CA Bordeaux, 4e ch. com., 27 mai 2025, n° 23/03277
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 27 MAI 2025
N° RG 23/03277 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLBZ
S.A.S. VPN FRANCE
c/
Monsieur [E] [C]
SARL LABENNE AUTOMOBILES
Société WESTON NV
Nature de la décision : APPEL ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 30 mai 2023 (R.G. 2023R00041) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2023
APPELANTE :
S.A.S. VPN FRANCE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Margaux ALBIAC de la SAS DELTA AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur [E] [C], né le 14 Septembre 1971 à [Localité 6]( 33), de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Maître Hélène SEURIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
SARL LABENNE AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 9]
Représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assitée de Maître Aurélie LAZNTERNIER de la SELARL ACBC, avocat au barreau de PAU
Société WESTON NV, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8] (Belgique)
Représentée par Maître Michel DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 mars 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE:
1- La SAS VPN France et la société de droit belge Weston NV ont pour activité la vente de véhicules automobiles.
La SARL Labenne Automobiles, courtier en automobiles, est un intermédiaire sur le marché de la vente des véhicules d'occasion au profit de la société VPN France et de la société Weston NV.
Par contrat du 1er juillet 2020, M. [E] [C] a été embauché en qualité de directeur commerce de la société VPN France.
M. [C] a démissionné de son poste le 20 juillet 2022, avec un préavis de trois mois.
Le 19 octobre 2022, la société de droit belge Weston NV a embauché M. [C] en qualité de Chief sales officer.
Par actes du 20 janvier 2023, la société VPN France a fait assigner M. [C], la société Labenne Automobiles et la société Weston NV devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux pour voir prononcer des mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques de concurrence déloyales de la société Weston NV à son égard et obtenir leur condamnation in solidum à titre provisionnel à des dommages et intérêts.
2- Par ordonnance du 30 mai 2023, le juge des référés a :
- débouté la société Weston NV de sa demande de nullité de l'assignation délivrée à son encontre par la société VPN France,
- retenu sa compétence et débouté M. [C] de sa demande,
- dit irrecevables les conclusions et pièces de la société Weston NV,
- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société VPN France,
- débouté la société VPN France de sa demande de dommages et intérêts et l'a invitée à mieux se pourvoir au fond,
- condamné la société VPN France à payer à la société Labenne Automobiles et à M. [C] la somme de 3 000 euros chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Weston NV,
- condamné la société VPN France aux dépens.
En substance, le juge des référés a considéré, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, que les pratiques de concurrence déloyale n'étaient pas précisément démontrées par la société VPN France, qu'elles étaient sérieusement contestées par les défendeurs, et que la demande portant sur l'indemnisation des préjudices subis par la société VPN France ne relevait pas de la matière du référé.
3- Par déclaration au greffe du 10 juillet 2023, la société VPN France a relevé appel de cette décision énonçant les chefs expressément critiqués, intimant M. [C], la SARL Labenne et la société Weston NV.
Par arrêt du 29 janvier 2024, la cour a prononcé la réouverture des débats et a renvoyé l'affaire devant le président de chambre aux fins de voir statuer sur la demande visant à voir constater la caducité de la déclaration d'appel formée par la société VPN France à l'encontre de l'ordonnance de référé de Mme la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux du 30 mai 2023 et subsidiairement, d'en voir prononcer la nullité de la signification.
Par ordonnance du 31 octobre 2024, le président de chambre a:
- rejeté les demandes de la société Weston NV, tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel de la société VPN France, et subsidiairement la nullité de la signification de cette déclaration d'appel;
- dit que seule la cour d'appel dispose du pouvoir juridictionnel pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [C],
- condamné la société Weston NV à payer à la société VPN France la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
4- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 28 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société VPN France, demande à la cour de :
Vu les articles 112 et suivants ; 145 et 873 du code de procédure civile,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu les articles L. 151-1, 151-4 2°, 151-6, 152-1, 152-3, 152-4 du code de commerce,
Vu l'article 647-1 du code de procédure civile,
A titre liminaire,
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture fixée le 13 novembre 2023 au jour de l'audience des plaidoiries,
En conséquence,
- recevoir la société VPN en son action et la déclarer bien-fondée,
- prononcer la recevabilité de ses demandes tant à l'égard de la société Weston NV, que M. [C], et la société Labenne Automobiles,
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 30 mai 2023 par Mme le président du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'elle :
- a dit n'y avoir lieu à référé sur ses demandes,
- l'a condamnée à régler à la société Labenne Automobiles et à M. [C] une somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Statuant de nouveau,
En premier lieu,
- Prononcer les mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques de concurrence manifestement déloyales et à la violation du secret des affaires subies par la société VPN France et notamment :
Ordonner à la société Weston NV et à son président ainsi qu'à Monsieur [C], sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la restitution, le non-usage et la destruction, ce sous contrôle de commissaire de justice, des fichiers clients, fournisseurs, analyse financière, méthode de commercialisation et stratégie de développement détournés au préjudice de la société VPN France ;
Ordonner à la société Weston NV et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement, et à Monsieur [C], l'interdiction d'utiliser lesdits fichiers ou toute copie qui aurait pu être conservées, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;
Interdire à la société Weston NV et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement de vendre les véhicules achetés par l'intermédiaire de la Société Labenne Automobiles, en cours de livraison, ou non encore revendus, identifiés par les opérations de constat de Maître [P] du 12 décembre 2022 et de Maître [N] les 16 et 17 novembre 2022, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée, dans l'attente du jugement à intervenir sur le fond par le tribunal de commerce de Bordeaux ou accord des parties ;
En second lieu,
- Ordonner à la société Weston et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement :
- de communiquer les factures d'achat de chaque véhicule acquis par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, visés par les procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 16 et 17 novembre 2022 et 12 décembre 2022,
- d'en justifier la date de livraison, et de communiquer les éventuelles factures de revente des véhicules correspondant ;
- et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
- Ordonner à la société Labenne Automobiles, de communiquer l'ensemble des factures de commission émises à l'attention de la Société Weston NV à compter du 12 décembre 2022, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
- Ordonner à la Société Weston et à Monsieur [C] de communiquer l'intégralité des factures de commissions réglées par la première à ce dernier, et le grand livre comptable correspondant, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
En tout état de cause,
- Condamner in solidum la société Weston NV, la société Labenne Automobiles et Monsieur [C] au règlement d'une somme de 40 000 euros à la société VPN au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens en ce incluent ceux engagés pour la traduction des actes en langue néerlandaise et pour la réalisation des constats de d'Huissier de justice préalable à la présente instance.
5- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 23 janvier 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Weston NV, demande à la cour de :
Au fond,
Vu les articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile
Vu l'arrêt avant dire droit du 29 janvier 2024 et l'ordonnance présidentielle du 31 octobre 2024,
- Confirmer l'ordonnance de référé frappée d'appel en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
- Débouter la Société VPN France de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la Société Weston NV.
- La condamner à payer à la Société Weston NV une indemnité de procédure de 10 000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en
tous les dépens.
6- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 28 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Labenne Automobiles, demande à la cour de :
Vu les articles 145, 559 et 873 du code de procédure civile,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les faits relatés et le contexte de l'affaire,
Vu l'ordonnance attaquée du 30 mai 2023,
Vu les pièces communiquées,
- Débouter la société VPN France de ses demandes de réformation de l'ordonnance de référé rendue le 30 mai 2023, et les rejeter,
A cet effet,
- Rejeter toutes les demandes de la société VPN France s'agissant des mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques de concurrence manifestement déloyales et à la violation du secret des affaires que la société VPN France se déclare avoir subi ;
- Débouter la société VPN France de sa demande à l'encontre de la Société Labenne Automobiles visant à communiquer l'ensemble des factures de commission émises à l'attention de la société Weston NV à compter du 12 décembre 2022, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
- Juger recevables et bien fondées les demandes de la société Labenne Automobiles.
- Confirmer en tous points l'ordonnance entreprise du 30 mai 2023 ;
- Débouter la société VPN France de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
- Condamner la société VPN France à payer à la société Labenne Automobiles la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil pour procédure abusive et dilatoire.
En tout état de cause,
- Condamner la société VPN France à payer à la société Labenne Automobiles la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles,
- Condamner la société VPN France aux entiers dépens de première instance et d'appel.
7- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 16 janvier 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [C] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 564 et 910 du code de procédure civile
- Déclarer irrecevables les demandes présentées par la société VPN France dans ses conclusions signifiées le 10 novembre 2023 tendant à :
Ordonner à la société Weston NV et à son Président ainsi qu'à M. [E] [C] sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir la restitution, le non-usage et la destruction, ce sous contrôle de commissaire de justice, des fichiers clients, fournisseurs, analyse financière, méthode de commercialisation et stratégie de développements détournés au préjudice de la société VPN France,
Ordonner à la société Weston NV et à toutes sociétés avec laquelle elle est liée directement ou indirectement et à Monsieur [E] [C], l'interdiction d'utiliser lesdits fichiers ou toutes copies qui auraient pu être conservées et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée,
Ordonner à la société Weston et à M. [E] [C] de communiquer l'intégralité des factures de commission réglées par la première à ce dernier et le grand livre comptable correspondant sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, en ce que ces prétentions dirigées contre
M. [E] [C] s'avèrent irrecevables au regard des textes précités
- Constater dès lors qu'aucune prétention n'est valablement formée à l'encontre de M. [E] [C] par la société VPN France ;
- Débouter la société VPN France de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile ;
- Confirmer en conséquence l'ordonnance entreprise ;
- Condamner la société VPN France à payer à M. [E] [C] une somme de 8 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été fixée à bref délai et l'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DECISION:
8- Il convient de constater à titre liminaire que la demande formée par la société VPN France tant dans ton rabat de l'ordonnance de clôture du 13 novembre 2023 est sans objet, puisque la clôture de l'instruction a été fixée en définitive au 4 mars 2025 de sorte que les dernières conclusions des parties sont toutes recevables.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [E] [C]:
Moyens des parties:
9- Se fondant sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, M. [C] fait valoir que les demandes formées à son encontre, concernant les mesures nécessaires pour mettre fin à des pratiques de concurrence déloyale, sont irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, puisqu'elles n'avaient été formulées ni dans l'assignation introductive d'instance, ni dans les conclusions ultérieures présentées devant le juge des référés.
Il ajoute que ces mêmes prétentions sont pareillement irrecevables sur le fondement de l'article 910- 4du code de procédure civile puisqu'elles ne figuraient pas dans les premières conclusions notifiées par la société VPN France devant la cour le 4 août 2023.
10- La société VPN France réplique, au visa des articles 565 et '566 du code de procédure civile, que l'extension de ses prétentions à l'égard de M. [C], concernant l'interdiction d'utiliser ces données divulguées de manière illicite constitue une demande accessoires et complémentaire nécessaires, ayant au demeurant les mêmes fins que celles soumises au premier juge, concernant la société Weston. Elle précise à cet égard qu'il a été découvert que M. [C] à une entreprise individuelle grâce à laquelle il a perçu un certain nombre de commissions de la part de la société de droit belge Weston.
Elle ajoute que les nouvelles demandes dirigées à l'encontre de M. [C] ne sauraient être enfermées dans les délais stipulés par les articles 908 et suivants du code de procédure civile.
Réponse de la cour:
11- Selon les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
12- Selon les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
13- Selon les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
14- En l'espèce, la société VPN France avait formé une demande à l'encontre de M. [C], tendant à le voir condamner, in solidum avec la société Weston NV, et avec la société Labenne automobiles, au paiement d'une indemnité provisionnelle de 574'294 euros outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
15- Au dispositif des conclusions notifiées le 28 février 2025 par la société VPN France figurent notamment, des prétentions qui tendent au prononcé de mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques de concurrence manifestement déloyale et à la violation du secret des affaires, sous astreinte (restitution, non-usage et destruction des fichiers clients, fournisseurs, analyse financière, méthode de commercialisation et stratégie de développement; interdiction d'utiliser ses fichiers ou toute copie qui aurait pu être conservée), et à voir ordonner la communication de l'intégralité des factures de commission réglée par la société Weston à M. [C], ainsi que le grand livre comptable correspondant, également sous astreinte.
Ces prétentions sont formulées à la fois à l'encontre de la société Weston NV, et à l'encontre de M. [C], pour la première fois en cause d'appel en ce qui concerne ce dernier.
16- Il doit être considéré que ces prétentions constituent l'accessoire et le complément nécessaire de celles présentées devant le premier juge. Dès lors elles n'encourent pas l'irrecevabilité au visa de l'article 564 du code de procédure civile.
17- Selon les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
18- Il doit être constaté que dans ses premières et secondes conclusions notifiées par messages électroniques du 4 août 2023 et du 25 septembre 2023, la société VPN France, appelante, n'avait présenté de prétentions visant à mettre un terme aux actes de concurrence déloyale dont elle s'estime victime qu'à l'encontre de la société Weston NV, de son président, et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement. C'est seulement par conclusions du 10 novembre 2023 qu'ont été formées les demandes à l'encontre de M. [C]. Or, il n'est justifié d'aucune des circonstances prévues par l'article 910-4 alinéa 2 du code de procédure civile: en particulier il n'est nullement démontré que la société VPN France aurait découvert entre le 4 août 2023 et 10 novembre 2023 que M. [C] exploiterait une entreprise individuelle grâce à laquelle il percevrait un certain nombre de commissions de la part de la société Weston. Les dernières prétentions formulées à l'encontre de M. [C] ne tendent pas davantage à répliquer aux conclusions et pièces adverses.
19- Il convient en conséquence de faire droit à la fin de non-recevoir et de déclarer irrecevables les prétentions formées par la société VPN France à l'encontre de M. [C].
Sur le bien-fondé des demandes de la société VPN France à l'encontre de la société Weston et de la société Labenne:
Moyens des parties:
20- Au visa des articles 873 du code de procédure civile, 1240 du code civil, L.151-1 à L151-6 du code de commerce, L.154-1 à L.152-4 du code de commerce, la société VPN France soutient qu'entre les mois d'avril et octobre 2022, M. [C], qui était alors son directeur commercial, a délibérément transmis à la société Weston, ayant vocation à devenir son futur employeur, l'ensemble de ses données commerciales et comptables; qu'en recueillant ses données de manière illicite, alors qu'elles étaient par nature confidentielles et protégées par le secret des affaires, la société Weston voit sa responsabilité engagée au titre de la concurrence déloyale, du parasitisme commercial et du détournement de clientèle.
Elle ajoute, en se fondant sur les procès-verbaux de constat dressés par Maître [N], commissaire de justice à [Localité 6], que les données stockées sur son logiciel Pomelos ont été communiqués à la société Weston, ce qui a permis à cette dernière de bénéficier de son savoir-faire dans le cadre de son traitement de données, et d'étoffer son catalogue de vente en détournant les commandes qui avaient été conclues par M. [C] par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, lorsqu'il était salarié de la société VPN France. Elle souligne qu'elle est bien en situation de concurrence avec la société Weston NV, qui dispose d'une filiale française à savoir la société Negoc'Auto.
21- La société Labenne Automobiles réplique qu'elle n'a signé aucun contrat avec la société VPN France, qu'elle n'était tenue à son égard à aucune obligation d'exclusivité territoriale ou de non-concurrence, et qu'elle n'est concurrente ni de la société VPN France ni de la société Weston, puisqu'elle n'intervient qu'en qualité de courtier comme intermédiaire dans le marché de la vente des véhicules d'occasion.
Elle souligne le fait que tous les fichiers échangés provenant prétendument du catalogue VPN, et ont donné lieu à la création d'une ligne de produits sur le logiciel Pomelos créé par VPN France, afin de gérer l'approvisionnement de son parc de véhicules et optimiser la gestion de ses commandes, ne rend pas pour autant celle-ci propriétaire du véhicule, puisqu'il s'agit seulement de l'inscription d'une offre de vente provenant du réseau de fournisseurs de Labenne.
Elle conteste toute complicité de détournement de clientèle, et toute possibilité de parasitisme économique au profit de la société Weston, dès lors qu'elle n'intervient que comme intermédiaire entre acheteurs et revendeurs sur le marché des véhicules d'occasion.
Elle conteste par ailleurs toute responsabilité pour atteinte au secret des affaires sur le fondement de l'article L. 151-1 du code de commerce dès lors que les lignes-produits ou les lots implémentés par ses soins n'ont aucun caractère secret, et correspond uniquement au descriptif de véhicules présents sur le marché de l'occasion.
22- La société Weston NV, de droit belge, conteste tout fait de concurrence déloyale ou de parasitisme, en l'absence de faute susceptible de lui être reprochée, et de préjudice démontré, et relève que les conditions de l'exercice d'une action devant le juge des référés ne sont pas réunies.
Elle souligne que les transferts des différentes listes de clients et de fournisseurs correspondent en réalité à des documents qui ont été basculés entre les deux boîtes emails de M. [C], à l'initiative de ce dernier, et à l'insu de la société Weston qui ne pouvait trouver aucune utilité à ces listes, puisqu'elle n'effectue aucune prospection de clientèle.
Elle fait valoir que les commandes qu'elle a passées par l'intermédiaire de la société Labenne automobiles, antérieurement à la prise de fonctions de M. [C], dans ses services l'ont été dans le cadre d'une relation directe entre les deux sociétés, et qu'il importe peu que M. [C] ait été mis en copie de ces échanges.
Réponse de la cour:
23- Selon les dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
24- Selon les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
25- Selon les dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
26- Selon les dispositions de l'article L.151-1 du code de commerce, 'est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants:
1°- Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité;
2°- Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret;
3°- Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret'.
27- Il est constant en droit que l'existence d'une situation de concurrence directe ou effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de recevabilité ou de succès de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice.
28- Il convient donc d'écarter, comme inopérante, l'argumentation de la société Labenne Automobiles selon laquelle elle intervient seulement comme intermédiaire en qualité de courtier indépendant sur le marché des véhicules d'occasion et qu'elle n'est pas une société concurrente de la société VPN France.
Concernant le grief tiré du détournement de fichiers:
29- Il ressort des pièces 15, 16, 17 versées au débat par l'appelante que M. [C] a, par trois courriels successifs du 19 septembre 2022 émis de son adresse de messagerie professionnelle VPN [Courriel 2], alors qu'il était toujours salarié de la société VPN France, à destination de la nouvelle adresse de messagerie professionelle dont il bénéficiait déjà auprès de la société Weston NV ([Courriel 3]):
- la base des données clients de VPN France mise à jour au 8 février 2022 (fichier Liste-Clients-VPN-Pro.cvs) qui lui avait été transmise par [I] [A] (VPN France), contenant 3463 contacts. Il ressort des explications précédemment données par [X] [O] à différents salariés de VPN France le 7 février 2022 que ne subsistaient en 2022 que 121 clients actifs (à savoir des clients ayant acheté au moins un véhicule depuis 2018),
- le fichier (retraité au 21 janvier 2022) de la base Pro dans le logiciel Marketo contenant 11 615 contacts (Mise-A-Jour-Pro2022-01-21) et celui des clients sans commercial associé(Attack-List-Client-Sans-Commercial-associé.xlsx), avec adresses Email et numéros de téléphone de ces contacts,
- la liste des fournisseurs (fichier liste des fournisseurs-confidentiel.xlsx).
30- Il n'est pas démontré, avec l'évidence que requiert une action en référé, que M. [C] puisse engager la responsabilité civile de la société Weston NV, au titre de la concurrence déloyale, par la seule présence de ces courriels avec fichiers joints sur sa messagerie professionnelle. Il n'est pas allégué que M. [C] ait participé à la création de la société Weston NV ou qu'il exerce, en droit ou en fait, une activité de dirigeant de cette société.
Ainsi, il ne résulte pas des pièces produites que la société Weston NV ait eu connaissance du contenu des fichiers transmis dans ces courriels, ni qu'elle se les soit approprié, ni qu'elle en ait déjà fait usage à des fins de concurrence déloyale.
Il existe dès lors une contestation sérieuse, au stade du référé, sur l'existence à ce titre de faits de concurrence déloyale.
31- En revanche, la détention, par un salarié exerçant les fonctions de Chief sales officer de la société Westion VN, d'un fichier créé par son ancien employeur, la société VPN France, qui comporte sous forme de tableau Excel plusieurs centaines de noms de ses fournisseurs en véhicules d'occasion, avec pour certains des renseignements tels que numéro de TVA intracommunautaire, cotation Credit safe, et référence à des études de solvabilité (avec date de l'étude), constitue à l'évidence une atteinte au secret des affaires. Il sera relevé à cet égard que ce fichier avait été communiqué à M. [C] par courriel du 6 novembre 2020 de M. [H] [D], responsable audit et projets de VPN Autos, comportant comme objet 'liste des fournisseurs - CONFIDENTIEL'; et comme critère de diffusion 'Confidentiel'ce qui constituait une mesure de protection raisonnable de la part de VPN France, au moment de la diffusion de ce fichier, qui, dans un marché très concurrentiel, revêtait une valeur commerciale pour la société Weston, en lui donnant une vision complète sur la liste des fournisseurs habituels de VPN France, dans un contexte de difficultés d'approvisionnement en véhicules d'occasion.
Il en est de même en ce qui concerne le fichier clients de VPN, comportant 3463 contacts, et le fichier prospects de VPN (11615 contacts), fichiers comportant chacun les noms, enseignes, numéros de téléphone, adresse de messagerie, pour lesquels l'appelante n'avait pas à prendre de mesures particulière de secret, dès lors que les informations correspondantes n'avaient été communiqués, respectivement, qu'à 6 salariés VPN (courriel du 8 février 2022) et aux mêmes, outre deux personnes supplémentaires, par courriel du 21 janvier 2022.
32- Il sera donc fait droit à la demande de restitution, non-usage et destruction de ces fichiers, sous astreinte, ainsi que précisé au dispositif.
33- Par ailleurs, en pièces 20.1 et 20.2, la société appelante a communiqué un listing correspondant, selon son bordereau de communication de pièces, à l'intégralité de son catalogue de vente de véhicules, sous forme de deux fichiers Excel Labenne du 17 octobre 2022.
Mais il n'est pas justifié de l'utilisation d'une messagerie pour l'envoi de ces fichiers, ni des modalités par lesquelles la société Weston NV en aurait eu une connaissance effective.
34- Il existe donc une contestation sérieuse sur l'existence d'actes de concurrence déloyale, imputables à la société Weston France, au titre du listing précité,
35- En pièces 8.1 à 8.3, l'appelante justifie de l'envoi, par M. [C], le 17 mai 2022 du business plan de la société VPN pour la Hongrie, depuis son adresse [Courriel 2].
Ce message a été adressé à [Courriel 7]. Il n'est pas discuté qu'il s'agit du représentant légal de la société Weston, qui a donc eu connaissance de ce business plan très détaillé, comportant des données précises sur la stratégie d'implantation en Hongrie, par création d'une filiale, le plan de rentabilité et flux de trésorerie escompté sur 5 ans.
36- La détention et la conservation, par les soins de la société Weston, de ces informations relevant du secret des affaires de sa concurrente la société VPN France, constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés devait mettre fin. Il est indifférent, à cet égard, que le projet de création d'une filiale de la société VPN France en Hongrie n'ait pas finalement abouti, et que les informations relatives à ce projet n'aient pas présenté d'utilité ni d'intérêt pour la société Weston NV, selon les seules affirmations de cette dernière.
37- Il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance et, statuant à nouveau, d'ordonner à la société Weston la restitution sous astreinte de ces fichiers et d'interdire leur utilisation ou celle de toute copie qui aurait été conservée, ainsi que précisé au dispositif.
Contrairement à ce que sollicite la société VPN France, cette même interdiction d'utilisation ne saurait être prononcée à l'encontre d'une société 'liée directement ou indirectement à la société Weston', en l'absence de tout autre précision permettant d'identifier le destinataire d'une telle injonction judiciaire assortie d'une astreinte.
De même, en l'absence de toute pièce de nature à établir que le président de la société Weston NV se livre lui-même de manière habituelle à des actes de commerce d'achat et de reventes de véhicules, ou qu'il aurait commis à titre personnel des actes de concurrence déloyale, il ne saurait être fait droit à la demande de condamnation ou d'interdictions formées à son encontre.
Concernant le grief tiré du détournement de commande par la société VPN France:
Moyens des parties:
38- La société appelante soutient que les données stockées sur son logiciel Pomelos ont été communiquées à la société Weston VN ce qui a permis à cette dernière de bénéficier de son savoir-faire dans le cadre de son traitement des données, et d'étoffer son catalogue de vente en détournant les commandes dûment validées de 480 véhicules qui avaient été conclues par M. [C] par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, à l'époque où il était encore son salarié; ce qui caractérise l'existence d'une concurrence déloyale et de parasitisme commercial.
Elle fait valoir que dans le cadre d'un aveu judiciaire, la société Labenne a elle-même admis dans ses conclusions le détournements de 42 des 181 véhicules identifiés par la société VPN. Elle précise à cet égard que la société Labenne s'est rendue coupable des faits de complicité de concurrence déloyale et de parasitisme commis à son préjudice par la société Weston et par M. [C].
39- La société Weston conteste tout détournement de commandes et soutient que celles passées par ses soins via la société Labenne Automobiles, antérieurement à la prise de fonction de M. [C] chez Weston, l'ont été dans le cadre d'une relation directe qu'elle avait avec la société Labenne. Aucune conséquence ne pourrait être utilement tirée du fait que la société Labenne ait cru bon d'adresser copie de ces courriels de commandes à M. [C], dans la mesure où elle savait que ce dernier devait recevoir la société Weston à court terme et que les livraisons de véhicules commandés interviendraient apprise sa prise de fonction dans cette société.
40- La société Labenne conteste tout détournement de commande par son intermédaire. Elle expose qu'elle n'a fait qu'implémenter des fiches produits, à l'intérieur du logiciel Pomelos, en donnant, en qualité d'intermédiaire, les caractéristiques liées aux commandes de véhicules.
Réponse de la cour:
41- Selon les dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
42- Il ne ressort d'aucune des pièces produites qu'au moment où le premier juge a statué en référé, le 30 mai 2023, la société Weston NV ait été en possession, par suite de détournement de commandes commises au préjudice de la société VPN France, de véhicules d'occasion achetés par l'intermédiaire de la société Labenne, en cours de livraison ou encore non revendus.
Au dispositif de ses conclusions, en première instance comme en cause d'appel, elle n'a d'ailleurs fourni aucune précision permettant d'identifier les véhicules qui seraient concernés par l'interdiction de commercialisation (Marque, type, numéro d'immatriculation), se bornant à renvoyer au contenu de trois constats de commissaires de justice, en date des 16 et 17 novembre 2022 et 12 décembre 2022, comportant au total 110 pages, et qui ne sont pas davantage éclairants sur les véhicules en cause.
43- Il n'y a donc pas lieu à référé de ce chef.
Sur la demande tendant à la production forcée du pièces:
Moyens des parties:
44- Se fondant sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, et sur la nécessité de déterminer avec certitude le quantum du préjudice causé par le détournement de commandes et de données imputable à la société Weston, la société VPN France sollicite que soit ordonné à cette dernière, et à toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement, la communication sous astreinte des factures d'achat de chaque véhicule acquis par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles depuis le 12 décembre 2022, visés par les procès-verbaux de constat de huissier de justice des 16 et 17 novembre 2022, et 12 décembre 2022, d'en justifier la date de livraison, et de communiquer les éventuelles factures de revente des véhicules correspondants; outre les factures de commissions réglées par Weston NV à M. [C].
Elle sollicite en outre la communication sous astreinte des factures de commissions émises par Labenne Automobiles à l'attention de la société Weston NV à compter du 12 décembre 2022.
45- La société Weston NV conclut au rejet de cette demande, en soulignant qu'elle n'a commis ni démarchage illicite, ni détournement de commandes ou de savoir-faire. Elle ajoute qu'aucun préjudice n'est démontré par la société VPN France, la baisse des commandes et des chiffres d'affaires résultant principalement de la crise Covid.
46- La société Labenne conclut également au rejet de la demande de communication forcée de pièces, en faisant valoir que la présence de lignes-produit dans le logiciel Pomelos de la société VPN France ne signifie pas pour autant que celle-ci ait commandé les véhicules concernés par la suite (le fournisseur pouvant, même après validation, modifier ou annuler son offre, sans y donner suite). Elle ajoute qu'elle intervient comme courtier indépendant, sans lien contractuel avec la société VPN France, et qu'elle n'a pas à se justifier sur la mise en relation de fournisseurs avec Weston, avec ou sans l'intermédiaire de M. [C].
Réponse de la cour:
47- Selon les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
48- Il incombait à la société VPN France de justifier que sa demande reposait sur des faits précis, objectifs et vérifiables, et qu'il existait un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement serait cerné, approximativement au moins, sur lesquels pourrait influer le résultat des pièces sollicitées.
49- Il ressort des pièces 21 et 22 de l'appelante (procès-verbaux de constat par commissaire de justice des 16 et 17 novembre 2022) que M. [E] [C] a reçu le 9 septembre 2022 à 19h03, sur son adresse de messagerie [Courriel 3] un courriel en provenance de la société Labenne ([Courriel 4]), contenant en pièce jointe un fichier 'Weston Appro 9 septembre' se présentant sous forme de tableau Excel sur 5 captures d'écran comportant 87 lignes d'offres de vente, avec indication des types de véhicules en lots, du fournisseur, du prix du lot, de la date prévue de paiement, avec commentaires pour certains, les impératifs particuliers à respecter.
M. [C] a transmis ce courriel le 15 septembre 2022 à 11h37 sur sa messagerie professionnelle VPN([Courriel 2]) depuis laquelle il a transmis le fichier 'Weston Appro 9 septembre' à [W] [J] ([Courriel 7]) par courriel du 15 septembre 2022 à 11h50, portant en pied de message le logo VPN France, ainsi que son nom et sa qualité chez VPN France (directeur du commerce).
50- Les vérifications opérées par le commissaire de justice le 17 novembre 2022 ont révélé que le numéro d'affaire 299984 (ligne 9 du tableau Excel) correspondait à un lot de 66 véhicules Fiat 500 X et à des Citroen C3 Aircross, transmis par Labenne Auto, l'offre au prix de 1 097 822 euros émanant très certainement du fournisseur Primo Rent a car.
51- Le commissaire de justice a en outre constaté que M. [C] avait reçu sur sa messagerie professionnelle chez Weston, le 17 octobre 2022, un courriel émanant de Labenne Auto, contenant un fichier 'Point Lot 17 10 2022", courriel ensuite transmis à son adresse chez VPN le 18 octobre 2022. Dans le tableau Excel présent dans ce fichier figure une affaire portant le numéro 291018 (commande de véhicules de la marque Toyota). Les vérifications effectuées dans le logiciel Pomelos démontrent que le lot correspondant (100 Toyota Yaris Cross Hybride) avait pour acheteur [E] [C], et avait été apporté par Labenne le 14 octobre 2022. Il a été constaté que la commande, telle que figurant dans le document Pomelos, avait été annulée, avec pour bénéficiaire Weston, alors que la commande avait été initialement validée.
52- De même, il apparaît que la proposition de vente de véhicules Citroen faite par EuropCar Croatie (Uniline), selon courriel du 28 juin 2022, transmise par Labenne le même jour à M. [C] sur son adresse chez VPN, a donné lieu à une réponse favorable de sa part ('Prend on verra bien'). Lorsqu'il a été interrogé sur le destinataire de l'achat ('Pour qui') et qu'il a été informé de la date ('novembre') M. [C] a répondu : 'W' le 28 juin 2022 à 15h47, par courriel comportant là encore ses coordonnées et qualité chez VPN France.
Il s'agit là de faits précis, objectifs et vérifiables d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, en matière de concurrence déloyale par détournement d'un flux d'offres de vente voire de commandes au profit de la société Weston VN et au préjudice de la société VPN France.
53- Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance, et de faire droit à la demande de production de factures, dans les conditions précisées au dispositif, dès lors que cette mesure est nécessaire pour que la société VPN France puisse apprécier, en vue d'une éventuelle action au fond, le montant du préjudice que les faits allégués sont susceptible de lui avoir causé. La demande sera toutefois limitée aux véhicules objets de la motivation précédente; les autres courriels échangés n'apparaissant pas caractériser suffisamment l'existence de détournement de commandes. Une mesure générale de communication de l'ensemble des factures serait en outre disproportionnée.
Il n'y a pas lieu d'ordonner la communication de factures qui seraient présentes au procès-verbal de constat du 12 décembre 2022; l'appelante ayant mentionné dans ses conclusions aucune référence précise au contenu de cet acte.
54- Les autres demandes de communication de pièces formées à l'encontre de la société Labenne et de la société Weston (factures de commissions) n'apparaissent pas justifiées, dans la perspective de l'instance éventuellement susceptible d'être engagée sur le fond. Au surplus ne sont pas limités dans le temps et apparaissent donc disproportionnées.
Elles seront donc rejetées.
Sur les demandes accessoires:
55- Il est équitable d'allouer à la société VPN France une indemnité de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes formées sur ce fondement seront rejetées.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
Déclare irrecevables les prétentions formées devant la cour par la société VPN France à l'encontre de M. [C],
Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux le 30 mai 2023,
Statuant à nouveau,
Ordonne à la société Weston NV, la restitution à la société VPN France, le non-usage et la destruction, et ce sous contrôle de commissaire de justice, des fichiers suivants:
- la base des données clients de VPN France mise à jour au 8 février 2022 (fichier Liste-Clients-VPN-Pro.cvs) contenant 3463 contacts.
- le fichier (retraité au 21 janvier 2022) de la base Pro dans le logiciel Marketo contenant 11 615 contacts (Mise-A-Jour-Pro2022-01-21) et celui des clients sans commercial associé (Attack-List-Client-Sans-Commercial-associé.xlsx), avec adresses Email et numéros de téléphone de ces contacts,
- la liste des fournisseurs (fichier liste des fournisseurs-confidentiel.xlsx),
Dit que ces fichiers devront être restitués à la société VPN France dans le délai de 10 jours suivant la signification du présent arrêt,
Dit qu'à défaut, une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard courra à l'encontre de la société Weston VN, et ceci pendant une durée de deux mois passée laquelle il sera de nouveau fait droit,
Ordonne à la société Weston NV l'interdiction d'utiliser ces fichiers ou toute copie qui aurait pu être conservées, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée,
Ordonne à la société Weston de communiquer à la société VPN France les factures d'achat de chaque véhicule acquis par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, figurant aux fichiers Weston Appro 9 septembre, Point Lot 17.10.2022, et dans le courriel adressé le 28 juin 2022 par Europcar (Uniline), tels que détaillés aux procès-verbaux de constat des 16 et 17 novembre 2022, de justifier de la date de livraison, et de communiquer les éventuelles factures de revente de ses véhicules,
Dit que ces factures et justificatifs devront être communiqués à la société VPN France dans le délai de 10 jours suivant la signification du présent arrêt,
Dit qu'à défaut, une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard courra à l'encontre de la société Weston VN, et ceci pendant une durée de deux mois passée laquelle il sera de nouveau fait droit,
Réserve la cour d'appel de Bordeaux la liquidation de l'astreinte,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société Weston NV à payer à la société VPN France une indemnité de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de constat par commissaire de justice,
Condamne la société Weston NV aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais nécessaires la traduction des actes en langue néerlandaise.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 27 MAI 2025
N° RG 23/03277 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLBZ
S.A.S. VPN FRANCE
c/
Monsieur [E] [C]
SARL LABENNE AUTOMOBILES
Société WESTON NV
Nature de la décision : APPEL ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 30 mai 2023 (R.G. 2023R00041) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2023
APPELANTE :
S.A.S. VPN FRANCE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Margaux ALBIAC de la SAS DELTA AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur [E] [C], né le 14 Septembre 1971 à [Localité 6]( 33), de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Maître Hélène SEURIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
SARL LABENNE AUTOMOBILES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 9]
Représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assitée de Maître Aurélie LAZNTERNIER de la SELARL ACBC, avocat au barreau de PAU
Société WESTON NV, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8] (Belgique)
Représentée par Maître Michel DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 mars 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE:
1- La SAS VPN France et la société de droit belge Weston NV ont pour activité la vente de véhicules automobiles.
La SARL Labenne Automobiles, courtier en automobiles, est un intermédiaire sur le marché de la vente des véhicules d'occasion au profit de la société VPN France et de la société Weston NV.
Par contrat du 1er juillet 2020, M. [E] [C] a été embauché en qualité de directeur commerce de la société VPN France.
M. [C] a démissionné de son poste le 20 juillet 2022, avec un préavis de trois mois.
Le 19 octobre 2022, la société de droit belge Weston NV a embauché M. [C] en qualité de Chief sales officer.
Par actes du 20 janvier 2023, la société VPN France a fait assigner M. [C], la société Labenne Automobiles et la société Weston NV devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux pour voir prononcer des mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques de concurrence déloyales de la société Weston NV à son égard et obtenir leur condamnation in solidum à titre provisionnel à des dommages et intérêts.
2- Par ordonnance du 30 mai 2023, le juge des référés a :
- débouté la société Weston NV de sa demande de nullité de l'assignation délivrée à son encontre par la société VPN France,
- retenu sa compétence et débouté M. [C] de sa demande,
- dit irrecevables les conclusions et pièces de la société Weston NV,
- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société VPN France,
- débouté la société VPN France de sa demande de dommages et intérêts et l'a invitée à mieux se pourvoir au fond,
- condamné la société VPN France à payer à la société Labenne Automobiles et à M. [C] la somme de 3 000 euros chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Weston NV,
- condamné la société VPN France aux dépens.
En substance, le juge des référés a considéré, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, que les pratiques de concurrence déloyale n'étaient pas précisément démontrées par la société VPN France, qu'elles étaient sérieusement contestées par les défendeurs, et que la demande portant sur l'indemnisation des préjudices subis par la société VPN France ne relevait pas de la matière du référé.
3- Par déclaration au greffe du 10 juillet 2023, la société VPN France a relevé appel de cette décision énonçant les chefs expressément critiqués, intimant M. [C], la SARL Labenne et la société Weston NV.
Par arrêt du 29 janvier 2024, la cour a prononcé la réouverture des débats et a renvoyé l'affaire devant le président de chambre aux fins de voir statuer sur la demande visant à voir constater la caducité de la déclaration d'appel formée par la société VPN France à l'encontre de l'ordonnance de référé de Mme la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux du 30 mai 2023 et subsidiairement, d'en voir prononcer la nullité de la signification.
Par ordonnance du 31 octobre 2024, le président de chambre a:
- rejeté les demandes de la société Weston NV, tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel de la société VPN France, et subsidiairement la nullité de la signification de cette déclaration d'appel;
- dit que seule la cour d'appel dispose du pouvoir juridictionnel pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [C],
- condamné la société Weston NV à payer à la société VPN France la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
4- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 28 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société VPN France, demande à la cour de :
Vu les articles 112 et suivants ; 145 et 873 du code de procédure civile,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu les articles L. 151-1, 151-4 2°, 151-6, 152-1, 152-3, 152-4 du code de commerce,
Vu l'article 647-1 du code de procédure civile,
A titre liminaire,
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture fixée le 13 novembre 2023 au jour de l'audience des plaidoiries,
En conséquence,
- recevoir la société VPN en son action et la déclarer bien-fondée,
- prononcer la recevabilité de ses demandes tant à l'égard de la société Weston NV, que M. [C], et la société Labenne Automobiles,
- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 30 mai 2023 par Mme le président du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'elle :
- a dit n'y avoir lieu à référé sur ses demandes,
- l'a condamnée à régler à la société Labenne Automobiles et à M. [C] une somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Statuant de nouveau,
En premier lieu,
- Prononcer les mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques de concurrence manifestement déloyales et à la violation du secret des affaires subies par la société VPN France et notamment :
Ordonner à la société Weston NV et à son président ainsi qu'à Monsieur [C], sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la restitution, le non-usage et la destruction, ce sous contrôle de commissaire de justice, des fichiers clients, fournisseurs, analyse financière, méthode de commercialisation et stratégie de développement détournés au préjudice de la société VPN France ;
Ordonner à la société Weston NV et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement, et à Monsieur [C], l'interdiction d'utiliser lesdits fichiers ou toute copie qui aurait pu être conservées, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;
Interdire à la société Weston NV et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement de vendre les véhicules achetés par l'intermédiaire de la Société Labenne Automobiles, en cours de livraison, ou non encore revendus, identifiés par les opérations de constat de Maître [P] du 12 décembre 2022 et de Maître [N] les 16 et 17 novembre 2022, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée, dans l'attente du jugement à intervenir sur le fond par le tribunal de commerce de Bordeaux ou accord des parties ;
En second lieu,
- Ordonner à la société Weston et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement :
- de communiquer les factures d'achat de chaque véhicule acquis par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, visés par les procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 16 et 17 novembre 2022 et 12 décembre 2022,
- d'en justifier la date de livraison, et de communiquer les éventuelles factures de revente des véhicules correspondant ;
- et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
- Ordonner à la société Labenne Automobiles, de communiquer l'ensemble des factures de commission émises à l'attention de la Société Weston NV à compter du 12 décembre 2022, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
- Ordonner à la Société Weston et à Monsieur [C] de communiquer l'intégralité des factures de commissions réglées par la première à ce dernier, et le grand livre comptable correspondant, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
En tout état de cause,
- Condamner in solidum la société Weston NV, la société Labenne Automobiles et Monsieur [C] au règlement d'une somme de 40 000 euros à la société VPN au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens en ce incluent ceux engagés pour la traduction des actes en langue néerlandaise et pour la réalisation des constats de d'Huissier de justice préalable à la présente instance.
5- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 23 janvier 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Weston NV, demande à la cour de :
Au fond,
Vu les articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile
Vu l'arrêt avant dire droit du 29 janvier 2024 et l'ordonnance présidentielle du 31 octobre 2024,
- Confirmer l'ordonnance de référé frappée d'appel en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
- Débouter la Société VPN France de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la Société Weston NV.
- La condamner à payer à la Société Weston NV une indemnité de procédure de 10 000 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en
tous les dépens.
6- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 28 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Labenne Automobiles, demande à la cour de :
Vu les articles 145, 559 et 873 du code de procédure civile,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les faits relatés et le contexte de l'affaire,
Vu l'ordonnance attaquée du 30 mai 2023,
Vu les pièces communiquées,
- Débouter la société VPN France de ses demandes de réformation de l'ordonnance de référé rendue le 30 mai 2023, et les rejeter,
A cet effet,
- Rejeter toutes les demandes de la société VPN France s'agissant des mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques de concurrence manifestement déloyales et à la violation du secret des affaires que la société VPN France se déclare avoir subi ;
- Débouter la société VPN France de sa demande à l'encontre de la Société Labenne Automobiles visant à communiquer l'ensemble des factures de commission émises à l'attention de la société Weston NV à compter du 12 décembre 2022, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
- Juger recevables et bien fondées les demandes de la société Labenne Automobiles.
- Confirmer en tous points l'ordonnance entreprise du 30 mai 2023 ;
- Débouter la société VPN France de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.
- Condamner la société VPN France à payer à la société Labenne Automobiles la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil pour procédure abusive et dilatoire.
En tout état de cause,
- Condamner la société VPN France à payer à la société Labenne Automobiles la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles,
- Condamner la société VPN France aux entiers dépens de première instance et d'appel.
7- Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 16 janvier 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [C] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 564 et 910 du code de procédure civile
- Déclarer irrecevables les demandes présentées par la société VPN France dans ses conclusions signifiées le 10 novembre 2023 tendant à :
Ordonner à la société Weston NV et à son Président ainsi qu'à M. [E] [C] sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir la restitution, le non-usage et la destruction, ce sous contrôle de commissaire de justice, des fichiers clients, fournisseurs, analyse financière, méthode de commercialisation et stratégie de développements détournés au préjudice de la société VPN France,
Ordonner à la société Weston NV et à toutes sociétés avec laquelle elle est liée directement ou indirectement et à Monsieur [E] [C], l'interdiction d'utiliser lesdits fichiers ou toutes copies qui auraient pu être conservées et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée,
Ordonner à la société Weston et à M. [E] [C] de communiquer l'intégralité des factures de commission réglées par la première à ce dernier et le grand livre comptable correspondant sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, en ce que ces prétentions dirigées contre
M. [E] [C] s'avèrent irrecevables au regard des textes précités
- Constater dès lors qu'aucune prétention n'est valablement formée à l'encontre de M. [E] [C] par la société VPN France ;
- Débouter la société VPN France de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile ;
- Confirmer en conséquence l'ordonnance entreprise ;
- Condamner la société VPN France à payer à M. [E] [C] une somme de 8 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été fixée à bref délai et l'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DECISION:
8- Il convient de constater à titre liminaire que la demande formée par la société VPN France tant dans ton rabat de l'ordonnance de clôture du 13 novembre 2023 est sans objet, puisque la clôture de l'instruction a été fixée en définitive au 4 mars 2025 de sorte que les dernières conclusions des parties sont toutes recevables.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [E] [C]:
Moyens des parties:
9- Se fondant sur les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, M. [C] fait valoir que les demandes formées à son encontre, concernant les mesures nécessaires pour mettre fin à des pratiques de concurrence déloyale, sont irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, puisqu'elles n'avaient été formulées ni dans l'assignation introductive d'instance, ni dans les conclusions ultérieures présentées devant le juge des référés.
Il ajoute que ces mêmes prétentions sont pareillement irrecevables sur le fondement de l'article 910- 4du code de procédure civile puisqu'elles ne figuraient pas dans les premières conclusions notifiées par la société VPN France devant la cour le 4 août 2023.
10- La société VPN France réplique, au visa des articles 565 et '566 du code de procédure civile, que l'extension de ses prétentions à l'égard de M. [C], concernant l'interdiction d'utiliser ces données divulguées de manière illicite constitue une demande accessoires et complémentaire nécessaires, ayant au demeurant les mêmes fins que celles soumises au premier juge, concernant la société Weston. Elle précise à cet égard qu'il a été découvert que M. [C] à une entreprise individuelle grâce à laquelle il a perçu un certain nombre de commissions de la part de la société de droit belge Weston.
Elle ajoute que les nouvelles demandes dirigées à l'encontre de M. [C] ne sauraient être enfermées dans les délais stipulés par les articles 908 et suivants du code de procédure civile.
Réponse de la cour:
11- Selon les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
12- Selon les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
13- Selon les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
14- En l'espèce, la société VPN France avait formé une demande à l'encontre de M. [C], tendant à le voir condamner, in solidum avec la société Weston NV, et avec la société Labenne automobiles, au paiement d'une indemnité provisionnelle de 574'294 euros outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
15- Au dispositif des conclusions notifiées le 28 février 2025 par la société VPN France figurent notamment, des prétentions qui tendent au prononcé de mesures nécessaires pour mettre un terme aux pratiques de concurrence manifestement déloyale et à la violation du secret des affaires, sous astreinte (restitution, non-usage et destruction des fichiers clients, fournisseurs, analyse financière, méthode de commercialisation et stratégie de développement; interdiction d'utiliser ses fichiers ou toute copie qui aurait pu être conservée), et à voir ordonner la communication de l'intégralité des factures de commission réglée par la société Weston à M. [C], ainsi que le grand livre comptable correspondant, également sous astreinte.
Ces prétentions sont formulées à la fois à l'encontre de la société Weston NV, et à l'encontre de M. [C], pour la première fois en cause d'appel en ce qui concerne ce dernier.
16- Il doit être considéré que ces prétentions constituent l'accessoire et le complément nécessaire de celles présentées devant le premier juge. Dès lors elles n'encourent pas l'irrecevabilité au visa de l'article 564 du code de procédure civile.
17- Selon les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
18- Il doit être constaté que dans ses premières et secondes conclusions notifiées par messages électroniques du 4 août 2023 et du 25 septembre 2023, la société VPN France, appelante, n'avait présenté de prétentions visant à mettre un terme aux actes de concurrence déloyale dont elle s'estime victime qu'à l'encontre de la société Weston NV, de son président, et toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement. C'est seulement par conclusions du 10 novembre 2023 qu'ont été formées les demandes à l'encontre de M. [C]. Or, il n'est justifié d'aucune des circonstances prévues par l'article 910-4 alinéa 2 du code de procédure civile: en particulier il n'est nullement démontré que la société VPN France aurait découvert entre le 4 août 2023 et 10 novembre 2023 que M. [C] exploiterait une entreprise individuelle grâce à laquelle il percevrait un certain nombre de commissions de la part de la société Weston. Les dernières prétentions formulées à l'encontre de M. [C] ne tendent pas davantage à répliquer aux conclusions et pièces adverses.
19- Il convient en conséquence de faire droit à la fin de non-recevoir et de déclarer irrecevables les prétentions formées par la société VPN France à l'encontre de M. [C].
Sur le bien-fondé des demandes de la société VPN France à l'encontre de la société Weston et de la société Labenne:
Moyens des parties:
20- Au visa des articles 873 du code de procédure civile, 1240 du code civil, L.151-1 à L151-6 du code de commerce, L.154-1 à L.152-4 du code de commerce, la société VPN France soutient qu'entre les mois d'avril et octobre 2022, M. [C], qui était alors son directeur commercial, a délibérément transmis à la société Weston, ayant vocation à devenir son futur employeur, l'ensemble de ses données commerciales et comptables; qu'en recueillant ses données de manière illicite, alors qu'elles étaient par nature confidentielles et protégées par le secret des affaires, la société Weston voit sa responsabilité engagée au titre de la concurrence déloyale, du parasitisme commercial et du détournement de clientèle.
Elle ajoute, en se fondant sur les procès-verbaux de constat dressés par Maître [N], commissaire de justice à [Localité 6], que les données stockées sur son logiciel Pomelos ont été communiqués à la société Weston, ce qui a permis à cette dernière de bénéficier de son savoir-faire dans le cadre de son traitement de données, et d'étoffer son catalogue de vente en détournant les commandes qui avaient été conclues par M. [C] par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, lorsqu'il était salarié de la société VPN France. Elle souligne qu'elle est bien en situation de concurrence avec la société Weston NV, qui dispose d'une filiale française à savoir la société Negoc'Auto.
21- La société Labenne Automobiles réplique qu'elle n'a signé aucun contrat avec la société VPN France, qu'elle n'était tenue à son égard à aucune obligation d'exclusivité territoriale ou de non-concurrence, et qu'elle n'est concurrente ni de la société VPN France ni de la société Weston, puisqu'elle n'intervient qu'en qualité de courtier comme intermédiaire dans le marché de la vente des véhicules d'occasion.
Elle souligne le fait que tous les fichiers échangés provenant prétendument du catalogue VPN, et ont donné lieu à la création d'une ligne de produits sur le logiciel Pomelos créé par VPN France, afin de gérer l'approvisionnement de son parc de véhicules et optimiser la gestion de ses commandes, ne rend pas pour autant celle-ci propriétaire du véhicule, puisqu'il s'agit seulement de l'inscription d'une offre de vente provenant du réseau de fournisseurs de Labenne.
Elle conteste toute complicité de détournement de clientèle, et toute possibilité de parasitisme économique au profit de la société Weston, dès lors qu'elle n'intervient que comme intermédiaire entre acheteurs et revendeurs sur le marché des véhicules d'occasion.
Elle conteste par ailleurs toute responsabilité pour atteinte au secret des affaires sur le fondement de l'article L. 151-1 du code de commerce dès lors que les lignes-produits ou les lots implémentés par ses soins n'ont aucun caractère secret, et correspond uniquement au descriptif de véhicules présents sur le marché de l'occasion.
22- La société Weston NV, de droit belge, conteste tout fait de concurrence déloyale ou de parasitisme, en l'absence de faute susceptible de lui être reprochée, et de préjudice démontré, et relève que les conditions de l'exercice d'une action devant le juge des référés ne sont pas réunies.
Elle souligne que les transferts des différentes listes de clients et de fournisseurs correspondent en réalité à des documents qui ont été basculés entre les deux boîtes emails de M. [C], à l'initiative de ce dernier, et à l'insu de la société Weston qui ne pouvait trouver aucune utilité à ces listes, puisqu'elle n'effectue aucune prospection de clientèle.
Elle fait valoir que les commandes qu'elle a passées par l'intermédiaire de la société Labenne automobiles, antérieurement à la prise de fonctions de M. [C], dans ses services l'ont été dans le cadre d'une relation directe entre les deux sociétés, et qu'il importe peu que M. [C] ait été mis en copie de ces échanges.
Réponse de la cour:
23- Selon les dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
24- Selon les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
25- Selon les dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
26- Selon les dispositions de l'article L.151-1 du code de commerce, 'est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants:
1°- Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité;
2°- Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret;
3°- Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret'.
27- Il est constant en droit que l'existence d'une situation de concurrence directe ou effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de recevabilité ou de succès de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice.
28- Il convient donc d'écarter, comme inopérante, l'argumentation de la société Labenne Automobiles selon laquelle elle intervient seulement comme intermédiaire en qualité de courtier indépendant sur le marché des véhicules d'occasion et qu'elle n'est pas une société concurrente de la société VPN France.
Concernant le grief tiré du détournement de fichiers:
29- Il ressort des pièces 15, 16, 17 versées au débat par l'appelante que M. [C] a, par trois courriels successifs du 19 septembre 2022 émis de son adresse de messagerie professionnelle VPN [Courriel 2], alors qu'il était toujours salarié de la société VPN France, à destination de la nouvelle adresse de messagerie professionelle dont il bénéficiait déjà auprès de la société Weston NV ([Courriel 3]):
- la base des données clients de VPN France mise à jour au 8 février 2022 (fichier Liste-Clients-VPN-Pro.cvs) qui lui avait été transmise par [I] [A] (VPN France), contenant 3463 contacts. Il ressort des explications précédemment données par [X] [O] à différents salariés de VPN France le 7 février 2022 que ne subsistaient en 2022 que 121 clients actifs (à savoir des clients ayant acheté au moins un véhicule depuis 2018),
- le fichier (retraité au 21 janvier 2022) de la base Pro dans le logiciel Marketo contenant 11 615 contacts (Mise-A-Jour-Pro2022-01-21) et celui des clients sans commercial associé(Attack-List-Client-Sans-Commercial-associé.xlsx), avec adresses Email et numéros de téléphone de ces contacts,
- la liste des fournisseurs (fichier liste des fournisseurs-confidentiel.xlsx).
30- Il n'est pas démontré, avec l'évidence que requiert une action en référé, que M. [C] puisse engager la responsabilité civile de la société Weston NV, au titre de la concurrence déloyale, par la seule présence de ces courriels avec fichiers joints sur sa messagerie professionnelle. Il n'est pas allégué que M. [C] ait participé à la création de la société Weston NV ou qu'il exerce, en droit ou en fait, une activité de dirigeant de cette société.
Ainsi, il ne résulte pas des pièces produites que la société Weston NV ait eu connaissance du contenu des fichiers transmis dans ces courriels, ni qu'elle se les soit approprié, ni qu'elle en ait déjà fait usage à des fins de concurrence déloyale.
Il existe dès lors une contestation sérieuse, au stade du référé, sur l'existence à ce titre de faits de concurrence déloyale.
31- En revanche, la détention, par un salarié exerçant les fonctions de Chief sales officer de la société Westion VN, d'un fichier créé par son ancien employeur, la société VPN France, qui comporte sous forme de tableau Excel plusieurs centaines de noms de ses fournisseurs en véhicules d'occasion, avec pour certains des renseignements tels que numéro de TVA intracommunautaire, cotation Credit safe, et référence à des études de solvabilité (avec date de l'étude), constitue à l'évidence une atteinte au secret des affaires. Il sera relevé à cet égard que ce fichier avait été communiqué à M. [C] par courriel du 6 novembre 2020 de M. [H] [D], responsable audit et projets de VPN Autos, comportant comme objet 'liste des fournisseurs - CONFIDENTIEL'; et comme critère de diffusion 'Confidentiel'ce qui constituait une mesure de protection raisonnable de la part de VPN France, au moment de la diffusion de ce fichier, qui, dans un marché très concurrentiel, revêtait une valeur commerciale pour la société Weston, en lui donnant une vision complète sur la liste des fournisseurs habituels de VPN France, dans un contexte de difficultés d'approvisionnement en véhicules d'occasion.
Il en est de même en ce qui concerne le fichier clients de VPN, comportant 3463 contacts, et le fichier prospects de VPN (11615 contacts), fichiers comportant chacun les noms, enseignes, numéros de téléphone, adresse de messagerie, pour lesquels l'appelante n'avait pas à prendre de mesures particulière de secret, dès lors que les informations correspondantes n'avaient été communiqués, respectivement, qu'à 6 salariés VPN (courriel du 8 février 2022) et aux mêmes, outre deux personnes supplémentaires, par courriel du 21 janvier 2022.
32- Il sera donc fait droit à la demande de restitution, non-usage et destruction de ces fichiers, sous astreinte, ainsi que précisé au dispositif.
33- Par ailleurs, en pièces 20.1 et 20.2, la société appelante a communiqué un listing correspondant, selon son bordereau de communication de pièces, à l'intégralité de son catalogue de vente de véhicules, sous forme de deux fichiers Excel Labenne du 17 octobre 2022.
Mais il n'est pas justifié de l'utilisation d'une messagerie pour l'envoi de ces fichiers, ni des modalités par lesquelles la société Weston NV en aurait eu une connaissance effective.
34- Il existe donc une contestation sérieuse sur l'existence d'actes de concurrence déloyale, imputables à la société Weston France, au titre du listing précité,
35- En pièces 8.1 à 8.3, l'appelante justifie de l'envoi, par M. [C], le 17 mai 2022 du business plan de la société VPN pour la Hongrie, depuis son adresse [Courriel 2].
Ce message a été adressé à [Courriel 7]. Il n'est pas discuté qu'il s'agit du représentant légal de la société Weston, qui a donc eu connaissance de ce business plan très détaillé, comportant des données précises sur la stratégie d'implantation en Hongrie, par création d'une filiale, le plan de rentabilité et flux de trésorerie escompté sur 5 ans.
36- La détention et la conservation, par les soins de la société Weston, de ces informations relevant du secret des affaires de sa concurrente la société VPN France, constitue un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés devait mettre fin. Il est indifférent, à cet égard, que le projet de création d'une filiale de la société VPN France en Hongrie n'ait pas finalement abouti, et que les informations relatives à ce projet n'aient pas présenté d'utilité ni d'intérêt pour la société Weston NV, selon les seules affirmations de cette dernière.
37- Il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance et, statuant à nouveau, d'ordonner à la société Weston la restitution sous astreinte de ces fichiers et d'interdire leur utilisation ou celle de toute copie qui aurait été conservée, ainsi que précisé au dispositif.
Contrairement à ce que sollicite la société VPN France, cette même interdiction d'utilisation ne saurait être prononcée à l'encontre d'une société 'liée directement ou indirectement à la société Weston', en l'absence de tout autre précision permettant d'identifier le destinataire d'une telle injonction judiciaire assortie d'une astreinte.
De même, en l'absence de toute pièce de nature à établir que le président de la société Weston NV se livre lui-même de manière habituelle à des actes de commerce d'achat et de reventes de véhicules, ou qu'il aurait commis à titre personnel des actes de concurrence déloyale, il ne saurait être fait droit à la demande de condamnation ou d'interdictions formées à son encontre.
Concernant le grief tiré du détournement de commande par la société VPN France:
Moyens des parties:
38- La société appelante soutient que les données stockées sur son logiciel Pomelos ont été communiquées à la société Weston VN ce qui a permis à cette dernière de bénéficier de son savoir-faire dans le cadre de son traitement des données, et d'étoffer son catalogue de vente en détournant les commandes dûment validées de 480 véhicules qui avaient été conclues par M. [C] par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, à l'époque où il était encore son salarié; ce qui caractérise l'existence d'une concurrence déloyale et de parasitisme commercial.
Elle fait valoir que dans le cadre d'un aveu judiciaire, la société Labenne a elle-même admis dans ses conclusions le détournements de 42 des 181 véhicules identifiés par la société VPN. Elle précise à cet égard que la société Labenne s'est rendue coupable des faits de complicité de concurrence déloyale et de parasitisme commis à son préjudice par la société Weston et par M. [C].
39- La société Weston conteste tout détournement de commandes et soutient que celles passées par ses soins via la société Labenne Automobiles, antérieurement à la prise de fonction de M. [C] chez Weston, l'ont été dans le cadre d'une relation directe qu'elle avait avec la société Labenne. Aucune conséquence ne pourrait être utilement tirée du fait que la société Labenne ait cru bon d'adresser copie de ces courriels de commandes à M. [C], dans la mesure où elle savait que ce dernier devait recevoir la société Weston à court terme et que les livraisons de véhicules commandés interviendraient apprise sa prise de fonction dans cette société.
40- La société Labenne conteste tout détournement de commande par son intermédaire. Elle expose qu'elle n'a fait qu'implémenter des fiches produits, à l'intérieur du logiciel Pomelos, en donnant, en qualité d'intermédiaire, les caractéristiques liées aux commandes de véhicules.
Réponse de la cour:
41- Selon les dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Selon les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
42- Il ne ressort d'aucune des pièces produites qu'au moment où le premier juge a statué en référé, le 30 mai 2023, la société Weston NV ait été en possession, par suite de détournement de commandes commises au préjudice de la société VPN France, de véhicules d'occasion achetés par l'intermédiaire de la société Labenne, en cours de livraison ou encore non revendus.
Au dispositif de ses conclusions, en première instance comme en cause d'appel, elle n'a d'ailleurs fourni aucune précision permettant d'identifier les véhicules qui seraient concernés par l'interdiction de commercialisation (Marque, type, numéro d'immatriculation), se bornant à renvoyer au contenu de trois constats de commissaires de justice, en date des 16 et 17 novembre 2022 et 12 décembre 2022, comportant au total 110 pages, et qui ne sont pas davantage éclairants sur les véhicules en cause.
43- Il n'y a donc pas lieu à référé de ce chef.
Sur la demande tendant à la production forcée du pièces:
Moyens des parties:
44- Se fondant sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, et sur la nécessité de déterminer avec certitude le quantum du préjudice causé par le détournement de commandes et de données imputable à la société Weston, la société VPN France sollicite que soit ordonné à cette dernière, et à toute société avec laquelle elle est liée directement ou indirectement, la communication sous astreinte des factures d'achat de chaque véhicule acquis par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles depuis le 12 décembre 2022, visés par les procès-verbaux de constat de huissier de justice des 16 et 17 novembre 2022, et 12 décembre 2022, d'en justifier la date de livraison, et de communiquer les éventuelles factures de revente des véhicules correspondants; outre les factures de commissions réglées par Weston NV à M. [C].
Elle sollicite en outre la communication sous astreinte des factures de commissions émises par Labenne Automobiles à l'attention de la société Weston NV à compter du 12 décembre 2022.
45- La société Weston NV conclut au rejet de cette demande, en soulignant qu'elle n'a commis ni démarchage illicite, ni détournement de commandes ou de savoir-faire. Elle ajoute qu'aucun préjudice n'est démontré par la société VPN France, la baisse des commandes et des chiffres d'affaires résultant principalement de la crise Covid.
46- La société Labenne conclut également au rejet de la demande de communication forcée de pièces, en faisant valoir que la présence de lignes-produit dans le logiciel Pomelos de la société VPN France ne signifie pas pour autant que celle-ci ait commandé les véhicules concernés par la suite (le fournisseur pouvant, même après validation, modifier ou annuler son offre, sans y donner suite). Elle ajoute qu'elle intervient comme courtier indépendant, sans lien contractuel avec la société VPN France, et qu'elle n'a pas à se justifier sur la mise en relation de fournisseurs avec Weston, avec ou sans l'intermédiaire de M. [C].
Réponse de la cour:
47- Selon les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
48- Il incombait à la société VPN France de justifier que sa demande reposait sur des faits précis, objectifs et vérifiables, et qu'il existait un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement serait cerné, approximativement au moins, sur lesquels pourrait influer le résultat des pièces sollicitées.
49- Il ressort des pièces 21 et 22 de l'appelante (procès-verbaux de constat par commissaire de justice des 16 et 17 novembre 2022) que M. [E] [C] a reçu le 9 septembre 2022 à 19h03, sur son adresse de messagerie [Courriel 3] un courriel en provenance de la société Labenne ([Courriel 4]), contenant en pièce jointe un fichier 'Weston Appro 9 septembre' se présentant sous forme de tableau Excel sur 5 captures d'écran comportant 87 lignes d'offres de vente, avec indication des types de véhicules en lots, du fournisseur, du prix du lot, de la date prévue de paiement, avec commentaires pour certains, les impératifs particuliers à respecter.
M. [C] a transmis ce courriel le 15 septembre 2022 à 11h37 sur sa messagerie professionnelle VPN([Courriel 2]) depuis laquelle il a transmis le fichier 'Weston Appro 9 septembre' à [W] [J] ([Courriel 7]) par courriel du 15 septembre 2022 à 11h50, portant en pied de message le logo VPN France, ainsi que son nom et sa qualité chez VPN France (directeur du commerce).
50- Les vérifications opérées par le commissaire de justice le 17 novembre 2022 ont révélé que le numéro d'affaire 299984 (ligne 9 du tableau Excel) correspondait à un lot de 66 véhicules Fiat 500 X et à des Citroen C3 Aircross, transmis par Labenne Auto, l'offre au prix de 1 097 822 euros émanant très certainement du fournisseur Primo Rent a car.
51- Le commissaire de justice a en outre constaté que M. [C] avait reçu sur sa messagerie professionnelle chez Weston, le 17 octobre 2022, un courriel émanant de Labenne Auto, contenant un fichier 'Point Lot 17 10 2022", courriel ensuite transmis à son adresse chez VPN le 18 octobre 2022. Dans le tableau Excel présent dans ce fichier figure une affaire portant le numéro 291018 (commande de véhicules de la marque Toyota). Les vérifications effectuées dans le logiciel Pomelos démontrent que le lot correspondant (100 Toyota Yaris Cross Hybride) avait pour acheteur [E] [C], et avait été apporté par Labenne le 14 octobre 2022. Il a été constaté que la commande, telle que figurant dans le document Pomelos, avait été annulée, avec pour bénéficiaire Weston, alors que la commande avait été initialement validée.
52- De même, il apparaît que la proposition de vente de véhicules Citroen faite par EuropCar Croatie (Uniline), selon courriel du 28 juin 2022, transmise par Labenne le même jour à M. [C] sur son adresse chez VPN, a donné lieu à une réponse favorable de sa part ('Prend on verra bien'). Lorsqu'il a été interrogé sur le destinataire de l'achat ('Pour qui') et qu'il a été informé de la date ('novembre') M. [C] a répondu : 'W' le 28 juin 2022 à 15h47, par courriel comportant là encore ses coordonnées et qualité chez VPN France.
Il s'agit là de faits précis, objectifs et vérifiables d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, en matière de concurrence déloyale par détournement d'un flux d'offres de vente voire de commandes au profit de la société Weston VN et au préjudice de la société VPN France.
53- Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance, et de faire droit à la demande de production de factures, dans les conditions précisées au dispositif, dès lors que cette mesure est nécessaire pour que la société VPN France puisse apprécier, en vue d'une éventuelle action au fond, le montant du préjudice que les faits allégués sont susceptible de lui avoir causé. La demande sera toutefois limitée aux véhicules objets de la motivation précédente; les autres courriels échangés n'apparaissant pas caractériser suffisamment l'existence de détournement de commandes. Une mesure générale de communication de l'ensemble des factures serait en outre disproportionnée.
Il n'y a pas lieu d'ordonner la communication de factures qui seraient présentes au procès-verbal de constat du 12 décembre 2022; l'appelante ayant mentionné dans ses conclusions aucune référence précise au contenu de cet acte.
54- Les autres demandes de communication de pièces formées à l'encontre de la société Labenne et de la société Weston (factures de commissions) n'apparaissent pas justifiées, dans la perspective de l'instance éventuellement susceptible d'être engagée sur le fond. Au surplus ne sont pas limités dans le temps et apparaissent donc disproportionnées.
Elles seront donc rejetées.
Sur les demandes accessoires:
55- Il est équitable d'allouer à la société VPN France une indemnité de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes formées sur ce fondement seront rejetées.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
Déclare irrecevables les prétentions formées devant la cour par la société VPN France à l'encontre de M. [C],
Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux le 30 mai 2023,
Statuant à nouveau,
Ordonne à la société Weston NV, la restitution à la société VPN France, le non-usage et la destruction, et ce sous contrôle de commissaire de justice, des fichiers suivants:
- la base des données clients de VPN France mise à jour au 8 février 2022 (fichier Liste-Clients-VPN-Pro.cvs) contenant 3463 contacts.
- le fichier (retraité au 21 janvier 2022) de la base Pro dans le logiciel Marketo contenant 11 615 contacts (Mise-A-Jour-Pro2022-01-21) et celui des clients sans commercial associé (Attack-List-Client-Sans-Commercial-associé.xlsx), avec adresses Email et numéros de téléphone de ces contacts,
- la liste des fournisseurs (fichier liste des fournisseurs-confidentiel.xlsx),
Dit que ces fichiers devront être restitués à la société VPN France dans le délai de 10 jours suivant la signification du présent arrêt,
Dit qu'à défaut, une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard courra à l'encontre de la société Weston VN, et ceci pendant une durée de deux mois passée laquelle il sera de nouveau fait droit,
Ordonne à la société Weston NV l'interdiction d'utiliser ces fichiers ou toute copie qui aurait pu être conservées, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée,
Ordonne à la société Weston de communiquer à la société VPN France les factures d'achat de chaque véhicule acquis par l'intermédiaire de la société Labenne Automobiles, figurant aux fichiers Weston Appro 9 septembre, Point Lot 17.10.2022, et dans le courriel adressé le 28 juin 2022 par Europcar (Uniline), tels que détaillés aux procès-verbaux de constat des 16 et 17 novembre 2022, de justifier de la date de livraison, et de communiquer les éventuelles factures de revente de ses véhicules,
Dit que ces factures et justificatifs devront être communiqués à la société VPN France dans le délai de 10 jours suivant la signification du présent arrêt,
Dit qu'à défaut, une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard courra à l'encontre de la société Weston VN, et ceci pendant une durée de deux mois passée laquelle il sera de nouveau fait droit,
Réserve la cour d'appel de Bordeaux la liquidation de l'astreinte,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société Weston NV à payer à la société VPN France une indemnité de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de constat par commissaire de justice,
Condamne la société Weston NV aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais nécessaires la traduction des actes en langue néerlandaise.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président