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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 28 mai 2025, n° 24/11434

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/11434

28 mai 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2025

Rôle N° RG 24/11434 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNWJX

[I] [Y]

C/

[G] [V]

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

Copie exécutoire délivrée

le : 28 mai 2025

à :

Me Philippe BRUZZO

Me Florent LADOUCE

Sur saisine de la Cour faite suite à l'Arrêt de la Cour de Cassation de Paris n°287 F-D en date 23 mai 2024, cassant et annulant partiellement l'Arrêt n°2022/196 rendu par la Chambre 3-2 de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence

le 27 janvier 2022 ayant statué sur l'appel du Jugement du Tribunal de Commerce de Draguignan en date du 13 Octobre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20201629.

APPELANTE

Madame [I] [Y]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 11], de nationalité française, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Philippe BRUZZO de la SELAS SELAS BRUZZO DUBUCQ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Etienne FEILDEL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Maître [G] [V],

membre de la SCP [10], demeurant [Adresse 2], agissant en qualité de Mandataire Liquidateur de la SARL [8] dont le siège social est [Adresse 7]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Céline LUQUE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

EN PRESENCE DE

Monsieur le PROCUREUR GENERAL

demeurant Cour d'appel -[Adresse 3]

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Gwenael KEROMES, présidente,

et Mme Isabelle MIQUEL, conseillère- rapporteure,

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2025.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2025.

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société [8] avait pour objet social toute activité d'ingénierie et de prestations scientifiques et techniques dans le domaine des énergies renouvelables et les domaines pouvant y être associés.

Elle avait pour gérante Mme [I] [Y] qui était également associée.

Par jugement en date du 9 mai 2017, le tribunal de commerce de Draguignan a placé la société [8] en liquidation judiciaire et a désigné M. [G] [V] en qualité de liquidateur judiciaire.

La date de cessation des paiements a été fixée au 28 janvier 2016.

Par jugement en date du 13 octobre 2020, rendu à la requête du liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce de Draguignan a':

- condamné Mme [Y] à payer à M. [V] ès qualités la somme de 100 000 euros dans la limite de l'insuffisance d'actif qui sera définitivement établie après vérification des créances dans la procédure collective';

- condamné Mme [Y] à payer à M. [V] ès qualités la somme de 1 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné Mme [Y] aux dépens';

- ordonné l''exécution provisoire.

Pour prendre leur décision, les premiers juges ont, notamment':

- retenu une insuffisance d'actif d'un montant de 135 080, 39 euros';

- considéré que Mme [Y] a commis plusieurs fautes de gestion en omettant de déclarer l'état de cessation des paiements, en ne se conformant pas à ses obligations fiscales et sociales et en ne déposant pas ses comptes depuis 2010';

- considéré que l'insuffisance d'actif étant antérieure à la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, il n'existe pas de lien de causalité entre le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements et l'insuffisance d'actif';

- considéré que l'omission de tenue de comptabilité et de respect des obligations fiscales et sociales ont aggravé le passif de la société [8].

Selon arrêt en date du 27 janvier 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, a':

- débouté Mme [Y] de sa demande de nullité de l'acte introductif d'instance du 9 juin 2020 et de sa demande subséquente d'annulation du jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Draguignan ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par Mme [Y] ;

- confirmé le jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Draguignan en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles et en ce qu'il a retenu à l'encontre de Mme [Y] les fautes de gestion suivantes':

* défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements,

* défaut de tenue d'une comptabilité,

* non-respect des obligations fiscales et sociales';

- confirmé le jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Draguignan en ce qu'il a écarté tout lien de causalité entre l'insuffisance d'actif et le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements ;

- infirmé la décision frappée d'appel pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs d'infirmation et y ajoutant :

- arrêté l'insuffisance d'actif minimale de la société [8] à la somme de 126 664, 01 euros ;

-écarté le lien de causalité entre l'insuffisance d'actif de la société [8] et le défaut de tenue d'une comptabilité imputable à Mme [Y] ;

- condamné Mme [Y] à payer à M. [V] ès qualités la somme de 45 000 euros au titre de sa participation à l'insuffisance d'actif de la société [8] du fait du défaut de déclarations fiscales et sociales ;

- déclaré Mme [Y] infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;

- condamne Mme [Y] à payer à M. [V] ès qualités 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne Mme [Y] aux dépens d'appel.

La Cour de cassation, au motif que la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait dénaturé la déclaration de créance de la DGFIP qui lui avait été soumis a, par arrêt en date du 23 mai 2024':

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité de l'acte introductif d'instance du 9 juin 2020 et la demande subséquente d'annulation du jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Draguignan et en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Selon conclusions notifiées par la voie du RPVA le 19 septembre 2024, Mme [Y] demande à la cour de':

Infirmer le jugement rendu le 13 octobre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Draguignan en toutes ses dispositions faisant grief à l'appelante, notamment en ce qu'il a :

- condamné Madame [I] [Y] à payer la somme de 100.000 euros à Maître [G] [V], ès qualités de liquidateur de la société [8],

- condamné Madame [I] [Y] à payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [I] [Y] aux entiers dépens dont frais de greffe,

- ordonné l'exécution provisoire';

Et statuant à nouveau :

Débouter en conséquence Maître [G] [V] ès qualités de liquidateur de la société [8] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions':

Condamner Maître [G] [V] ès qualités de liquidateur de la société [8] à payer à Madame [I] [Y] la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamner Maître [G] [V] ès qualités de liquidateur de la société [9] aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses demandes, Mme [Y] soutient tout d'abord que les griefs retenus à son encontre ne peuvent avoir contribué à l'insuffisance d'actif dès lors que, en premier lieu, les créances constituant l'insuffisance d'actif sont toutes antérieures au 28 janvier 2016, date à laquelle l'état de cessation des paiements de la société [8] a été fixée, que, en deuxième lieu, le grief tenant à une absence de comptabilité n'a pu avoir d'incidence sur l'insuffisance d'actif puisqu'un non-dépôt des comptes ne signifie pas une absence de comptabilité et, enfin, que le redressement fiscal ne résulte pas de taxations d'office en raison d'omissions de déclaration.

Mme [Y] soutient en tout état de cause que les griefs qui lui sont faits sont infondés. Elle conteste toute faute de gestion consistant à avoir délibérément tardé à ouvrir une procédure collective pour nuire aux créanciers et fait que la société [8] a cessé toute activité à compter de 2015 alors qu'elle s'est trouvée elle-même en situation de détresse psychologique à la fin de l'année 2014. Elle conteste également tout manquement à son obligation de tenue de comptabilité, produit les bilans de la société de 2011 à 2017 et soutient que l'absence de dépôt des comptes au greffe ne constitue nullement une faute de gestion.

A titre subsidiaire, elle fait valoir sa situation et ses revenus personnels limités et soutient qu'il serait inéquitable de mettre à sa charge tout ou partie du passif de la société [8].

Selon conclusions notifiées par la voie du RPVA le 25 novembre 2024, Me [V], membre de la SCP [10], demande à la cour de':

- débouter Mme [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions';

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

- condamner Mme [Y] à payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles';

- condamner Mme [Y] aux dépens.

A l'appui de ses demandes, Me [V], membre de la SCP [10] soutient que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 135 080,39 euros et qu'aucune réalisation d'actif n'a été effectuée.

Il fait grief à Mme [Y] de s'être fautivement abstenue de procéder à la déclaration de cessation des paiements, de n'avoir pas tenu de comptabilité, de ne lui avoir communiqué aucun élément comptable et de n'avoir rien fait pour régler ses créances fiscales et sociales alors que des sommes étaient dues à la DGFIP depuis 2009 et à l'organisme [5] depuis 2013.

Le liquidateur soutient que ces fautes sont en lien direct avec l'insuffisance d'actif, l'absence de tenue de comptabilité ayant privé l'entreprise d'un outil d'analyse financière lui permettant de savoir si elle était ou non en état de cessation des paiements et la violation des obligations fiscales ayant généré un passif.

Selon le liquidateur, ces fautes excèdent la simple négligence d'autant qu'elles ont été commises alors que Mme [Y] disposait d'une expérience largement supérieure à la moitié des dirigeants lors de leur commission.

Selon avis notifié par RPVA le 17 janvier 2025, le parquet général considère que l'existence d'une insuffisance d'actif est établie.

Il soutient que le non-paiement des impôts résultant d'une mauvaise interprétation des textes ne fait pas obstacle à la caractérisation d'une faute consistant à refuser d'assumer le redressement en résultant.

Il soutient que l'absence de publicité des comptes et leur non remise au liquidateur sont fautifs en ce qu'ils ont empêché les organes de la procédure d'apprécier la réalité de la situation de la société et les créanciers de prendre toute mesure utile, telle qu'une assignation en redressement.

Il souligne que la date de cessation des paiements a été fixée 14 mois avant l'ouverture de la procédure.

Il considère que les aptitudes à la gestion de Mme [Y] démontrée par son emploi actuel rendront difficiles la caractérisation d'une simple négligence et que la cour pourra, compte tenu des éléments de personnalité, réduire la condamnation rendue par le tribunal d'environ un tiers.

Les parties ont été avisées le 26 septembre 2024 de la fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 12 mars 2025 et de la date prévisible de la clôture.

La clôture a été prononcée le 20 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'action en paiement de l'insuffisance d'actif

L'article L.651-2 du code de commerce dans sa version en vigueur du 11 décembre 2016 au 03 juillet 2021 dispose que :

« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.(') »

En application du texte susvisé, pour que l'action initiée par le liquidateur puisse prospérer, il faut que soient établis :

1. une insuffisance d'actif,

2. une ou plusieurs fautes de gestion, excédant la simple négligence, imputables à Monsieur [L],

3. un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l'insuffisance d'actif.

Sur l'insuffisance d'actif

L'insuffisance d'actif fixée à la somme de 135 080,39 euros par le liquidateur n'est pas discutée.

Sur l'existence de fautes imputables à Mme [Y]

- Sur la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements

En application de l'article L.631-4 du code de commerce, «'l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.'»

'

Le tribunal de commerce de Draguignan a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société [8] par jugement du 9 mai 2017 et fixé la date de cessation des paiements au 28 janvier 2016, ce jugement étant à ce jour définitif.

C'est sur l'assignation d'un créancier que la procédure collective de la société [8] a été ouverte.

Il convient de plus, d'observer, d'une part, que certaines des créances détenues à l'endroit de la société [8] étaient antérieures à l'année 2015, les sommes dues au service des impôts s'élevant au titre des années 2009 à 2014 à la somme de 92'411,98 euros et des cotisations auprès de l'organisme [5] étant impayées à hauteur de 801,72' au titre des années 2013 à 2015, le total de ces sommes correspondant à 69 % du passif de la société [8].

Il échet d'observer d'autre part que Mme [Y] dispose de compétences de gestion certaines, qui ressortent des nombreuses années d'association professionnelle avec son époux dont elle se prévaut dans ses conclusions, pour créer et développer les entreprises [6] puis [8], ainsi que du courrier d'observations signé de Mme [Y] et adressé le 22 septembre 2012 à la DGFIP.

Compte tenu de ces éléments, l'abstention de Mme [Y] de déclarer la cessation des paiements de l'entreprise [8] en sa qualité de gérante de droit ne peut résulter d'une simple négligence, comme elle le soutient, et résulte bien d'un comportement fautif.

C'est donc de manière fondée que les premiers juges ont retenu à l'encontre de Mme [Y] la faute de gestion consistant dans le fait d'avoir sciemment omis de déclarer la cessation des paiements dans un délai de 45 jours.

- Sur le défaut de comptabilité

L'article L.123-12 du code de commerce dispose que «'Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.

Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.

Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.'»

L'absence de tenue de comptabilité constitue une faute de gestion susceptible d'être sanctionnée par la condamnation d'un dirigeant de droit ou de fait à supporter l'insuffisance d'actif de la personne morale.'

Mme [Y] justifie de la tenue de la comptabilité de son entreprise pour les exercices 2011 à 2017.

Elle ne conteste pas n'avoir pas fait procéder à la publication de ses comptes ni n'avoir pas communiqué d'éléments comptables au liquidateur. Ces deux manquements, le second étant postérieur au jugement d'ouverture, ne sont pas constitutifs d'une faute de gestion susceptible de fonder une condamnation à combler l'insuffisance d'actif en application des dispositions de l'article L651-2 du code de commerce.

La faute de gestion tenant à l'absence de tenue de comptabilité doit donc être écartée.

- Sur le manquement aux obligations comptables et fiscales

Le manquement aux obligations fiscales est bien une'faute'de'gestion'du dirigeant au sens de l''article L. 651-2 du code de commerce.'

La déclaration de créance de la DGIP, d'un montant de 95'173,98 euros, correspond à plus de 70 % du passif.

Elle porte, notamment, sur une somme de 34'879',98 euros due au titre de l'année 2010, une somme de 13'708 euros due au titre de l'année 2010, une autre somme de 43'494 euros due au titre de l'année 2010, et une somme globale de 1 892 euros au titre des années 2014, 2015 et 2016.

A cette dette fiscale s'ajoute la dette sociale d'un montant de 801,72 ' au titre des années 2013 à 2015.

En s'abstenant de régler ces sommes, Mme [Y] a commis une faute de gestion qui excède, compte tenu de ses compétences et l'importance des sommes dues au service des impôts, la simple négligence, et c'est par conséquent de manière fondée que les premiers juges ont retenu cette faute de gestion.

Sur le lien de causalité

Le dirigeant peut être déclaré responsable même si la faute de gestion n'est qu'une des causes de l'insuffisance d'actif et il en est de même si la faute n'est à l'origine que de l'une des parties des dettes de la société.

La déclaration tardive de l'état de cessation des paiements n'a pas eu d'effet sur le passif de la société puisque l'ensemble des créances déclarées ont pris naissance avant la date de cessation des paiements. Il n'existe donc pas de lien de causalité entre la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements et l'insuffisance d'actif.

En revanche, le défaut de règlement du passif social et fiscal de la société [8] a, de fait, créé une trésorerie artificielle qui a permis la poursuite d'activité de la société alors qu'elle était déficitaire et a nécessairement contribué à accroître l'insuffisance d'actif.

Cette faute de gestion excluant la simple négligence justifie la condamnation de Mme [Y] à supporter a minima une partie de l'insuffisance d'actif.

Usant du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article L.651-2 du code de commerce et tenant compte de la situation familiale et personnelle difficile de Mme [Y], dont celle-ci a justifié, la cour estime que la faute de gestion commise par Mme [Y] représente 45 000 euros de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire, somme que Mme [Y] devra supporter.

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, le jugement frappé d'appel sera infirmé sur ce point.

Sur les dépens

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement querellé sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Pour le même motif, Mme [Y] sera condamnée aux dépens d'appel. Elle se trouve, ainsi, infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser Me [V], membre de la SCP [10] ès qualités, supporter les frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Mme [Y] sera par conséquent condamnée à lui payer 3'000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics, sur renvoi après cassation, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement querellé sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles';

Statuant à nouveau des chefs d'infirmation et y ajoutant :

Condamne Mme [I] [Y] à payer à Me [V], membre de la SCP [10], ès qualités, la somme de 45 000 euros au titre de sa participation à l'insuffisance d'actif de la société [8] ;

Déclare Mme [I] [Y] infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles;

Condamne Mme [I] [Y] à payer à Me [V], membre de la SCP [10], ès qualités la somme de 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [I] [Y] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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