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CA Lyon, 3e ch. a, 28 mai 2025, n° 21/08394

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/08394

28 mai 2025

N° RG 21/08394 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N6OY

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON au fond du 03 septembre 2021

RG : 202000542

ch n°

S.A.S. CISA INFORMATIQUE

C/

S.A.R.L. SODIFALUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 28 Mai 2025

APPELANTE :

CISA INFORMATIQUE,

Société par Actions Simplifiée au capital de 519 360,00 euros, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro B 337 629 661, représentée par son dirigeant en exercice.

Sis [Adresse 3]

([Localité 1],

Représentée par Me Jean-baptiste LE JARIEL de la SELARL FORTEM AVOCATS (JBL), avocat au barreau de LYON, toque : 863

INTIMEE :

SOCIETE SODIFALUX,

SARL au capital de 200 000 euros, inscrite au Registre du

Commerce et des Sociétés de DIJON sous le numéro 343 728 077, représentée par son représentant en exercice.

Sis [Adresse 4]

([Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau D'AIN, avocat postulant et Me CHAMPLOIX Sylvain, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant.

******

Date de clôture de l'instruction : 08 Novembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Mars 2025

Date de mise à disposition : 28 Mai 2025

Audience tenue par Sophie DUMURGIER, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Cisa Informatique (la société Cisa) est spécialisée dans le secteur de l'édition de logiciels de gestion applicatifs, également appelés « ERP ».

La société Sodifalux est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'enseignes.

Le 26 juillet 2019, les sociétés Cisa et Sodifalux ont signé un contrat (n°19-0531-02) ayant pour objet la vente et l'installation du progiciel LXP, assorties de prestations de service et de formations, et incluant en outre un contrat annuel renouvelable d'assistance téléphonique et de maintenance, pour un montant de 19.755 euros HT soit 23.706 euros TTC hors coût de maintenance de 4.937 euros HT par an pour la fourniture d'une solution ERP.

Sur la demande de la société Cisa pour la validation du contrat, la société Sodifalux a réglé, le 30 juillet 2019, un acompte de 12.180 euros TTC.

Le déploiement du projet a débuté le 9 septembre 2019 et devait s'achever le 26 février 2020.

Le 10 octobre 2019, la société Sodifalux a informé la société Cisa de sa décision de ne pas poursuivre le développement et l'installation de l'ERP.

Le 17 octobre 2019, la société Cisa a demandé à la société Sodifalux le règlement d'une somme totale de 10.243,50 euros HT au titre des éléments de facturation suivants :

- interface comptable Ceri Compta,

- licences LXP (factures D9090197 du 30 septembre 2019),

- licences SQL Serveur Std Ed Runtime,

- prestations/formations LXP,

- contrat LXP (montant annuel).

Le 22 octobre 2019, la société Sodifalux a confirmé son souhait de stopper sa collaboration avec la société Cisa, au motif que la solution proposée ne convenait pas à son activité et ne s'adaptait pas à ses attentes.

Après plusieurs échanges, les sociétés Cisa et Sodifalux ne sont pas parvenues à trouver d'accord commercial amiable.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 février 2020, la société Cisa a mis en demeure la société Sodifalux de s'acquitter sous huitaine d'un montant total de 23.227,45 euros TTC correspondant, au principal, aux factures échues et impayées d'un montant total de 18.330 euros TTC, outre les diverses indemnités et frais de recouvrement contractuels ainsi que la clause pénale.

Le 25 mars 2020, la société Cisa Informatique a assigné la société Sodifalux en paiement, devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse.

Par jugement contradictoire du 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :

- prononcé la nullité du contrat signé le 26 juillet 2019 entre les parties,

- débouté la société Cisa Informatique de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens,

- condamné la société Cisa Informatique à payer à la société Sodifalux les sommes de :

> 12.180 euros au titre des sommes versées en exécution du contrat résilié,

> 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique et financier subi,

- condamné la société Cisa Informatique à payer à la société Sodifalux la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la société Cisa Informatique en tous les dépens,

- dépens liquidés à la somme de 73,22 euros TTC (dont TVA : 12,21 euros).

Par déclaration reçue au greffe le 22 novembre 2021, la SAS Cisa Informatique a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 septembre 2022, la société Cisa Informatique demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1112-1, 1128, 1130, 1132, 1133, 1193 et suivants du code civil et 514, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel interjeté,

- rejeter les demandes et prétentions de la société Sodifalux,

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, prononcé la nullité du contrat signé le 26 juillet 2019 entre les parties, condamné la société Cisa Informatique à verser la somme de '15.180 euros' au profit de la société Sodifalux et condamné cette dernière aux frais de l'article 700 ainsi qu'aux dépens de l'instance,

- déclarer que le contrat conclu le 26 juillet 2019 entre les parties ne doit pas être annulé car le consentement de la société Sodifalux n'a pas été vicié et que la société Cisa Informatique a respecté son obligation précontractuelle d'information [sic],

- condamner la société Sodifalux à payer à la société Cisa Informatique, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 11 février 2020, date de réception de la mise en demeure adressée par la société Cisa Informatique à la société Sodifalux :

la somme en principal de 18.330 euros TTC, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 11 février 2020,

la somme de 1.833 euros TTC correspondant aux pénalités de 10% exigibles en cas de dépassement d'échéance,

la somme de 3.024,45 euros TTC au titre de la clause pénale, conformément aux conditions générales de vente prévues dans le contrat,

la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement,

la somme de 12.180 euros au titre des montants remboursés par Cisa Informatique à Sodifalux suite à l'annulation du contrat par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse,

la somme de 6.000 euros allouée à Sodifalux par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse à titre de dommages-intérêts et indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sodifalux à payer à la société Cisa Informatique, une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive et dolosive du contrat n°19-0531-02 en date du 26 juillet 2019,

- condamner la société Sodifalux à payer à la société Cisa Informatique, une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sodifalux à supporter les entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 19 octobre 2022, la SARL Sodifalux demande à la cour, au visa des articles 1353, 1217, 1194, 1104, 1112-1, 1129 et suivants, 1178 et 1352 à 1352-9, 1110 et 1190 u code civil et 514 et suivants du code de procédure civile, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 3 septembre 2021,

En conséquence,

- prononcer l'annulation du contrat du 16 juillet 2019 aux torts de la société Cisa Informatique,

A titre subsidiaire,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de la convention,

- prononcer la résolution du contrat du 16 juillet 2019 aux torts de la société Cisa Informatique,

En conséquence,

- débouter la société Cisa Informatique de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Cisa Informatique à payer à la société Sodifalux la somme de 12.180 euros à titre de remboursement de l'acompte perçu,

- condamner la société Cisa Informatique à payer à la société Sodifalux la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- condamner la société Cisa Informatique à payer à la société Sodifalux la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

Y ajoutant,

- dire et juger que la somme de 12.180 euros précitée portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure soit à compter du 9 décembre 2019,

- débouter la société Cisa Informatique de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société Cisa Informatique à payer à la société Sodifalux la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner la société Cisa Informatique aux entiers dépens d'instance et d'appel dont ces derniers seront recouvrés par Me Stéphanie Garcia, avocate au barreau de Bourg-en-Bresse, aux offres de droit.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 novembre 2022, les débats étant fixés au 26 mars 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation du contrat

La société Cisa fait valoir que :

- le tribunal a prononcé à tort l'annulation du contrat pour manquement à l'obligation au devoir d'information et de conseil ; or, le motif de rupture du contrat invoqué par la société Sodifalux a été inventé a posteriori, pour justifier son choix d'abandonner le projet de déploiement d'un nouvel ERP ;

- elle justifie avoir pleinement rempli ses obligations au titre de son devoir d'information et de conseil ; la société Sodifalux s'était volontairement abstenue d'établir un cahier des charges et reconnaît que ses besoins n'étaient pas spécifiques ; le contrat portait bien sur la fourniture d'un ERP et non sur un simple changement de solution en matière de logiciel de devis ; elle a fourni à société Sodifalux un planning prévisionnel avant la signature du contrat ; la version standard du progiciel répondait pleinement aux besoins de la société Sodifalux, de sorte qu'aucun développement spécifique n'a été prévu au contrat ; le 25 septembre 2019, le progiciel était déjà installé et paramétré, et elle entamait la formation du personnel de la société Sodifalux ; jusqu'au 1er octobre 2019, cette dernière lui a fait part de son entière satisfaction ; ce n'est qu'à compter de cette date que les relations se sont soudainement détériorées, du seul fait de la société Sodifalux, alors qu'il fallait encore paramétrer l'ERP en phase de production afin qu'il réponde au mieux aux besoins de la société Sodifalux ; la société Sodifalux invente une obligation de se renseigner sur l'existant, à la charge de la société Cisa, alors que les relations pré-contractuelles ont été longues et qu'au cours de celles-ci la société Sodifalux n'a jamais abordé cette question ;

- le contrat n'est pas non plus nul pour vice du consentement ; la société Sodifalux ne démontre pas l'erreur sur une qualité essentielle, ni le caractère excusable de cette erreur ; elle ne rapporte pas non plus la preuve d'un dol ; le contrat a été le fruit d'une négociation classique entre professionnels et ne constitue pas un contrat d'adhésion, il n'a pas été signé sous la contrainte ; subsidiairement, en application de l'article 1133 du code civil, l'existence d'un aléa sur une qualité de la prestation permet d'écarter l'erreur ; en signant le contrat malgré ses doutes, la société Sodifalux a accepté l'aléa sur la supposée qualité défaillante de la prestation.

La société Sodifalux réplique que :

- la société Cisa avait l'obligation de moyen de se renseigner sur l'existant mais a manqué à cette obligation ; le progiciel implanté a donc présenté une différence importante avec les fonctionnalités de la solution informatique existante ; les interventions de la société Cisa les 25 septembre et 2 octobre 2019 ont mis en évidence le fait que l'ERP était destiné aux secteurs industriels produisant en série, et non à l'activité de la société Sodifalux ; l'ERP était donc en inadéquation avec ses besoins et son processus organisationnel, aucun paramétrage n'aurait pu y remédier ;

- son attente quant à la facilité d'utilisation de l'ERP pour l'édition des devis était manifestement une qualité essentielle de la prestation ; elle est fondée à invoquer un défaut d'information pré-contractuelle portant sur une information déterminante, ayant vicié son consentement, et à solliciter l'annulation du contrat pour dol, à défaut pour erreur ;

- la société Cisa ne peut se prévaloir d'un aléa sur les qualités essentielles de la prestation ; elle-même avait sollicité une démonstration en septembre 2018, ce que lui avait refusé la société Cisa ; ainsi son erreur était parfaitement excusable ; la présentation qui lui a été faite en juin 2019 ne l'a pas mise en mesure de prendre connaissance des processus de génération des documents par l'ERP ; la société Cisa est de mauvaise foi ;

- la phase pré-contractuelle n'a pas été longue mais le projet a été mis en sommeil pendant un temps ; le contrat n'a été précédé que d'une présentation sommaire ; ce n'est que le 25 septembre 2019 que la difficulté est apparue, alors que la société Cisa disposait des modèles de devis depuis treize mois et ne s'est pas rendue sur place pour examiner l'organisation de la société Sodifalux ;

- le logiciel a été installé, sans la possibilité pour elle de l'utiliser ; la société Cisa a édité des factures prématurément, faisant état d'un simple problème d'ergonomie pour qualifier une inadaptation de l'ERP et préconisant un changement de méthode au sein de la société Sodifalux ; elle n'a donc eu d'autre choix que de mettre fin aux relations contractuelles, la confiance étant rompue.

Sur ce,

L'article 1112-1 du code civil prévoit une obligation d'information précontractuelle, dont le manquement, par la partie débitrice de cette obligation, peut entraîner sa responsabilité quasi-délictuelle. Outre cette responsabilité, l'article 1112-1 précise, en son dernier alinéa, que le manquement peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

Selon l'article 1132 du code civil, 'l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.'

Comme l'a exactement énoncé le tribunal, le prestataire informatique est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil envers un client dépourvu de toute compétence en la matière. Il doit se renseigner préalablement sur les besoins de son client afin de lui proposer un produit adapté à ceux-ci.

En l'espèce, il résulte des échanges d'e-mails produits aux débats, que la société Sodifalux a prix contact avec la société Cisa fin août 2018 pour un projet relatif à son logiciel de devis et qu'un rendez-vous dans ses locaux a eu lieu le 5 septembre 2018, à la suite duquel la société Sodifalux a transmis à la société Cisa ses modèles concernant les devis, bons de livraison, feuilles de travail.

La société Cisa lui a alors adressé, par courriel du 19 septembre 2018, une synthèse budgétaire pour l'intégration de sa solution progicielle LXP. Dans ce courriel, la société Cisa indiquait : 'j'ai bien noté que vous débutiez une démarche de consultation concernant le remplacement de votre progiciel de gestion actuel qui atteint certaines limites techniques et fonctionnelles'.

La société Sodifalux ayant, le même jour, sollicité une présentation du progiciel, la société Cisa lui a répondu : 'nous ne proposons pas de version de démonstration ou d'essai de notre solution Progicielle de gestion LXP. En effet, nous travaillons avec chacun de nos clients en mode projet ce qui implique un paramétrage et un déploiement personnalisé qui tient compte de votre existant, de vos besoins actuels et à venir. Nous proposons par contre des présentations personnalisées de notre solution ERP directement chez les clients ou à distance.'

Il résulte des échanges postérieurs, qu'après avoir suspendu quelques mois son projet, la société Sodifalux a sollicité une présentation qui a eu lieu le 27 juin 2019 dans ses locaux.

La société Cisa a alors transmis à la société Sodifalux un document, daté du 16 juillet 2019, intitulé 'Projet / Méthodologie, Prestations Mise en oeuvre de votre progiciel de gestion LXP', lequel précise en son point 4.3 que la première étape consiste à valider l'organisation souhaitée par le client afin de paramétrer le progiciel au plus près des besoins actuels et futurs. Il est indiqué qu'après l'installation de LXP sur le serveur, la définition des rôles et la définition du planning de réalisation, il est procédé à l'analyse détaillée de l'organisation future, laquelle conditionne le paramétrage du progiciel. Il est ajouté : 'L'étude des documents (états, statistiques, tableaux de bord) que vous utilisez au quotidien et de leur évolution sera également effectuée. Cette étape conditionne fortement la réussite des étapes suivantes / Formation et paramétrage. Les choix clés seront réalisés par le client.'

Il ressort de ce document, que l'analyse de la pratique en vigueur chez le client ne devait intervenir qu'une fois le progiciel installé, afin de paramétrer celui-ci. Or, aucun cahier des charges n'a été établi préalablement. Il n'apparaît donc pas que la société Cisa se soit informée des besoins de la société Sodifalux avant de lui soumettre sa proposition de contrat pour l'implémentation de son progiciel LXP.

C'est dans ce contexte que les parties ont signé le contrat le 26 juillet 2019, lequel prévoit les licences du progiciel LXP pour six modules, la licence pour le serveur SQL, ainsi que des services d'assistance et de maintenance, outre des prestations de service. Il était ainsi prévu une prestation d'installation, organisation et démarrage sur une journée, une prestation de suivi de projet sur une journée, et dix-huit jours de formation aux différents modules.

Selon les comptes-rendus d'intervention, le projet a été mis en oeuvre à compter du 9 septembre 2019. A cette date, il a été procédé à l'installation du progiciel LXP sur le serveur et les postes de la société Sodifalux. Le 18 septembre ont été effectués l'analyse et le paramétrage des données pour l'import des clients. Le compte-rendu du 25 septembre mentionne notamment : 'début d'analyse de vos besoins pour le devis technique'.

Le compte-rendu du 2 octobre 2019 précise, au titre des actions réalisées : 'Présentation à M. [M] [dirigeant de Sodifalux] du devis technique basé sur des modèles de devis. Problématique d'ergonomie (navigation entre écran de gamme de nomenclature pas acceptable en l'état), perte de temps...'. Au titre des actions à réaliser pour le prochain rendez-vous, il est indiqué : 'Analyser la problématique d'ergonomie des écrans du module devis technique'.

Or, dès le 3 octobre 2019, la société Sodifalux a fait état d'une difficulté nécessitant de suspendre le travail sur le projet. Elle précisait, dans un e-mail du lendemain, qu'il ne s'agissait pas d'un simple problème d'ergonomie mais de conception-même du logiciel. Elle ajoutait : 'avant de poursuivre, il est nécessaire qu'un développeur puisse se rendre chez nous afin de voir ce qu'il est possible de concevoir sur la partie devis et se rapprocher le plus possible de notre outil actuel. Si cela n'est pas possible, nous n'irons pas plus loin.'

Les parties se sont réunies et par e-mail du 10 octobre 2019, la société Sodifalux a indiqué à la société Cisa : 'pour faire suite à votre venue d'hier nous avons pris la décision de ne pas poursuivre le développement et l'installation de l'ERP dans nos sociétés. Nous remarquons assez rapidement que l'outil n'est pas adapté à nos métiers pour les raisons que l'on a évoquées ensemble hier. Merci de me rappeler afin de définir les modalités de rupture du contrat.' Les lettres recommandées et e-mails ensuite échangés entre les parties n'ont pas permis de trouver une issue amiable.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la société Cisa a fourni un progiciel à la société Sodifalux sans vérifier, au préalable, l'adéquation de son produit aux besoins du client. Le fait que les conditions générales du contrat excluait 'la confection des jeux d'essai spécifiques au client' est sans effet sur l'obligation précontractuelle du prestataire informatique, de conseiller une solution informatique adaptée aux besoins de son client avant que celui-ci ne s'engage. De plus, le fait que l'ERP soit paramétrable ne signifiait pas pour autant qu'il répondrait nécessairement aux attentes de la société Sodifalux et qu'il serait compatible avec les méthodes de travail de celle-ci. Or, la société Cisa ne justifie pas avoir préalablement recherché quelles étaient ces méthodes de travail ni avoir, en conséquence, attiré l'attention de la société Sodifalux sur les changements de pratiques qu'impliquerait l'utilisation de son progiciel par rapport à l'outil existant. En effet, il ressort notamment de son e-mail du 5 octobre 2019 et du compte-rendu de l'intervention du 2 octobre 2019, que la difficulté soulevée par la société Sodifalux ne portait pas sur un simple problème de paramétrage mais impactait les méthodes de travail et la facilité d'utilisation du progiciel attendue par la société Sodifalux.

Dans sa lettre recommandée du 9 décembre 2019 adressée à la société Cisa, la société Sodifalux rappelait que la présentation du produit le 27 juin 2019, d'une durée de deux heures, n'avait porté que sur les 'écrans du logiciel proposé, sans génération de documents et en particulier de devis'. La société Sodifalux n'a donc pas été en mesure de connaître exactement le produit qu'elle acquérait avant que celui-ci soit mis en oeuvre, alors qu'il appartenait à la société Cisa, professionnel en la matière, de la conseiller sur la solution informatique préconisée. De surcroît, la société Cisa souligne, dans ses écritures, que le progiciel répond à des besoins généraux et standards de plusieurs utilisateurs et qu'elle n'avait pas eu à procéder à un développement spécifique ou complexe pour Sodifalux, alors pourtant que le 19 septembre 2018, elle indiquait à la société Sodifalux ne pas pouvoir lui soumettre de version de démonstration ou d'essai car elle travaillait 'en mode projet' impliquant un déploiement personnalisé avec une prise en compte de l'existant.

En outre, il ne peut être reproché à la société Sodifalux un manquement à son obligation de coopération, y compris en phase pré-contractuelle, dès lors que celle-ci a transmis à la société Cisa les modèles de ses documents et a sollicité, dès le 19 septembre 2018 puis le 27 juin 2019, une démonstration du produit.

Dès lors, il est établi, comme l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, que la société Cisa a manqué à son devoir précontractuel de conseil en ne s'informant pas suffisamment des attentes de sa cliente et en lui fournissant un produit qui ne correspondait pas à celles-ci.

Ce manquement est à l'origine de l'erreur de la société Sodifalux sur les qualités essentielles du produit. En effet, la société Sodifalux a indiqué, dès son premier e-mail de prise de contact en août 2018, qu'elle avait un projet concernant son logiciel de devis. En conséquence, même si le progiciel fourni comprenait six modules, il apparaît que le module relatif à l'établissement des devis présentait une importance particulière.

De plus, l'erreur est excusable en ce que, dans son document daté du 16 juillet 2019, la société Cisa a mis en avant les qualités du produit LXP tenant à sa souplesse et sa grande facilité d'utilisation, ce que souhaitait la société Sodifalux qui a ainsi contracté sur la base de ces éléments, alors que le produit s'est avéré inadapté à ses méthodes de travail.

Par ailleurs, la société Cisa ne saurait valablement invoquer l'acceptation d'un aléa par la société Sodifalux, alors qu'en sa qualité de professionnel, il lui appartenait de vérifier l'adéquation de son produit aux besoins du client avant la signature du contrat et non une fois le progiciel installé.

Le manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil ayant entraîné l'erreur de la société Sodifalux sur les qualités essentielles du produit informatique, constitutive d'un vice du consentement, la nullité du contrat est encourue, laquelle entraîne les restitutions réciproques.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il prononce la nullité du contrat, en ce qu'il déboute la société Cisa de ses demandes en paiement au titre du contrat et la condamne à payer à la société Sodifalux la somme de 12.180 euros au titre des sommes versées en exécution du contrat.

Sur les demandes réciproques de dommages-intérêts

La société Cisa fait valoir que :

- la société Sodifalux a commis des manquements volontaires à ses obligations contractuelles, qu'elle dissimule par des mensonges ; son comportement malveillant doit être sanctionné par l'octroi de dommages-intérêts d'un montant de 5.000 euros, somme à parfaire ;

- en revanche, la demande de dommages-intérêts formée par la société Sodifalux n'est pas fondée.

La société Sodifalux fait valoir que la société Cisa a engagé sa responsabilité délictuelle, à défaut contractuelle, l'obligeant à réparer le préjudice subi ; la société Sodifalux a ainsi consacré du temps pour l'emploi d'un progiciel inadapté, son préjudice est évalué à 3.000 euros.

Sur ce,

La demande d'annulation du contrat formée par la société Sodifalux étant accueillie, la demande de dommages-intérêts formée par la société Cisa au titre d'un manquement contractuel de celle-là ne peut prospérer, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de la société Cisa formée à ce titre.

Quant à la demande de dommages-intérêts formée par la société Sodifalux, celle-ci ne démontre pas le préjudice allégué, étant souligné que l'intervention de la société Cisa n'a été effective que sur quatre journées, entre le 9 septembre et le 2 octobre 2019. La société Sodifalux ne démontre pas que l'intervention de son personnel sur ce projet ne relèverait pas de la sollicitation normale de ses employés pour les fonctions qui sont les leurs.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Cisa à payer à la société Sodifalux la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, et de rejeter cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Cisa succombant principalement à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à la société Sodifalux la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il condamne la société Cisa informatique à payer à la société Sodifalux la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique et financier ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Sodifalux au titre de son préjudice économique et financier ;

Condamne la société Cisa informatique aux dépens d'appel ;

Condamne la société Cisa informatique à payer à la société Sodifalux la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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