Livv
Décisions

Cass. crim., 18 juin 2025, n° 24-83.399

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Procureure générale près la cour d'appel de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

Mme Leprieur

Avocat général :

M. Aldebert

Paris, 2e ch. sect. 3, du 30 mai 2024

30 mai 2024

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 5 avril 2023, le juge d'instruction a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel, notamment de MM. [C] [L] et [P] [K] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment et association de malfaiteurs, en récidive pour le premier, ainsi que de M. [N] [T] des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et les armes, association de malfaiteurs, en récidive.

3. Par jugement du 29 septembre 2023, MM. [L] et [K] ont été déclarés coupables des infractions qui leur étaient reprochées. M. [T] a, quant à lui, été déclaré coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive.

4. Les prévenus ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen, concernant M. [T]

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen, concernant MM. [L] et [K]

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation du principe ne bis in idem et des articles 132-2 et 450-1 du code pénal.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la relaxe de MM. [L] et [K] du chef de participation à une association de malfaiteurs, alors que l'application du principe ne bis in idem doit conduire à proscrire le cumul de qualifications concomitantes, hors le cas de qualifications incompatibles, uniquement, d'une part, lorsque des faits identiques sont en cause et, d'autre part, lorsque l'une des qualifications correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui doit alors être privilégiée, ou que l'une des qualifications spéciales incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible, sanctionnée par l'autre infraction générale ; qu'en dehors de ces cas précisément et limitativement énumérés, la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre ; qu'en excluant le cumul de qualifications entre le délit de participation à une association de malfaiteurs et les infractions à la législation sur les stupéfiants, au motif que les infractions reposaient sur des faits identiques, la cour d'appel a fait une application erronée du principe ne bis in idem et des articles 132-2 et 450-1 du code pénal.

Réponse de la Cour

Vu le principe ne bis in idem :

8. L'interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité doit être réservée, outre à la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre, aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et où l'on se trouve dans l'une des deux hypothèses suivantes : dans la première, l'une des qualifications, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui, seule, doit alors être retenue ; dans la seconde, l'une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction, dite générale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-81.864, publié au Bulletin).

9. L'interdiction du cumul de qualifications implique ainsi que soient remplies deux conditions qui doivent être simultanément réunies, l'une tenant à l'identité des faits matériels caractérisant les infractions en concours, l'autre tenant à leur définition légale. Le cumul est autorisé lorsqu'une seule de ces conditions n'est pas remplie.

10. S'agissant de la seconde condition, il résulte des articles 222-37 et 450-1 du code pénal définissant les infractions à la législation sur les stupéfiants poursuivies et l'association de malfaiteurs que la caractérisation des éléments constitutifs de l'une de ces infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre.

11. Par ailleurs, aucune de ces infractions n'est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre.

12. En effet, au regard des textes d'incrimination susvisés, d'une part, le délit d'association de malfaiteurs, qui réprime la participation à un groupement établi en vue de la commission d'infractions, n'est pas un élément constitutif ni une circonstance aggravante des infractions à la législation sur les stupéfiants.

13. D'autre part, la consommation de l'infraction préparée par un tel groupement n'est pas un élément constitutif ni une circonstance aggravante du délit d'association de malfaiteurs.

14. Enfin, aucune de ces qualifications n'incrimine une modalité particulière de l'action répréhensible sanctionnée par l'autre infraction.

15. Il en résulte que les délits d'association de malfaiteurs et d'infractions à la législation sur les stupéfiants peuvent être retenus à l'encontre de la même personne relativement aux mêmes faits.

16. Pour relaxer MM. [L] et [K] du chef d'association de malfaiteurs, l'arrêt attaqué énonce que les intéressés ont été déclarés coupables d'infractions à la législation sur les stupéfiants et qu'il n'existe pas d'éléments distincts permettant d'asseoir leur culpabilité pour le délit de participation à une association de malfaiteurs.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu la portée du principe susvisé pour les motifs qui suivent.

18. En énonçant qu'il n'existait pas d'éléments distincts caractérisant le délit d'association de malfaiteurs, elle a, implicitement mais nécessairement, retenu que les faits poursuivis sous les qualifications d'association de malfaiteurs et d'infractions à la législation sur les stupéfiants étaient identiques, et, dans ce cas, le cumul des qualifications visées à la poursuite s'imposait à elle.

19. Dès lors, elle ne pouvait relaxer les prévenus du chef d'association de malfaiteurs sans constater que les éléments constitutifs de cette infraction n'étaient pas réunis.

20. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

21. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la relaxe de MM. [L] et [K] du chef d'association de malfaiteurs et aux peines prononcées à leur encontre, en ce compris les confiscations. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 30 mai 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la relaxe de MM. [L] et [K] du chef d'association de malfaiteurs et aux peines prononcées à leur encontre, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site