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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 27 mai 2025, n° 24/16566

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/16566

27 mai 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 27 MAI 2025

(n° / 2025, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16566 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKDSX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2024 -Tribunal de commerce d'EVRY - RG n° 2024L01404

APPELANTE

S.A.S. LA CHOCOLATINE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'EVRY sous le numéro 383 158 086,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann LE PENVEN de la SCP LE PENVEN- GUILLAIN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0097,

INTIMES

S.E.L.A.R.L. [N] [P], prise en la personne de Maître [N] [P], en qualités de liquidateur judiciaire de la SAS LA CHOCOLATINE,

Dont l'étude est située [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier PECHENARD de la SELARL PBM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0899,

Assistée de Me ALICE HERBRETEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0899,

LE PROCUREUR GENERAL

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 avril 2025, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société par actions simplifiée unipersonnelle La Chocolatine exerce une activité de boulangerie pâtisserie à [Localité 6]. Elle emploie 11 salariés.

Par un jugement du 13 janvier 2020, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société La Chocolatine et a nommé la SELARL [N][P] en la personne de Me [N] [P] en qualité de mandataire judiciaire et Me [U] [X] en qualité d'administrateur judiciaire.

Par jugement du 25 octobre 2021, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société et nommé Me [P] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le plan prévoyait le remboursement de la créance superprivilégiée suivant un accord dérogatoire de l'Unedic AGS, le remboursement des créances inférieures à 500 euros au comptant au jour de l'arrêté du plan et le remboursement du passif par apurement de la totalité du passif privilégié et chirographaire à 100% sur une durée de 10 ans en 10 dividendes annuels progressifs, le premier intervenant une année après le jugement arrêtant le plan et les suivants à la date anniversaire (année 1 : 2% ; année 2 : 4% ; année 3 : 6% ;années 4 à 9 :12,5% et année 10 : 13%), chaque annuité devant faire l'objet de versements provisionnels trimestriels.

La troisième annuité du plan de redressement n'a pas été provisionnée entre les mains du commissaire à l'exécution du plan.

Par acte du 4 juin 2024, le procureur de la République a saisi le tribunal de commerce d'Evry d'une requête aux fins d'ouvrir une procédure collective à l'égard de la société La Chocolatine. Le même jour, l'URSSAF d'Île-de-France a fait assigner cette dernière en ouverture de liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire du 24 septembre 2024, le tribunal de commerce d'Evry a constaté l'état de cessation des paiements, déclaré résolu le plan de redressement arrêté le 25 octobre 2021, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société La Chocolatine, fixé provisoirement au 4 juin 2024 la date de cessation des paiements, nommé la SELARL [N] [P] prise en la personne de Me [N] [P] en qualité de liquidateur judiciaire et employé les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Par déclaration d'appel du 30 septembre 2024, la société La Chocolatine a relevé appel de ce jugement intimant la SELARL [N][P] prise en la personne de Me [P] en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Chocolatine, d'une part, et le procureur général, d'autre part.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 novembre 2025, la société La Chocolatine demande à la cour :

- de la déclarer recevable et fondée en son appel ;

- y faisant droit, d'infirmer les décisions entreprises ;

- statuant à nouveau, de rejeter la demande de conversion du plan de redressement judiciaire de la société La Chocolatine en liquidation judiciaire ;

- d'ordonner et valider sa demande de modification substantielle du plan de redressement par voie de continuation comme suit :

Année 3 : 5%

Année 4 : 5%

Année 5 : 5%

Année 6 : 5%

Année 7 : 5%

Année 8 : 5%

Année 9 : 5%

Année 10 : 59% (par la cession du fonds de commerce) ;

- de statuer ce que de droit au titre des dépens.

La société La Chocolatine fait valoir que la décision de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité est infondée et préjudiciable pour la société et ses créanciers, qu'elle a entrepris depuis avril 2024 un ensemble d'actions pour optimiser ses résultats telle l'automatisation de la production avec l'emploi d'une machine multifonction ou la réduction de la masse salariale, que le prévisionnel établi entre le mois d'octobre 2024 et le mois de septembre 2025 laisse apparaître dès décembre 2024 qu'elle serait en mesure d'honorer les retards de paiement des parts salariales et des cotisations sociales et de mettre en place un moratoire sur le paiement des parts patronales, que compte tenu de gains de productivité elle pourrait générer un excédent brut d'exploitation pour l'exercice 2024-2025 de 185 000 euros qui permettrait l'apurement des échéances du plan, le règlement des parts patronales et le paiement de l'ensemble des charges de la société sur la durée du plan, que sa situation n'est pas irrémédiablement compromise, qu'elle dispose toujours d'une équipe et de fournisseurs pour l'avenir et que l'exercice précédent n'était qu'un accident. Elle sollicite une modification du plan de redressement considérant que 6% du passif a déjà été réglé et proposant de rembourser l'intégralité du passif sur les années à venir, à raison de 5% du passif chaque année, soit 81 154,15 euros, et le solde de passif résiduel de 959 619 euros en annuité 10 après la cession du fonds de commerce.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 décembre 2024, le ministère public conclut à ce que la cour, sauf si l'appelante justifiait avoir versé la troisième annuité du plan entre les mains du commissaire à l'exécution du plan le jour de l'audience, à tout le moins, et le montant de la créance postérieure à l'arrêté du plan, confirme le jugement du tribunal de commerce d'Evry du 24 septembre 2024 ayant résolu le plan de redressement de la société La Chocolatine et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard.

Il souligne que la société La Chocolatine n'a pas payé la troisième annuité de son plan, qu'elle n'a réalisé aucun paiement provisionnel, qu'elle a créé un passif auprès de l'URSSAF postérieur à l'arrêté du plan de 326 727,12 euros dont 56 180,14 euros au titre des parts salariales et que dans ces conditions, sa situation lui semble obérée malgré les efforts de la société pour réduire sa masse salariale et pour générer un excédent brut d'exploitation. Il considère que la demande de modification substantielle du plan est irrecevable en ce qu'elle n'a pas fait l'objet d'un rapport du commissaire à l'exécution du plan, conformément aux dispositions de l'article L.626-26 du code de commerce.

La SELARL [N][P] prise en la personne de Me [P] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Chocolatine a constitué avocat, le 17 octobre 2024 mais n'a pas conclu.

L'instruction a été clôturée une première fois par ordonnance du 4 mars 2025. Elle a été révoquée à l'audience du 25 mars 2025 à laquelle l'affaire avait été appelée une première fois afin de permettre aux parties de conclure à la suite de la cession du fonds de commerce de la société La Chocolatine.

Les parties n'ont pas notifié de nouvelles écritures mais la SELARL [N] [P] ès qualités a communiqué à la cour l'ordonnance rendue le 18 février 2025 par le juge-commissaire autorisant la cession du fonds de commerce au profit de M. [D] [F] au prix offert de 152 600 euros hors taxes.

Le conseil de la société La Chocolatine a écrit à la cour pour indiquer que sa cliente prenait acte de la cession de son fonds de commerce qui est la conséquence directe du refus de faire droit à la demande de suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement de liquidation judiciaire et réalisée dans la précipitation. La société La Chocolatine a précisé s'en rapporter à la justice sur les conséquences que la cour tirera de cette cession sur le bien-fondé de son appel.

SUR CE,

Il convient par suite de la révocation de l'ordonnance de clôture d'ordonner à nouveau la clôture de l'instruction.

Il résulte de l'application combinée des articles L. 626-27 et L. 631-19 du code de commerce qu'un plan de redressement peut être résolu en cas de cessation des paiements constatée au cours de l'exécution du plan ou en cas d'inexécution, par le débiteur, de ses engagements dans les délais fixés par le plan.

L'article L. 631-20 du même code, exclusivement applicable aux procédures de redressement judiciaire, précise que lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire.

Il résulte des termes de l'article L. 631-1 du code de commerce qu'est en état de cessation des paiements tout débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible et que le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

La preuve de l'état de cessation des paiements, apprécié en cas d'appel au jour où la cour statue, doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En l'espèce, il est constant que la société La Chocolatine n'a pas réglé la troisième annuité de son plan de redressement échue le 24 octobre 2024, qu'elle n'a pas non plus provisionné par versements trimestriels entre les mains du commissaire à l'exécution du plan, ce qui caractérise l'inexécution du plan de redressement et autorise la résolution de celui-ci.

En outre, il est justifié par la production d'un état des débits de l'URSSAF au 23 mai 2024 qu'un passif postérieur à l'adoption du plan de redressement a été créé entre octobre 2021 et avril 2024 totalisant 302 618,53 euros, dont 56 882,14 euros de parts ouvrières (ou salariales). La cour observe que ce document mentionne un rendez-vous qui s'est déroulé le 9 novembre 2023 au cours duquel la société a déclaré ne pas être en mesure de régler les parts ouvrières et que depuis ce rendez-vous les cotisations courantes n'ont pas été réglées.

La société La Chocolatine ne conteste pas la créance de l'URSSAF mais explique que si elle avait bénéficié d'un délai, elle entendait lui proposer la mise en place d'un plan de remboursement échelonné, avec dans un premier temps, le paiement des parts salariales, puis une fois les parts salariales apurées, l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois pour rembourser les parts patronales et parallèlement la saisine du tribunal d'une requête en modification de plan pour payer le passif du plan de redressement à hauteur de 59% en fin de plan par la cession du fonds de commerce.

Il en résulte que la société La Chocolatine ne parvient manifestement ni à faire face à ses charges courantes ni à rembourser l'échéance de son plan de redressement devenue exigible.

Elle pourra d'autant moins faire face à son passif exigible qu'elle fonde ses perspectives de remboursement alléguées sur l'exploitation de son fonds de commerce dont la vente a été autorisée le 18 février 2025.

Elle est donc en état de cessation des paiements, ce qui conduit la cour à ordonner la résolution du plan de redressement et l'ouverture d'une liquidation judiciaire à son égard.

En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la clôture de l'instruction ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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