CA Poitiers, 2e ch., 17 juin 2025, n° 24/02811
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRET N°234
N° RG 24/02811 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HFTM
C.L / V.D
S.A.R.L. LC INVEST
C/
S.E.L.A.R.L. SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
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Copie gratuite délivrée
Le à
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 17 JUIN 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02811 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HFTM
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 novembre 2024 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de NIORT.
APPELANTE :
S.A.R.L. LC INVEST
[Adresse 3]
[Localité 7]
prise en la personne de son gérant en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant pour avocat plaidant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES, société d'exercice libéral à responsabilité limitée au capital de 100.000 euros, R.C.S. PARIS 533 357 695, prise en la personne de Maître [W] [L],, ès-qualités de mandataire liquidateur de LC INVEST, nommée à cette fonction par décision du Tribunal de Commerce de NIORT en date du 05 novembre 2024
[Adresse 1]
[Localité 6]
ayant pour avocat plaidant Me Paul MAILLARD de la SCP MONTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Madame Lydie MARQUER, Présidente
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***********
La société à responsabilité limitée dénommée LC Invest a exercé une activité de promotion immobilière depuis sa constitution en 2011. Son siège social se situe au [Adresse 4], France. Monsieur [R] [O] et Monsieur [V] [T] sont cogérants de la société.
Par jugement en date du 27 septembre 2015, le tribunal de commerce de Niort a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société LC Invest. Cette dernière a présenté un plan d'apurement de son passif.
Par jugement en date du 12 octobre 2016, le tribunal de commerce de Niort a adopté un plan de continuation et désigné la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Actis, prise en la personne de Maître [C] [G], en la qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Sur requête du commissaire à l'exécution du plan, la société LC Invest a été convoquée aux fins de résolution du plan de redressement et d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Dans le dernier état de ses demandes, le commissaire à l'exécution du plan a sollicité la résolution du plan de redressement et le prononcé de l'ouverture d'une liquidation judiciaire.
Lors de l'audience, la société LC Invest n'a pas comparu.
Par jugement en date du 5 novembre 2024, le tribunal de commerce de Niort a :
- constaté l'état de cessation des paiements ;
- prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire simplifiée de la société LC Invest ;
- désigné la société Actis prise en la personne de Maître [C] [G] en qualité de liquidateur, lequel devrait déposer au greffe la liste de créances déclarées visée aux articles L. 624-1 et L. 624-14 du code de commerce, dans un délai de 5 mois à compter du présent jugement ;
- dit que conformément à l'article R. 644-2 du code de commerce l'état des créances complété par le projet de répartition établi par le mandataire liquidateur serait déposé au greffe ;
- nommé Monsieur [U] [X] juge-commissaire ;
- désigné la société Commissaire Priseur Judiciaire des Deux Sèvres prise en la personne de Maître [F] [D], à l'effet d'effectuer un inventaire et une prisée des éléments d'actifs composant le patrimoine de la procédure ;
- fixe provisoirement au 19 septembre 2024 la date de cessation des paiements
- dit que la clôture de la liquidation judiciaire devrait intervenir au terme d'un délai de 6 mois à compter de ce jugement conformément à l'article L. 644-5 du code de commerce, sauf prorogation de ce délai pour 3 mois ou abandon des règles de la liquidation judiciaire simplifiée, par décision du tribunal spécialement motivée ;
- invité s'il y avait lieu les salariés à désigner leur représentant et communiquer le nom sans délai au greffier de ce tribunal ;
- ordonné les mesures de publicité prescrites par la loi ;
- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de la procédure ;
Le 21 novembre 2024, la société LC Invest a relevé appel de ce jugement en intimant la société Actis prise en la personne de Maître [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Invest (le liquidateur judiciaire).
Le 4 février 2025, la société LC Invest a demandé :
- d'annuler sinon d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait :
* constaté l'état de cessation des paiements ;
* prononcé la résolution du plan de redressement et sa propre liquidation judiciaire simplifiée ;
* désigné la société Actis prise en la personne de Maître [G] en qualité de liquidateur lequel devrait déposer au Greffe la liste des créances déclarées visées aux articles L. 624-1 et L. 624-14 du Code de commerce dans un délai de 5 mois à compter du présent jugement ;
- au fond, juger qu'elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements et n'y avoir lieu en conséquence à la résolution du plan de redressement et à sa liquidation judiciaire simplifiée ;
- débouter le liquidateur judiciaire de toutes demandes plus amples ou contraires aux présentes;
Le cas échéant,
- renvoyer la présente affaire devant le tribunal de commerce de Niort.
Le 19 février 2025, la société Actis, en sa qualité de liquidateur judiciaire a demandé :
- d'annuler le jugement déféré pour défaut de convocation de la société LC Invest ;
- de statuer ce que de droit sur la demande de résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire simplifiée ;
- de dire que les dépens seraient employés en frais privilégiés de la procédure.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Le 7 avril 2025, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.
Selon réquisitions en date du 15 avril 2025, le parquet général a déclaré avoir eu communication du dossier et a indiqué s'en rapporter.
MOTIVATION :
Sur l'annulation du jugement :
Nul ne peut avoir été jugé sans avoir été dûment appelé.
Selon l'article L. 631-20 du code de commerce,
Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 626-27, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.
Selon l'article R. 626-48 du même code,
En application du I de l'article L. 626-27, le tribunal est saisi aux fins de résolution du plan par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévue à l'article R. 631-4. Il statue dans les conditions de l'article L. 626-9, le commissaire à l'exécution du plan étant entendu ou dûment appelé et présentant son rapport en lieu et place de celui de l'administrateur.
Lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du troisième alinéa du I de l'article L. 626-27, il ouvre, dans le même jugement, une procédure, selon le cas, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur.Le jugement est signifié à la diligence du greffier dans les huit jours de son prononcéaux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l'exception du ministère public.
Il est communiqué aux personnes mentionnées à l'article R. 621-7.
Le jugement qui décide la résolution du plan fait l'objet des publicités prévues à l'article R. 621-8.
Selon l'article L. 626-9 du même code,
Après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs ainsi que les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le tribunal statue au vu des documents prévus à l'article L. 626-8, après avoir recueilli l'avis du ministère public.
Lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d'un débiteur qui emploie un nombre de salariés ou qui justifie d'un chiffre d'affaires hors taxes supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat, les débats doivent avoir lieu en présence du ministère public.
Les parties sont concordantes pour demander l'annulation du jugement déféré, motif pris de l'absence de convocation de la société débitrice à l'audience ayant donné lieu au jugement déféré ayant prononcé sa liquidation judiciaire.
En effet, il apparaît que la société Lc Invest a été convoquée le 24 septembre 2024 à l'audience susdite à une adresse sise au [Adresse 2] à [Localité 8], correspondant à son ancien siège social, alors que depuis le 31 janvier 2023, date de dépôt au greffe de la formalité de transfert y afférente, son siège social était fixé au [Adresse 5], comme suite à la décision collective y afférente de transfert de son siège social prise en date du 1er septembre 2022.
Ainsi, la débitrice n'a pas été convoquée à l'audience ayant donné lieu à la résolution du plan de redressement et à son placement en liquidation judiciaire.
Il y aura donc lieu d'annuler le jugement déféré.
Sur la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire :
Selon l'article L. 631-1 alinéa premier du code de commerce,
Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
La charge de prouver que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible incombe au créancier qui demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard (Cass. com. 23 septembre 2020, n°18-26.143, diffusé).
Il n'appartient pas au débiteur de rapporter la preuve qu'il est en mesure de faire face au passif exigible avec son actif disponible, et qu'il possède les fonds nécessaires pour désintéresser immédiatement son créancier (Cass. Com., 2 avril 1996, n°93-12.861, diffusé).
Selon l'article L. 640-1 du même code,
Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.
Selon l'article L. 626-27 du même code, applicable à l'action en résolution du plan de sauvegarde, rendu applicable à l'action en résolution du plan de redressement judiciaire par les articles L. 631-19 et L. 631-20 du même code,
I. ' En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l'exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.
Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan. Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.
Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.
II. ' Dans les cas mentionnés au deuxième et troisième alinéas du I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public.
III. ' Après résolution du plan et ouverture d'une nouvelle procédure par le même jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l'état de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. Bénéficient également de la dispense de déclaration, les créances portées à la connaissance de l'une des personnes mentionnées au IV de l'article L. 622-17 dans les conditions prévues par ce texte.
Il résulte de l'article L. 626-27 I alinéa 2 du code de commerce la faculté pour le juge de résoudre le plan de redressement, à la seule condition de constater l'inexécution de ses engagements par le débiteur, sans avoir à rechercher si cette inexécution présente un caractère suffisamment grave, ou de constater l'état de cessation des paiements.
La décision de résolution relève du pouvoir souverain des juges du fonds, de sorte que ceux-ci peuvent refuser de prononcer la résolution en dépit du constat d'un manquement du débiteur dans l'exécution des engagements financiers du plan.
Dans ce cas, les juges du fonds peuvent également ouvrir une liquidation judiciaire, mais uniquement à condition de caractériser l'état de cessation des paiements du débiteur.
Selon l'article L. 631-20 du code de commerce,
Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 626-27, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.
Il résulte des articles L. 626-27 I alinéa 3 et L. 631-20 du code de commerce qu'en cas de constatation du seul état de cessation des paiements, tant au cours de l'exécution du plan qu'au jour où la cour statue, le prononcé de la résolution du plan est automatique et obligatoire, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le plan a été ou non correctement exécuté par le débiteur.
Le fait, par une partie, de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande de la partie adverse implique de sa part, non un acquiescement ou une approbation à cette demande, mais la contestation de celle-ci.
Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que les parties ont l'obligation de présenter des moyens à l'appui de leurs prétentions dans les motifs de leurs écritures.
Le liquidateur judiciaire demande de statuer ce que de droit sur sa demande de résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire simplifiée.
A cet égard, il indique s'en rapporter à justice quant aux allégations de la société Lc Invest faisant valoir son absence d'état de cessation des paiements et sa capacité à respecter le plan de continuation adopté par jugement du 23 octobre 2016, en visant le seul article L. 631-20 du code de commerce.
Ainsi, le liquidateur n'a pas invoqué l'article L. 626-27 I alinéa 2 du même code, prévoyant la possibilité de résoudre le plan de redressement en raison de l'inexécution de ses engagements par le débiteur.
La cour n'a donc pas à rechercher si la société Lc Invest a ou non observé les engagements pris dans le cadre de son plan de redressement.
Et au demeurant, la cour observe que le liquidateur n'a présenté dans ses écritures aucun moyen de ce chef.
Au surplus, dans ces mêmes écritures, le liquidateur n'a présenté aucun moyen relatif au constat d'un état de cessation des paiements survenu au cours de l'exécution du plan.
Et il importe peu que le liquidateur soutienne contester l'affirmation adverse déniant tout état de cessation des paiements.
Car c'est au liquidateur qu'incombe la charge de la preuve y afférente, sans qu'il appartienne à la société débitrice de démontrer ni même d'alléguer être en capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Du tout, il sera retenu que n'a été présenté à la cour aucun moyen de nature à prononcer la résolution du plan de redressement et à prononcer la liquidation judiciaire de la société Lc Invest.
Il y aura donc lieu de débouter la société Actis ès qualités de ses demandes y afférentes.
* * * * *
Il y aura lieu d'ordonner l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Annule le jugement déféré ;
Déboute la société à responsabilité limitée Actis Mandataires Judiciaires de ses demandes de résolution du plan de redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée Lc Invest et d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Lc Invest ;
Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 24/02811 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HFTM
C.L / V.D
S.A.R.L. LC INVEST
C/
S.E.L.A.R.L. SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
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Copie gratuite délivrée
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 17 JUIN 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02811 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HFTM
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 novembre 2024 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de NIORT.
APPELANTE :
S.A.R.L. LC INVEST
[Adresse 3]
[Localité 7]
prise en la personne de son gérant en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant pour avocat plaidant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES SELARL ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES, société d'exercice libéral à responsabilité limitée au capital de 100.000 euros, R.C.S. PARIS 533 357 695, prise en la personne de Maître [W] [L],, ès-qualités de mandataire liquidateur de LC INVEST, nommée à cette fonction par décision du Tribunal de Commerce de NIORT en date du 05 novembre 2024
[Adresse 1]
[Localité 6]
ayant pour avocat plaidant Me Paul MAILLARD de la SCP MONTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Mai 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Madame Lydie MARQUER, Présidente
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***********
La société à responsabilité limitée dénommée LC Invest a exercé une activité de promotion immobilière depuis sa constitution en 2011. Son siège social se situe au [Adresse 4], France. Monsieur [R] [O] et Monsieur [V] [T] sont cogérants de la société.
Par jugement en date du 27 septembre 2015, le tribunal de commerce de Niort a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société LC Invest. Cette dernière a présenté un plan d'apurement de son passif.
Par jugement en date du 12 octobre 2016, le tribunal de commerce de Niort a adopté un plan de continuation et désigné la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Actis, prise en la personne de Maître [C] [G], en la qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Sur requête du commissaire à l'exécution du plan, la société LC Invest a été convoquée aux fins de résolution du plan de redressement et d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Dans le dernier état de ses demandes, le commissaire à l'exécution du plan a sollicité la résolution du plan de redressement et le prononcé de l'ouverture d'une liquidation judiciaire.
Lors de l'audience, la société LC Invest n'a pas comparu.
Par jugement en date du 5 novembre 2024, le tribunal de commerce de Niort a :
- constaté l'état de cessation des paiements ;
- prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire simplifiée de la société LC Invest ;
- désigné la société Actis prise en la personne de Maître [C] [G] en qualité de liquidateur, lequel devrait déposer au greffe la liste de créances déclarées visée aux articles L. 624-1 et L. 624-14 du code de commerce, dans un délai de 5 mois à compter du présent jugement ;
- dit que conformément à l'article R. 644-2 du code de commerce l'état des créances complété par le projet de répartition établi par le mandataire liquidateur serait déposé au greffe ;
- nommé Monsieur [U] [X] juge-commissaire ;
- désigné la société Commissaire Priseur Judiciaire des Deux Sèvres prise en la personne de Maître [F] [D], à l'effet d'effectuer un inventaire et une prisée des éléments d'actifs composant le patrimoine de la procédure ;
- fixe provisoirement au 19 septembre 2024 la date de cessation des paiements
- dit que la clôture de la liquidation judiciaire devrait intervenir au terme d'un délai de 6 mois à compter de ce jugement conformément à l'article L. 644-5 du code de commerce, sauf prorogation de ce délai pour 3 mois ou abandon des règles de la liquidation judiciaire simplifiée, par décision du tribunal spécialement motivée ;
- invité s'il y avait lieu les salariés à désigner leur représentant et communiquer le nom sans délai au greffier de ce tribunal ;
- ordonné les mesures de publicité prescrites par la loi ;
- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de la procédure ;
Le 21 novembre 2024, la société LC Invest a relevé appel de ce jugement en intimant la société Actis prise en la personne de Maître [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société LC Invest (le liquidateur judiciaire).
Le 4 février 2025, la société LC Invest a demandé :
- d'annuler sinon d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait :
* constaté l'état de cessation des paiements ;
* prononcé la résolution du plan de redressement et sa propre liquidation judiciaire simplifiée ;
* désigné la société Actis prise en la personne de Maître [G] en qualité de liquidateur lequel devrait déposer au Greffe la liste des créances déclarées visées aux articles L. 624-1 et L. 624-14 du Code de commerce dans un délai de 5 mois à compter du présent jugement ;
- au fond, juger qu'elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements et n'y avoir lieu en conséquence à la résolution du plan de redressement et à sa liquidation judiciaire simplifiée ;
- débouter le liquidateur judiciaire de toutes demandes plus amples ou contraires aux présentes;
Le cas échéant,
- renvoyer la présente affaire devant le tribunal de commerce de Niort.
Le 19 février 2025, la société Actis, en sa qualité de liquidateur judiciaire a demandé :
- d'annuler le jugement déféré pour défaut de convocation de la société LC Invest ;
- de statuer ce que de droit sur la demande de résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire simplifiée ;
- de dire que les dépens seraient employés en frais privilégiés de la procédure.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Le 7 avril 2025, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.
Selon réquisitions en date du 15 avril 2025, le parquet général a déclaré avoir eu communication du dossier et a indiqué s'en rapporter.
MOTIVATION :
Sur l'annulation du jugement :
Nul ne peut avoir été jugé sans avoir été dûment appelé.
Selon l'article L. 631-20 du code de commerce,
Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 626-27, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.
Selon l'article R. 626-48 du même code,
En application du I de l'article L. 626-27, le tribunal est saisi aux fins de résolution du plan par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévue à l'article R. 631-4. Il statue dans les conditions de l'article L. 626-9, le commissaire à l'exécution du plan étant entendu ou dûment appelé et présentant son rapport en lieu et place de celui de l'administrateur.
Lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du troisième alinéa du I de l'article L. 626-27, il ouvre, dans le même jugement, une procédure, selon le cas, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur.Le jugement est signifié à la diligence du greffier dans les huit jours de son prononcéaux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l'exception du ministère public.
Il est communiqué aux personnes mentionnées à l'article R. 621-7.
Le jugement qui décide la résolution du plan fait l'objet des publicités prévues à l'article R. 621-8.
Selon l'article L. 626-9 du même code,
Après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs ainsi que les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le tribunal statue au vu des documents prévus à l'article L. 626-8, après avoir recueilli l'avis du ministère public.
Lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d'un débiteur qui emploie un nombre de salariés ou qui justifie d'un chiffre d'affaires hors taxes supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat, les débats doivent avoir lieu en présence du ministère public.
Les parties sont concordantes pour demander l'annulation du jugement déféré, motif pris de l'absence de convocation de la société débitrice à l'audience ayant donné lieu au jugement déféré ayant prononcé sa liquidation judiciaire.
En effet, il apparaît que la société Lc Invest a été convoquée le 24 septembre 2024 à l'audience susdite à une adresse sise au [Adresse 2] à [Localité 8], correspondant à son ancien siège social, alors que depuis le 31 janvier 2023, date de dépôt au greffe de la formalité de transfert y afférente, son siège social était fixé au [Adresse 5], comme suite à la décision collective y afférente de transfert de son siège social prise en date du 1er septembre 2022.
Ainsi, la débitrice n'a pas été convoquée à l'audience ayant donné lieu à la résolution du plan de redressement et à son placement en liquidation judiciaire.
Il y aura donc lieu d'annuler le jugement déféré.
Sur la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire :
Selon l'article L. 631-1 alinéa premier du code de commerce,
Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements.
La charge de prouver que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible incombe au créancier qui demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard (Cass. com. 23 septembre 2020, n°18-26.143, diffusé).
Il n'appartient pas au débiteur de rapporter la preuve qu'il est en mesure de faire face au passif exigible avec son actif disponible, et qu'il possède les fonds nécessaires pour désintéresser immédiatement son créancier (Cass. Com., 2 avril 1996, n°93-12.861, diffusé).
Selon l'article L. 640-1 du même code,
Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.
Selon l'article L. 626-27 du même code, applicable à l'action en résolution du plan de sauvegarde, rendu applicable à l'action en résolution du plan de redressement judiciaire par les articles L. 631-19 et L. 631-20 du même code,
I. ' En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l'exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.
Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan. Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.
Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.
II. ' Dans les cas mentionnés au deuxième et troisième alinéas du I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public.
III. ' Après résolution du plan et ouverture d'une nouvelle procédure par le même jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l'état de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. Bénéficient également de la dispense de déclaration, les créances portées à la connaissance de l'une des personnes mentionnées au IV de l'article L. 622-17 dans les conditions prévues par ce texte.
Il résulte de l'article L. 626-27 I alinéa 2 du code de commerce la faculté pour le juge de résoudre le plan de redressement, à la seule condition de constater l'inexécution de ses engagements par le débiteur, sans avoir à rechercher si cette inexécution présente un caractère suffisamment grave, ou de constater l'état de cessation des paiements.
La décision de résolution relève du pouvoir souverain des juges du fonds, de sorte que ceux-ci peuvent refuser de prononcer la résolution en dépit du constat d'un manquement du débiteur dans l'exécution des engagements financiers du plan.
Dans ce cas, les juges du fonds peuvent également ouvrir une liquidation judiciaire, mais uniquement à condition de caractériser l'état de cessation des paiements du débiteur.
Selon l'article L. 631-20 du code de commerce,
Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 626-27, lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.
Il résulte des articles L. 626-27 I alinéa 3 et L. 631-20 du code de commerce qu'en cas de constatation du seul état de cessation des paiements, tant au cours de l'exécution du plan qu'au jour où la cour statue, le prononcé de la résolution du plan est automatique et obligatoire, sans qu'il y ait lieu de rechercher si le plan a été ou non correctement exécuté par le débiteur.
Le fait, par une partie, de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande de la partie adverse implique de sa part, non un acquiescement ou une approbation à cette demande, mais la contestation de celle-ci.
Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que les parties ont l'obligation de présenter des moyens à l'appui de leurs prétentions dans les motifs de leurs écritures.
Le liquidateur judiciaire demande de statuer ce que de droit sur sa demande de résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire simplifiée.
A cet égard, il indique s'en rapporter à justice quant aux allégations de la société Lc Invest faisant valoir son absence d'état de cessation des paiements et sa capacité à respecter le plan de continuation adopté par jugement du 23 octobre 2016, en visant le seul article L. 631-20 du code de commerce.
Ainsi, le liquidateur n'a pas invoqué l'article L. 626-27 I alinéa 2 du même code, prévoyant la possibilité de résoudre le plan de redressement en raison de l'inexécution de ses engagements par le débiteur.
La cour n'a donc pas à rechercher si la société Lc Invest a ou non observé les engagements pris dans le cadre de son plan de redressement.
Et au demeurant, la cour observe que le liquidateur n'a présenté dans ses écritures aucun moyen de ce chef.
Au surplus, dans ces mêmes écritures, le liquidateur n'a présenté aucun moyen relatif au constat d'un état de cessation des paiements survenu au cours de l'exécution du plan.
Et il importe peu que le liquidateur soutienne contester l'affirmation adverse déniant tout état de cessation des paiements.
Car c'est au liquidateur qu'incombe la charge de la preuve y afférente, sans qu'il appartienne à la société débitrice de démontrer ni même d'alléguer être en capacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Du tout, il sera retenu que n'a été présenté à la cour aucun moyen de nature à prononcer la résolution du plan de redressement et à prononcer la liquidation judiciaire de la société Lc Invest.
Il y aura donc lieu de débouter la société Actis ès qualités de ses demandes y afférentes.
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Il y aura lieu d'ordonner l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Annule le jugement déféré ;
Déboute la société à responsabilité limitée Actis Mandataires Judiciaires de ses demandes de résolution du plan de redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée Lc Invest et d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Lc Invest ;
Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,