Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 18 juin 2025, n° 20/16032

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Geoxia Ile De France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jariel

Conseillers :

Mme Szlamovicz, Mme Boutie

Avocats :

Me Bilski Cervier, SCP Jeanne Baechlin

TGI Créteil, du 17 sept. 2020, n° 19/014…

17 septembre 2020

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique en date du 31 janvier 2014, Mme [K] [A] a fait donation d'un terrain, cadastré section AI n° [Cadastre 1] et situé [Adresse 6] à [Localité 11] (94), au profit de ses deux filles, Mme [F] [A] et Mme [Z] [A].

Selon un contrat en date du 16 mai 2014, Mme [K] [A] a confié à la société Geoxia Ile-de-France la construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan sur ce terrain.

Le prix convenu était fixé à la somme de 165 384 euros à laquelle s'est ajoutée celle de 21 251 euros au titre de travaux complémentaires, soit un montant total de186 635 euros.

Le dossier de permis de construire a été déposé au service de l'urbanisme le 23 juin 2014 et a fait l'objet d'un arrêté de permis le 18 août 2014.

Invoquant un défaut d'implantation imputable au constructeur, Mme [K] [A], Mme [F] [A] et Mme [Z] [A] (les consorts [A]) ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil lequel a désigné M. [I] en qualité d'expert par une ordonnance du 21 juin 2016.

L'expert a déposé son rapport le 12 novembre 2018.

Par exploit du 15 février 2019, les consorts [A] ont assigné, au fond, la société Geoxia Ile-de-France devant le tribunal de grande instance de Créteil afin d'obtenir réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal de grande instance de Créteil a statué en ces termes :

Déboute les consorts [A] de leur demande de résiliation du contrat de construction de maison individuelle et de démolition du pavillon ;

Condamne la société Geoxia Ile-de-France à payer aux consorts [A] :

- la somme de 38 830,15 euros HT au titre des travaux de correction de la mauvaise implantation altimétrique du pavillon et de mise en place d'un écran paysager, majorée de la TVA applicable et avec indexation sur l'indice BT01 de la construction, les indices de référence étant ceux en vigueur au 12 novembre 2018, date de dépôt du rapport d'expertise, et à la date du présent jugement,

- la somme de 240 euros au titre des frais d'assistance du cabinet Lacreuse,

- la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de la réduction de la hauteur sons-plafond du sous-sol,

- la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'accès direct sur le jardin,

- la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare la société Geoxia Ile-de-France irrecevable en sa demande en paiement des deux situations émises les 11 et 27 février 2015,

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne la société Geoxia Ile-de-France aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,

Accorde à la société A.K.P.R le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédures civile,

Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires, des parties.

Par déclaration en date du 6 novembre 2020, les consorts [A] ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Geoxia Ile-de-France.

Par jugement du 28 juin 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Geoxia Ile-de-France et la société C. [M] et la société [C] [J] ont été désignées en qualité de liquidateurs judicaires.

Le 19 septembre 2022, la société C. [M] et la société [C] [J] ont été assignées en intervention forcée.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, les consorts [A] demandent à la cour de :

Infirmer le jugement du 17 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de résolution judiciaire du contrat de construction de maison individuelle du 16 mai 2014 ainsi que la démolition de l'ouvrage litigieux,

Et par conséquent,

Prononcer, à titre principal, la nullité du contrat et, à titre subsidiaire, la résolution judiciaire du contrat de construction de maison individuelle conclu entre Mme [K] [A] et la société Geoxia Ile de France en date du 16 mai 2014 puis poursuivi par les consorts [A],

Ordonner la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat faisant l'objet de la résolution judiciaire,

Fixer au passif de la société Geoxia Ile-de-France :

La somme de 98 953,4 euros au titre des acomptes sur le prix du contrat de construction de maison individuelle, avec intérêts au taux légal rétroactivement à compter du versement de chacun desdits acomptes,

La somme de 18 480 euros au titre des travaux de démolition de l'ouvrage non-conforme, somme à revaloriser des variations de l'indice du coût de la construction ou de tout autre indice équivalent du choix du Tribunal, constatées entre le 29 octobre 2018, date du devis de l'entreprise R.O.M.I. et la date de l'arrêt à intervenir,

1 500 euros par mois à compter du 5 février 2016 et jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 mois à compter de l'arrêt à intervenir au titre de l'impossibilité avérée de jouir du bien,

La somme de 240 euros au titre des frais de mesurage exposé auprès du cabinet Lacreuse,

Fixer au passif de la société Geoxia Ile-de-France, à titre très subsidiaire, à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1217 du code civil, les sommes de :

- 38 830,15 euros HT " au titre des travaux de correction de la mauvaise implantation altimétrique du pavillon et de mise en place d'un écran paysager ",

- 10 000 euros " en réparation du préjudice résultant de la perte d'accès direct sur le jardin ",

- 8 250 euros TTC au titre de l'installation de garde-corps extérieurs sur la terrasse et l'escalier ;

- 240 euros au titre des frais du cabinet Lacreuse pour le premier mesurage de l'édifice,

- 1 500 euros par mois à compter du 5 février 2016 et jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze mois à compter de l'arrêt à intervenir au titre de l'impossibilité avérée de jouir du bien,

Confirmer le jugement du 17 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Geoxia Ile-de-France,

Confirmer partiellement le jugement du 17 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Geoxia Ile-de-France au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Geoxia Ile-de-France au paiement d'une somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement du 17 septembre 2020 en ce qu'il a condamné la société Geoxia Ile-de-France au paiement des dépens dont les frais d'expertise judiciaire,

Condamner la société Geoxia Ile-de-France au paiement des dépens d'appel.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 novembre 2021, la société Geoxia Ile-de-France demande à la cour de :

Juger mal fondées les consorts [A], en leur appel ; les en débouter,

En conséquence confirmer le jugement du 17 septembre 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de résolution judiciaire du contrat de construction de maison individuelle passé le 16 mai 2014 ainsi que celle de la démolition de l'ouvrage,

Le confirmer également en ce qu'il a condamné la société Geoxia Ile-de-France à payer aux consorts [A] :

- la somme de 38 830,15 euros HT au titre des travaux de correction de la mauvaise implantation altimétrique du pavillon et de la mise en place d'un écran paysager,

- celle de 240 euros en remboursement des frais d'assistance du cabinet Lacreuse,

- celle de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de la réduction de la hauteur sous plafond du sous-sol,

- celle de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'accès sur le jardin,

- celle de 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

Recevoir la société Geoxia Ile-de-France de son appel incident et réformer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande en paiement de la somme de 57 722 euros en principal majorée des intérêts conventionnels de retard au taux de 1 % par mois rétroactivement à compter du 16 mai 2019 et l'y juger fondée,

Statuant à nouveau, condamner solidairement les consorts [A] au paiement de ladite somme,

En tant que de besoin ordonner compensation entre les créances respectives des parties,

Statuer ce que de droit quant aux dépens.

La société C. [M] et la société [C] [J], qui n'ont pas constitué avocat, ont été assignées à leur personne.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 17 septembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 5 mars 2025, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande en nullité du contrat

Moyens des parties

La société Geoxia Ile-de-France fait valoir que la demande des consorts [A] tendant à voir prononcer la nullité du contrat constitue une demande nouvelle devant la cour qui doit être déclarée irrecevable.

Elle précise que seule la question de la résolution judiciaire du contrat est posée à la cour dans le cadre du présent litige.

En réplique, les consorts [A] précisent que l'effet dévolutif n'interdit pas de formuler de nouveaux moyens de droit en cause d'appel dès lors que ces derniers sont connexes avec l'objet de la procédure initiale.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Il est établi qu'une cour d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel ou la relevant d'office, est tenue de l'examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile (3e Civ., 25 février 2016, pourvoi n° 14-29.760, Bull. 2016, III, n° 32).

Au cas d'espèce, les consorts [A] sollicitent à titre principal devant la cour la nullité du contrat sur le fondement des vices du consentement, s'agissant de l'erreur et du dol et, à titre subsidiaire, sa résolution pour manquement à l'obligation de délivrance conforme.

S'il n'est pas contesté que les consorts [A] sollicitaient uniquement devant le premier juge la résolution du contrat pour manquement de la société Geoxia Ile-de-France à son obligation de délivrance conforme, force est de constater que la demande en nullité du contrat de construction présentée devant la cour tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, s'agissant de l'anéantissement du contrat litigieux.

Dès lors, elle sera déclarée recevable.

Sur la demande de nullité du contrat

Moyens des parties

Les consorts [A] font valoir que l'expert judiciaire a établi la preuve que la construction n'est pas conforme aux stipulations contractuelles et présente un défaut d'altimétrie, une photo-montage présentant une maison de plain-pied ainsi que des plans expliquant que le dénivelé présent résultait de la prise en considération du sol d'origine non remblayé, ayant été insérés dans le dossier du permis de construire.

Elles avancent qu'alors qu'il existait une différence de 70 centimètres entre le projet initial et la construction réalisée, et ce dès le début des travaux, la société Geoxia Ile-de-France n'en a pas informé Mme [K] [A].

En outre, elles précisent que l'accès de plain-pied du séjour au jardin constituait une condition déterminante et substantielle du contrat de construction et que la société Geoxia Ile-de-France n'a jamais alerté Mme [K] [A] sur les difficultés techniques à réaliser un rez-de-jardin en plain-pied.

Elles arguent qu'elles ne peuvent pas accepter la solution de remplacement, la réalisation d'une terrasse avec un escalier ne correspondant pas à leur volonté initiale alors que cette solution corrective ne permet pas l'accès direct au jardin, impliquant la mise en place d'un escalier descendant au jardin.

De plus, les appelantes ajoutent que la volonté de Mme [K] [A] d'avoir un jardin de plain-pied, n'a pas été respectée par la société Geoxia Ile-de-France dès l'origine du contrat et qu'elle ne l'a jamais alerté de l'existence de difficultés techniques, laissant subsister son erreur, seule la démolition de l'ouvrage étant une solution réparatoire conformément aux conclusions de l'expert judiciaire.

Enfin, elles soutiennent qu'il existe aussi des man'uvres dolosives de la société Geoxia Ile-de-France, qui, en fournissant des plans contradictoires et insuffisamment précis et un photo-montage et en refusant d'alerter Mme [K] [A] sur l'existence de difficultés techniques, l'ont trompée sur la faisabilité technique du projet.

En réponse, la société Geoxia Ile-de-France fait valoir que l'avis de M. [Y], désigné en qualité de sapiteur, doit être pris en compte et conduire la cour à retenir la solution alternative dont l'existence a été reconnue par les appelantes dans le cadre de leur demande subsidiaire.

A titre subsidiaire, elle soutient que la jurisprudence de la Cour de cassation, rendue sous l'empire du droit applicable avant la mise en 'uvre de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au présent litige, prévoit l'obligation de rechercher si la démolition constitue une sanction proportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui affectent le bien objet du litige, et ce même en présence d'un contrat anéanti.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence compte tenu de la date de signature du contrat litigieux, il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L'article 1110 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'occurrence compte tenu de la date de signature du contrat litigieux, dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Il résulte des dispositions de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Au cas d'espèce, il appartient aux appelantes qui se prévalent de l'existence d'un vice du consentement, s'agissant d'une erreur ou d'un dol commis par la société Geoxia Ile-de-France, d'en rapporter la preuve et ce à commencer par la matérialité du manquement allégué.

Il résulte des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que l'implantation du pavillon n'est pas conforme aux stipulations contractuelles en ce qu'elle est trop élevée de 43 cms au sous-sol, de 27 cms au rez-de-chaussée et de 41 cms au faîtage.

Toutefois, si Mmes [A] invoquent l'existence d'une erreur sur une condition déterminante du contrat de construction régularisé avec la société Geoxia Ile-de-France portant sur l'accessibilité de plain-pied du jardin depuis le séjour, force est de constater que les seules pièces produites aux débats, s'agissant du courrier de réclamation de Mme [K] [A] daté du 14 mai 2015, des attestations établies par Mme [P] et M. [S] faisant état de l'importance de l'accès direct au jardin pour Mme [K] [A] lors de la négociation du contrat, ainsi que des photos-montage montrant une maison de plain-pied, sont insuffisantes à démontrer que l'existence d'un accès de plain-pied au jardin depuis le séjour de l'habitation constituerait un condition déterminante du consentement de Mme [K] [A] alors que cet élément ne figure pas dans le descriptif de l'objet du contrat ni dans les documents annexés.

En outre, l'examen du plan de coupe figurant en annexe du permis de construire révèle que la façade arrière du pavillon est surélevée par rapport au sol et qu'aucun accès n'est prévu au droit de la baie vitrée arrière alors qu'il n'est pas contesté que le constructeur a été contraint de rehausser la maison pour rendre accessible le garage au sous-sol avec une pente qui ne pouvait dépasser 18 %, conformément à la demande de Mme [K] [A], ainsi que l'a justement relevé le tribunal

Par ailleurs, les appelantes ne produisent aux débats aucun élément de nature à caractériser l'existence de man'uvres dolosives de la société Geoxia Ile-de-France de nature à vicier son consentement et se contentent de procéder par voie d'affirmations.

Dès lors, il y a lieu de rejeter leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat.

Sur la demande en résolution du contrat

Moyens des parties

Les consorts [A] soutiennent que la différence d'altimétrie constatée par l'expert judiciaire constitutive d'une faute du constructeur doit s'analyser en un défaut de délivrance conforme, la société Geoxia Ile-de-France n'ayant jamais informé Mme [A] de l'impossibilité de réaliser un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles.

Elles précisent que la société Geoxia Ile-de-France a, d'une part, commis une erreur grossière de conception au moment de l'établissement du permis de construire et, d'autre part, a manqué à son obligation d'information de son cocontractant profane en ne l'informant pas de l'impossibilité de réaliser l'ouvrage prévu.

En réplique, la société Geoxia Ile-de-France fait valoir que l'avis du sapiteur relatif à l'existence d'une solution alternative à la démolition du pavillon doit être pris en compte, celle-ci constituant une mesure disproportionnée au regard des désordres constatés.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'occurrence compte tenu de la date de signature du contrat litigieux, la condition résolutoire est sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

Il résulte des dispositions des articles 1603 et 1604 du code civil que le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend et que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Il sera rappelé que le juge doit rechercher si la démolition de l'ouvrage constitue une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui affectent l'ouvrage (3e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n°14-23.612 et 22 novembre 2018, pourvoi n° 17-12.537, publiés au Bulletin).

Au cas d'espèce, il n'est pas contesté que l'immeuble construit par la société Geoxia Ile-de-France présente une non-conformité caractérisée par un défaut d'altimétrie dans l'implantation du pavillon.

Ainsi, il résulte des constatations de l'expert judiciaire que l'implantation de l'ouvrage n'est pas conforme aux dispositions contractuelles en ce qu'elle est trop élevée de 43 cms au sous-sol, de 27 cms au rez-de-chaussée et de 41 cms au faîtage, ce qui n'est pas contesté par la société Geoxia Ile-de-France, comme l'a justement relevé le premier juge.

Il est aussi précisé que la cause de ce désordre tient au fait " de rendre accessible le garage du sous-sol via une pente maximale de 18 % à partir de la rue ", cette contrainte technique ayant eu pour conséquence le rehaussement de la maison lors de son édification par le maître d''uvre.

Toutefois, si aux termes des conclusions de son rapport, l'expert judiciaire conclut à la nécessité d'une démolition totale pour reconstruire, en l'absence de solutions réparatoires, il a toutefois aussi précisé qu'une solution réparatoire alternative était néanmoins envisageable : " Nous pouvons néanmoins proposer une éventuelle solution alternative technique pour la réalisation d'une terrasse surélevée au niveau du seuil de la baie arrière du séjour avec un escalier permettant l'accès au terrain. L'expert n'ayant pas une mission de maîtrise d''uvre, nous ne développerons pas la mise en place technique de cette éventuelle solution ".

Ainsi, alors qu'il résulte des éléments du dossier, et notamment des conclusions du rapport d'expertise, des constatations du sapiteur et des devis produits aux débats, relatifs à la création d'une terrasse sur pylône avec escalier pour accéder au jardin pour un montant cumulé de 38 830,15 euros HT, que l'immeuble construit par la société Geoxia Ile-de-France n'est pas impropre à sa destination et que des solutions techniques réparatoires pouvaient être envisagées de manière satisfactoire, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la société Geoxia Ile-de-France démontre que la démolition du pavillon ne constitue pas la seule solution pour remédier à la non-conformité qui affecte la construction, celle-ci apparaissant disproportionnée à la gravité des désordres constatés par l'expert judiciaire.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande des consorts [A] tendant à voir prononcer la résolution du contrat et la démolition de l'immeuble, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

Sur les préjudices

Moyens des parties

Les consorts [A] font valoir qu'elles subissent un préjudice de jouissance qui perdure depuis l'expiration de la durée d'exécution des travaux fixé à 15 mois à compter de l'ouverture de chantier, le pavillon ayant dû être livré au plus tard le 5 février 2016.

Elles précisent que le préjudice de jouissance perdurera jusqu'à la reconstruction conforme de l'ouvrage, période qui peut être estimée à 15 mois suivant les délais de la société Geoxia Ile-de-France et que la destination du logement est affectée, celui-ci étant impropre à son usage initial.

Enfin, elles ajoutent que Mme [F] [A] a deux enfants en bas-âge dont la mobilité et la sécurité ne peuvent être assurées par la solution proposée par le sapiteur, de sorte que leur préjudice est supérieur au seul chiffrage des solutions correctives.

En réplique, la société Geoxia Ile-de-France soutient que la remise des clés du pavillon n'a pu intervenir alors qu'un arrêt de chantier a été notifié aux appelantes pour non-paiement de deux appels de fonds.

Elle précise que le délai de quinze mois avancé par les appelantes pour la réalisation d'un nouveau projet constructif présente un caractère hypothétique.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Au cas d'espèce, la non-conformité altimétrique de la construction engage la responsabilité de la société Geoxia, Ile-de-France son manquement à ses obligations contractuelles ayant causé un préjudice certain aux consorts [A].

En premier lieu, alors qu'il résulte des développements précédents que la solution réparatoire tendant à la réalisation de travaux de correction de la mauvaise implantation altimétrique du pavillon, doit être privilégiée et en l'absence de nouveaux éléments de preuve produits sur ce point en cause d'appel, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la somme de 38 850,15 euros HT au titre de l'indemnisation de ce préjudice, ce montant correspondant à celui du devis produit aux débats.

Il en va de même s'agissant de la somme de 240 euros versée en cours d'expertise par les consorts [A] au titre des frais d'assistance du cabinet Lacreuse, celle de 10 000 euros au titre de la gêne occasionnée par la réduction importante de la hauteur sous-plafond de 2,40 mètres à 2 mètres et celle de 5 000 euros accordée aux consorts [A] au titre du préjudice résultant de la perte d'accès direct au jardin.

S'agissant du préjudice de jouissance invoqué par les consorts [A], si elles invoquent leur impossibilité de jouir de l'ouvrage construit par la société Geoxia Ile-de-France depuis le 5 février 2016, date à laquelle l'immeuble aurait dû être livré par le constructeur, force est de constater qu'il ne résulte pas des éléments du dossier et notamment des constatations de l'expert judiciaire ni du sapiteur que l'immeuble serait impropre à sa destination, s'agissant d'un désordre lié à un défaut altimétrique du pavillon alors même que la société Geoxia Ile-de-France justifie avoir notifié deux appels de fonds demeurés impayés.

Dès lors, il y a lieu rejeter leur demande d'indemnisation à ce titre et de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'indemnisation des préjudices subis par les consorts [A].

Y ajoutant, les condamnations confirmées seront fixées au passif de la procédure collective de la société Geoxia Ile-de-France.

Sur la demande reconventionnelle de la société Geoxia Ile-de-France

Moyens des parties

La société Geoxia Ile-de-France sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite sa demande tendant à la condamnation des consorts [A] au paiement de la somme de 57 722 euros au titre de deux appels de fonds non réglés.

Elle soutient que l'article R. 231-7 du code de la construction dispose que le solde du prix de la construction n'est exigible que dans les huit jours suivant la remise des clés consécutive à la réception de sorte qu'en l'espèce, le solde du prix n'ayant pas été exigé en l'absence de réception, le délai prévu par l'article L. 218-7 du code de la consommation n'a pas commencé à courir.

Elle précise, qu'en matière de contrat de construction de maison individuelle, le délai de prescription court à compter de la date de la réception de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage, réception consacrée par le procès-verbal de réception.

En réponse, les consorts [A] font valoir que le point de départ de l'action de la société Geoxia Ile-de-France est la date d'exigibilité des appels de fonds soit les 11 et 27 février 2015 pour les situations envisagées et que la société Geoxia Ile-de-France n'a engagé aucune action en paiement dans le délai de deux ans prévu par l'article L. 218-2 du code de la consommation.

Réponse de la cour

L'article L. 218-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Il résulte des dispositions de l'article R. 231-7 du code de la construction que le solde du prix n'est exigible que dans les huit jours suivant la remise des clés consécutive à la réception.

Au cas d'espèce, il n'est pas contesté qu'aucune réception de l'ouvrage n'est intervenue, les consorts [A] invoquant le défaut de conformité de l'ouvrage et la société Geoxia Ile-de-France le défaut de paiement du solde du prix, de sorte que, sauf à rendre imprescriptible l'action du constructeur, la remise des clefs consécutive à la réception ne peut constituer le point de départ du délai de prescription biennal d'une action concernant, qui plus est, des appels de fonds.

Il s'en infère que la date d'établissement des deux appels de fonds constituant, en l'espèce, le point de départ du délai de prescription biennal, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que les deux appels de fonds ayant été émis les 11 et 27 février 2015 et la demande en paiement ayant été formulée pour la première fois le 16 mai 2019, soit plus de deux ans après la date d'exigibilité des deux situations, la demande en paiement du solde du prix formulée par la société Geoxia Ile-de-France à l'encontre des consorts [A] doit être déclarée irrecevable comme étant prescrite.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, les consorts [A], parties succombantes, seront condamnés aux dépens et leur demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Fixe la somme de 38 830,15 euros HT au titre des travaux de correction de la mauvaise implantation altimétrique du pavillon et de mise en place d'un écran paysager, majorée de la TVA applicable et avec indexation sur l'indice BT01 de la construction, les indices de référence étant ceux en vigueur au 12 novembre 2018, date de dépôt du rapport d'expertise, au passif de la procédure collective de la société Geoxia Ile-de-France ;

Fixe la somme de 240 euros au titre des frais d'assistance du cabinet Lacreuse au passif de la procédure collective de la société Geoxia Ile-de-France ;

Fixe la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de la réduction de la hauteur sons-plafond du sous-sol au passif de la procédure collective de la société Geoxia Ile-de-France ;

Fixe la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d'accès direct sur le jardin au passif de la procédure collective de la société Geoxia Ile-de-France ;

Fixe la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au passif de la procédure collective de la société Geoxia Ile-de-France ;

Condamne Mme [K] [A], Mme [F] [A] et Mme [Z] [A] aux dépens d'appel ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [K] [A], Mme [F] [A] et Mme [Z] [A].

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site