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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 3 juin 2025, n° 24/00293

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/00293

3 juin 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 3 JUIN 2025

(n° / 2025 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00293 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIV3C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 novembre 2023 -Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2023L01815

APPELANTS

Monsieur [R] [F]

Né le [Date naissance 6] 1984 à [Localité 15]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 10]

Monsieur [B] [X]

Né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 16] (HAITI)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 9]

Représentés par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753,

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. [12], prise en la personne de Maître [P] [I], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [17], désignée par ordonnance du 1er juillet 2023 en remplacement de la SELAFA [14],

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 981 863 103,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée et assistée de Me Valérie DUTREUILH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 5]

[Localité 7]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 mars 2025, en audience publique, devant la cour, composée de:

Madame Constance LACHEZE, conseillère faisant fonction de présidente,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

Madame Isabelle ROHART, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François VARICHON dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis écrit du 4 juin 2024.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Constance LACHEZE, conseillère faisant fonction de présidente, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée [17] a été créée le 30 juin 2015 par M. [B] [X], M. [R] [F] et la société [11] en vue d'exercer une activité de transport de marchandises et de location de véhicules.

MM. [X] et [F] ont été désignés en qualité de co-gérants lors de la création de l'entreprise. Le 10 février 2020, l'assemblée générale a pris acte de leur démission et a désigné, pour les remplacer, M. [V] [H], auxquels ils avaient préalablement cédé l'ensemble de leurs parts sociales.

Par jugement du 28 juillet 2020, le tribunal de commerce de Bobigny, statuant sur requête du ministère public, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [17] et désigné la société [14] en qualité de liquidateur judiciaire, celle-ci étant ultérieurement remplacée par la société [12] en la personne de Maître [I]. Le tribunal a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 20 février 2019.

Au vu des conclusions d'un rapport établi par la société [14] ès qualités le 16 septembre 2022, le ministère public, par requête du 19 janvier 2023, a saisi le tribunal de commerce de Bobigny d'une demande de prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer à l'encontre de MM. [X], [F] et [H], auxquels il reprochait d'avoir:

- sciemment omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours (article L. 653-8 du code de commerce);

- omis de tenir une comptabilité ou soustrait ladite comptabilité (article L. 653-5, 6° du code de commerce);

- fait obstacle au bon déroulement de la procédure (article L. 653-5, 5° du code de commerce);

- détourné ou dissimulé des éléments d'actifs (article L. 653-4, 5° du code de commerce).

Par jugement réputé contradictoire du 14 novembre 2023 revêtu de l'exécution provisoire, le tribunal a considéré que l'ensemble de ces griefs était constitué et a prononcé à l'égard de MM. [X], [F] et [H] une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de six ans.

MM. [X] et [F] ont relevé appel de cette décision en intimant la société [12] ès qualités et le ministère public.

Parallèlement, par jugement du 26 septembre 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a condamné solidairement MM. [X] et [F] à payer au liquidateur de la société [17] la somme de 110.000 euros en principal à titre de contribution à l'insuffisance d'actif d'un montant de 488.629 euros, M. [H] se voyant pour sa part condamné au paiement d'une somme de 119.000 euros. MM. [X] et [F] n'ont pas relevé appel de cette décision et ont proposé au liquidateur de s'acquitter la condamnation mise à leur charge selon un échéancier de règlement de 24 mois.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 30 janvier 2025, MM. [X] et [F] demandent à la cour de:

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions hormis celles concernant M. [H];

- statuant à nouveau, à titre principal, annuler le jugement,

- à titre subsidiaire, juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer de sanctions personnelles à leur égard et rejeter toutes demandes contraires,

- en tout état de cause, condamner le trésor public au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 4 juin 2024, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement sur les griefs retenus à l'exception du manque de coopération et du détournement d'actifs et de prononcer à l'égard des deux appelants une mesure d'interdiction de gérer de quatre ans.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 22 avril 2024, la société [12] ès qualités demande à la cour de prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour quant à la confirmation de la sanction prononcée à l'encontre de MM. [X] et [F].

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 18 février 2025.

SUR CE,

Sur la demande d'annulation du jugement du 14 novembre 2023

A l'appui de leur demande fondée sur les articles R. 631-4 du code de commerce et 670-1 du code de procédure civile, MM. [X] et [F] exposent qu'ils n'ont jamais été convoqués devant le tribunal de commerce de Bobigny appelé à statuer sur la demande de sanctions formée à leur encontre par le ministère public.

Le ministère public objecte qu'il a fait régulièrement assigner MM. [X] et [F] de sorte que leur demande d'annulation du jugement du 14 novembre 2023 est infondée.

Lorsque le ministère public saisit le tribunal d'une demande d'ouverture de procédure collective ou d'une demande de sanction, si l'avis de réception de la lettre de convocation prévue par l'article R. 631-4 du code de commerce est retourné non signé dans les conditions prévues par l'article 670 du code de procédure civile, il incombe au greffier d'inviter le ministère public, demandeur à l'instance, à procéder par voie de signification en application de l'article 670-1 du code de procédure civile.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le procureur de la République du tribunal judiciaire de Bobigny, après y avoir été invité par le greffe dudit tribunal, a fait citer MM. [X] et [F] à comparaître à l'audience du 23 octobre 2023 selon acte signifié le 8 août 2023 à M. [F] (signification à étude de commissaire de justice) et le 9 août 2023 à M. [X] (signification à personne).

La demande d'annulation du jugement du 14 novembre 2023 est donc mal fondée et sera en conséquence rejetée.

Sur les griefs allégués à l'encontre de MM. [X] et [F]

A titre liminaire, la cour relève que les parties diffèrent quant à la date à laquelle les fonctions de gérant de MM. [X] et [F] ont pris fin, ces derniers invoquant alternativement dans leurs écritures les dates des 10 février 2020 et 1er avril 2020, la société [12] ès qualités et le ministère public se prévalant pour leur part de cette dernière date uniquement.

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale de la société [17] réunie le 10 février 2020 que les associés ont pris acte de la démission de MM. [X] et [F] de leurs fonctions de gérants et ont nommé M. [H] pour les remplacer. A défaut de précision dans le procès-verbal, il y a lieu de considérer que la démission des deux gérants est intervenue avec effet immédiat. La cour retiendra donc que MM. [X] et [F] ont exercé les fonctions de gérants de la société [17] de la création de cette dernière en 2015 jusqu'au 10 février 2020.

1) sur la tenue d'une comptabilité irrégulière ou incomplète

MM. [X] et [F] exposent qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir déposé les comptes de l'exercice 2019 alors qu'ils n'étaient plus gérants au mois de juin 2020, époque à laquelle l'assemblée générale d'approbation des comptes devait se tenir en vertu de l'article L. 232-22 du code de commerce; qu'en tout état de cause, il résulte de l'arrêt rendu le 2 octobre par la chambre commerciale de la Cour de cassation (pourvoi n°23-15.995) que la tenue d'une comptabilité irrégulière non transmise au liquidateur ne suffit pas à caractériser une faute de gestion dépassant la simple négligence.

Le ministère public réplique que la comptabilité n'a pas été présentée au liquidateur et que les différents documents comptables prévus par les articles L. 123-12 et suivants du code de commerce ne lui ont pas été communiqués; qu'en outre, seuls les comptes de l'exercice 2018 ont été déposés au greffe.

La société [12] expose que MM. [X] et [F] ont attendu d'être assignés devant le tribunal de commerce pour produire les liasses fiscales des exercices 2016 à 2018; qu'aucun élément comptable n'a été produit s'agissant de l'exercice 2019 de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de procéder au recouvrement des actifs de la société, notamment de ses créances clients; qu'à cet égard, si le dépôt des comptes de l'exercice 2019 incombait au nouveau gérant M. [H], la tenue de la comptabilité de cet exercice était en revanche de la responsabilité de ses prédécesseurs, MM. [X] et [F].

Il résulte de l'article L. 653-5, 6°, du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Aux termes de l'article L. 123-12 du code de commerce, toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement. Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise. Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.

Aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce, les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.

En l'espèce, s'il est exact qu'il revenait à M. [H], nouveau gérant de la société [17] à compter du 10 février 2020, de s'acquitter de l'obligation de faire approuver les comptes de l'exercice 2019 par l'assemblée générale des associés et de les déposer aux greffe du tribunal de commerce, il revenait en revanche à ses prédécesseurs, MM. [X] et [F], de tenir la comptabilité de cet exercice 2019 ainsi que des exercices antérieurs. Or, la communication de liasses fiscales dans le cadre de la présente instance ne démontre pas la tenue complète et régulière, au sens des articles précités, de la comptabilité de l'exercice 2019 ainsi que des exercices 2016 et2017. A cet égard, il est constant que les comptes des exercices 2016 et 2017 n'ont pas été déposés au greffe, ce qui accrédite l'affirmation des intimés selon laquelle les comptes de ces exercices n'ont pas été régulièrement tenus.

Le non-respect d'une obligation fondamentale pour la bonne gestion de toute entreprise ne saurait être assimilée à une simple négligence, laquelle, au demeurant, est explicitement envisagée comme motif exonératoire par l'article L. 651-2 du code de commerce relatif à la responsabilité des dirigeants pour insuffisance d'actif, dont la Cour de cassation a fait application dans l'arrêt du 2 octobre 2024 dont se prévalent les appelants, et non par l'article L. 653-5, 6°, du code de commerce applicable en l'espèce.

Au vu de ces éléments, le tribunal a jugé à bon droit que le grief était constitué à l'égard des deux anciens dirigeants.

2) sur l'omission de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal

MM. [X] et [F] exposent qu'ils ont entrepris diverses démarches pour tenter d'améliorer la situation économique de la société, notamment en faisant réaliser un rapport d'évaluation de l'entreprise par un expert-comptable et en investissant toutes leurs économies en fond de roulement; que conformément à la jurisprudence, ces diligences pourraient conduire à réduire leur comportement à une simple négligence; que leur expert-comptable ne les a jamais alertés sur l'existence d'un état de cessation des paiements ou sur la nécessité d'établir une quelconque déclaration; qu'en outre, la date de la cessation des paiements a été fixée au 20 février2019 par le jugement d'ouverture car c'est à compter de cette date qu'ont été inscrits des privilèges généraux; que toutefois, l'un des avis d'inscription a été radié le 9 juillet 2019 par suite du règlement d'une dette contractée à l'égard de l'URSSAF et cette dernière a par ailleurs convenu d'un échéancier de paiement le 28 janvier 2020 pour une autre dette, ce qui pouvait leur laisser penser que l'entreprise n'était pas en état de cessation des paiements.

Le ministère public réplique que douze inscriptions de privilèges ont été prises par des créanciers de la société [17] entre le 29 mai 2018 et 13 février 2020 pour un montant total de 374.908,62 euros; que dans ces conditions, MM. [X] et [F] ne pouvaient ignorer l'état dégradé de l'entreprise.

La société [12] expose que MM. [X] et [F] ont adopté une politique de fuite en avant en constituant une trésorerie au moyen du non-paiement de leurs fournisseurs et des dettes fiscales et sociales; que les échéanciers de règlement que les appelants déclarent avoir obtenus de la part de l'URSSAF n'ont pas permis à la société de régler son passif exigible avec son actif disponible; que bien qu'étant parfaitement informés des pertes de la société et de son état de cessation des paiements, les intéressés n'ont pas pris les mesures nécessaires pour son redressement et n'ont pas déclaré la cessation des paiements auprès du tribunal de commerce.

Aux termes de l'article 653-8 du code de commerce, est passible d'une mesure d'interdiction de gérer toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

L'article R. 653-1 du code de commerce précise que pour l'application de l'article L. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l'article L. 631-8.

En l'espèce, le jugement du 28 juillet 2020 qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société [17] a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 20 février 2019, cette date correspondant à celle de la première inscription de privilège, en fait de la première inscription effectuée au titre des cotisations retraites, l'état des inscriptions versé aux débats révélant des inscriptions antérieures. Il n'est pas fait état d'un recours formé à l'encontre de cette décision.

Il s'ensuit que MM. [X] et [F], qui n'ont pas sollicité l'ouverture d'une procédure de conciliation, auraient dû demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire avant le lundi 8 avril 2019 au plus tard, date à laquelle ils étaient encore les co-gérants de l'entreprise. Or, il est constant que les intéressés n'ont jamais effectué cette démarche avant de démissionner de leurs fonctions le 10 février 2020.

Il convient désormais de déterminer si MM. [X] et [F] avaient connaissance de cet état de cessation des paiements. A cet égard, les intéressés ne peuvent se retrancher derrière le fait que l'expert-comptable de la société [17] ne les aurait pas alertés sur l'existence de l'état de cessation des paiements de l'entreprise. En effet, il appartient au dirigeant de suivre au jour le jour l'activité de son entreprise et d'analyser sa situation, au moyen, notamment, des informations que la tenue régulière d'une comptabilité est censée lui procurer.

Selon les indications non contestées du liquidateur, le passif admis de la société [17] s'élève à 699.943,49 euros et l'actif réalisé à 211.314 euros de sorte que l'insuffisance d'actif se chiffre à 488.629 euros.

Le 20 février 2019, la caisse de retraite [13] a inscrit un privilège de 3.464,41 euros. A cette date, qui correspond à la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, d'autres créanciers de la société [17] avaient déjà pris sept inscriptions pour un montant total de 314.873 euros. Du 20 février 2019 au 10 février 2020, date de la démission de MM. [X] et [F], [13] et l'URSSAF ont pris quatre inscriptions pour un montant de 53.902,19 euros.

La cour relève que le 20 mars 2019, la société [17] a sollicité de l'URSSAF la mise en place d'un échéancier pour le règlement d'échéances impayées correspondant à la période courant de janvier 2017 à septembre 2018, d'un montant total de 19.083,21 euros. D'autres demandes d'échéancier seront soumises en 2019 à [13] pour des cotisations impayées correspondant à la période courant du 3ème trimestre 2015 au 1er trimestre 2019, d'un montant total de 6.079,44 euros, puis à l'URSSAF le 28 janvier 2020 pour des cotisations impayées correspondant à la période courant du 2ème trimestre 2019 au mois de décembre 2019, d'un montant total de 69.947,01 euros. Ainsi, MM. [X] et [F] étaient bien conscients de l'impossibilité pour l'entreprise de s'acquitter à bonne date de ses charges sociales, pourtant exigibles depuis plusieurs années pour certaines d'entre elles.

Par ailleurs, selon les déclarations non contestées du liquidateur, le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours a contribué à aggraver le passif en période suspecte à hauteur de 284.396 euros, soit 41 % du passif admis. Ainsi, la poursuite de l'activité déficitaire a généré des dettes supplémentaires d'un montant significatif dont MM. [X] et [F] ne pouvaient ignorer l'existence.

Dans ce contexte particulièrement obéré, la concession par l'URSSAF d'un échéancier de règlement d'une dette de 19.083,21 euros le 22 mars 2019 (et non le 28 janvier 2020) et la radiation d'un privilège de l'URSSAF du fait de l'acquittement d'une dette de 16.737 euros le 9 juillet 2019 ne pouvaient être raisonnablement interprétés par les dirigeants de la société [17] comme la manifestation d'une amélioration tangible de la situation de l'entreprise.

C'est donc sciemment que MM. [X] et [F] ont méconnu leur obligation de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, obligation dont ils pouvaient d'autant moins méconnaître l'existence que chacun d'entre eux dirigeait parallèlement une autre entreprise selon les énonciations non contestées du rapport du liquidateur judiciaire.

Au vu de ces éléments, le tribunal a jugé à bon droit que le grief était constitué à l'égard des deux anciens dirigeants.

3) Sur le fait d'avoir fait obstacle au bon déroulement de la procédure en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure

MM. [X] et [F] contestent toute obstruction.

Le ministère public indique renoncer à soutenir ce grief au motif que celui-ci n'apparaît pas établi au vu des explications et pièces fournies par MM. [X] et [F] à hauteur d'appel.

Il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur les mérites d'un grief dont le ministère public, à l'origine de la présente procédure, indique qu'il n'est finalement pas constitué.

4) Sur le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l'actif

MM. [X] et [F] contestent tout détournement.

Le ministère public indique renoncer à soutenir ce griefs au motif que celui-ci n'apparaît pas établi au vu des explications et pièces fournies par MM. [X] et [F] à hauteur d'appel.

Il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur les mérites d'un grief que le ministère public, à l'origine de la présente procédure, indique qu'il n'est finalement pas constitué.

Sur la sanction

MM. [X] et [F] sollicitent une réduction de la durée de la mesure compte tenu de leur situation matérielle précaire. Ainsi, ils expliquent qu'ils ont dû mettre un terme à leur activité de taxi en raison de la perte de leur licence liée au présent contentieux; que

M. [X] a perçu en 2023 un revenu annuel de 55.118 euros au titre des bénéfices industriels et commerciaux, dont il convient de déduire les charges sociales et fiscales ainsi que diverses dépenses fixes exposées pour l'entretien des quatre personnes dont il a la charge; que M. [F] a perçu en 2023 un revenu de 12.017 euros grevé par diverses charges fixes; qu'ils se sont engagés tous les deux à exécuter la condamnation au paiement de la somme de 110.000 euros prononcée au profit du liquidateur judiciaire de la société [17] au titre de leur contribution à l'insuffisance d'actif.

Le ministère public sollicite la réduction à quatre ans de la durée de l'interdiction de gérer. La société [12] n'a pas pris position sur ce point.

Au regard de la gravité des griefs retenus à l'encontre de MM. [X] et [F], le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé à leur encontre une mesure d'interdiction de gérer.

Compte tenu du nombre de griefs retenus par la cour, soit deux au lieu de quatre caractérisés en première instance, et au vu des justificatifs de leur situation personnelle produits par les appelants, il apparaît proportionné de condamner MM. [X] et [F] à une interdiction de gérer d'une durée de quatre ans. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

MM. [X] et [F], qui demeurent sanctionnés en appel, seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel. Leur demande de condamnation au titre des frais irrépétibles sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Déboute MM. [X] et [F] de leur demande d'annulation du jugement du 14 novembre 2023,

Confirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel, sauf en ce qu'il a fixé à six ans la durée de l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de MM. [X] et [F],

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Fixe à quatre ans la durée de l'interdiction de gérer à l'encontre de MM. [X] et [F] et ordonne la modification de l'inscription de la durée de la sanction au Fichier national des interdits de gérer,

Déboute MM. [X] et [F] de leur demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne in solidum MM. [X] et [F] aux dépens de la procédure d'appel.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Constance LACHÈZE

Conseillère faisant fonction de présidente

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