CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 18 juin 2025, n° 23/09877
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Comptoir des Industries Françaises (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Vice-président :
M. Richaud
Conseiller :
Mme Dallery
Avocats :
Me Vignes, SCP GRV Associés, Me Nihouan, SELARL Thomas, Me Hercot, SELARL Joffe & Associés, Me Callede
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Comptoir des Industries Françaises (ci-après "la SAS CIF") exerce une activité principale de vente de produits haut de gamme exclusivement fabriqués en France relevant de l'univers de l'art de la table et de la décoration pour la maison. Elle exploite à ce titre deux magasins situés à [Localité 10] et [Localité 11] (44) ainsi que trois sites internet marchands à destination des particuliers (coin-fr.com), des professionnels (comptoirdesindustries.com) et des clients situés à l'étranger (francecorner.com).
La SAS Mauviel1830 fabrique et commercialise des ustensiles de cuisine haut-de-gamme de marque [O] martelés manuellement par les artisans de sa manufacture.
Les relations commerciales entretenues par la SAS CIF et la SAS Mauviel1830 depuis 2013, qui ont généré un chiffre d'affaires en constante croissance, celle-là commercialisant des produits fabriqués par celle-ci, se sont dégradées à compter de l'année 2019. La première reprochait à la seconde l'annonce le 7 mars 2019, concomitamment au lancement de son site de vente directe en ligne mauviel-boutique.com, d'une part, la dissolution du "club des [7]" auquel elle appartenait et la suppression corrélative de la remise de 10 % dont elle bénéficiait à ce titre, et, d'autre part, l'interdiction de vendre certaines collections à compter du 15 avril 2019, en particulier via le site internet francecorner.com.
Par courrier de son conseil du 27 mars 2019, la SAS CIF mettait en demeure la SAS Mauviel1830 de cesser ses pratiques qu'elle estimait discriminatoires, de ne pas supprimer la remise de 10 % et de poursuivre sans restriction la vente de ses produits. Cette dernière acceptait de maintenir cette remise.
Dénonçant néanmoins des retards et des refus de livraison qui n'affectaient pas l'activité des autres distributeurs, la SAS CIF a, par courrier de son conseil du 20 novembre 2020, mis en demeure la SAS Mauviel1830 de procéder à la livraison de l'intégralité des produits commandés, de l'informer des délais pratiqués et de les respecter ainsi que de mettre fin à toute pratique discriminatoire à son détriment (refus de vente et de promotions exclusives) et à tout détournement de clientèle ou de commandes. Par la voix de son conseil, la SAS Mauviel1830 contestait le 21 avril 2021 l'ensemble de ces griefs, en invoquant des ruptures dans sa chaine d'approvisionnement consécutive à la crise sanitaire née de la pandémie de Covid-19 et l'impossibilité de livrer au-delà de ses capacités de production, et lui imputait des pratiques déloyales consistant dans le renouvellement fautif de campagnes promotionnelles.
Par lettre du 6 juillet 2021, la SAS Mauviel1830 a notifié à la SAS CIF la rupture de leurs relations commerciales à compter du 31 mai 2022, ce dont cette dernière prenait acte le 24 juillet 2021 en sollicitant néanmoins le 23 novembre 2021 une indemnisation de 507 282,15 euros en réparation des préjudices causés par les inexécutions contractuelles qu'elle lui imputait.
Les échanges postérieurs entre les parties n'aboutissant pas à une résolution amiable du litige, la SAS CIF a, par acte d'huissier signifié le 25 février 2022, assigné la SAS Mauviel1830 devant le tribunal de commerce de Rennes en indemnisation des préjudices causés par ses fautes contractuelles, ses actes de concurrence déloyale et l'inexécution du préavis aux conditions antérieures caractérisant une rupture brutale partielle des relations commerciales établies.
Par jugement du 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Rennes a, avec exécution provisoire de droit en toutes ses dispositions, débouté la SAS Mauviel1830 de ses demandes de production forcée de pièces et de sursis à statuer, rejeté l'intégralité des demandes de la SAS CIF et l'a condamnée à payer à la SAS Mauviel1830 la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe le 1er juin 2023, la SAS CIF a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 mars 2025, la SAS CIF demande à la cour, au visa des articles1104, 1109, 1231-1 et 1240 du code civil, L 442-1 II du code de commerce ainsi que 9 et suivants et 700 du code de procédure civile :
- de réformer le jugement rendu le 23 mars 2023 par le tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a :
° débouté la SAS CIF de sa demande de condamnation de la SAS Mauviel1830 au titre de manquements contractuels ;
° débouté la SAS CIF de sa demande relative au non-respect par la SAS Mauviel1830 de la période de préavis consécutive à la rupture des relations commerciales ;
° débouté la SAS CIF de sa demande au titre de la concurrence déloyale ;
° débouté la SAS CIF de ses demandes d'indemnisation ;
° condamné la SAS CIF à verser à la SAS Mauviel1830 la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
° condamné la SAS CIF aux entiers dépens de l'instance ;
° dit que le jugement était exécutoire de droit ;
- statuant à nouveau, de juger que les sociétés mauviel1830 et la SAS CIF étaient liés par un contrat consensuel ;
- de juger que la SAS Mauviel1830 s'est rendue coupable de manquements contractuels, notamment concernant la livraison des produits commandés par la SAS CIF ;
- de juger que la SAS Mauviel1830 s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale ;
- de juger que la SAS Mauviel1830 a rompu brutalement la relation commerciale qu'elle entretenait avec la SAS CIF en ne poursuivant pas normalement la relation durant l'exécution du préavis de 10 mois qu'elle a imposé à la SAS CIF ;
- d'évaluer la perte de chance subie par la SAS CIF de réaliser un chiffre d'affaires sur l'ensemble des commandes annulées depuis deux ans du fait du comportement de la SAS Mauviel1830 à hauteur de 99,99 % ;
- en conséquence, de :
° condamner la SAS Mauviel1830, au titre de ses manquements contractuels, à payer à la SAS CIF les sommes de :
* 13 201 euros au titre du surcoût des frais de transport ;
* 2 227,15 euros au titre du surcoût de stockage des produits ;
* 6 703 euros au titre du surcoût de manutention ;
* 3 135 euros au titre du surcoût d'emballage ;
* 139 072,091 euros au titre de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires sur l'ensemble des commandes annulées depuis deux ans du fait du comportement de la SAS Mauviel1830 ;
°condamner la SAS Mauviel1830, au titre des actes de concurrence déloyale, à payer à la SAS CIF les sommes de :
* 17 246 euros au titre des coûts de gestion des clients ;
* 112 930 euros au titre de son manque à gagner sur l'année 2020-2021 en l'absence des agissements de la SAS Mauviel1830 ;
* 172 087 euros au titre de l'atteinte à sa réputation et son image ;
* 3 500 euros, au titre du temps engagé par le personnel de la SAS CIF pour la défense de ses intérêts ;
- en tout état de cause, de :
°débouter la SAS Mauviel1830 de l'ensemble de ses demandes ;
°condamner la SAS Mauviel1830 à payer à la SAS CIF la somme de 14 360 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
°condamner la SAS Mauviel1830 aux entiers frais et dépens de première instance;
°condamner la SAS Mauviel1830 à payer à la SAS CIF la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel ;
°condamner la SAS Mauviel1830 aux entiers frais et dépens en cause d'appel.
En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 mars 2025, la SAS Mauviel1830 demande à la cour :
-à titre principal, de :
°juger infondées les demandes de la SAS CIF contre la SAS Mauviel1830 fondées sur la responsabilité contractuelles ;
°juger irrecevables ou autrement infondées les demandes de la SAS CIF contre la SAS Mauviel1830 fondées sur la responsabilité délictuelle ;
°juger infondées les demandes de la SAS CIF contre la SAS Mauviel1830 fondées sur la rupture brutale de relations commerciales établies ;
°débouter la SAS CIF de l'ensemble de ses demandes ;
°confirmer le jugement rendu le 23 mars 2023 par le tribunal de commerce de Rennes ;
°condamner la SAS CIF à verser à la SAS Mauviel1830 une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
°condamner la SAS CIF aux dépens ;
-à titre subsidiaire :
°d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Mauviel1830 de sa demande avant-dire-droit ;
°avant dire droit, vu les articles 9 à 11, 132 et suivants, 143 et suivants du code de procédure civile et 10 du code civil, d'ordonner à la SAS CIF, sous astreinte, de communiquer à la SAS Mauviel1830 :
* les grands-livres comptables ou tout autre élément comptable certifié sincère de la SAS CIF démontrant le chiffre d'affaires généré par la SAS CIF avec la revente de produits de la marque [O] pour les exercices clos les 31 mars 2018, 31 mars 2019, 31 mars 2020, 31 mars 2021 et 31 mars 2022 ;
* l'ensemble des documents et informations transmis à la SAS Secogerec pour l'établissement de son attestation communiquée par la SAS CIF en pièce n° 102;
* les justificatifs de l'ensemble des frais de transport exposés en 2020 et en 2021 pour les commandes de produits de la SAS Mauviel1830 tels que mentionnés page 43 des conclusions n° 2 de la SAS CIF ;
* les justificatifs de l'ensemble des coûts de manutention et d'emballage en lien avec les produits de la SAS Mauviel1830 sur les années 2020 et 2021 mentionnés en page 44 des conclusions n° 2 de la SAS CIF ;
* les justificatifs de l'ensemble des commandes clients enregistrées, facturées, annulées et les preuves des remboursement associés ainsi que les réclamations clients afférentes permettant d'attester de la réalité et de la cause de l'annulation alléguée de 1100 commandes entre avril 2019 et septembre 2021 par des clients de la SAS CIF , tel que mentionnée page 45 des conclusions n° 2 de la SAS CIF et listés dans les pièces de la SAS CIF n° 90 et 91 ;
* les justificatifs de l'ensemble des commandes reçues par la SAS CIF au titre de produits de la marque de la SAS Mauviel1830 qui auraient été déclinées par la SAS CIF faute de produit livré par mauviel1830, ainsi que la preuve des refus de commande corrélatifs et de la cause de ces refus de commandes, telles que mentionnées page 45 des conclusions n° 2 de la SAS CIF ;
* les justificatifs des nombres d'heures et coûts salariaux exposés par la SAS CIF mentionnés page 46 des conclusions n° 2 de la SAS CIF (fiches de poste, fiches de paie, etc.) ;
* copie des " relances innombrables " du service approvisionnement, sollicitations du service comptabilité, et des emails envoyés par la SAS CIF aux clients pour les " prévenir systématiquement " des " retards et du manque de maîtrise des délais ", tels que mentionnés page 46 des conclusions n° 2 de la SAS CIF ;
* justificatifs des frais de communication que la SAS CIF aurait engagés "pour représenter la société [O]" en 2020 et en 2021 tels que mentionnés page 46 des conclusions n° 2 de la SAS CIF ;
°d'ordonner un sursis à statuer sur le fond dans l'attente de la communication de ces pièces.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2025. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1°) Sur la responsabilité contractuelle de la SAS Mauviel1830
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SAS CIF expose qu'elle était liée à la SAS Mauviel1830 par un contrat consensuel tacite au sens des articles 1103 et 1109 du code civil et que cette dernière a manqué à ses obligations contractuelles en :
- refusant ses commandes ou en procédant, en dépit de ses relances, à des livraisons sporadiques et incomplètes à compter de l'année 2019, en particulier pour les sets de casserole M Cook (référence 521050), M Stone, M Urban, M 150, le reliquat de produits atteignant 1 550 produits pour un montant de 111 536 euros. Elle estime à cet égard que l'accusé de réception de chaque commande valait contractualisation des délais de livraison, qui n'étaient de ce fait pas indicatifs contrairement à la clause abusive des conditions générales de vente de la SAS Mauviel1830 (ci-après, ses " CGV ") le précisant, et ajoute que la SAS Mauviel1830, qui ne l'a pas alertée sur d'éventuelles difficultés de production qui sont contredites par l'augmentation continue du chiffre d'affaires, ne caractérise aucun motif légitime justifiant ses retards. Elle précise que les autres distributeurs, tels sa société s'ur Origineboutik, n'étaient pas confrontés à ces manquements, qui étaient sans lien avec la crise sanitaire, et en déduit l'intention de lui nuire de la SAS Mauviel1830. Elle indique que le plafond de sa garantie Coface n'a été évoqué en 2021, soit deux ans après les premières inexécutions, et qu'il est étranger au débat puisqu'elle réglait ses achats au comptant auprès d'un affactureur. Elle estime son préjudice à ce titre à la somme de 25 266,15 euros (surcoût des frais de transport pour 13 201,00 euros à raison de la multiplication des livraisons partielles aux clients générant une augmentation de 1,3 % de ces derniers, surcoût de stockage pour 2 227,15 euros résidant dans la location d'un box pour stocker les produits dans l'attente de la complétude des commandes des clients, surcoût de manutention pour 6 703,00 euros et surcoût d'emballage pour 3 135,00 euros)
- ne l'informant pas de ses délais de livraison et en manquant de transparence sur les difficultés rencontrées dans l'acheminement des produits, ses justifications tenant à l'insuffisance de son approvisionnement étant contredites par le maintien de ses ventes en direct sur son site internet. Elle ajoute que la SAS Mauviel1830 ne répondait pas à ses commandes en début de préavis ou refusait les livraisons au cours de son exécution tout en lui imposant une validation systématique par sa direction, qui n'avait jamais été exigée par le passé, et en ne répondant pas à ses multiples sollicitations. Elle indique que le chiffre d'affaires dégagé à l'occasion de la relation a été artificiellement augmenté par la livraison en fin de préavis du reliquat de commandes passées avant la notification de la rupture (95 261,75 euros) et insiste sur la nécessité d'apprécier les fautes en considération du volume de commandes. Elle déduit de cette seconde série de manquements une violation par la SAS Mauviel1830 de son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi et évalue son préjudice à la somme totale de 156 318,92 euros, à raison de 139 072,91 euros pour la " perte de chiffre d'affaires sur l'ensemble des commandes annulées " pendant une période de deux ans (45 % de marge brute sur le montant total des commandes annulées avec un taux de perte de chance de 99,99 %) et de 17 246 euros pour le "coût de gestion complémentaire sur la période de deux ans".
Pour ces prétentions comme pour les autres, la SAS CIF soutient que les pièces produites, et notamment celles certifiées par son expert-comptable, prouvent les faits nécessaires au soutien de ses prétentions et s'oppose à la demande de production forcée présentée par la SAS Mauviel1830.
En réponse, la SAS Mauviel1830 expose que, conformément à l'article 3 de ses CGV, les commandes pouvaient être livrées partiellement et que les délais de livraison n'étaient qu'indicatifs. Elle ajoute qu'elle ne pouvait livrer des commandes excédant la garantie de l'assurance Coface de la SAS CIF de 25 000 euros par livraison. Elle soutient qu'elle rencontrait des difficultés d'approvisionnement renforcées par la crise sanitaire et par la livraison de produits en set plutôt qu'à l'unité, l'absence d'une pièce bloquant l'intégralité de la commande, et que la SAS CIF en était informée dès le 12 juin 2020. Elle déduit de la croissance du chiffre d'affaires dégagé à l'occasion du partenariat l'absence d'incidence des manquements qui lui sont imputés à tort sur l'activité de la SAS CIF. Elle explique par ailleurs qu'elle n'était pas tenue d'accepter les commandes de la SAS CIF qu'elle ne pouvait satisfaire que dans la limite des stocks disponibles (article 2.2 de ses CGV), la SAS CIF n'ayant de surcroît pas respecté son obligation de lui adresser ses prévisionnels de commandes (article 2.1 de ses CGV), et qu'elle n'a refusé aucune livraison de produits dûment commandés. Contestant la force probante des pièces adverses, elle souligne avoir, ainsi que l'y obligeait l'article 3 de ses CGV, réalisé ses " meilleurs efforts " pour tenir informée la SAS CIF de " toute difficulté prévisible " affectant les livraisons. Elle indique que l'éventuelle vente par des tiers de produits qui lui étaient livrés avec retard ou dans des quantités inférieures à celles commandées n'implique pas une discrimination mais une meilleure gestion de leur stock par ces derniers et observe que la SAS CIF, qui acceptait des commandes s'en s'assurer préalablement de la disponibilité des ustensiles concernés, ne prouve pas qu'elle aurait offert en vente sur son site des produits de même type et en quantité équivalente que ceux objet des retards de livraison allégués. Elle ajoute avoir exécuté le préavis qui a permis à la SAS CIF d'accroitre son volume de commandes et son chiffre d'affaires et conteste tout dénigrement. Elle soutient enfin que les préjudices allégués ne sont démontrés ni en leur principe ni en leur mesure. Subsidiairement, elle soulève la carence probatoire de la SAS CIF et sollicite en conséquence avant-dire droit la production forcée de pièces étayant ses prétentions.
Réponse de la cour
Les parties ayant débuté leurs relations en 2013 et les ayant poursuivies jusqu'en mai 2022, les dispositions applicables au litige, hors hypothèse d'un contrat à durée indéterminée conclu en 2013 et exécuté sans avenant jusqu'à sa résiliation qui serait soumis au seul droit ancien, sont, conformément à l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, celles antérieures à la réforme introduite par ce texte pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 et celles qui en sont issues pour les conventions postérieures.
En application des articles 1101, 1109, 1113 et 1128 (anciennement 1101 et 1108) du code civil, le contrat, qui est consensuel quand il se forme par le seul échange des consentements par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager, est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. Sont nécessaires à la validité d'un contrat, le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain.
Et, conformément aux articles 1103, 1104 et 1194 du code civil (anciennement 1134) applicables au litige en vertu de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. Et, en vertu des dispositions des articles 1231-1 à 4 (anciennement 1147, 1149 et 1150) du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprenant quoi qu'il en soit que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution
Si, après avoir évoqué une "base contractuelle" à ses relations commerciales avec la SAS Mauviel1830, la SAS CIF invoque, au singulier, l'existence d'un contrat tacite la liant à cette dernière, elle n'en définit ni la nature ni le contenu. Elle ne produit en outre à ce titre aucun élément traduisant l'existence d'un accord de volontés sur un contrat cadre régissant leurs relations, mais uniquement des bons de livraison et des accusés de réception de commandes épars (ses pièces 14, 19, 67 et 132a) qui révèlent seulement la conclusion de contrats de vente successifs soumis, ainsi que le précisent les factures communiquées, aux CGV de la SAS Mauviel1830 qui constituent, aux termes de l'article L 441-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (et antérieurement de l'article L 441-6 du même code), le socle unique de la négociation commerciale. La SAS CIF ne conteste pas avoir eu connaissance de ces CGV qui, jointes à chaque facture (pièce 6 de l'intimée dont le caractère représentatif des factures émises n'est pas contesté), lui ont été communiquées le 7 mars 2019 (pièce 2 de l'appelante).
C'est dans ce cadre que doivent être appréciés les manquements allégués par la SAS CIF.
Sur les livraisons "sporadiques et incomplètes"
Aux termes des CGV de la SAS Mauviel1830 (sa pièce 8, dont il n'est pas prétendu que la version 2020 soit sur ces points distincte des versions antérieures) qui stipule que l'acceptation par le client d'une offre émise par cette dernière entraîne son adhésion à ces dernières (article 1.3) :
- article 2 "Commandes - Volumes" : la SAS CIF s'engage à transmettre à la SAS Mauviel1830 ses commandes dans des délais lui permettant d'être en mesure de s'organiser en conséquence pour remplir ses obligations contractuelles. A défaut d'engagement de volume ou de transmission d'un prévisionnel, la SAS Mauviel1830 évalue les volumes en fonction des informations dont elle dispose, tel l'historique de la SAS CIF. Aussi, si les commandes effectivement passées par cette dernière sont supérieures aux volumes réalisés sur l'année n-1 ou aux prévisions transmises, la SAS Mauviel1830 ne peut être tenue pour responsable des ruptures engendrées (article 2.1). Compte tenu des spécificités inhérentes à la fabrication de certains produits, les commandes et confirmations de commandes sont réalisées dans la limite des stocks disponibles et des possibilités de fabrication de la SAS Mauviel1830 (article 2.2) ;
- article 3 " Délais de livraison" : la SAS Mauviel1830 s'engage à faire ses meilleurs efforts pour livrer à la SAS CIF les quantités commandées et pour la tenir informée dans les meilleurs délais de toute difficulté prévisible ou rencontrée concernant la livraison d'un produit. Les délais de livraison mentionnés sur les commandes sont donnés à titre indicatif dans la limite des stocks disponibles et en fonction des possibilités de réalisation technique, et notamment des disponibilités d'approvisionnement et des demandes du client, sauf engagement exprès sur des dates fermes prévues. A défaut d'un tel engagement, les dépassements de délai ne peuvent donner lieu à dommages-intérêts, retenue ni à annulation des commandes ou prestations en cours et/ou de refuser la livraison de tout ou partie des produits, sauf faute grave de la SAS Mauviel1830. La SAS Mauviel1830 est autorisée à réaliser ses prestations et livraisons de façon globale ou partielle mais s'oblige cependant à prévenir la SAS CIF de tout retard. A cet égard, en cas d'indisponibilité temporaire ou permanente des produits ou des services commandés, notamment à raison de la défaillance d'un fournisseur, la SAS Mauviel1830 en avertira la SAS CIF dans les meilleurs délais et précisera notamment la date à laquelle la commande sera le cas échéant susceptible d'être honorée et pourra en outre proposer un produit ou un service de qualité comparable.
Ainsi, la SAS CIF ne prétendant pas s'être clairement engagée sur des volumes et avoir adressé des prévisionnels de commandes à la SAS Mauviel1830, carence par elle-même susceptible de favoriser des difficultés d'approvisionnement d'autant plus importantes que les volumes commandés ont constamment crû, cette dernière n'était pas contrainte d'accepter l'intégralité de ses commandes qui ne pouvaient quoi qu'il en soit être honorées que dans la limite des stocks disponibles et de ses facultés de fabrication. En outre, faute pour la SAS CIF, de prouver l'existence d'un accord des parties sur des délais de livraison fermes, caractère qui ne peut se déduire de leur seule annonce par la SAS Mauviel1830, ceux mentionnés sur les accusés de réception de commandes ne l'étaient qu'à titre indicatif, leur non-respect n'étant de ce fait pas à lui seul pas fautif, et la SAS Mauviel1830, libre d'échelonner la réalisation de ses prestations, n'étant tenue en cas de dépassement que d'une obligation d'information de sa cocontractante.
A cet égard, le fait que la clause par laquelle le vendeur précise que le délai de livraison n'est donné qu'à titre indicatif et qu'un retard ne peut constituer une cause de résiliation, ni ouvrir droit à des dommages-intérêts, ait été jugée abusive dans des relations entre un professionnel et un consommateur au sens de l'article L 212-1 du code de la consommation (1ère Civ., 16 juillet 1987, n° 84-17.731, cité par l'appelante et statuant sur le fondement de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et les articles 2 et 3 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978) n'implique pas qu'elle soit irrégulière dans des relations entre commerçants, aucun moyen intégrant la qualité des parties n'étant développé à ce titre par la SAS CIF, notamment au sens de l'article L 442-1 I 2° (anciennement L 442-6 I 2°) du code de commerce. Et, si la SAS CIF invite la juridiction à tenir compte des " usages ou des objectifs du contrat " pour déterminer les délais de livraison applicables, elle n'en définit pas la teneur et ne fournit pas le moindre élément susceptible d'éclairer la pratique antérieure des parties, y compris d'ailleurs sur les modalités de validation de ses commandes par la direction.
Par ailleurs, aux termes de son courrier du 7 mars 2019 (pièce 2 de l'appelante), qui marque le point de départ de la dégradation des relations et les difficultés alléguées par la SAS CIF qui ne critique pas les conditions antérieures d'exécution du partenariat commercial, la SAS Mauviel1830 indiquait à la SAS CIF que, à raison de la redéfinition de sa stratégie commerciale, elle ne pourrait livrer les collections M'Cook et M'Cook b et c, M'Urban 3 et Onyx 3, M'250 b et c, M'150 b, c et s, M'Tradition et M'Passion. Aussi, les griefs tirés d'un refus ou d'un retard de livraison relatifs à ces références soulevés par la SAS CIF (ses pièces 13, 14, 16, 17, 19 et 20), régulièrement informée de cette impossibilité d'approvisionnement et tenue d'adapter en conséquence sa propre stratégie commerciale, sont privés de pertinence en soi.
En outre, pour établir globalement les retards ou les défauts de livraison qu'elle impute à la SAS Mauviel1830, la SAS CIF produit un tableau ni daté ni certifié ne comportant aucune indication révélant son origine et ses conditions d'élaboration (sa pièce 15) qu'elle prétend établi par la SAS Mauviel1830. Elle communique à l'appui un échange de courriels du 24 juin 2021 dont l'un, émanant de la SAS Mauviel1830, vise en pièce-jointe un document intitulé " reliquats COIN 24.06.2021.xls ", extension induisant sa réalisation via le logiciel Excel (sa pièce 123). Cependant, alors que le tableau fourni n'a pas l'apparence d'un fichier issu de ce dernier, rien ne permet de lier ces pièces qui sont, en l'absence de pièces justificatives aisées à fournir pour la SAS CIF, privées de toute force probante. Aussi, les manquements allégués ne peuvent être déduits de ces éléments et doivent être spécifiquement prouvés par la SAS CIF.
Pour ce faire, celle-ci verse au débat, outre les éléments déjà évoqués qui sont soit dépourvus de valeur probatoire soit sans intérêt en ce qu'ils portent sur des références mentionnées dans le courrier du 7 mars 2019 et des commandes postérieures à sa réception :
- un échange de courriels des 25 et 26 avril 2019 (ses pièces 13 et 96) révélant que, interrogée sur la date de livraison prévisible de cocottes 672130 non fournies dans le délai indicatif initialement annoncé, la SAS Mauviel1830 informait la SAS CIF dès le lendemain de la nouvelle date de livraison envisagée, réactivité exclusive de toute faute également observable en janvier 2021 (sa pièce 18) ;
- des courriels qu'elle a adressés à la SAS Mauviel1830 entre le 28 juillet et le 20 octobre 2020 (ses pièces 21 à 23) déplorant des commandes incomplètes mais sans spécifier les pièces susceptibles d'étayer ces reproches, les bons de commandes et de livraisons produits étant sur ce plan insuffisants puisque les mentions manuscrites qu'ils comportent ont été unilatéralement apposées par la SAS CIF à une date indéterminée. Ces griefs portent de surcroît sur la période affectée par la pandémie de Covid-19 qui a rompu durablement les chaines d'approvisionnement, spécialement avec la Chine où la SAS Mauviel1830 se fournit en partie, peu important sur ce plan qu'un client anglais puisse soutenir le 14 octobre 2020 que cette dernière avait nié rencontré tout "problème de production" (sa pièce 131).
De plus, la SAS Mauviel1830 produit un tableau synthétisant le chiffre d'affaires par références réalisé avec la SAS CIF (pièce 10 de l'intimée). Si cette dernière conteste ces éléments, elle ne motive pas sa critique et ne fournit pas le moindre élément de contradiction alors qu'elle dispose des pièces propres à éclairer sa position. Aussi ce document sera-t-il retenu. Or, il révèle que, y compris sur les références visées dans le courrier du 7 mars 2019, le montant total des commandes, supérieur à son niveau de 2018, a crû entre 2019 et 2021, indice supplémentaire confirmant l'absence de toute discrimination et de tout comportement fautif de la SAS Mauviel1830.
Enfin, faute de commandes comparables en volume et en nature et d'analyse portant sur un nombre représentatif de commandes et non seulement sur des opérations ponctuelles, la SAS CIF, qui se prétend victime d'une discrimination sans pour autant contester que sa croissance a été supérieure à celle de tous ses concurrents sur le marché en cause (page 22 de ses écritures), n'établit pas que des tiers placés dans une situation équivalente ont bénéficié d'un traitement plus favorable (ses pièces 67, 68 et 121). En outre, si un agent commercial de la SAS Mauviel1830 précise le 22 mai 2019 ne pas avoir, "concernant les ruptures, de problèmes majeurs pour [ses] détaillants", formule vague n'excluant pas la possibilité de retards ou de défauts de livraison, et indique avoir reçu pour consigne de ne pas adresser une promotion à la SAS CIF, il invite immédiatement cette dernière à se rapprocher de la présidente de la SAS Mauviel1830, en charge des livraisons la concernant (pièce 94 de l'appelante). La SAS CIF ne précise pas qu'elles ont été ses démarches ultérieures et ne conteste pas avoir finalement bénéficié de la promotion litigieuse.
En conséquence, les fautes imputées à la SAS Mauviel1830 par la SAS CIF ne sont pas prouvées, constat qui commande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre des surcoûts relatifs aux frais de transport, de stockage, de manutention et d'emballage.
Sur l'exécution loyale et de bonne foi
La SAS Mauviel1830 n'étant pas tenue par les délais indicatifs qu'elle annonçait, la seule faute susceptible de lui être reprochée ne peut consister qu'en un défaut d'information relative aux modifications de ces derniers au sens de l'article 3 de ses CGV.
Régulièrement interrogée par la SAS CIF sur des retards de livraison ou des ruptures de stock, la SAS Mauviel1830 a, les réclamations antérieures auxquelles certains courriels font référence n'étant pas produites, systématiquement communiqué les informations dont elle disposait dans des délais raisonnables, réalisant ainsi les "meilleurs efforts" exigés par ses CGV, spécifiquement pendant la période de confinement et durant ses suites immédiates, époque qui concentre une part importante des réclamations de la SAS CIF qui ne tenaient pas compte des informations portées à sa connaissance et persistait à commander des références indisponibles (pièces 24 à 29 à 34, 36 à 44, 53 et 54 de l'appelante). Ainsi que le souligne cette dernière (page 31 de ses écritures), la SAS Mauviel1830, qui n'avait par ailleurs pas à assumer en direct le service après-vente de la SAS CIF avec sa clientèle (pièces 55 à 57 de l'appelante), a accepté toutes les annulations de commandes fondées sur un défaut de livraison (pièces 53, 54 et 148 de l'appelante).
Pour établir l'inexactitude des réponses apportées par la SAS Mauviel1830, notamment sur la disponibilité des références, la SAS CIF produit des captures ou des impressions d'écran qui sont contestées par la SAS Mauviel1830. Si, la publication, fait juridique, se prouve librement et si l'adage "nul ne peut se constituer de preuve à lui-même" ne lui est pas applicable en ce qu'il est dérivé de l'article 1315 du code civil (devenu 1353) régissant les seules obligations, soit les actes juridiques, la valeur de toute preuve du fait est laissée à l'appréciation souveraine du juge du fond qui doit être en mesure d'apprécier la véracité du contenu des pièces qui lui sont soumises en cas de contestation en considération d'éléments intrinsèques et extrinsèques.
Or, les impressions d'écran produites ne comportent pas de garantie sur la fiabilité et l'authenticité de leur contenu ainsi que sur l'exactitude de leur date, la seule parfois visible n'étant pas celle de l'annonce mais celle proposée par le système d'exploitation de l'ordinateur utilisé pour les consulter qui n'est pas nécessairement identique. Elles ne sont pas en elles-mêmes, à raison de la contestation de la SAS Mauviel1830, des éléments probants (pièces 45, qui est présentée avec un courriel ne comportant aucune pièce-jointe à l'instar de la pièce 60, 46, 47, 49 à 52 de l'appelante). Celles qui peuvent être datées en ce qu'elles sont clairement jointes à un courriel produit ne permettent pas de lier le produit concerné à un défaut de livraison allégué (pièce 48 de l'appelante), l'éventuelle disponibilité d'un produit dans le cadre d'une vente unique ne disant quoi qu'il en soit rien de celle de la même référence objet d'une commande multiple (constat valable également pour la pièce 54 de l'appelante).
Outre le fait que la SAS CIF, qui ne jouissait d'aucune exclusivité et ne bénéficiait d'aucun droit de priorité sur la SAS Mauviel1830 ou sur ses concurrents, échoue à démontrer les fautes qu'elle allègue, y compris pendant l'exécution du préavis, l'éventuel manquement à son obligation d'information par la SAS Mauviel1830 n'est pas, au regard de la croissance du chiffre d'affaires généré par le partenariat, dont il importe peu qu'il ait été accru pendant l'exécution du préavis par le report de commandes antérieures puisque ces décalages existaient au moins depuis 2019, la cause de ses difficultés avec sa propre clientèle. Celles-ci s'enracinent dans la gestion de son propre stock et dans sa pratique consistant à conclure des ventes en dépit de l'absence disponibilité certaine des produits concernés, tels les références dont elle savait depuis le 7 mars 2019 qu'elles ne pouvaient plus lui être livrées dans les conditions antérieures.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de la SAS CIF au titre de la responsabilité contractuelle de la SAS Mauviel1830.
2°) Sur la responsabilité délictuelle de la SAS Mauviel1830
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SAS CIF expose que la SAS Mauviel1830 s'est, à compter du lancement de son site internet en 2019, comportée comme une concurrente directe sur le marché de la vente d'ustensiles de cuisine et a, dans cette logique, radicalement modifié sa politique commerciale à son égard. Elle précise que, pour la placer en situation de rupture de stock et l'évincer pour capter sa clientèle, la SAS Mauviel1830 a commis à son préjudice :
- des pratiques discriminatoires consistant à proposer aux autres distributeurs des collections, telles les gammes M6S et M200 CI ou les nouveaux produits Art Déco, M Cook Ci, M200B, casseroles et poêles M Elite, et des promotions qu'elle lui refusait, tout en appliquant ces dernières sur son site ou sur la marketplace Amazon. Elle ajoute que ses concurrents, comme les clients directs de la SAS Mauviel1830, n'étaient pas confrontés aux retards de livraison qu'elle subissait;
- des actes de dénigrement et de détournement de clientèle qu'elle déduit de l'atteinte à son image découlant de son incapacité à répondre aux commandes alors que la SAS Mauviel1830 et ses autres distributeurs étaient en mesure de satisfaire les leurs. Elle ajoute que cette dernière a sciemment détourné ses clients en invitant ceux dénonçant des retards de livraison sur le site francecorner.fr qu'elle prétendait ne pas connaître à passer commande sur son site, certains préférant annuler leur commande pour bénéficier de délais de livraison plus courts.
Elle précise subir un préjudice qu'elle évalue à 319 424 euros à raison de 30 907 euros pour les frais de communication non récupérables au titre des commandes annulées, 112 930 euros au titre de la perte de chance de réaliser du chiffre d'affaires sur les années 2021 et 2022, son chiffre d'affaires avec la SAS Mauviel1830 n'ayant crû que de 161 % alors que son chiffre d'affaires pour les ustensiles de cuisine a parallèlement augmenté de 291 %, 172 087 euros au titre de l'atteinte à son image (chiffre d'affaires de l'exercice 2021 multiplié par le nombre de commandes annulées et divisé par le nombre de commandes totales) et 3 500 euros pour les frais de personnel engagés pour constituer son dossier.
En réponse, la SAS Mauviel1830 soutient que les fautes alléguées par la SAS CIF au titre de la responsabilité délictuelle s'inscrivent dans le cadre de la relation contractuelle et sont identiques aux manquements déjà opposés sur le fondement de la responsabilité contractuelle ce dont elle déduit l'irrecevabilité des demandes de la SAS CIF en vertu du principe de nn-cumul des responsabilités. Elle explique par ailleurs que la relation nouée avec la SAS CIF n'était pas exclusive et que cette dernière ne prouve aucune discrimination à son détriment, les distributeurs concernés n'étant pas identifiés ou n'étant pas dans des situations identiques ou comparables. Elle soutient qu'elle n'était pas tenue de lui proposer ses nouvelles gammes de produits et que le lancement de son site internet de vente en direct n'a pas affecté la relation, le chiffre d'affaires de la SAS CIF ayant depuis doublé. Elle conteste tout détournement de clientèle en soulignant à nouveau la progression de ce dernier et l'absence de tout acte déloyal qui lui serait imputable. Elle indique que le site francecorner.fr n'est pas un de ses comptes clients, qu'elle ignorait qu'il était exploité par la SAS CIF et qu'elle n'avait pas à en assurer le service après-vente. Elle soutient enfin que les préjudices allégués, qui sont parfois des doublons, ne sont démontrés ni en leur principe ni en leur mesure. Subsidiairement, elle souligne la carence probatoire de la SAS CIF et sollicite en conséquence avant-dire la production forcée de pièces étayant ses prétentions.
Réponse de la cour
- Sur la recevabilité des demandes de la SAS CIF
Conformément aux articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Et, en vertu des dispositions combinées des articles 1103, 1231 et suivants et 1240 (anciennement 1134, 1147 et 1382) du code civil, la responsabilité délictuelle ne peut pas régir les rapports contractuels entre les parties. Celles-ci ne disposent ni d'une option entre ces deux régimes de responsabilité, l'existence d'une faute commise dans l'exécution d'un contrat imposant la mise en 'uvre exclusive de la responsabilité contractuelle de son auteur qui à l'inverse ne régit pas les relations hors convention, ni, en l'absence d'objet distinct des demandes, d'une possibilité de cumul des actions dont les fondements sont juridiquement incompatibles. De surcroît le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit, exclut la double indemnisation d'un préjudice unique.
Au soutien de ses demandes fondées sur la responsabilité délictuelle de la SAS Mauviel1830, la SAS CIF invoque :
- des pratiques discriminatoires résidant en la fourniture à des concurrents, bénéficiant par ailleurs de promotions qui lui étaient fermées, de produits dont la vente lui était refusée ;
- un détournement de clientèle aggravé par des actes de dénigrement, ses clients directs étant livrés dans les délais, contrairement à elle.
Si ces faits ont effectivement la même nature que ceux invoqués par la SAS CIF pour fonder l'engagement la responsabilité contractuelle de la SAS Mauviel1830, ils sont néanmoins factuellement distincts, à l'exception des refus de livraison qui ne peuvent être à nouveau opposés en ce qu'ils constituent des faits à apprécier exclusivement dans un cadre contractuel. Par ailleurs, les préjudices allégués sont également différents. Enfin, l'existence d'un contrat encadrant l'intégralité des relations n'ayant pas été retenue, la responsabilité délictuelle est un cadre juridique pertinent pour apprécier des fautes affectant globalement le partenariat.
Aussi, les demandes de la SAS CIF sont recevables et la fin de non-recevoir nouvellement opposée par la SAS Mauviel1830 sera rejetée, quoiqu'elle soit recevable au sens des articles 123 et 563 du code de procédure civile.
- Sur le bienfondé des demandes de la SAS CIF
En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconq ue de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'action en concurrence déloyale est une modalité particulière de mise en 'uvre de la responsabilité civile délictuelle pour fait personnel de droit commun. Elle suppose ainsi la caractérisation d'une faute, d'une déloyauté appréciée à l'aune de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe la libre concurrence, ainsi que d'un préjudice et d'un lien de causalité les unissant. A ce titre, si une situation de concurrence effective n'est pas une condition préalable de sa mise en 'uvre (en ce sens, Com. 10 novembre 2012, n° 1-25.873, déjà cité), l'absence d'incidence prouvée de la faute sur la situation du demandeur à l'action fera obstacle à la caractérisation du préjudice et du lien de causalité (en ce sens, Com. 16 mars 2022, n° 20-18.882). Et, si le préjudice s'infère d'un acte de concurrence déloyale, la victime doit prouver l'étendue de son entier préjudice (en ce sens, Com. 12 février 2020, n° 17-31.614). Dans ce cadre, le juge, tenu de réparer intégralement tout préjudice dont il constate le principe (en ce sens, Com., 10 janvier 2018, n° 16-21.500), apprécie souverainement son montant dont il justifie l'existence par la seule évaluation qu'il en fait sans être tenu d'en préciser les divers éléments (en ce sens, Ass. plén., 26 mars 1999, n° 95-20.640).
L'analyse des captures et impressions d'écran produites au soutien des demandes au titre de la responsabilité contractuelle vaut pour celles communiquées pour prouver les faits nécessaires au succès des prétentions de nature délictuelle. Ainsi, les pièces 62, 63, 66 et 75 de la SAS CIF sont dépourvues de force probante. Par ailleurs, le fait qu'un produit non livré soit en vente sur le site internet de la SAS Mauviel1830 (pièce 64 de l'appelante) n'induit pas un traitement désavantageux de la SAS CIF, rien ne démontrant que les éventuels refus auxquels elle prétend avoir été confrontés seraient antérieurs à la publication de l'offre en vente litigieuse qui suppose par principe l'existence d'un stock disponible mais dédié.
Si, en avril 2022, un mois avant la fin effective du partenariat, la SAS Mauviel1830 n'a pas proposé à la SAS CIF, destinataire de l'ensemble des informations nécessaires à la commercialisation de ses produits (sa pièce 64) et bénéficiaire de remises importantes, l'intégralité de ses références en cours de préavis, cette différence de traitement, qui n'a pas affecté l'exécution du préavis au regard des volumes livrés et du chiffre d'affaires réalisé, s'explique objectivement par la perspective prochaine de la cessation des relations, peu compatible avec le lancement de nouvelles gammes qui suppose un suivi pérenne (ses pièces 65 et 99 à 101). Enfin, ainsi que le souligne justement la SAS Mauviel1830, la SAS CIF ne démontre pas que la société Origineboutik a bénéficié d'un traitement plus avantageux alors qu'elle était dans une situation, notamment au regard du volume de commande et de la période considérée, comparable à la sienne, l'analogie faite avec l'activité de vente en direct de la SAS Mauviel1830 n'étant pas plus pertinente (pièces 69 à 74, 81 à 84 de l'appelante).
Par ailleurs, les abus de la liberté d'expression ne peuvent être sanctionnés que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, loi spéciale, sauf dénigrement de produits et services entendu comme l'atteinte portée à un concurrent à travers le discrédit jeté sur ses produits ou services (voir en ce sens en dernier lieu, Com., 26 septembre 2018, n° 17-15502 : "hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil"). La Cour de cassation a par ailleurs précisé que, même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre, peut constituer un acte de dénigrement mais que, lorsque l'information en cause se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d'expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (1ère Civ, 11 juillet 2018, n°17-21.457 ;Com.9janvier2019,n°17-18.350).
La SAS CIF ne cite aucun propos tenu par la SAS Mauviel1830 de nature à jeter le discrédit sur ses produits et services : si cette dernière avait bien connaissance de l'exploitation du nom de domaine francecorner par la SAS CIF pour les clients étrangers (pièce 76 de l'appelante), le seul fait, dans le cadre d'un service après-vente qu'elle n'avait pas à assurer en direct, de soutenir que Francecorner, qu'elle percevait alors à tort comme une dénomination sociale, n'était pas un "revendeur officiel", n'est pas de nature à caractériser un dénigrement, l'équivoque ayant de surcroît été levée directement par la SAS CIF et les clients ayant finalement vu leurs requêtes satisfaites (pièces 77 à 80 de l'appelante).
A supposer le contraire, le préjudice allégué, qui n'est pas moral puisque même l'atteinte à l'image, non exclusivement rattachée au dénigrement, est calculée en considération du nombre de commandes annulées et s'analyse de ce fait en un manque à gagner, est inexistant en tous ses postes :
- les pertes subies (frais de communication non récupérables et de personnel) ne sont justifiées par aucune pièce et reposent sur des hypothèses non argumentées, telles celle relative à l'évaluation du taux des frais de communication, elles-mêmes fondées sur le postulat erroné que les annulations de commandes trouvent leur cause dans la faute de la SAS Mauviel1830 qui n'est pas établie. La SAS CIF ne prouve en outre ni une désorganisation interne, les frais de personnels évoqués relevant de ce fait des frais irrépétibles et de leur régime propre, ni une perte effective de clientèle dont le principe même est contredit par l'augmentation régulière de son chiffre d'affaires global et de celui réalisé dans le cadre du partenariat, y compris après le lancement par la SAS Mauviel1830 de son site de vente directe ;
- le manque à gagner s'appuie sur l'hypothèse d'une progression linéaire du chiffre d'affaires généré par le partenariat calquée sur celle du chiffre d'affaires total. Celle-ci n'est fondée ni juridiquement ni économiquement, ni la loi ou le contrat ni le marché ne conférant à la SAS CIF le droit d'exiger de son partenaire qu'il lui garantisse une augmentation du chiffre d'affaires dégagé à l'occasion de leurs relations équivalente à celle de son chiffre d'affaires global (soit, ici, 291 %), aucune comparaison n'étant d'ailleurs faite sur l'évolution des ces données durant la période précédant la dégradation des relations. La perte de chance alléguée à ce titre, également assise sur le montant des commandes annulées alors pourtant que le lien de causalité entre une faute de la SAS Mauviel1830 et les annulations litigieuses n'est pas caractérisé, n'est ainsi pas prouvée en son principe ;
- l'atteinte à l'image, qui est en réalité présentée et évaluée comme un préjudice patrimonial, n'est à son tour pas démontrée, le lien entre les annulations de commandes qui lui servent d'assiette et la faute de la SAS Mauviel1830 n'étant pas établi.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de la SAS CIF sur ce fondement.
3°) Sur la rupture brutale de la relation commerciale
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la SAS CIF expose que, durant l'exécution du préavis dont elle ne conteste pas la suffisance, les retards de livraison et les annulations de commandes ont perduré et que son stock de reliquats s'est accru (771 produits pour une valeur de 67 231,52 euros en janvier 2022), de nombreux clients ayant préféré annuler leurs achats pour bénéficier des délais de livraison plus courts proposés par la SAS Mauviel1830 qui persistait à la dénigrer en niant sa faculté de vendre ses produits sur le site francecorner.fr. Elle ajoute qu'elle n'avait plus d'interlocuteur et n'avait aucune visibilité sur les dates de livraison. Elle rappelle que le maintien de son chiffre d'affaires durant le préavis découle exclusivement de la vente des reliquats existant avant la notification de la rupture.
En réponse, la SAS Mauviel1830 explique que la SAS CIF ne prouve aucune baisse de son chiffre d'affaires durant l'exécution du préavis par rapport à celui dégagé en moyenne sur les années 2018 à 2020, peu important le volume de commandes.
Réponse de la cour
Le principe déjà défini de non-option entre responsabilités contractuelle et délictuelle, qui implique également leur non-cumul, interdit au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle. Cependant, il n'exclut pas, à la condition que les préjudices invoqués soient distincts et individualisés et que les demandes indemnitaires soient divisées (en ce sens, Com. 4 déc. 2019, n° 17-20.032), la présentation d'une demande distincte fondée sur l'article L 442-1 du code de commerce qui tend à la réparation d'un préjudice résultant non pas d'un manquement contractuel mais de la rupture brutale d'une relation commerciale établie (en ce sens, Com., 24 octobre 2018, n° 17-25.672).
En application de l'article L 442-1 II du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 applicable au jour de la notification de la rupture, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois. Ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
Ce texte sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l'agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l'absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Celui-ci, qui s'apprécie au moment de la notification ou de la matérialisation de la rupture, s'entend du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures (en ce sens, Com., 10 février 2015, n° 13-26.414), les éléments postérieurs ne pouvant être pris en compte pour déterminer sa durée (en ce sens, Com, 1er juin 2022, n° 20-18960). Les critères pertinents sont notamment l'ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, l'éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. En revanche, le comportement des partenaires consécutivement à la rupture est sans pertinence pour apprécier la suffisance du préavis accordé. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966).
L'exécution du préavis aux conditions antérieures n'exclut pas l'existence de modifications de la relation sous réserve qu'elles ne soient pas substantielles, le critère mis en 'uvre étant identique à celui permettant de caractériser une rupture brutale partielle.
Il est établi que la SAS Mauviel1830 n'a pas commis de faute contractuelle durant l'exécution du préavis. Et, ainsi que l'observe justement le tribunal, le chiffre d'affaires de la SAS CIF a crû pendant cette période, peu important qu'il ait été augmenté en fin de préavis par la livraison de commandes retardées puisque cette pratique existait au moins depuis 2019, avant la notification de la rupture. La SAS CIF ne prouve ainsi aucune modification substantielle des conditions d'exécution du partenariat commercial durant l'exécution du préavis.
Par ailleurs, la Cour rappelle que le préjudice causé à la victime de la rupture est habituellement constitué de son gain manqué qui correspond à sa marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée et les charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, appliquée au chiffre d'affaires moyen hors taxe qui aurait été généré pendant la durée du préavis éludé (en ce sens, Com. 28 juin 2023, n° 21-16.940 : " le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période "). Et, le préjudice ainsi subi, qui trouve son siège dans une anticipation déjouée, s'évalue à la date de la rupture à partir des éléments comptables antérieurs à celle-ci qui constituent le socle des prévisions de la victime, sans égard pour les circonstances postérieures telles sa reconversion durant la durée du préavis éludé. Celui-ci s'exécutant aux conditions de la relation, le gain manqué n'est que la projection de celui antérieurement réalisé. Cette approche n'exclut pas l'indemnisation d'autres préjudices directement causés par la brutalité de la rupture dès lors que, distincts du précédent, ils sont démontrés en leur principe et en leur étendue.
Mais, la SAS CIF ne présente aucune demande spécifiquement rattachée à ce fondement juridique, le dispositif de ses écritures ventilant exclusivement ses prétentions indemnitaires selon que les préjudices sont rattachés aux "manquements contractuels" et aux "actes de concurrence déloyale", sa motivation n'apportant sur ce point aucun éclairage. Ainsi, aucune demande indemnitaire n'est en réalité fondée sur l'article L 442-1 II du code de commerce.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il également rejeté les demandes insusceptibles d'être identifiées de la SAS CIF à ce titre.
Enfin, privée d'objet par le rejet de l'intégralité des prétentions de la SAS CIF, la demande subsidiaire de la SAS Mauviel1830 ne sera pas examinée, la Cour rappelant néanmoins sur ce point que, le défaut de preuve des faits soutenant une prétention sous une qualification déterminée commandant son rejet conformément à l'adage idem est non esse et non probari, le choix des pièces que la SAS CIF entend produire pour justifier du bien-fondé de ses demandes n'appartient qu'à elle et s'opère à ses risques et périls, une partie n'ayant ainsi aucun intérêt à solliciter une pièce étrangère au succès de ses prétentions mais uniquement de nature à fonder une demande adverse.
4°) Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
Succombant en son appel, la SAS CIF, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS Mauviel1830 la somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour ;
Y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir opposée par la SAS Mauviel1830 ;
Rejette la demande de la SAS Comptoir des Industries Françaises au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SAS Comptoir des Industries Françaises à payer à la SAS Mauviel1830 la somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel ;
Condamne la SAS Comptoir des Industries Françaises à supporter les entiers dépens d'appel.