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CA Rouen, ch. civ. et com., 19 juin 2025, n° 24/01840

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/01840

19 juin 2025

N° RG 24/01840 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JVHO

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 19 JUIN 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2022006841

Tribunal de commerce de Rouen du 30 avril 2024

APPELANTES :

S.C.P. BTSG agissant par Me [G] [P], es qualités de mandataire judiciaire et liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Philippe BERTEAUX de la SELEURL Philippe Berteaux Avocat, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

S.E.L.A.R.L. [T][R] agissant par Me [C] [R], es qualités de mandataire judiciaire et liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Philippe BERTEAUX de la SELEURL Philippe Berteaux Avocat, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

INTIMEE :

G.I.E. A C E

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Philippe LARIVIERE de la SELAS BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Félicien HYEST, avocat au barreau de LILLE, plaidant.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 février 2025 en double rapporteurs sans opposition des avocats devant Mme VANNIER, présidente de chambre, et M. URBANO, conseiller, rapporteurs.

Les magistrats rapporteurs ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme VANNIER, présidente de chambre

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 25 février 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2025 puis prorogé à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 juin 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Ateliers de Constructions du Petit Parc (ACPP) exerce des activités de fonderie, de chaudronnerie et de forge dans les domaines de la pétrochimie, du nucléaire, du pétrole, des engins de chantier et de la défense.

Le groupement d'intérêt économique ACE est quant à lui spécialisé dans l'installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie.

Le 1er mars 2018, la société ACPP et le GIE ACE ont constitué un groupement momentané d'entreprises solidaires (GMES) à dessein de pouvoir répondre à un appel d'offre lancé par la société Areva NC, désormais dénommée Orano Cycle, relatif à un important marché de travaux sur le site de la centrale nucléaire de [Localité 7] à hauteur de 44 546 000 euros.

Le GIE ACE a été désigné mandataire du groupement momentané d'entreprises solidaires et a fourni à la société Orano Cycle, en exécution du marché, une garantie bancaire à première demande de 1 898 400 euros.

Pour couvrir le risque de défaillance d'ACPP, la société ACPP et le GIE ACE ont conclu un avenant à la convention de GMES par lequel la société ACPP a constitué auprès du GIE ACE un gage-espèces d'un montant de 854 208 euros en garantie du paiement de toute somme dont elle pourrait être redevable dans le cadre de l'exécution de la convention.

Par jugement en date du 23 février 2021, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société ACPP.

Par un premier jugement en date du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Rouen a sur le fondement de l'article L 631-22 du code de commerce, ordonné la cession des actifs d'ACPP au profit de la société Fives avec faculté de substitution au profit de la société Fives Norton.

Par un second jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce a ordonné la liquidation judiciaire de la société ACPP et a nommé en qualité de liquidateurs la Selarl [T][R] et la SCP BTSG.

Par courrier en date du 6 janvier 2022, le GIE ACE a effectué une déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire pour un montant de 8 037 758,50 euros à titre privilégié.

Par arrêt en date du 19 mai 2022, la cour d'appel de Rouen a partiellement infirmé le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 25 mai 2021 arrêtant le plan de cession des actifs de la société ACPP et dit que la société Fives n'a prévu que la poursuite du marché dit NCPF visé dans on offre de reprise et que la poursuite par la société Fives de tout autre marché en cours interviendra dans les conditions prévues dans son offre de reprise.

Le 3 juin 2022, le liquidateur de la société ACCP a sollicité du GIE ACE la restitution du gage-espèces d'un montant de 854 280 euros.

Par lettre en date du 23 juin 2022, le GIE ACE s'est opposé à la restitution du gage-espèces.

Par lettre en date du 30 juin 2022, les liquidateurs ont contesté l'intégralité de la créance déclarée par le GIE ACE.

Le 21 juillet 2022, le liquidateur de la société ACPP a mis en demeure le GIE ACE de lui restituer le montant du gage-espèces. Cette mise en demeure est restée infructueuse.

Par acte d'huissier de justice en date du 12 octobre 2022, la SELARL [T] [R] et la SCP BTSG, ès qualités ont fait assigner le GIE ACE devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 854 280 euros correspondant au gage-espèces constitué.

Par jugement en date du 30 avril 2024, le tribunal de commerce de Rouen a :

- dit valable et opposable à la procédure collective la convention de gage-espèces conclue par la société [Adresse 6] et le GIE ACE par acte sous seing privé en date du 22 mai 2018.

- dit valable et opposable à la procédure collective le droit de rétention dont dispose le GIE ACE au titre des sommes détenues conformément à la convention de gage-espèces conclue par la société [Adresse 6] et le GIE ACE par acte sous seing privé en date du 22 mai 2018.

- dit fondée l'exception de compensation de créances connexes invoquée par le GIE ACE à hauteur du montant du gage-espèces constitué par la société [Adresse 6], soit la somme de 854 280 €.

- débouté la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R], et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [P], mandataires judiciaires, liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6], de leur demande de condamnation du GIE ACE à leur restituer la somme de 854 280 € correspondant au gage-espèces constitué en application de l'avenant à la convention en date du 22 mai 2018.

- constaté que les créances déclarées par le GIE ACE au passif de la société [Adresse 6] pour un montant de 8 031 758,50 € HT n'ont pas encore fait l'objet d'une décision d'admission ou de rejet.

- débouté le GIE ACE de sa demande de sursis à statuer.

- condamné la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R], et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [P], mandataires judiciaires, liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6], à payer au GIE ACE la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R], et la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [G] [P], mandataires judiciaires, liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6], aux entiers dépens de l'instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 90,99 €.

La société BTSG et la société [T] [R] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 22 janvier 2025, la SCP BTSG et la SELARL [T] [R] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Rouen en ce qu'il a débouté la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R] et la SCP BTSG prise en la personne de Maitre [G] [P], mandataires judiciaire, liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6] de leur demande de restitution par le GIE ACE du gage-espèces d'un montant de 854 280 euros constitué en application de l'avenant à la convention GMES en date du 22 mai 2018 ;

Statuant à nouveau,

- condamner le GIE ACE, en qualité de mandataire du Groupement Momentané d'Entreprises Solidaires « GMES ACE ACPP Lot n°2 », à restituer à la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R] et à la SCP BTSG prise en la personne de Maitre [G] [P], mandataires judiciaire, liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6], la somme de 854 280 euros correspondant au gage-espèces constitué en application de l'avenant à la convention GMES en date du 22 mai 2018 ;

- débouter le GIE ACE de sa demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive d'admission ou de rejet des créances déclarées par le GIE ACE au passif de la société [Adresse 6] ;

- débouter le GIE ACE de ses plus amples prétentions, fins et conclusions ;

- condamner le GIE ACE, en qualité de mandataire du Groupement Momentané d'Entreprises Solidaires « GMES ACE ACPP Lot n°2 », à verser à la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R] et à la SCP BTSG prise en la personne de Maitre [G] [P], mandataires judiciaire, liquidateurs à la liquidation judiciaire de la société [Adresse 6], la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 janvier 2025, le GIE ACE demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 30 avril 2024 en toutes ses dispositions

- en conséquence, débouter la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R], et la SCP BTSG prise en la personne de Maître [G] [P], ès qualités de liquidateurs de la société [Adresse 6], de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la Cour faisait droit en tout ou partie à la demande d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 30 avril 2024 :

- constater que la fixation des créances déclarées par le GIE ACE au passif de la société [Adresse 6] fait l'objet d'une procédure en cours devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

- ordonner en conséquence le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive d'admission ou de rejet des créances déclarées par le GIE ACE au passif de la société [Adresse 6]

En tout état de cause :

- condamner la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R], et la SCP BTSG prise en la personne de Maître [G] [P], ès qualités de liquidateurs la société [Adresse 6] à payer au GIE ACE la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SELARL [T] [R], prise en la personne de Maître [C] [R], et la SCP BTSG prise en la personne de Maître [G] [P], ès qualités de liquidateurs la société [Adresse 6], aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel que la SELARL GRAY SCOLAN, avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2025.

Pour un exposé détaillé des demandes et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la demande de restitution de la somme de 854 280 €

Les appelants concluent à l'infirmation du jugement, font valoir que les sommes affectées à la constitution d'un gage-espèces par une entreprise ultérieurement soumise à une procédure collective ont le caractère de disponibilités ou d'immobilisations financières dont l'entreprise demeure propriétaire y compris lorsqu'elle fait l'objet d'un plan de cession, qu'au contraire des actifs immobilisés, la trésorerie d'une entreprise soumise à une procédure collective n'est pas cessible au même titre par exemple que son poste client qui demeure acquis à la procédure. Ils précisent que les immobilisations financières et autres disponibilités ont été exclues du périmètre de reprise , qu'il est indiscutable que la liquidation judiciaire est demeurée propriétaire de sommes affectées à la constitution du gage-espèces dans le cadre du marché constitué avec la société Orano, que dans son dispositif, le jugement rendu le 25 mai 2021 arrêtant la cession des actifs de la société ACPP a rappelé que les gages-espèces constitués, notamment celui du GMES, restaient acquis à la procédure.

Ils font valoir en outre que la compensation invoquée par le GIE ACE entre le montant des créances déclarées par lui au passif de la société ACPP et celui du gage-espèces constitue purement et simplement la réalisation d'un pacte commissoire en violation de l'article L 622-7 du code de commerce, que le GIE ACE ne revendique en réalité que le droit de se faire attribuer le produit du gage-espèces, soit un actif de la liquidation judiciaire de la société ACPP en paiement de sa créance, que cette attribution s'opérerait au mépris du droit de gage des créanciers de la liquidation judiciaire de ladite société puisque cette société est toujours propriétaire de la somme gagée qui figure dans son patrimoine.

Ils ajoutent que le droit de rétention allégué par le GIE ACE est inopposable à la liquidation judiciaire puisqu'il n'existe pas de créance certaine, que l'instance en fixation de la créance est toujours pendante devant le tribunal de commerce de Nanterre, le caractère incertain de la créance ne pouvant être contesté puisqu'il a été sollicité une expertise.

Ils soulignent que l'article L 641-3 du code de commerce ne peut être invoqué à l'appui de la demande, que ce mécanisme a pour seul objet de lever l'indisponibilité de la chose retenue c'est-à-dire de lever le droit de rétention contre restitution de la chose retenue aux fins de réalisation et qu'aucune compensation ne peut intervenir pour connexité, le GIE ACE n'ayant pas administré la preuve de la vraisemblance de ses créances ainsi qu'en atteste sa demande d'expertise . Ils font valoir en outre que la compensation ne doit pas conduire à l'attribution d'un actif du débiteur au mépris du droit de gage des créanciers, que les créanciers dont les créances sont nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective disposent d'un droit de gage général sur les actifs de la société débitrice existants au jour de l'ouverture de la procédure collective, que la Cour de cassation en 2019 a posé le principe selon lequel un gage-espèces ne peut garantir le paiement d'une créance antérieure en raison du principe de l'égalité des créanciers et du droit de gage général de ceux- ci sur les actifs du débiteur.

Ils font valoir enfin que la demande de sursis à statuer présentée à titre subsidiaire ne peut prospérer, que le caractère vraisemblable des créances alléguées n'est pas établi, qu'il s'agit d'une man'uvre dilatoire.

Le Groupement d'intérêt économique ACE réplique que sa responsabilité est susceptible d'être recherchée par Orano au titre des travaux réalisées par ACPP avant la cession du marché par application du mécanisme de solidarité des membres d'un groupement momentané d'entreprises solidaires tel que rappelé à l'article 4 du marché Orano, que les liquidateurs omettent de rappeler que le passif généré par les travaux exécutés par ACPP demeurent à la charge de la procédure collective et n'est pas repris par la société Fives Nordon qui ne garantit que la part des travaux qu'elle exécute elle-même depuis son entrée en jouissance dans le cadre de la reprise et de la poursuite du contrat Orano, ce qui a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rouen le 19 mai 2022, que pour les travaux et prestations réalisés par le GMES avant le 26 mai 2021, date d'entrée en jouissance du repreneur , ACPP est responsable aux côtés d'ACE à l' égard d'Orano dans le cadre de la GMES, que le gage-espèces constitué par ACPP conserve son plein objet et constitue compte tenu de la liquidation judiciaire intervenue la seule et unique garantie dont bénéficie ACE pour être indemnisée au titre des indemnités, dommages et intérêts et pénalités qu'il a payés ou sera amené à payer à Orano, que cette situation n'est pas théorique puisque ACE a déclaré des créances au passif d'ACPP pour un montant de 8 031 758 €, et que ces créances ont toutes pour fait générateur des travaux et prestations réalisés par ACPP avant l'ouverture du redressement judiciaire.

Le Groupement ACE fait valoir que depuis la réforme des suretés, le régime de la cession de somme d'argent à titre de garantie qui remplace le gage-espèces est désormais établi dans un chapitre IV relatif à la propriété retenue ou cédée à titre de garantie et ne fait pas mention d'un quelconque mécanisme de pacte commissoire, que la question de la prohibition de la réalisation d'un pacte commissoire en procédure collective ou encore de l'attribution judiciaire de la chose remise en gage est en l'espèce totalement inopérante, s'agissant d'une somme d'argent dont le créancier a la libre disposition, que le gage espèces suit en réalité le même régime que celui du dépôt de garantie. Il souligne que l'avenant du 22 mai 2018 conclu avec ACPP confère à ACE un droit de rétention effectif sur les sommes faisant l'objet du gage-espèces et ce conformément à l'article 2286 1° du code civil.

Il ajoute que la demande d'expertise formée par ACE ne remet pas en cause le caractère certain de la créance, que les liquidateurs n'ont pas sollicité le rejet de la créance, et que l'expertise a été sollicitée parce que ceux-ci alléguaient que les documents versés par ACE méritaient une expertise judiciaire, qu'il est légitime que le droit de rétention dont bénéficie ACE perdure jusqu'à l'obtention d'une décision définitive statuant sur l'admission ou le rejet des créances déclarées par ACE au passif d'ACPP, qu'en outre l'article 3 des dispositions de la convention de gages espèces prévoit un mécanisme de compensation entre les sommes dues par ACPP en exécution de la convention de GMES et le montant du gage-espèces, qu'il est constant qu'une déclaration au passif a été faite par ACE pour un montant de 8 031 758 €, les créances visées ayant toutes pour fait générateur des travaux et prestations réalisées par ACPP avant l'ouverture du redressement judiciaire.

A titre subsidiaire , le groupement ACE demande si la Cour faisait droit en tout ou partie à la demande d'infirmation de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive d'admission ou de rejet des créances.

*

* *

Les pièces versées aux débats établissent que la société ACPP a constitué le 22 mai 2018 un gage-espèces d'un montant de 854 280 € entre les mains du GMES représenté par son mandataire le GIE ACE ayant pour objet de « garantir le paiement de toutes sommes dont la société ACPP serait débitrice en qualité de membre du groupement en exécution de la convention GMES ACE ACCO lot n°2 » avec la précision suivante « il garantit les dettes entre les membres et toutes les dettes dues au titre de la garantie solidaire stipulée en l'article 17 de la convention GMES ACE ACCP lot n°2 dont la société (ACCPP) serait débitrice en principale accessoires et pénalités ainsi que les intérêts ».

Suite à la cession intervenue à la suite de la procédure collective concernant ACCP , il est constant que le cessionnaire, la société Fives a interjeté appel du jugement considérant que ce dernier mettait à sa charge des obligations plus larges que celles qu'elle s'était engagée à remplir, notamment, s'agissant des contrats clients et valeurs en cours où elle n'avait sollicité le transfert d'aucun contrat autre que ceux limitativement listés dans son offre de reprise, qu'elle ne s'était pas engagée à garantir l'exécution des travaux. La Cour a fait droit à sa demande en indiquant dans son dispositif que la société Fives n'avait prévu que la poursuite du marché dit NCPF visé dans son offre de reprise et que la poursuite par la société Fives de tout autre marché en cours interviendra dans les conditions prévues dans son offre de reprise. Par conséquent, ainsi que le soutient ACE, le marché Orano a été poursuivi sans garantie au titre de la part de travaux réalisées par ACPP avant la cession judiciaire du marché.

De ces deux éléments, il résulte que la responsabilité d'ACE peut être recherchée par Orano au titre des travaux réalisés par ACPP avant la cession du marché.

ACE justifie avoir déclaré une créance de 8 031 758,50 € laquelle est en réalité composée de plusieurs sommes, 739 225 € au titre d'une défaillance sur la composition de tuyauteries et pénalités subséquentes, 865 828 € au titre de la non-conformité des notes de calculs et coûts associés sur deux bâtiments, 30 705 € intitulée problématique des chevilles, 395 000 € pour défaut de paiement des sous-traitants et 5 000 000 € pour responsabilité contractuelle éventuelle du fait de dommages et 1 000 000 € pour responsabilité éventuelle au titre d'erreurs documentaires ou techniques. Il est constant qu'en application de l'article L 622-24 du code de commerce, la déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre, celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. La créance a été rejetée par le mandataire judiciaire au motif qu'elle n'était pas fondée en son principe, le juge commissaire s'est déclaré incompétent et il n'est pas contesté que le tribunal judiciaire de Nanterre a été saisi par ACE et que la procédure est toujours pendante. Les créances déclarées ont toutes pour fait générateur des travaux et prestations réalisés par ACPP avant l'ouverture du redressement judiciaire.

Il ne peut être valablement soutenu que la somme constituée au titre d'un gage- espèces est un actif de la société ACPP. Le gage-espèces confère au créancier la propriété des biens gagés à charge de les restituer si le débiteur paie sa dette.

L'interdiction de paiement par le débiteur des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture éditée par l'article L 622-7du code de commerce comporte l'exception prévue par ce texte du paiement par compensation de créances connexes. Sont connexes des créances réciproques qui sont issues ou dérivent de l'exécution ou de l'inexécution du même contrat. La notion s'élargit à l'hypothèse des créances réciproques se rattachant à une même convention cadre prévue pour le développement des relations d'affaires des parties. Il n'est pas besoin que le montant de la créance connexe soit liquide et exigible.

La somme de 854 280 € correspondant au gage-espèces constitué le 22 mai 2018 a donc vocation à être intégralement compensée avec les créances de la société ACE, déclarées et en cours de fixation, de sorte que cette dernière est fondée à pouvoir conserver cette somme, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la Selarl [T][R] et la SCP BTSG en leurs qualités de mandataires judiciaires de la société [Adresse 6] de leur demande de restitution de la somme 854 280 € et en ses autres dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les appelants succombant en leur appel seront condamnés ès qualités à payer au GIE ACE la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant

Condamne la Selarl [T][R] prise en la personne de Me [C] [R] et la société BTSG prise en la personne de Me [G] [P], ès qualités de mandataires liquidateurs de la société [Adresse 6] à payer la somme de 5 000 € au Groupement d'intérêt économique ACE .

Condamne la Selarl [T][R] prise en la personne de Me [C] [R] et la société BTSG prise en la personne de Me [G] [P], ès qualités de mandataires liquidateurs de la société [Adresse 6] aux dépens.

La greffière, La présidente,

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