CA Colmar, ch. 1 a, 28 mai 2025, n° 24/03820
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 250/25
Copie exécutoire à
- la SELARL ARTHUS
- Me Stéphanie ROTH
Le 28.05.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 28 Mai 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/03820 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IMZC
Décision déférée à la Cour : 18 Janvier 2022 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANTE :
S.A.R.L. VALNICO
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Représentée par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, avocat à la Cour
PARTIE INTERVENANTE :
S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES administrateur judiciaire de la SARL VALNICO
[Adresse 3]
Représentée par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.A.R.L. L'ETOILE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphanie ROTH, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre et M. ROUBLOT, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 5 août 2021 par laquelle la SARL L'Etoile a fait citer la SARL Valnico devant le juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu l'ordonnance rendue le 18 janvier 2022, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par laquelle le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse a statué comme suit :
'- Rejetons l'exception d'incompétence ;
- Constatons la résiliation de plein droit, depuis le 4 juillet 2021, du contrat de bail pour les locaux situés [Adresse 1], aux torts exclusifs de la SARL VALNICO ;
- Ordonnons l'évacuation de la SARL VALNICO, dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, des locaux sis [Adresse 1], ainsi que de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai, corps et biens ;
- Disons qu'à défaut d'évacuation volontaire, il sera procédé avec le concours de la force publique ;
- Autorisons la SARL L'ETOILE à faire estimer les réparations locatives par huissier de justice ;
- Fixons le montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle due par la SARL VALNICO à compter de la date de la présente ordonnance à la somme de 4 500 € (quatre mille cinq cents euros) par mois jusqu'à la libération complète et définitive des lieux et remise des clés à la SARL L'ETOILE ;
- Condamnons la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE par provision la somme de 118 638,83 € (cent dix huit mille six cent trente huit euros et quatre vingt trois centimes) au titre des loyers et charges dus avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021 ;
- Déboutons la SARL VALNICO de ses demandes ;
- Condamnons la SARL VALNICO aux dépens, y compris le coût du commandement de payer et des actes extra-judiciaires ;
- Condamnons la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboutons la SARL L'ETOILE du surplus de ses demandes ;
- Rappelons que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SARL Valnico contre cette ordonnance et déposée le 10'février 2022 (n°'RG 22/00641),
Vu la constitution d'intimée de la SARL l'Étoile en date du 28'février 2022,
Vu la constitution d'intimée, en date du 2'mars 2022, de la SELARL AJ Associés, ès qualités d'administrateur de la SARL Valnico, avec mission de surveillance, selon jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse du 2 février 2022, ayant ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de la SARL Valnico,
Vu l'arrêt du 9'octobre 2023 ordonnant le retrait de l'affaire du rôle des procédures en cours,
Vu l'acte de reprise d'instance déposé le 11'octobre 2024 pour le compte de la SARL Valnico et de la SELARL AJ Associés, ès qualités et la constitution d'intimée de la SARL l'Étoile en date du 5'mars 2024 (n°'RG 24/03820),
Vu les dernières conclusions en date du 10'novembre 2022, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SARL Valnico demande à la cour de':
'Vu ensemble les articles L 211-4, R 211-4 du Code de l'organisation judiciaire, L 145-9 et suivants, L 145-33 et suivants, L 145-41, R 145-23 du Code de commerce, anciens 1134 al 2, 1148, 1244-1, 1104 nouveau, 1722 du Code civil, 834 et 835 al 2 du Code de procédure civile, l'arrêté du 14 mars 2020, la loi du 23 mars 2020, et le décret du 29 octobre 2020 ;
JUGER l'appel de la Société VALNICO, agissant par son administrateur judiciaire régulier, recevable et bien fondé ;
En conséquence,
INFIRMER l'Ordonnance de référé du 18 janvier 2022 en ce qu'elle a :
- Rejeté l'exception d'incompétence,
- Constaté la résiliation de plein droit, depuis le 4 juillet 2021, du contrat de bail pour les locaux situés [Adresse 1], aux torts exclusifs de la SARL VALNICO,
- Ordonné l'évacuation de la SARL VALNICO, dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, des locaux sis [Adresse 1], ainsi que de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai, corps et biens,
- Dit qu'à défaut d'évacuation volontaire, il sera procédé avec le concours de la force publique,
- Fixé le montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle du par la SARL VALNICO à compter de la date de la présente ordonnance à la somme de 4 500 € par mois jusqu'à la libération complète et définitive des lieux et remise des clés à la SARL L'ETOILE,
- Condamné la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE par provision la somme de 118'638,83 € au titre des loyers et charges dus avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021,
- Débouté la SARL VALNICO de ses demandes tendant à la condamnation de la SARL L'ETOILE à lui payer 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris ceux du commandement de payer et tendant subsidiairement à suspendre provisoirement la clause résolutoire et à accorder les délais de grâce en application de l'article 1244-1 du Code Civil en vigueur,
- Condamné la SARL VALNICO aux dépens, y compris le coût du commandement de payer et des actes extra-judiciaires,
- Condamner [sic] la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Statuant à nouveau ;
Avant dire droit ;
DECLARER le Président du Tribunal judiciaire de MULHOUSE statuant en matière de référé commercial, matériellement incompétent pour connaître du présent litige ;
RENVOYER l'affaire devant le Président du Tribunal de MULHOUSE statuant en matière de référé civil ;
Le cas échéant sur évocation ;
Vu l'évolution de l'affaire à hauteur d'appel,
JUGER irrecevables les demandes de la SARL L'ETOILE comme se heurtant à la forclusion
Subsidiairement,
JUGER irrecevable la demande de provision de la SARL L'ETOILE comme heurtant l'ordre des créanciers en fonction de leurs rangs et privilèges
Au fond
JUGER que la Société L'ETOILE a manqué à son obligation générale d'exécution de bonne foi du contrat de bail querellé ;
JUGER que les stipulations contractuelles tendant à l'indexation du montant du loyer initial et des charges querellés ont été mises en 'uvre par la Société L'ETOILE de mauvaise foi ;
JUGER que la Société VALNICO n'a pu jouir paisiblement des lieux loués conformément à leur destination en suite des mesures de police administrative prises successivement depuis le 14 mars 2020 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ;
JUGER que la dépossession en résultant s'analyse en une destruction des lieux loués au sens de l'article 1722 du Code civil ;
DIRE et JUGER que la clause contractuelle de résiliation du contrat de bail a été mise en 'uvre par la Société L'ETOILE de mauvaise foi ;
Dans tous les cas ;
DIRE n'y avoir pas lieu à référé ;
REJETER l'ensemble des demandes de la Société L'ETOILE ;
'
DEBOUTER la Société L'ETOILE de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
CONDAMNER la Société L'ETOILE à payer à la Société VALNICO la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, en ce compris ceux de première et seconde instance et au commandement de payer ;
Subsidiairement et en tant que de besoin ;
SUSPENDRE les effets de la clause résolutoire dans les conditions qu'il lui plaira de fixer ;
ACCORDER à la Société VALNICO les plus larges délais de grâce en application de l'ancien article 1244-1 du Code civil alors en vigueur'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'incompétence du juge des référés commerciaux, qui n'aurait pas dû statuer sur un litige relevant de la compétence du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux, s'agissant d'une demande en résiliation du bail par application d'une clause résolutoire, qui s'analyse en une action judiciaire tendant à sanctionner la violation supposée d'une disposition du statut,
- subsidiairement, l'absence d'information préalable du créancier bénéficiant d'un nantissement en amont de la procédure de référé, conformément à l'article L.143-2 du code de commerce,
- l'irrégularité de la demande de la SARL L'Étoile, qui n'aurait pas déclaré sa créance dans la procédure collective ouverte à l'encontre de la concluante, rendant toute condamnation impossible, à défaut, par ailleurs, de demande de relevé de forclusion dans les 6 mois de la publication du jugement d'ouverture du BODACC et à défaut de décision de justice passée en force de chose jugée (ce qui n'est pas le cas en cas d'ordonnance de référé), lors de l'ouverture de la procédure collective, ce qui rend, tout au plus, possible une demande de fixation de créance,
- une application abusive et rétroactive, à compter du 1er janvier 2021, dans un contexte de volonté de la concluante de céder son droit au bail et de litige entre les parties sur la surface louée, des indexations de loyer, sur une période de cinq ans, conduisant à une augmentation brutale et disproportionnée, contraire à l'exécution de bonne foi du bail, alors que de surcroît, pour être régulière, la variation d'un loyer de plus d'un quart ne peut jamais conduire à une augmentation supérieure, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente,
- l'incidence de la crise sanitaire qui a entraîné la fermeture administrative du commerce, justifiant une exonération de loyers pour cette période, en vertu de l'article 1722 du code civil,
- une man'uvre du bailleur pour évincer la concluante, en imposant des conditions financières intenables afin de récupérer le local, sans verser d'indemnité d'éviction,
- le rejet de la résiliation du bail et de la demande de paiement provisionnel, en raison des contestations sérieuses sur le montant du loyer et la validité des indexations pratiquées de mauvaise foi par l'intimée à la suite de la proposition de cession du contrat de bail et du refus de la concluante d'un congé, avec offre de renouvellement, à des conditions prohibitives, d'autant que la bailleresse aurait attendu à dessein le terme de la période légale de protection instaurée par la loi du 14'novembre 2020 pour ester en justice, sans jamais proposer au préalable une adaptation des modalités d'exécution des obligations respectives des parties, conformément à son obligation générale d'exécution de bonne foi du contrat, que les circonstances sanitaires singulières rendaient pourtant nécessaires,
- la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement, en raison de la situation économique et de l'absence de nécessité pour le bailleur.
Vu les dernières conclusions en date du 11'mars 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SARL l'Étoile demande à la cour de':
'Déclarer la partie adverse mal fondée en son appel,
L'en débouter,
Confirmer en conséquence l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Le cas échéant après évocation,
Constater la résiliation de plein droit depuis le 4 juillet 2021 du contrat de bail pour les locaux situés [Adresse 1] aux torts exclusifs de la Sarl VALNICO,
Ordonner l'évacuation de la Sarl VALNICO dans les 15 jours de la signification de l'arrêt à intervenir des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4] ainsi que de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai corps et biens,
Dire qu'à défaut d'évacuation volontaire, il sera procédé avec le concours de la Force Publique,
Autoriser la Sarl L'ETOILE à faire estimer les réparations locatives par huissier de justice,
Fixer le montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle due par la Sarl VALNICO à compter de la date de l'arrêt à intervenir à la somme de 4 500 € par mois jusqu'à la libération complète et définitive des lieux et remise des clés à la Sarl L'ETOILE,
Condamner la Sarl VALNICO à payer à la Sarl L'ETOILE par provision la somme de 118 638,83 € au titre des loyers et charges dus avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021,
Débouter la Sarl VALNICO de l'ensemble de ses demandes,
Condamner la Sarl VALNICO aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement au profit de la Sarl L'ETOILE de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile'
et ce, en invoquant, notamment':
- la compétence du juge des référés commerciaux, s'agissant d'un litige opposant deux commerçants au sujet d'un bail commercial,
- l'application de la clause résolutoire, en l'absence de contestation par la partie adverse, du montant de la revalorisation du loyer et de celui des charges et alors que pour le reste, la concluante aurait fait application des clauses contractuelles comme des délais légaux, alors qu'il appartenait bien au preneur de procéder d'office à l'indexation des loyers, sans pouvoir invoquer un éventuel renoncement de la part du bailleur à une telle indexation, le premier juge ayant, ainsi, constaté que le montant du loyer renouvelé, à savoir 78 000 euros H.T. par an, satisfaisait aux conditions légales d'indexation et ayant encore pris soin de relever que la société Valnico n'avait jamais adressé de contre-proposition, tout en constatant également que la revalorisation du loyer était parfaitement justifiée pour la période du 1er mai 2016 au 31 décembre 2020, de sorte que la partie adverse serait seule responsable de l'irrespect des dispositions contractuelles prévues par le bail commercial et qu'en l'absence de réponse de la partie adverse, concernant le principe de renouvellement du bail, ce serait à juste titre et en toute bonne foi que la concluante a pris la décision de faire délivrer à la partie adverse, un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte extra-judiciaire en date du 4 juin 2021,
- en réponse aux arguments adverses, marqués par un 'excès manifeste', notamment quant au 'non-respect de l'article L.'143-2 du Code du Commerce', son absence de mauvaise foi, alors qu'elle serait en droit d'exiger, même avec retard, le loyer indexé et ceci dans le respect de la prescription quinquennale, outre le rappel de ce qu'avant de solliciter la résiliation du bail, la concluante avait bien proposé à son locataire un nouveau bail, proposition catégoriquement refusée par le preneur, qui aurait pu, le cas échéant, se contenter de refuser
le montant du loyer proposé, la concluante réfutant, par ailleurs, l'application d'un plafonnement de 10'% ne concernant que les baux conclus ou renouvelés à partir de 2014 et ajoutant que, s'agissant des dispositions de l'article L.'143-2 précitées, invoquées pour la première fois à hauteur de cour sans être reprises dans le dispositif des conclusions adverses, elles viseraient à protéger les créanciers inscrits sur le fonds de commerce, seul le créancier, et non le locataire devant la juridiction saisie, pouvant se prévaloir le cas échéant de l'inobservation des prescriptions légales,
- l'absence de force majeure liée à la fermeture administrative de l'établissement pendant la crise Covid, pour justifier du non-paiement des loyers,
- l'absence de volonté adverse de céder son fonds de commerce, mais uniquement son bail, ce à quoi la concluante était opposée eu égard à l'activité exercée par le candidat à la reprise du bail.
Vu les débats à l'audience du 24'mars 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur l'exception d'incompétence :
Aux termes de l'article L.'721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. Par exception, lorsque le cautionnement d'une dette commerciale n'a pas été souscrit dans le cadre de l'activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci.
Par ailleurs, selon l'article R.'145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.
Il résulte encore des articles R. 211-3 26 11° du code de l'organisation judiciaire qui fixe une compétence exclusive du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux 'à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale' et R. 211-4 I 2° du code précité, lequel dispose qu''en matière civile, les tribunaux judiciaires spécialement désignés sur le fondement de l'article L. 211-9-3 connaissent seuls, dans l'ensemble des ressorts des tribunaux judiciaires d'un même département ou, dans les conditions prévues au III de l'article L. 211-9-3, dans deux départements, des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce', combinés avec les dispositions précitées de l'article R.'145-23 du code de commerce, que la compétence exclusive des tribunaux judiciaires en matière de bail commercial ne s'entend que pour les seuls litiges fondés sur le statut des baux commerciaux.
Or, l'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial, prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l'espèce et dès lors que l'action de la société l'Etoile tend à obtenir le constat de résiliation de plein droit de la clause résolutoire, qui relève donc bien de l'application du statut des baux commerciaux, en vertu des dispositions précitées et non d'une contestation relative au prix du bail, seul le juge des référés civils du tribunal judiciaire, en application des dispositions ci-dessus rappelées, ainsi que des articles 834 et 835 du code de procédure civile, d'ailleurs cités par le juge de première instance, est compétent pour en connaître, à l'exclusion du juge des référés commerciaux.
Il convient, dès lors, en infirmation de la décision entreprise, de faire droit à l'exception tirée de l'incompétence du juge des référés commerciaux.
Cela étant, en vertu de l'article 90 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige, si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
Tel est le cas en l'espèce, la cour et, d'ailleurs, plus particulièrement la chambre saisie de l'affaire, étant juridiction d'appel des décisions statuant en référé sur les baux commerciaux et plus particulièrement l'application de la clause résolutoire. Il lui appartient donc de statuer sur le fond.
Sur l'irrecevabilité de l'action de la société l'Étoile :
En vertu de l'article L.'622-21 I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers, dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Il résulte de la combinaison de cette disposition et de l'article L.'145-41 précité du code de commerce que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial, pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement (3ème Civ., 13 avril 2022, pourvoi n°'21-15.336, publié), les effets du commandement de payer visant la clause résolutoire étant suspendus par l'effet du jugement ouvrant la procédure collective du locataire, dès lors qu'aucune décision passée en force de chose jugée constatant l'acquisition de cette clause résolutoire n'est intervenue avant ce jugement d'ouverture (3ème Civ., 9 janvier 2008, pourvoi n° 06-21.499, Bull. 2008, III, n° 1).
Or en l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé, le placement sous sauvegarde de la société Valnico par jugement en date du 2'février 2022 n'a été précédé d'aucune décision passée en force de chose jugée constatant l'acquisition de la clause résolutoire, la décision du juge des référés commerciaux ayant fait l'objet d'un recours devant la cour de céans et la société l'Étoile ne pouvait donc poursuivre son action pour constat de la clause résolutoire, au titre de loyers échus avant le placement sous sauvegarde.
Il convient donc, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner le surplus des fins de non-recevoir invoquées par la société Valnico, de déclarer la société l'Etoile irrecevable en ses demandes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SARL l'Étoile, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi que de ceux de la première instance, incluant les frais du commandement de payer.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'intimée une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2'500 euros au profit de l'appelante, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en infirmant les dispositions de l'ordonnance déférée de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse, en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence,
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse était incompétent pour connaître du présent litige,
Infirme, par voie de conséquence, le surplus des dispositions de l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau des chefs de demandes ainsi infirmés, par application de l'article 90 du code de procédure civile,
Déclare la SARL l'Étoile irrecevable en ses demandes,
Condamne la SARL l'Étoile aux dépens de première instance, incluant les frais du commandement de payer et d'appel,
Condamne la SARL l'Étoile à payer à la SARL Valnico la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL l'Étoile.
La Greffière : le Président :
Copie exécutoire à
- la SELARL ARTHUS
- Me Stéphanie ROTH
Le 28.05.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 28 Mai 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/03820 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IMZC
Décision déférée à la Cour : 18 Janvier 2022 par le Juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANTE :
S.A.R.L. VALNICO
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
Représentée par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, avocat à la Cour
PARTIE INTERVENANTE :
S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES administrateur judiciaire de la SARL VALNICO
[Adresse 3]
Représentée par Me Loïc RENAUD de la SELARL ARTHUS, avocat à la Cour
INTIMEE :
S.A.R.L. L'ETOILE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphanie ROTH, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre et M. ROUBLOT, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'assignation délivrée le 5 août 2021 par laquelle la SARL L'Etoile a fait citer la SARL Valnico devant le juge des référés commerciaux du Tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu l'ordonnance rendue le 18 janvier 2022, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par laquelle le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse a statué comme suit :
'- Rejetons l'exception d'incompétence ;
- Constatons la résiliation de plein droit, depuis le 4 juillet 2021, du contrat de bail pour les locaux situés [Adresse 1], aux torts exclusifs de la SARL VALNICO ;
- Ordonnons l'évacuation de la SARL VALNICO, dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, des locaux sis [Adresse 1], ainsi que de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai, corps et biens ;
- Disons qu'à défaut d'évacuation volontaire, il sera procédé avec le concours de la force publique ;
- Autorisons la SARL L'ETOILE à faire estimer les réparations locatives par huissier de justice ;
- Fixons le montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle due par la SARL VALNICO à compter de la date de la présente ordonnance à la somme de 4 500 € (quatre mille cinq cents euros) par mois jusqu'à la libération complète et définitive des lieux et remise des clés à la SARL L'ETOILE ;
- Condamnons la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE par provision la somme de 118 638,83 € (cent dix huit mille six cent trente huit euros et quatre vingt trois centimes) au titre des loyers et charges dus avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021 ;
- Déboutons la SARL VALNICO de ses demandes ;
- Condamnons la SARL VALNICO aux dépens, y compris le coût du commandement de payer et des actes extra-judiciaires ;
- Condamnons la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboutons la SARL L'ETOILE du surplus de ses demandes ;
- Rappelons que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SARL Valnico contre cette ordonnance et déposée le 10'février 2022 (n°'RG 22/00641),
Vu la constitution d'intimée de la SARL l'Étoile en date du 28'février 2022,
Vu la constitution d'intimée, en date du 2'mars 2022, de la SELARL AJ Associés, ès qualités d'administrateur de la SARL Valnico, avec mission de surveillance, selon jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse du 2 février 2022, ayant ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de la SARL Valnico,
Vu l'arrêt du 9'octobre 2023 ordonnant le retrait de l'affaire du rôle des procédures en cours,
Vu l'acte de reprise d'instance déposé le 11'octobre 2024 pour le compte de la SARL Valnico et de la SELARL AJ Associés, ès qualités et la constitution d'intimée de la SARL l'Étoile en date du 5'mars 2024 (n°'RG 24/03820),
Vu les dernières conclusions en date du 10'novembre 2022, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SARL Valnico demande à la cour de':
'Vu ensemble les articles L 211-4, R 211-4 du Code de l'organisation judiciaire, L 145-9 et suivants, L 145-33 et suivants, L 145-41, R 145-23 du Code de commerce, anciens 1134 al 2, 1148, 1244-1, 1104 nouveau, 1722 du Code civil, 834 et 835 al 2 du Code de procédure civile, l'arrêté du 14 mars 2020, la loi du 23 mars 2020, et le décret du 29 octobre 2020 ;
JUGER l'appel de la Société VALNICO, agissant par son administrateur judiciaire régulier, recevable et bien fondé ;
En conséquence,
INFIRMER l'Ordonnance de référé du 18 janvier 2022 en ce qu'elle a :
- Rejeté l'exception d'incompétence,
- Constaté la résiliation de plein droit, depuis le 4 juillet 2021, du contrat de bail pour les locaux situés [Adresse 1], aux torts exclusifs de la SARL VALNICO,
- Ordonné l'évacuation de la SARL VALNICO, dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, des locaux sis [Adresse 1], ainsi que de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai, corps et biens,
- Dit qu'à défaut d'évacuation volontaire, il sera procédé avec le concours de la force publique,
- Fixé le montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle du par la SARL VALNICO à compter de la date de la présente ordonnance à la somme de 4 500 € par mois jusqu'à la libération complète et définitive des lieux et remise des clés à la SARL L'ETOILE,
- Condamné la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE par provision la somme de 118'638,83 € au titre des loyers et charges dus avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021,
- Débouté la SARL VALNICO de ses demandes tendant à la condamnation de la SARL L'ETOILE à lui payer 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris ceux du commandement de payer et tendant subsidiairement à suspendre provisoirement la clause résolutoire et à accorder les délais de grâce en application de l'article 1244-1 du Code Civil en vigueur,
- Condamné la SARL VALNICO aux dépens, y compris le coût du commandement de payer et des actes extra-judiciaires,
- Condamner [sic] la SARL VALNICO à payer à la SARL L'ETOILE la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Statuant à nouveau ;
Avant dire droit ;
DECLARER le Président du Tribunal judiciaire de MULHOUSE statuant en matière de référé commercial, matériellement incompétent pour connaître du présent litige ;
RENVOYER l'affaire devant le Président du Tribunal de MULHOUSE statuant en matière de référé civil ;
Le cas échéant sur évocation ;
Vu l'évolution de l'affaire à hauteur d'appel,
JUGER irrecevables les demandes de la SARL L'ETOILE comme se heurtant à la forclusion
Subsidiairement,
JUGER irrecevable la demande de provision de la SARL L'ETOILE comme heurtant l'ordre des créanciers en fonction de leurs rangs et privilèges
Au fond
JUGER que la Société L'ETOILE a manqué à son obligation générale d'exécution de bonne foi du contrat de bail querellé ;
JUGER que les stipulations contractuelles tendant à l'indexation du montant du loyer initial et des charges querellés ont été mises en 'uvre par la Société L'ETOILE de mauvaise foi ;
JUGER que la Société VALNICO n'a pu jouir paisiblement des lieux loués conformément à leur destination en suite des mesures de police administrative prises successivement depuis le 14 mars 2020 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ;
JUGER que la dépossession en résultant s'analyse en une destruction des lieux loués au sens de l'article 1722 du Code civil ;
DIRE et JUGER que la clause contractuelle de résiliation du contrat de bail a été mise en 'uvre par la Société L'ETOILE de mauvaise foi ;
Dans tous les cas ;
DIRE n'y avoir pas lieu à référé ;
REJETER l'ensemble des demandes de la Société L'ETOILE ;
'
DEBOUTER la Société L'ETOILE de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
CONDAMNER la Société L'ETOILE à payer à la Société VALNICO la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, en ce compris ceux de première et seconde instance et au commandement de payer ;
Subsidiairement et en tant que de besoin ;
SUSPENDRE les effets de la clause résolutoire dans les conditions qu'il lui plaira de fixer ;
ACCORDER à la Société VALNICO les plus larges délais de grâce en application de l'ancien article 1244-1 du Code civil alors en vigueur'
et ce, en invoquant, notamment':
- l'incompétence du juge des référés commerciaux, qui n'aurait pas dû statuer sur un litige relevant de la compétence du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux, s'agissant d'une demande en résiliation du bail par application d'une clause résolutoire, qui s'analyse en une action judiciaire tendant à sanctionner la violation supposée d'une disposition du statut,
- subsidiairement, l'absence d'information préalable du créancier bénéficiant d'un nantissement en amont de la procédure de référé, conformément à l'article L.143-2 du code de commerce,
- l'irrégularité de la demande de la SARL L'Étoile, qui n'aurait pas déclaré sa créance dans la procédure collective ouverte à l'encontre de la concluante, rendant toute condamnation impossible, à défaut, par ailleurs, de demande de relevé de forclusion dans les 6 mois de la publication du jugement d'ouverture du BODACC et à défaut de décision de justice passée en force de chose jugée (ce qui n'est pas le cas en cas d'ordonnance de référé), lors de l'ouverture de la procédure collective, ce qui rend, tout au plus, possible une demande de fixation de créance,
- une application abusive et rétroactive, à compter du 1er janvier 2021, dans un contexte de volonté de la concluante de céder son droit au bail et de litige entre les parties sur la surface louée, des indexations de loyer, sur une période de cinq ans, conduisant à une augmentation brutale et disproportionnée, contraire à l'exécution de bonne foi du bail, alors que de surcroît, pour être régulière, la variation d'un loyer de plus d'un quart ne peut jamais conduire à une augmentation supérieure, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente,
- l'incidence de la crise sanitaire qui a entraîné la fermeture administrative du commerce, justifiant une exonération de loyers pour cette période, en vertu de l'article 1722 du code civil,
- une man'uvre du bailleur pour évincer la concluante, en imposant des conditions financières intenables afin de récupérer le local, sans verser d'indemnité d'éviction,
- le rejet de la résiliation du bail et de la demande de paiement provisionnel, en raison des contestations sérieuses sur le montant du loyer et la validité des indexations pratiquées de mauvaise foi par l'intimée à la suite de la proposition de cession du contrat de bail et du refus de la concluante d'un congé, avec offre de renouvellement, à des conditions prohibitives, d'autant que la bailleresse aurait attendu à dessein le terme de la période légale de protection instaurée par la loi du 14'novembre 2020 pour ester en justice, sans jamais proposer au préalable une adaptation des modalités d'exécution des obligations respectives des parties, conformément à son obligation générale d'exécution de bonne foi du contrat, que les circonstances sanitaires singulières rendaient pourtant nécessaires,
- la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement, en raison de la situation économique et de l'absence de nécessité pour le bailleur.
Vu les dernières conclusions en date du 11'mars 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SARL l'Étoile demande à la cour de':
'Déclarer la partie adverse mal fondée en son appel,
L'en débouter,
Confirmer en conséquence l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Le cas échéant après évocation,
Constater la résiliation de plein droit depuis le 4 juillet 2021 du contrat de bail pour les locaux situés [Adresse 1] aux torts exclusifs de la Sarl VALNICO,
Ordonner l'évacuation de la Sarl VALNICO dans les 15 jours de la signification de l'arrêt à intervenir des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 4] ainsi que de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai corps et biens,
Dire qu'à défaut d'évacuation volontaire, il sera procédé avec le concours de la Force Publique,
Autoriser la Sarl L'ETOILE à faire estimer les réparations locatives par huissier de justice,
Fixer le montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle due par la Sarl VALNICO à compter de la date de l'arrêt à intervenir à la somme de 4 500 € par mois jusqu'à la libération complète et définitive des lieux et remise des clés à la Sarl L'ETOILE,
Condamner la Sarl VALNICO à payer à la Sarl L'ETOILE par provision la somme de 118 638,83 € au titre des loyers et charges dus avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021,
Débouter la Sarl VALNICO de l'ensemble de ses demandes,
Condamner la Sarl VALNICO aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement au profit de la Sarl L'ETOILE de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile'
et ce, en invoquant, notamment':
- la compétence du juge des référés commerciaux, s'agissant d'un litige opposant deux commerçants au sujet d'un bail commercial,
- l'application de la clause résolutoire, en l'absence de contestation par la partie adverse, du montant de la revalorisation du loyer et de celui des charges et alors que pour le reste, la concluante aurait fait application des clauses contractuelles comme des délais légaux, alors qu'il appartenait bien au preneur de procéder d'office à l'indexation des loyers, sans pouvoir invoquer un éventuel renoncement de la part du bailleur à une telle indexation, le premier juge ayant, ainsi, constaté que le montant du loyer renouvelé, à savoir 78 000 euros H.T. par an, satisfaisait aux conditions légales d'indexation et ayant encore pris soin de relever que la société Valnico n'avait jamais adressé de contre-proposition, tout en constatant également que la revalorisation du loyer était parfaitement justifiée pour la période du 1er mai 2016 au 31 décembre 2020, de sorte que la partie adverse serait seule responsable de l'irrespect des dispositions contractuelles prévues par le bail commercial et qu'en l'absence de réponse de la partie adverse, concernant le principe de renouvellement du bail, ce serait à juste titre et en toute bonne foi que la concluante a pris la décision de faire délivrer à la partie adverse, un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte extra-judiciaire en date du 4 juin 2021,
- en réponse aux arguments adverses, marqués par un 'excès manifeste', notamment quant au 'non-respect de l'article L.'143-2 du Code du Commerce', son absence de mauvaise foi, alors qu'elle serait en droit d'exiger, même avec retard, le loyer indexé et ceci dans le respect de la prescription quinquennale, outre le rappel de ce qu'avant de solliciter la résiliation du bail, la concluante avait bien proposé à son locataire un nouveau bail, proposition catégoriquement refusée par le preneur, qui aurait pu, le cas échéant, se contenter de refuser
le montant du loyer proposé, la concluante réfutant, par ailleurs, l'application d'un plafonnement de 10'% ne concernant que les baux conclus ou renouvelés à partir de 2014 et ajoutant que, s'agissant des dispositions de l'article L.'143-2 précitées, invoquées pour la première fois à hauteur de cour sans être reprises dans le dispositif des conclusions adverses, elles viseraient à protéger les créanciers inscrits sur le fonds de commerce, seul le créancier, et non le locataire devant la juridiction saisie, pouvant se prévaloir le cas échéant de l'inobservation des prescriptions légales,
- l'absence de force majeure liée à la fermeture administrative de l'établissement pendant la crise Covid, pour justifier du non-paiement des loyers,
- l'absence de volonté adverse de céder son fonds de commerce, mais uniquement son bail, ce à quoi la concluante était opposée eu égard à l'activité exercée par le candidat à la reprise du bail.
Vu les débats à l'audience du 24'mars 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur l'exception d'incompétence :
Aux termes de l'article L.'721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l'arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. Par exception, lorsque le cautionnement d'une dette commerciale n'a pas été souscrit dans le cadre de l'activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci.
Par ailleurs, selon l'article R.'145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.
Il résulte encore des articles R. 211-3 26 11° du code de l'organisation judiciaire qui fixe une compétence exclusive du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux 'à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale' et R. 211-4 I 2° du code précité, lequel dispose qu''en matière civile, les tribunaux judiciaires spécialement désignés sur le fondement de l'article L. 211-9-3 connaissent seuls, dans l'ensemble des ressorts des tribunaux judiciaires d'un même département ou, dans les conditions prévues au III de l'article L. 211-9-3, dans deux départements, des actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L. 145-1 à L. 145-60 du code de commerce', combinés avec les dispositions précitées de l'article R.'145-23 du code de commerce, que la compétence exclusive des tribunaux judiciaires en matière de bail commercial ne s'entend que pour les seuls litiges fondés sur le statut des baux commerciaux.
Or, l'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial, prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l'espèce et dès lors que l'action de la société l'Etoile tend à obtenir le constat de résiliation de plein droit de la clause résolutoire, qui relève donc bien de l'application du statut des baux commerciaux, en vertu des dispositions précitées et non d'une contestation relative au prix du bail, seul le juge des référés civils du tribunal judiciaire, en application des dispositions ci-dessus rappelées, ainsi que des articles 834 et 835 du code de procédure civile, d'ailleurs cités par le juge de première instance, est compétent pour en connaître, à l'exclusion du juge des référés commerciaux.
Il convient, dès lors, en infirmation de la décision entreprise, de faire droit à l'exception tirée de l'incompétence du juge des référés commerciaux.
Cela étant, en vertu de l'article 90 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige, si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.
Tel est le cas en l'espèce, la cour et, d'ailleurs, plus particulièrement la chambre saisie de l'affaire, étant juridiction d'appel des décisions statuant en référé sur les baux commerciaux et plus particulièrement l'application de la clause résolutoire. Il lui appartient donc de statuer sur le fond.
Sur l'irrecevabilité de l'action de la société l'Étoile :
En vertu de l'article L.'622-21 I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers, dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Il résulte de la combinaison de cette disposition et de l'article L.'145-41 précité du code de commerce que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial, pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement (3ème Civ., 13 avril 2022, pourvoi n°'21-15.336, publié), les effets du commandement de payer visant la clause résolutoire étant suspendus par l'effet du jugement ouvrant la procédure collective du locataire, dès lors qu'aucune décision passée en force de chose jugée constatant l'acquisition de cette clause résolutoire n'est intervenue avant ce jugement d'ouverture (3ème Civ., 9 janvier 2008, pourvoi n° 06-21.499, Bull. 2008, III, n° 1).
Or en l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé, le placement sous sauvegarde de la société Valnico par jugement en date du 2'février 2022 n'a été précédé d'aucune décision passée en force de chose jugée constatant l'acquisition de la clause résolutoire, la décision du juge des référés commerciaux ayant fait l'objet d'un recours devant la cour de céans et la société l'Étoile ne pouvait donc poursuivre son action pour constat de la clause résolutoire, au titre de loyers échus avant le placement sous sauvegarde.
Il convient donc, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner le surplus des fins de non-recevoir invoquées par la société Valnico, de déclarer la société l'Etoile irrecevable en ses demandes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SARL l'Étoile, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi que de ceux de la première instance, incluant les frais du commandement de payer.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'intimée une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2'500 euros au profit de l'appelante, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en infirmant les dispositions de l'ordonnance déférée de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse, en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence,
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Mulhouse était incompétent pour connaître du présent litige,
Infirme, par voie de conséquence, le surplus des dispositions de l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau des chefs de demandes ainsi infirmés, par application de l'article 90 du code de procédure civile,
Déclare la SARL l'Étoile irrecevable en ses demandes,
Condamne la SARL l'Étoile aux dépens de première instance, incluant les frais du commandement de payer et d'appel,
Condamne la SARL l'Étoile à payer à la SARL Valnico la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL l'Étoile.
La Greffière : le Président :