Livv
Décisions

CA Montpellier, ch. com., 17 juin 2025, n° 23/06394

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'aigueliere (SARL)

Défendeur :

Société commerciale de télécommunication (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

M. Graffin, M. Vetu

Avocats :

Me Apollis, Me Kauffmann

T. com. Montpellier, du 6 nov. 2023, n° …

6 novembre 2023

FAITS et PROCEDURE

Le 6 décembre 2017, la SARL L'Aiguelière, exploitant un domaine viticole, a signé quatre contrats avec la SAS Société Commerciale de Télécommunication (la SCT), exerçant sous l'enseigne Cloud Eco, soit:

' un contrat de location de matériels (téléphone fixe, Internet, et de téléphone portable) ;

' un contrat de service « solutions informatiques »

' un contrat de service « téléphonie mobile » ;

' et un contrat de service « téléphonie fixe et accès Web ».

Par lettres du 2 et 3 octobre 2018, la SCT a enregistré la demande de résiliation formulée par la société l'Aigulière le 14 septembre 2018, en lui réclamant le montant de frais à hauteur de 2 707,99 euros TTC au titre de la téléphonie fixe, et 1 296 euros TTC au titre de la téléphonie mobile.

Le 21 juillet 2020, la SCT a mis en demeure la SCEA [Adresse 5] d'avoir à lui payer ces montants et celui de 1 392,90 euros correspondant aux communications de téléphonie fixe et mobile, offrant de ramener sa créance au montant total de 3 800 euros TTC.

Par exploit du 5 novembre 2020, la SCT l'a assignée en paiement devant le tribunal judiciaire de Montpellier. Celui-ci, par jugement du 1er juillet 2021, a constaté le désistement de la SCT de son action et de l'instance.

Puis par exploit du 23 septembre 2021, la SCT l'a assignée devant le tribunal de commerce de Montpellier.

Par jugement contradictoire du 6 novembre 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a :

déclaré bien fondée dans sa demande la SCT à l'encontre de la société l'Aiguelière ;

dit que le consentement des parties n'a pas été vicié ;

déclaré que la société l'Aiguelière a engagé sa responsabilité contractuelle ;

dit que la résiliation anticipée des contrats de téléphone fixe et mobile est intervenue aux torts exclusifs de la société l'Aiguelière ;

débouté la société l'Aiguelière de l'ensemble de ses demandes ;

condamné en conséquence la société l'Aiguelière au paiement à la SCT des sommes suivantes :

- 1 296 euros en principal au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de téléphonie mobile ;

- 2 707,99 euros TTC en principal au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de téléphonie fixe ;

- 856,08 euros TTC en principal au titre du matériel de téléphonie mobile non restitué,

sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

dit que l'exécution provisoire est de droit ;

condamné la société l'Aiguelière au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et condamné la SCT aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 70,87 euros toutes taxes comprises.

Par déclaration du 27 décembre 2023, la SARL L'Aiguelière a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 27 mars 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1130 et suivants du code civil, de l'article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques, des articles 122 et suivants, 699 et 700 du code de procédure civile ainsi que de l'article L. 121-2 du code de la consommation :

d'infirmer le jugement déféré ;

statuant à nouveau,

à titre principal, de juger la SCT irrecevable en ses demandes ;

à titre subsidiaire, de prononcer la nullité de l'ensemble des contrats en cause en raison du dol, ou à défaut, la nullité de l'ensemble des contrats en cause en raison de l'erreur excusable qu'elle a commise ;

à titre très subsidiaire, de débouter la SCT de l'ensemble de ses demandes ;

et en tout état de cause, de la condamner à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 19 juin 2024, la SAS SCT demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code de procédure civile ainsi que de l'article 9 du code de procédure civile, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, en conséquence de débouter la société L'Aiguelière de l'ensemble de ses demandes, et de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 22 avril 2025.

MOTIFS

Aux termes de l'article L 34-2 du code des postes et des communications électroniques :

« La prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L 33-1, pour toutes les demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement.

La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au premier alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans le délai d'un an à compter de la date de leur exigibilité ».

L'article L 32-6 du même code dans sa version applicable au litige défini un service de communications électroniques comme « les prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques ».

La SAS SCT a renoncé à solliciter le paiement des factures de consommation d'un montant de 4 003,99 € TTC tout en maintenant sa demande au titre des indemnités de résiliation stipulées.

Il s'agit d'indemnités dont l'usager est redevable lorsqu'il met fin au service de communications électroniques ; les sommes réclamées ne correspondent pas ainsi à un versement en exécution d'une prestation de communications électroniques, mais à la sanction de l'inexécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles, de sorte que la demande est étrangère dans son objet à la fourniture des prestations de communications électroniques.

L'action en paiement engagée par la SAS SCT est dès lors soumise à la prescription quinquennale de l'action, d'où il suit la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription annale soulevée.

Au fond la société l'Aiguelière appelante soutient que l'anéantissement du contrat principal de services doit conduire à l'anéantissement du contrat de location financière ; que la nullité des contrats qu'elle a souscrits doit être prononcée pour vice du consentement ; qu' en effet elle a été victime d'un dol lequel peut notamment résulter de l'absence de mentions claires sur les contrats à l'aune des articles L 121-1 et -2 du code de la consommation qui prohibe les pratiques commerciales trompeuses, que la société l'Aiguelière a signé les différents contrats de service et de location le 6 décembre 2017 après que l'agent commercial lui eut présenté les économies qu'elle réaliserait alors ; qu'aucun cachet de cette société n'a été porté sur les contrats par l'agent commercial ; que le contrat de service "solutions informatiques" ne comporte aucune description de la convention relative aux prestations, prix, durée, pas plus que de date et qu'il a été signée "en blanc" ; que dès lors le contrat dépourvu d'objet et nul ; que le document intitulé "procès-verbal de livraison-réception" ne comporte que le seul cachet de l'utilisateur sans caractéristiques quant au matériel livré et installé par la société SCT; que les contrats de services de téléphonie fixe et de téléphonies mobile sont totalement muets quant à la donnée contractuelle de la durée de l'abonnement et des contrats de services, la durée minimale de 63 mois celle-ci n'apparaissant libellée que dans des conditions générales de services rédigées de manière peu lisible ; que de même le contrat de location a été renseigné a posteriori, après signature, ce que M. [R], directeur d'agence, a reconnu (cf pièce n° 15) ; et qu'elle a été victime d'un dol ou à tout le moins d'une erreur de fait manifeste.

Mais en premier lieu que l'appelante n'est pas fondée à solliciter le bénéfice des dispositions du code de la consommation, ayant expressément porté mention aux contrats litigieux qu'ils répondaient à des besoins professionnels.

Ensuite la pièce n° 15 invoquée n'est qu'une lettre du 13 décembre 2018 adressé par l'appelante elle-même son assureur et qui se borne à relater des propos qu'elle prête à M. [Y] [R], et non quelque aveu émanant de ce dernier.

La société SCT plaide utilement que l'appelante a signé le 6 décembre 2017 les contrats de téléphonie fixe et accès au Web et la page dédiée au service de téléphonie qui comportent des clauses de renvoi aux termes desquelles celle-ci indique expressément avoir pris connaissance des conditions particulières et des conditions générales, mentions qui figure également sur l'exemplaire de l'appelante, de sorte qu'elle n'a subi aucun défaut d'information et ne peut prétendre avoir ignoré la portée de son engagement et les conditions relatives à la durée et aux modalités de résiliation anticipée.

Les dispositions des articles 9.1 des conditions particulières des services de téléphonie fixe et 15 .1 des conditions particulières de téléphonie mobile sont en caractères lisibles et compréhensibles. Il en va de même l'article 14. 3.2 des conditions particulières de téléphonie fixe et 17 des conditions particulières des services de téléphonie mobile ainsi que du contrat de location dont il était prévu à l'article 11 des conditions générales de location qu'il puisse être cédé au cessionnaire de son choix, soit en l'espèce la BNP Paribas lease group.

Les allégations de signature en blanc des documents ne peuvent être davantage retenus, les exemplaires produits par l'appelante elle-même comportant la mention du prix des prestations et des indications sur l'objet de chaque contrat passé, d'où il suit le rejet de la demande d'annulation du contrat pour dol, réticence dolosive, ou erreur la substance.

Il convient de relever à cet égard que l'âge du souscripteur, soit 80 ans au moment des contrats, est insuffisant à caractériser l'existence d'un vice du consentement, l'intimée faisant valoir de surcroît sans être contredite est toujours dirigeant à l'âge de 88 ans.

S'agissant du moyen tiré de l'absence de justification dans le principe et dans le montant des indemnités de résiliation, la société l' Aiguelière soutient que la société SCT n'a pas exécuté les prestations convenues et qu'elle n'a jamais justifié du montant détaillé des factures qu'elle prend pour référence ni le nombre de mois qu'elle prend en compte pour le calcul de son indemnité de résiliation.

Mais les prétendus dysfonctionnements et des "nombreux désagréments subis pendant six mois" ne sont apparus qu'avec la lettre de rupture de résiliation des engagements contractuels du 14 septembre 2018 où elle les déplore pour la première fois sans les avoir jamais fait constater, de sorte que l'appelante n'établit pas les manquements allégués de la part de son cocontractant ; elle n'est pas fondée à se dispenser du paiement d'une indemnité de résiliation pour sortie anticipée des contrats.

S'agissant des modalités du calcul du montant des frais de résiliation en cas de sortie anticipée du contrat celui-ci est clairement prévu aux conditions particulières et générales des contrats.

En définitive le jugement déféré sera entièrement confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

En application de l'article 700 du code procédure, rejette la demande de la SARL l'Aiguelière et la condamne à payer à la société SCT la somme de 3000€.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site