCIETE COOPERATIVE D'INTERET COLLECTIF AGRICOLE CASTANG
S.E.L.A.R.L. LGA
S.C.P. SCP CBF ASSOCIES
c/
S.E.L.A.R.L. EKIP'
S.C.E.A. LE CHAMP DE MILLET
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 28 mai 2024 par le Juge de la mise en état de LIBOURNE (RG : 23/00288) suivant deux déclarations d'appel des 18 et19 septembre 2024
APPELANTES :
SOCIETE COOPERATIVE D'INTERET COLLECTIF AGRICOLE CASTANG
dont le sigle est SCICA CASTANG, société coopérative à forme anonyme à capital variable au capital de 117.920,00 ', dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Bergerac sous le numéro 323 931 857, prise en la personne de son Directeur Général unique, Monsieur [O] [K]
S.E.L.A.R.L. LGA
société d'exercice libéral à responsabilité limitée, au capital de 91.800 ', inscrite sous le n°444 762 330 au Registre du commerce et des sociétés de Bergerac, et dont le siège se situe [Adresse 3], prise en la personne de Maître [G] [P] et agissant ès qualités de mandataire judiciaire de la société SCICA CASTANG en vertu d'un jugement d'ouverture d'un redressement judiciaire rendu le 1er juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Bergerac
S.C.P. CBF ASSOCIES
société civile professionnelle de conseils juridiques, au capital de 15.040 ', inscrite sous le n° 494 003 213 au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse, dont le siège est sis [Adresse 1], prise en la personne de Maître [H] [W] et agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de la société SCICA CASTANG en vertu d'un jugement d'ouverture d'un redressement judiciaire rendu le 1er juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Bergerac
Représentées par Me Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
et assistées de Me Arnaud CLARAC, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. EKIP'
SELARL au capital de 150 000 ', prise en la personne de son représentant légal, Maître [J] [C], domicilié en cette qualité en l'établissement secondaire de [Adresse 5], immatriculé au registre de commerce et des sociétés de LIBOURNE sous le numéro 453 211 393, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société civile d'exploitation agricole LE CHAMP DE MILLET, SCEA au capital de 170 784 ', dont le siège est situé [Adresse 4], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de LIBOURNE sous le numéro 385 191 093, désignée à cette fonction par jugement en date du 16 février 2024 ayant homologué le plan
S.C.E.A. LE CHAMP DE MILLET
société civile d'exploitation agricole dont le siège social est situé [Adresse 4], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Libourne sous le numéro 385 191 093, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentées par Me Anne JOURDAIN de la SELAS CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 01 avril 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
Audience tenue en présence de Mademoiselle [A] [E], attachée de justice et de Mademoiselle [I] [M], étudiante
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
1- La société Coopérative d'intérêt collectif agricole Castang (ci-après la Scica Castang) est constituée sous la forme d'une société coopérative créée par la loi du 5 août 1920 et relevant de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, et possédant certains caractères particuliers qui sont fixés par le livre V du code rural et de la pêche maritime, au premier rang desquels la protection des intérêts des agriculteurs.
L'activité principale de la Scica Castang est le prolongement de la production de ses apporteurs de pommes, par la commercialisation des fruits.
Parmi les apporteurs de la Scica Castang figure la Société civile d'exploitation agricole le champ de Millet (ci-après la Scea le champ de Millet).
2- Estimant que cette dernière ne respectait pas ses obligations et notamment celle de lui apporter la totalité de sa récolte de pommes, la Scica Castang l'a assignée, par acte du 28 février 2023, devant le tribunal judiciaire de Libourne aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 328 973, 38 euros TTC.
Par jugement du 17 février 2023, le tribunal judiciaire de Libourne a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire au bénéfice de la Scea Le Champ de Millet.
La Selarl Ekip' a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte en date du 7 avril 2023, la Scica Castang a appelé en la cause la Selarl Ekip en sa qualité de mandataire de la Scea le Champ de Millet.
Par conclusions d'incident du 21 septembre 2023, la Scea le Champ de Millet a saisi le juge de la mise en état pour obtenir que les demandes de la Scica Castang soient déclarées irrecevables.
Par ordonnance du 28 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Libourne a :
- déclaré irrecevables les demandes de la Scica Castang formées dans son assignation et ses dernières écritures,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 25 juin 2024 pour conclusions éventuelles des parties sur les demandes reconventionnelles de la Scea et son mandataire ou fixation de l'affaire,
- rejeté les demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Scica Castang aux dépens de l'incident.
La société coopérative d'intérêt collectif agricole Castang, la Selarl LGA et la Scp CBF Associés ont relevé appel de l'ordonnance le 18 septembre 2024.
Une deuxième déclaration d'appel a été régularisée le 19 septembre 2024 par la Selarl LGA et la Scp CBF Associés.
Par avis de jonction du 26 septembre 2024, le dossier N° RG 24/04179 a été joint au dossier N°RG 24/04214.
3- Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2025, la Scica Castang, la Selarl LGA et la Scp CBF Associés demandent à la cour d'appel, sur le fondement des articles L622-22, L622-24 et L624-1 du code de commerce:
sur l'appel incident,
- de débouter la Scea Le Champ De Millet de sa demande au titre des dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros,
sur le fond,
- d'infirmer l'ordonnance du 28 mai 2024 en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevables les demandes de la Scica Castang formées dans son assignation et ses dernières écritures,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 25 juin 2024 pour conclusions éventuelles des parties sur les demandes reconventionnelles de la Scea et son mandataire ou fixation de l'affaire,
- rejeté les demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Scica Castang aux dépens de l'incident,
statuant à nouveau,
- de déclarer que la scea Le Champ De Millet doit la somme totale de 417 136,89 euros TTC à la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 328 973,38 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2021 versé par la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 44 328,26 euros TTC au titre des aides et subventions accordées par la scica Castang à la scea Le Champ De Millet,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 43 835,25 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2022 versé par la scica Castang,
- de débouter la scea Le Champ De Millet de l'intégralité de ses demandes,
- de la condamner à payer à la scica Castang la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de la condamner aux entiers dépens de première instance et de la présente instance qui seront recouvrés par application des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.
4- Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 13 février 2025, la Selarl Ekip', en sa qualité de mandataire de la scea le champ de millet, demande à la cour d'appel, sur le fondement des articles 32 -1, 122,, 559, 561, 564 et 789 du code de procédure civile, L.622-21, I et L.622-17 du code de commerce :
- de dire et de juger irrecevables les sociétés appelantes en leur demande tendant à :
- déclarer que la scea Le Champ De Millet doit la somme totale de 417 136,89 euros TTC à la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 328 973,38 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2021 versé par la scica Castang,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 44 328,26 euros TTC au titre des aides et subventions accordées par la scica Castang à la scea Le Champ De Millet,
- de fixer le montant de la créance et l'admettre au passif de la procédure collective pour la somme de 43 835,25 euros TTC au titre du trop-perçu sur la récolte 2022 versé par la scica Castang,
- de rejeter l'appel formé tendant à l'infirmation de la décision en date du 28 mai 2024 rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Libourne en ce qu'il a :
- déclaré irrecevables les demandes de la scica Castang formées dans son assignation et ses dernières écritures,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 25 juin 2024 pour conclusions éventuelles des parties sur les demandes reconventionnelles de la scea et son mandataire ou fixation de l'affaire,
- rejeté les demandes relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la scica Castang aux dépens de l'incident,
- de confirmer la décision en date du 28 mai 2024 rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Libourne, en l'intégralité de ses dispositions,
à titre reconventionnel,
- de condamner la scica Castang à payer à la scea Champ de Millet une somme de 20 000 euros,
en tout état de cause,
- de débouter les sociétés scica Castang, Selarl LGA et Scp CBF Associes de l'intégralité de leurs demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires,
- de condamner la scica Castang au paiement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mars 2025.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes formées par la scica Castang.
5- La scica Castang soutient qu'en application des dispositions de l'article L.622-2 du code de commerce, son action est recevable dès lors qu'elle a déclaré sa créance, et que la publication de la procédure de sauvegarde n'ayant été faite au Bodacc que le 9 mars 2023, soit après la date de l'assignation, la fin de non-recevoir ne peut être admise.
6- La scea le Champ de Millet et son mandataire répliquent que l'assignation devant le juge commissaire a été délivrée postérieurement au jugement de sauvegarde.
Ils soutiennent que les créances de la société demanderesse font l'objet de contestations devant le juge commissaire qui est seul compétent pour en connaître, que l'action de la scica Castang est interdite en application de l'article L.611-21 du code de commerce.
Ils précisent que la scea le Champ de Millet n'est pas en situation de cessation de paiement.
Sur ce
7- Aux termes de l'article L.622-17-I du code civil, 'les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance'.
Selon les dispositions de l'article L.622-21-I du code de commerce, 'le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17, et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent'.
8- Le juge de la mise en état a considéré que l'assignation ayant été délivrée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, qui interdisait les actions en justice de la part des créanciers, les demandes de la scica Castang formées dans son assignation et ses conclusions au fond postérieures étaient irrecevables.
En l'espèce, la procédure de sauvegarde de la scea le Champ de Millet a été ouverte par jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 17 février 2023, et l'assignation en paiement a été délivrée le 28 février 2023.
9- Or, les créances dont se prévaut la scica Castang ont fait l'objet de déclarations et ont été contestées (pièce 15 scica Castang), et ne relèvent donc pas de l'article L.622-17-I du code de commerce.
10- Aux termes de l'article R.621-4 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde prend effet à compter de sa date, et non, contrairement à ce que soutient la scica Castang, à la date de publication du jugement au Bodacc, ce qui équivaudrait à ajouter une condition au texte de loi, étant précisé que la date de publication au Bodacc fait uniquement courir le délai de déclaration des créances.
11- En considération de ces éléments, l'assignation ayant été délivrée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, qui interdisait, comme l'a à juste titre rappelé le juge de la mise en état, les actions en justice de la part des créanciers, les demandes de la scica Castang sont irrecevables.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera donc confirmée.
Sur la demande formée par la scea le Champ de Millet tendant à la condamnation de la scica Castang au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
12- La scea le champ de Millet sollicite la condamnation de la scica Castang à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, au motif que l'appel est abusif et dilatoire.
13- La scica Castang fait valoir le principe du double degré de juridiction et le droit de former appel.
Sur ce,
14- La scea le Champ de Millet ne rapporte pas la preuve de ce que l'appel interjeté par la scica Castang révèle l'intention de nuire de celle-ci.
Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les mesures accessoires.
15- La scica Castang, partie perdante, supportera les dépens de la procédure d'appel et sera condamnée à payer à la scea le Champ de Millet la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de Libourne dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la Selarl Ekip', en sa qualité de mandataire de la société civile d'exploitation agricole le champ de Millet, de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la société Coopérative d'intérêt collectif agricole Castang aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne la société Coopérative d'intérêt collectif agricole Castang à payer à la Selarl Ekip', en sa qualité de mandataire de la société civile d'exploitation agricole le champ de Millet, la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,