CA Bordeaux, 4e ch. com., 16 juin 2025, n° 24/04695
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 16 JUIN 2025
N° RG 24/04695 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N7RU
Monsieur [S] [W]
c/
S.E.L.A.R.L. PHILAE
Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION
JONCTION AVEC DOSSIER RG : 22/01783
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 janvier 2017 (R.G. 15/06023) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX infirmé par un arrêt rendu par la Cour d'appel de Bordeaux en date du 15 juin 2020 cassé par un arrêt de la Cour de Cassation en date 16 novembre 2023 suivant saisine du 24 octobre 2024
DEMANDEUR :
Monsieur [S] [W], né le 08 Juin 1954 à [Localité 8] (IRAN), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Maître Eugénie RESSIE de la SELAS DIXERA, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSE :
S.E.L.A.R.L. PHILAE, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL L'AMIRALE BIERE, domiciliée en cette qualité [Adresse 6]
Représentée par Maître Sylvie HADDAD de la SELARL IMPACT AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 mai 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
1 - Par acte du 11 août 2009, M. [W], a donné à bail un local à usage commercial au [Adresse 7] à M. [V], pour une activité de primeur, crémerie, cave à vin et épicerie fine et dépôt de pain.
Le bail commercial contenait une clause d'agrément du bailleur en cas de cession du bail selon laquelle 'le preneur ne pourra céder ses droits au présent bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce, et avec l'accord préalable et par écrit du bailleur.'
Par acte du 23 octobre 2014, M. [V] a signé une promesse de vente du fonds de commerce avec cession de son droit au bail au profit de Mme [I] et M. [B], 'agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de toute personne physique ou morale pouvant s'y substituer', sous condition suspensive de l'accord du bailleur.
Suite au refus d'agrément du bailleur, M. [V] a saisi juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux. Par ordonnance du 28 janvier 2015, celui-ci a autorisé la cession du bail inclus dans le fonds de commerce au profit de Mme [Y] et M. [B].
Le 16 février 2015, la société L'Amirale Bière, immatriculée le 10 février 2015 et dirigée par Mme [Y] et M. [B], a fait l'acquisition du fonds de commerce de M. et Mme [V].
Dossier RG n°24/04695
2 - Par acte du 12 juin 2015, la société L'Amirale Bière a fait assigner M. [W] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour voir dire que l'activité de petite restauration consistant à déguster les bières offertes à la vente et à proposer des plats froids en accompagnement est complémentaire à la destination du bail, et être autorisée à adjoindre cette activité à l'activité contractuelle.
M. [W] a formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail et expulsion.
Par jugement du 5 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a:
- débouté M. [W] de sa demande reconventionnelle ;
- autorisé la société L'Amirale Bière à adjoindre à l'activité contractuelle prévue au bail commercial du 11 août 2009 une « activité de petite restauration » consistant à déguster les bières offertes à la vente et à proposer des plats froids en accompagnement ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 16 février 2017, M. [W] a interjeté appel de cette décision, intimant la société L'Amirale Bière.
Par arrêt du 15 juin 2020, la cour d'appel de Bordeaux a:
- infirmé le jugement rendu entre les partie par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 5 janvier 2017, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de la société L'Amirale Bière, et sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande reconventionnelle de résiliation du bail,
Et, statuant à nouveau sur les autres chefs,
- débouté la société L'Amirale Bière de sa demande de modification de l'activité prévue au bail,
Y ajoutant,
- débouté M. [W] de sa demande de dire la société L'Amirale Bière occupant sans titre et d'ordonner son expulsion,
- condamné la société L'Amirale Bière à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société L'Amirale Bière aux dépens de première instance et d'appel.
A la suite du pourvoi interjeté par M. [W] le 10 juin 2022, la troisième chambre civile cour de cassation a, par arrêt du 16 novembre 2023, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 15 juin 2020 par la cour d'appel de Bordeaux et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.
La société Amirale Bière a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 7 février 2024, la Selarl Philae étant désignée en qualité de liquidateur. M. [W] a déclaré sa créance le 18 mars 2024 pour un montant de 36 180 euros à titre privilégié.
Par déclaration du 24 octobre 2024 , M. [W] a saisi la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée et statuant comme cour de renvoi.
La déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux et de pièces a été signifiée à la personne de la société Philae es qualités par commissaire de justice le 15 novembre 2024.
3 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 19 décembre 2024, et à l'intimé non constitué le 24 décembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [W] demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 5 janvier 2017 en l'ensemble de ses dispositions et
Statuant à nouveau
A titre liminaire :
- déclarer la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière irrecevable en toutes ses demandes faute de qualité à agir ;
A titre principal :
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant résiduelle de 37 856 euros en principal et à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015, après compensation avec les premières indemnités versées ;
A titre subsidiaire, si par impossible la cour rejetait la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière :
- déclarer la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière mal fondée en sa demande de déspécialisation du bail ;
- l'en débouter
- prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial signé le 11 août 2009 pour non-respect des conditions du bail et de la destination prévue au bail,
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant de 37 856 euros en principal et à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015, après compensation avec les premières indemnités versées ;
En tout état de cause
- débouter la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière à verser à M. [W] une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière aux entiers dépens.
4 - L'intimé ne s'est pas constitué. Néanmoins, par courrier en date du 22 novembre 2024, la société Philae ès qualités a indiqué qu'elle n'était pas en mesure de se faire représenter et que M. [W] a déclaré une créance d'un montant de 36 180 euros à titre privilégié au passif de la société L'Amirale Bière. Le mandataire liquidateur a précisé que les instances en cours tendaient uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant en application de L622-22 et L641-3 du code de commerce.
L'ordonnance de clôture a été reportée à la date de l'audience, le 5 mai 2025.
Dossier RG n° 22/1783
- Par acte du 26 mars 2018, la société l'Amirale Bière a sollicité le renouvellement du bail pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 2018.
Par acte extrajudiciaire du 19 juin 2018, M. [W] a signifié à la société l'Amirale Bière une mise en demeure et un refus de renouvellement de bail commercial pour motifs graves et légitimes.
5 - Par acte du 26 décembre 2018, la société l'Amirale Bière a fait assigner M. [W] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en paiement d'une indemnité d'éviction, à la suite du refus opposé par le bailleur au renouvellement du bail à compter du 1er septembre 2018, avec refus de paiement d'une indemnité d'éviction pour cause d'infractions commises par le preneur.
Par jugement mixte rendu le 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a:
- déclaré recevable la demande de la société L'Amirale bière,
- dit que les griefs invoqués par Monsieur [K] dans l'acte du 19 juin 2018 valant mise en demeure et refus de renouvellement du bail commercial du 11 août 2009 pour motifs graves et légitimes, ne sont pas de nature à priver la société l'Amirale bière de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction de l'article L 145-14 du code de commerce,
Avant dire droit,
- ordonné une expertise confiée à Monsieur [G] [O], demeurant [Adresse 5]) tél. [XXXXXXXX01] et [XXXXXXXX02], pour y procéder avec mission de donner tout élément de nature à évaluer l'indemnité d'éviction de l'article L 145'14 du code de commerce due à la société L'Amirale bière, suite à l'acte délivré par Monsieur [W] le 19 juin 2018 valant refus de renouvellement du bail commercial, en évaluant ladite indemnité dans les conditions précisées par le texte précité ainsi qu'une indemnité d'occupation de la société L'Amirale bière en application de l'article L 145 28 du même code,
- dit que la société L'amirale de Biere devra consigner au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux la somme 2 500 euros, dans les deux mois à compter du prononcé de la décision,
- dit toutefois qu'en cas d'accord à une personne ci-dessus désignée, de l'aide juridictionnelle pour la procédure en cause, il n'y aura pas lieu par elle à consignation d'une somme à valoir sur les frais d'expertise, la rémunération de l'expert étant avancée par l'État qui n'est pas soumis au régime de la consignation, conformément aux dispositions de l'article 119 du Décret du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridictionnelle,
- dit que faute par la société L'amirale de Biere d'avoir consigné cette somme et d'avoir fourni des explications au juge sur le défaut de consignation dans le délai prescrit, la décision ordonnant l'expertise deviendra caduque,
- dit que l'expert pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivré par le régisseur à la partie consignataire, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de les commencer immédiatement en cas d'urgence,
- dit que l'expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans les 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe,
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,
- dit que l'expert devra établir un pré-rapport dans le délai de deux mois,
- dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal de grande instance, dans les quatre mois suivant le dépôt du pré-rapport, sauf prorogation accordée par le magistrat chargé du contrôle sur demande présentée avant l'expiration du délai fixé,
- dit qu'il appartiendra à l'expert d'adresser un exemplaire de son rapport à la demande du greffier de la juridiction du fond (par la voie électronique ou à défaut sur support papier),
- désigné Monsieur le Juge de la Mise en Etat de la 5ème chambre civile, pour suivre le déroulement de la présente mesure d'instruction,
- dit que l'expert devra remplir personnellement la mission qui lui est confiée et répondre point par point et de façon claire, concise mais argumenter à chacune des questions qui lui sont posées,
- dit que l'expert devra préciser dans son rapport qu'il a donné un exemplaire de son rapport aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception,
- dit que l'expert devra prendre en considération les observations et déclarations des parties en précisant la suite qui leur aura été donnée,
- précisé à cet égard que les dires des parties et les réponses faites par l'expert à ces dernières devront figurer en annexe du rapport d'expertise,
- rappelé à cet égard aux parties que les dires doivent concerner uniquement les appréciations techniques et que l'expert ne peut être saisi de questions de nature purement juridique,
- ordonné le sursis à statuer sur le surplus des chefs de demande,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,
- réservé les dépens
Par déclaration du 11 avril 2022, M. [W] relevé appel de ce jugement en intimant la société Amirale Bière.
Par ordonnance du 23 décembre 2022, rectifiée par l'ordonnance du 5 janvier 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux, saisi par l'intimé, a débouté la société l'Amirale Bière de sa demande d'irrecevabilité de certaines demandes de M. [W], s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non recevoir tenant à l'autorité de la chose jugée, a condamné la société l'Amirale Bière à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens de la procédure d'incident
Par ordonnance du 1er mars 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a constaté l'interruption de l'instance au regard du placement en liquidation judiciaire de la société l'Amirale Bière et de la désignation de la Selarl Philae étant désignée en qualité de liquidateur
Le 7 mars 2024, le liquidateur judiciaire a notifié par RPVA des conclusions d'intervention volontaire.
Par ordonnance du 10 avril 2025, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a prononcé le sursis à statuer de l'instance dans l'attente de sa jonction avec l'instance enrôlée sous le numéro RG 24/4695, a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 1er octobre 2024 et a réservé les dépens.
6- Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 24 septembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [W] demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celles issues de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016
Vu les articles 1717, 1728 et 1741 du code civil
Vu l'article 145-16 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012
Vu les articles L145-18 et L145-17 du code de commerce
Vu les articles 8.I et 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965
Vu les articles 625 et 700 du code de procédure civile
Vu l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation pourvoi n°A 22-17.567 du 16 novembre 2023
Vu les dispositions des articles 378 et 379 du code de procédure civile
- déclarer recevable et bien-fondé M. [W] en son appel de la décision rendue le 17 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;
Et y faire droit,
- réformer le jugement mixte du tribunal Judiciaire de Bordeaux du 17 mars 2022 en ce qu'il a :
- débouté M. [W] en sa demande de déclarer la société L'amirale Bière irrecevable en sa demande de renouvellement du bail commercial, pour défaut de qualité à agir ;
- débouté M. [W] en sa demande de dire et juger que le refus de renouvellement du bail sans indemnité est légitime ;
- déclaré recevable la demande d'indemnité d'éviction de la société L'amirale Bière ;
- dit que les griefs invoqués par M. [W] dans l'acte du 19 juin 2018 valant mise en demeure et refus de renouvellement du bail commercial du 11 août 2009 pour motifs graves et légitimes, ne sont pas de nature à priver la société L'amirale Bière de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction de l'article L145-14 du Code de commerce ;
- ordonner avant dire droit une expertise judiciaire confiée à M. [G] [O], demeurant [Adresse 4] (33), pour y procéder avec mission de donner tout élément de nature à évaluer l'indemnité d'éviction de l'article L145-14 du code de commerce due à la société L'amirale Bière , suite à l'acte délivré par M. [W] le 19 juin 2018 valant refus de renouvellement du bail commercial, en évaluant ladite indemnité dans les conditions précisées par le texte précité ainsi qu'une indemnité d'occupation de la société L'amirale Bière en application de l'article L145-28 du même code ;
- fixe une consignation au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux de 2 500 euros, dans les deux mois à compter du prononcé de la décision ;
- dit qu'en cas d'accord à une personne ci-dessus désignée, de l'aide juridictionnelle pour la procédure en cause il n'y aura pas lieu par elle à consignation d'une somme à valoir sur les frais d'expertise , la rémunération de l'expert étant avancée par l'Etat qui n'est pas soumis au régime de la consignation, conformément aux dispositions de l'article 119 du Décret du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridictionnelle ;
- dit que faute par la société L'amirale Bière d'avoir consigné cette somme et d'avoir fourni des explications au juge sur le défaut de consignation dans le délai prescrit, la décision ordonnant l'expertise deviendra caduque ;
- dit que l'expert pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivré par le régisseur à la partie consignataire, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de les commencer immédiatement en cas d'urgence ;
- dit que l'expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans les 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe ;
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ;
- dit que l'expert devra établir un pré-rapport dans le délai de deux mois ;
- dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire, dans les quatre mois suivants le dépôt du pré-rapport sauf prorogation accordée par le magistrat chargé du contrôle sur demande présentée avant l'expiration du délai fixé ;
- dit qu'il appartiendra à l'expert d'adresser un exemplaire de son rapport à la demande du greffier de la juridiction du fond (par la voie électronique ou à défaut sur support papier) ;
À titre liminaire :
- déclarer la SELARL Philae ès qualité irrecevable en toutes ses demandes faute de qualité à agir ;
À titre principal :
- condamner la SELARL Philae ès qualité au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant de 36 180,00 euros en principal et à parfaire des charges et intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015 ;
À titre subsidiaire
- déclarer la SELARL Philae ès qualité mal fondée en toutes ses demandes, le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction étant justifié par des motifs graves et légitimes ;
- condamner la SELARL Philae ès qualité au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant de 26 456,00 euros en principal et à parfaire des charges et des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2018 ;
En tout état de cause
- débouter la SELARL Philae ès qualité de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la SELARL Philae ès qualité à verser à M. [W] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SELARL Philae aux entiers dépens.
7 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 7 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Philae ès qualités demande à la cour de :
Confirmer la décision :
- déclarer la société Amirale Bière recevable en ses demandes
- juger que les griefs invoqués par M. [W] ne sont pas de nature à priver la société Amirale Bière de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction.
- ordonner une expertise en vue d'évaluer ladite indemnité.
Y ajoutant :
- condamner M. [W] à verser à la société Amirale Bière une indemnité de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner M. [W] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la jonction des dossiers RG 22/1783 et 24/4695
8 - A titre liminaire, pour une bonne administration de la justice, il convient de joindre les dossiers RG 22/1783 et RG 24/4695 compte tenu de leur connexité. La cause du sursis à statuer ayant par ailleurs disparu.
Sur le défaut de qualité à agir de la société L'Amirale Bière
Moyens des parties
9 - M. [W] fait valoir, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, que l'autorisation judiciaire du 28 janvier 2015 était limitée à une cession du bail et du fonds de commerce au profit de Mme [I] et M. [B] en leur nom personnel, et non au profit de la société l'Amirale Bière. Il invoque l'absence de qualité à agir de l'appelante. M. [W] ajoute que la cession du fonds de commerce, incluant le droit au bail, lui est inopposable.
10 - La Selarl Philae ès qualités relève l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel du 15 juin 2020, complété par l'arrêt du 12 octobre 2020, qui a reconnu la recevabilité de l'action du preneur et de l'opposabilité au bailleur de la cession du droit au bail.
Réponse de la cour
11 - Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile :
'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile :
'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.'
12 - Le contrat de bail commercial conclu entre M. [W] et M. [V] le 11 août 2009 prévoit, au paragraphe 'cessions, apport en société', que 'le preneur ne pourra céder ses droits au présent bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce (...) Et avec l'accord préalable et par écrit du bailleur'.
13 - L'article 8 du compromis de cession de fonds de commerce en date du 23 octobre 2014, conclu entre M. [V] et M. [B] et Mme [I], 'agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de toute personne physique ou morale pouvant s'y substituer', prévoit, au titre des conditions suspensives : 'Obtention par le cédant d'un accord écrit du bailleur des locaux dans lesquels le fonds de commerce est exploité autorisant la cession du droit au bail incluse dans la présente cession du fonds de commerce.'
14 - Par ordonnance du 28 janvier 2015, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a autorisé la cession du bail inclus dans le fonds de commerce au profit de M. [B] et Mme [I], sans référence à une faculté de substitution.
15 - Le 16 février 2015, M. [V] a cédé son fonds de commerce au profit de la société L'Amirale Bière.
16 - Dès lors, l'autorisation judiciaire étant limitée à une cession du bail au profit de M. [B] et Mme [I] en leur nom personnel, il convient de considérer que, dans chacun des deux dossiers, les demandes de la société Philae es qualités sont irrecevables pour défaut de qualité de locataire de la société L'Amirale Bière.
17 - La Selarl Philae ès qualités ne peut utilement se prévaloir de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 15 juin 2020 par la cour d'appel de Bordeaux, dès lors que cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par l'arrêt de la cour de cassation du 16 novembre 2023.
18 - Les jugements du tribunal judiciaire de Bordeaux en date des 5 janvier 2017 et 17 mars 2022 seront donc infirmés de ce chef.
Sur les indemnités d'occupation
19 - M. [W] fait valoir, au visa de l'article 1382 dans sa version applicable au litige, que du 16 février 2015, date d'entrée dans le local, au 17 avril 2024, date de restitution des clés, la société L'Amirale Bière a été occupante sans droit ni titre.
20 - La Selarl Philae, es qualités, ne conclut pas sur ce point.
Réponse de la cour
21 - En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil :
'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
22 - Faute de bénéficier d'un contrat de bail, la société L'Amirale Bière était occupante sans droit ni titre du local commercial de M. [W] du 16 février 2015 au 17 avril 2024.
23 - Le 18 mars 2024, celui-ci a déclaré une créance d'un montant de 36 180 euros au passif de la société L'Amirale Bière.
M. [W] sollicite la somme de 37 856 euros selon décompte arrêté au 14 avril 2024, correspondant à la valeur locative réelle du marché, déduction faite des versements reçus.
Dans son courrier en date du 22 novembre 2024, la société Philae es qualités n'a pas contesté le montant de la créance déclarée par M. [W].
24 - Dès lors, il convient de fixer au passif de la société L'Amirale Bière la somme de de 37 856 euros.
Sur les demandes accessoires
25 - La Selarl Philae, es qualités, sera condamnée aux dépens de première instance, d'appel et devant la cour de renvoi.
Il convient également de fixer à hauteur de 10 000 euros la créance de M. [W] au titre des frais irrépétibles de première instance, d'appel et devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Prononce la jonction des dossiers RG 22/1783 et 24/4695,
Infirme en toutes leurs dispositions contestées les jugements du tribunal judiciaire de Bordeaux en date des 5 janvier 2017 et 17 mars 2022,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de la Selarl Philae, en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière,
Fixe à 37 856 euros la créance de M. [S] [W] au passif de la société L'Amirale Bière au titre des indemnités d'occupation pour la période du 16 février 2015 au 17 avril 2024,
Rejette l'ensemble des demandes de la Selarl Philae, en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la société L'Amirale Bière,
Fixe à 10 000 euros la créance de M. [W] au passif de la société L'Amirale Bière sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 16 JUIN 2025
N° RG 24/04695 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N7RU
Monsieur [S] [W]
c/
S.E.L.A.R.L. PHILAE
Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION
JONCTION AVEC DOSSIER RG : 22/01783
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 janvier 2017 (R.G. 15/06023) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX infirmé par un arrêt rendu par la Cour d'appel de Bordeaux en date du 15 juin 2020 cassé par un arrêt de la Cour de Cassation en date 16 novembre 2023 suivant saisine du 24 octobre 2024
DEMANDEUR :
Monsieur [S] [W], né le 08 Juin 1954 à [Localité 8] (IRAN), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Maître Eugénie RESSIE de la SELAS DIXERA, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSE :
S.E.L.A.R.L. PHILAE, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL L'AMIRALE BIERE, domiciliée en cette qualité [Adresse 6]
Représentée par Maître Sylvie HADDAD de la SELARL IMPACT AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 mai 2025 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
1 - Par acte du 11 août 2009, M. [W], a donné à bail un local à usage commercial au [Adresse 7] à M. [V], pour une activité de primeur, crémerie, cave à vin et épicerie fine et dépôt de pain.
Le bail commercial contenait une clause d'agrément du bailleur en cas de cession du bail selon laquelle 'le preneur ne pourra céder ses droits au présent bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce, et avec l'accord préalable et par écrit du bailleur.'
Par acte du 23 octobre 2014, M. [V] a signé une promesse de vente du fonds de commerce avec cession de son droit au bail au profit de Mme [I] et M. [B], 'agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de toute personne physique ou morale pouvant s'y substituer', sous condition suspensive de l'accord du bailleur.
Suite au refus d'agrément du bailleur, M. [V] a saisi juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux. Par ordonnance du 28 janvier 2015, celui-ci a autorisé la cession du bail inclus dans le fonds de commerce au profit de Mme [Y] et M. [B].
Le 16 février 2015, la société L'Amirale Bière, immatriculée le 10 février 2015 et dirigée par Mme [Y] et M. [B], a fait l'acquisition du fonds de commerce de M. et Mme [V].
Dossier RG n°24/04695
2 - Par acte du 12 juin 2015, la société L'Amirale Bière a fait assigner M. [W] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour voir dire que l'activité de petite restauration consistant à déguster les bières offertes à la vente et à proposer des plats froids en accompagnement est complémentaire à la destination du bail, et être autorisée à adjoindre cette activité à l'activité contractuelle.
M. [W] a formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail et expulsion.
Par jugement du 5 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a:
- débouté M. [W] de sa demande reconventionnelle ;
- autorisé la société L'Amirale Bière à adjoindre à l'activité contractuelle prévue au bail commercial du 11 août 2009 une « activité de petite restauration » consistant à déguster les bières offertes à la vente et à proposer des plats froids en accompagnement ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 16 février 2017, M. [W] a interjeté appel de cette décision, intimant la société L'Amirale Bière.
Par arrêt du 15 juin 2020, la cour d'appel de Bordeaux a:
- infirmé le jugement rendu entre les partie par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 5 janvier 2017, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de la société L'Amirale Bière, et sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande reconventionnelle de résiliation du bail,
Et, statuant à nouveau sur les autres chefs,
- débouté la société L'Amirale Bière de sa demande de modification de l'activité prévue au bail,
Y ajoutant,
- débouté M. [W] de sa demande de dire la société L'Amirale Bière occupant sans titre et d'ordonner son expulsion,
- condamné la société L'Amirale Bière à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société L'Amirale Bière aux dépens de première instance et d'appel.
A la suite du pourvoi interjeté par M. [W] le 10 juin 2022, la troisième chambre civile cour de cassation a, par arrêt du 16 novembre 2023, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 15 juin 2020 par la cour d'appel de Bordeaux et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.
La société Amirale Bière a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 7 février 2024, la Selarl Philae étant désignée en qualité de liquidateur. M. [W] a déclaré sa créance le 18 mars 2024 pour un montant de 36 180 euros à titre privilégié.
Par déclaration du 24 octobre 2024 , M. [W] a saisi la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée et statuant comme cour de renvoi.
La déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux et de pièces a été signifiée à la personne de la société Philae es qualités par commissaire de justice le 15 novembre 2024.
3 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 19 décembre 2024, et à l'intimé non constitué le 24 décembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [W] demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 5 janvier 2017 en l'ensemble de ses dispositions et
Statuant à nouveau
A titre liminaire :
- déclarer la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière irrecevable en toutes ses demandes faute de qualité à agir ;
A titre principal :
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant résiduelle de 37 856 euros en principal et à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015, après compensation avec les premières indemnités versées ;
A titre subsidiaire, si par impossible la cour rejetait la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière :
- déclarer la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière mal fondée en sa demande de déspécialisation du bail ;
- l'en débouter
- prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial signé le 11 août 2009 pour non-respect des conditions du bail et de la destination prévue au bail,
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant de 37 856 euros en principal et à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015, après compensation avec les premières indemnités versées ;
En tout état de cause
- débouter la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière à verser à M. [W] une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la SELARL Philae en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière aux entiers dépens.
4 - L'intimé ne s'est pas constitué. Néanmoins, par courrier en date du 22 novembre 2024, la société Philae ès qualités a indiqué qu'elle n'était pas en mesure de se faire représenter et que M. [W] a déclaré une créance d'un montant de 36 180 euros à titre privilégié au passif de la société L'Amirale Bière. Le mandataire liquidateur a précisé que les instances en cours tendaient uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant en application de L622-22 et L641-3 du code de commerce.
L'ordonnance de clôture a été reportée à la date de l'audience, le 5 mai 2025.
Dossier RG n° 22/1783
- Par acte du 26 mars 2018, la société l'Amirale Bière a sollicité le renouvellement du bail pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 2018.
Par acte extrajudiciaire du 19 juin 2018, M. [W] a signifié à la société l'Amirale Bière une mise en demeure et un refus de renouvellement de bail commercial pour motifs graves et légitimes.
5 - Par acte du 26 décembre 2018, la société l'Amirale Bière a fait assigner M. [W] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en paiement d'une indemnité d'éviction, à la suite du refus opposé par le bailleur au renouvellement du bail à compter du 1er septembre 2018, avec refus de paiement d'une indemnité d'éviction pour cause d'infractions commises par le preneur.
Par jugement mixte rendu le 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a:
- déclaré recevable la demande de la société L'Amirale bière,
- dit que les griefs invoqués par Monsieur [K] dans l'acte du 19 juin 2018 valant mise en demeure et refus de renouvellement du bail commercial du 11 août 2009 pour motifs graves et légitimes, ne sont pas de nature à priver la société l'Amirale bière de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction de l'article L 145-14 du code de commerce,
Avant dire droit,
- ordonné une expertise confiée à Monsieur [G] [O], demeurant [Adresse 5]) tél. [XXXXXXXX01] et [XXXXXXXX02], pour y procéder avec mission de donner tout élément de nature à évaluer l'indemnité d'éviction de l'article L 145'14 du code de commerce due à la société L'Amirale bière, suite à l'acte délivré par Monsieur [W] le 19 juin 2018 valant refus de renouvellement du bail commercial, en évaluant ladite indemnité dans les conditions précisées par le texte précité ainsi qu'une indemnité d'occupation de la société L'Amirale bière en application de l'article L 145 28 du même code,
- dit que la société L'amirale de Biere devra consigner au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux la somme 2 500 euros, dans les deux mois à compter du prononcé de la décision,
- dit toutefois qu'en cas d'accord à une personne ci-dessus désignée, de l'aide juridictionnelle pour la procédure en cause, il n'y aura pas lieu par elle à consignation d'une somme à valoir sur les frais d'expertise, la rémunération de l'expert étant avancée par l'État qui n'est pas soumis au régime de la consignation, conformément aux dispositions de l'article 119 du Décret du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridictionnelle,
- dit que faute par la société L'amirale de Biere d'avoir consigné cette somme et d'avoir fourni des explications au juge sur le défaut de consignation dans le délai prescrit, la décision ordonnant l'expertise deviendra caduque,
- dit que l'expert pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivré par le régisseur à la partie consignataire, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de les commencer immédiatement en cas d'urgence,
- dit que l'expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans les 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe,
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,
- dit que l'expert devra établir un pré-rapport dans le délai de deux mois,
- dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal de grande instance, dans les quatre mois suivant le dépôt du pré-rapport, sauf prorogation accordée par le magistrat chargé du contrôle sur demande présentée avant l'expiration du délai fixé,
- dit qu'il appartiendra à l'expert d'adresser un exemplaire de son rapport à la demande du greffier de la juridiction du fond (par la voie électronique ou à défaut sur support papier),
- désigné Monsieur le Juge de la Mise en Etat de la 5ème chambre civile, pour suivre le déroulement de la présente mesure d'instruction,
- dit que l'expert devra remplir personnellement la mission qui lui est confiée et répondre point par point et de façon claire, concise mais argumenter à chacune des questions qui lui sont posées,
- dit que l'expert devra préciser dans son rapport qu'il a donné un exemplaire de son rapport aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception,
- dit que l'expert devra prendre en considération les observations et déclarations des parties en précisant la suite qui leur aura été donnée,
- précisé à cet égard que les dires des parties et les réponses faites par l'expert à ces dernières devront figurer en annexe du rapport d'expertise,
- rappelé à cet égard aux parties que les dires doivent concerner uniquement les appréciations techniques et que l'expert ne peut être saisi de questions de nature purement juridique,
- ordonné le sursis à statuer sur le surplus des chefs de demande,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,
- réservé les dépens
Par déclaration du 11 avril 2022, M. [W] relevé appel de ce jugement en intimant la société Amirale Bière.
Par ordonnance du 23 décembre 2022, rectifiée par l'ordonnance du 5 janvier 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux, saisi par l'intimé, a débouté la société l'Amirale Bière de sa demande d'irrecevabilité de certaines demandes de M. [W], s'est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non recevoir tenant à l'autorité de la chose jugée, a condamné la société l'Amirale Bière à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens de la procédure d'incident
Par ordonnance du 1er mars 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a constaté l'interruption de l'instance au regard du placement en liquidation judiciaire de la société l'Amirale Bière et de la désignation de la Selarl Philae étant désignée en qualité de liquidateur
Le 7 mars 2024, le liquidateur judiciaire a notifié par RPVA des conclusions d'intervention volontaire.
Par ordonnance du 10 avril 2025, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a prononcé le sursis à statuer de l'instance dans l'attente de sa jonction avec l'instance enrôlée sous le numéro RG 24/4695, a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 1er octobre 2024 et a réservé les dépens.
6- Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 24 septembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [W] demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à celles issues de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016
Vu les articles 1717, 1728 et 1741 du code civil
Vu l'article 145-16 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012
Vu les articles L145-18 et L145-17 du code de commerce
Vu les articles 8.I et 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965
Vu les articles 625 et 700 du code de procédure civile
Vu l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation pourvoi n°A 22-17.567 du 16 novembre 2023
Vu les dispositions des articles 378 et 379 du code de procédure civile
- déclarer recevable et bien-fondé M. [W] en son appel de la décision rendue le 17 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;
Et y faire droit,
- réformer le jugement mixte du tribunal Judiciaire de Bordeaux du 17 mars 2022 en ce qu'il a :
- débouté M. [W] en sa demande de déclarer la société L'amirale Bière irrecevable en sa demande de renouvellement du bail commercial, pour défaut de qualité à agir ;
- débouté M. [W] en sa demande de dire et juger que le refus de renouvellement du bail sans indemnité est légitime ;
- déclaré recevable la demande d'indemnité d'éviction de la société L'amirale Bière ;
- dit que les griefs invoqués par M. [W] dans l'acte du 19 juin 2018 valant mise en demeure et refus de renouvellement du bail commercial du 11 août 2009 pour motifs graves et légitimes, ne sont pas de nature à priver la société L'amirale Bière de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction de l'article L145-14 du Code de commerce ;
- ordonner avant dire droit une expertise judiciaire confiée à M. [G] [O], demeurant [Adresse 4] (33), pour y procéder avec mission de donner tout élément de nature à évaluer l'indemnité d'éviction de l'article L145-14 du code de commerce due à la société L'amirale Bière , suite à l'acte délivré par M. [W] le 19 juin 2018 valant refus de renouvellement du bail commercial, en évaluant ladite indemnité dans les conditions précisées par le texte précité ainsi qu'une indemnité d'occupation de la société L'amirale Bière en application de l'article L145-28 du même code ;
- fixe une consignation au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux de 2 500 euros, dans les deux mois à compter du prononcé de la décision ;
- dit qu'en cas d'accord à une personne ci-dessus désignée, de l'aide juridictionnelle pour la procédure en cause il n'y aura pas lieu par elle à consignation d'une somme à valoir sur les frais d'expertise , la rémunération de l'expert étant avancée par l'Etat qui n'est pas soumis au régime de la consignation, conformément aux dispositions de l'article 119 du Décret du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridictionnelle ;
- dit que faute par la société L'amirale Bière d'avoir consigné cette somme et d'avoir fourni des explications au juge sur le défaut de consignation dans le délai prescrit, la décision ordonnant l'expertise deviendra caduque ;
- dit que l'expert pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivré par le régisseur à la partie consignataire, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de les commencer immédiatement en cas d'urgence ;
- dit que l'expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans les 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe ;
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ;
- dit que l'expert devra établir un pré-rapport dans le délai de deux mois ;
- dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire, dans les quatre mois suivants le dépôt du pré-rapport sauf prorogation accordée par le magistrat chargé du contrôle sur demande présentée avant l'expiration du délai fixé ;
- dit qu'il appartiendra à l'expert d'adresser un exemplaire de son rapport à la demande du greffier de la juridiction du fond (par la voie électronique ou à défaut sur support papier) ;
À titre liminaire :
- déclarer la SELARL Philae ès qualité irrecevable en toutes ses demandes faute de qualité à agir ;
À titre principal :
- condamner la SELARL Philae ès qualité au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant de 36 180,00 euros en principal et à parfaire des charges et intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015 ;
À titre subsidiaire
- déclarer la SELARL Philae ès qualité mal fondée en toutes ses demandes, le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction étant justifié par des motifs graves et légitimes ;
- condamner la SELARL Philae ès qualité au paiement d'une juste indemnité d'occupation au profit de M. [W] d'un montant de 26 456,00 euros en principal et à parfaire des charges et des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2018 ;
En tout état de cause
- débouter la SELARL Philae ès qualité de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la SELARL Philae ès qualité à verser à M. [W] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SELARL Philae aux entiers dépens.
7 - Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 7 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Philae ès qualités demande à la cour de :
Confirmer la décision :
- déclarer la société Amirale Bière recevable en ses demandes
- juger que les griefs invoqués par M. [W] ne sont pas de nature à priver la société Amirale Bière de son droit au paiement d'une indemnité d'éviction.
- ordonner une expertise en vue d'évaluer ladite indemnité.
Y ajoutant :
- condamner M. [W] à verser à la société Amirale Bière une indemnité de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner M. [W] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la jonction des dossiers RG 22/1783 et 24/4695
8 - A titre liminaire, pour une bonne administration de la justice, il convient de joindre les dossiers RG 22/1783 et RG 24/4695 compte tenu de leur connexité. La cause du sursis à statuer ayant par ailleurs disparu.
Sur le défaut de qualité à agir de la société L'Amirale Bière
Moyens des parties
9 - M. [W] fait valoir, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, que l'autorisation judiciaire du 28 janvier 2015 était limitée à une cession du bail et du fonds de commerce au profit de Mme [I] et M. [B] en leur nom personnel, et non au profit de la société l'Amirale Bière. Il invoque l'absence de qualité à agir de l'appelante. M. [W] ajoute que la cession du fonds de commerce, incluant le droit au bail, lui est inopposable.
10 - La Selarl Philae ès qualités relève l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel du 15 juin 2020, complété par l'arrêt du 12 octobre 2020, qui a reconnu la recevabilité de l'action du preneur et de l'opposabilité au bailleur de la cession du droit au bail.
Réponse de la cour
11 - Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile :
'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile :
'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.'
12 - Le contrat de bail commercial conclu entre M. [W] et M. [V] le 11 août 2009 prévoit, au paragraphe 'cessions, apport en société', que 'le preneur ne pourra céder ses droits au présent bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce (...) Et avec l'accord préalable et par écrit du bailleur'.
13 - L'article 8 du compromis de cession de fonds de commerce en date du 23 octobre 2014, conclu entre M. [V] et M. [B] et Mme [I], 'agissant tant en leur nom personnel que pour le compte de toute personne physique ou morale pouvant s'y substituer', prévoit, au titre des conditions suspensives : 'Obtention par le cédant d'un accord écrit du bailleur des locaux dans lesquels le fonds de commerce est exploité autorisant la cession du droit au bail incluse dans la présente cession du fonds de commerce.'
14 - Par ordonnance du 28 janvier 2015, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a autorisé la cession du bail inclus dans le fonds de commerce au profit de M. [B] et Mme [I], sans référence à une faculté de substitution.
15 - Le 16 février 2015, M. [V] a cédé son fonds de commerce au profit de la société L'Amirale Bière.
16 - Dès lors, l'autorisation judiciaire étant limitée à une cession du bail au profit de M. [B] et Mme [I] en leur nom personnel, il convient de considérer que, dans chacun des deux dossiers, les demandes de la société Philae es qualités sont irrecevables pour défaut de qualité de locataire de la société L'Amirale Bière.
17 - La Selarl Philae ès qualités ne peut utilement se prévaloir de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 15 juin 2020 par la cour d'appel de Bordeaux, dès lors que cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par l'arrêt de la cour de cassation du 16 novembre 2023.
18 - Les jugements du tribunal judiciaire de Bordeaux en date des 5 janvier 2017 et 17 mars 2022 seront donc infirmés de ce chef.
Sur les indemnités d'occupation
19 - M. [W] fait valoir, au visa de l'article 1382 dans sa version applicable au litige, que du 16 février 2015, date d'entrée dans le local, au 17 avril 2024, date de restitution des clés, la société L'Amirale Bière a été occupante sans droit ni titre.
20 - La Selarl Philae, es qualités, ne conclut pas sur ce point.
Réponse de la cour
21 - En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil :
'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
22 - Faute de bénéficier d'un contrat de bail, la société L'Amirale Bière était occupante sans droit ni titre du local commercial de M. [W] du 16 février 2015 au 17 avril 2024.
23 - Le 18 mars 2024, celui-ci a déclaré une créance d'un montant de 36 180 euros au passif de la société L'Amirale Bière.
M. [W] sollicite la somme de 37 856 euros selon décompte arrêté au 14 avril 2024, correspondant à la valeur locative réelle du marché, déduction faite des versements reçus.
Dans son courrier en date du 22 novembre 2024, la société Philae es qualités n'a pas contesté le montant de la créance déclarée par M. [W].
24 - Dès lors, il convient de fixer au passif de la société L'Amirale Bière la somme de de 37 856 euros.
Sur les demandes accessoires
25 - La Selarl Philae, es qualités, sera condamnée aux dépens de première instance, d'appel et devant la cour de renvoi.
Il convient également de fixer à hauteur de 10 000 euros la créance de M. [W] au titre des frais irrépétibles de première instance, d'appel et devant la cour de renvoi.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Prononce la jonction des dossiers RG 22/1783 et 24/4695,
Infirme en toutes leurs dispositions contestées les jugements du tribunal judiciaire de Bordeaux en date des 5 janvier 2017 et 17 mars 2022,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de la Selarl Philae, en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière,
Fixe à 37 856 euros la créance de M. [S] [W] au passif de la société L'Amirale Bière au titre des indemnités d'occupation pour la période du 16 février 2015 au 17 avril 2024,
Rejette l'ensemble des demandes de la Selarl Philae, en qualité de liquidateur de la société L'Amirale Bière,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la société L'Amirale Bière,
Fixe à 10 000 euros la créance de M. [W] au passif de la société L'Amirale Bière sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat