CA Douai, 3e ch., 19 juin 2025, n° 24/00688
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mma (SA)
Défendeur :
Ap Consulting (SARL), Cna Insurance Company (Europe) (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Salomon
Conseillers :
Mme Belkaid, Mme Joubert
Avocats :
Me Levasseur, Me Pericard, Me Bouchaut, Me Fauquet, Me Pincent, Me Lambertini, Me Sabos, Me Danel-Monnier, Me Laforce, Me Lemoux, Me Cortier
EXPOSE DU LITIGE
La société Aristophil ayant pour activité l'achat, l'expertise de lettres et manuscrits, a proposé jusqu'en 2014 à un réseau de courtiers et de conseillers en gestion de patrimoine de commercialiser un produit dénommé « Aristophil », présenté comme un outil de diversification patrimoniale innovant sur un support culturel, consistant à acquérir en pleine propriété ou en indivision des collections de lettres et manuscrits anciens appartenant à la société Aristophil.
Dans le cadre de l'organisation de ce réseau de distribution des placements Aristophil, la société Art Courtage a souscrit plusieurs partenariats avec des conseillers en gestion de patrimoine indépendants.
Le 14 décembre 2013, Mme [B] a acquis la propriété de 80 parts indivises d'une valeur nominale de 2 500 euros chacune, dans une indivision Coraly's dénommée « Des Manuscrits de la Mer Morte à l'Iliade » pour un investissement de 200 000 euros.
Le 25 mars 2014, elle a acquis la propriété de 20 parts indivises, d'une valeur nominale de 2 500 euros chacune, dans une indivision Corpus Scriptural dénommée «Florilège de Grands Manuscrits » pour un investissement de 50 000 euros.
Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Aristophil le 16 février 2015, puis une procédure de liquidation judiciaire, le 5 août 2015.
Une enquête préliminaire a été diligentée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, principalement pour des faits d'escroquerie en bande organisée susceptibles d'avoir été commis depuis 2008 dans le cadre de la société Aristophil. Le 5 mars 2015, une information judiciaire a été ouverte des chefs notamment d'escroqueries en bande organisée, de pratiques commerciales trompeuses, d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance.
Estimant avoir été mal informée et conseillée par les sociétés [E] [Y] Consultant en gestion de patrimoine et Ap Consulting sur les investissements réalisés par leur intermédiaire au sein de la société Aristophil et arguant de la perte de la totalité de ses investissements, par actes des 18 et 25 février 2019, Mme [B] a fait assigner la société Ap Consulting et la société LTC, ainsi que leurs assureurs de responsabilité respectifs, la société Cna Insurance Company Limited et la société Mma [K], assureur de responsabilité professionnelle de la société LTC, afin d'être indemnisée de ses préjudices.
Par jugement du 18 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :
rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Mma et tirée d'un défaut de qualité à défendre
rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting et Mma [K], tirée de la prescription frappant l'action de Mme [B]
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant et Ap Consulting à réparer le préjudice de perte de chance subi par Mme [H] [B] en lui versant la somme de 217 100 euros au titre de dommages-intérêts ;
condamné les sociétés Mma [K] et Cna Insurance Company (Europe) à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de leurs assurées, les sociétés [E] [Y] Consultant et Ap Consulting
dit que cette somme produit intérêt légal à compter du 12 novembre 2018, date de réception de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts
débouté Mme [H] [B] de sa demande formulée au titre de la réparation de son préjudice moral
débouté les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company de leurs demandes autres et contraires
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company aux entiers dépens de l'instance
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company à verser à Mme [H] [B] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe du 3 janvier 2023, la société Cna Insurance Company (Europe) a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions exceptés les chefs du dispositif numérotés 1et 6 ci-dessus.
Par déclaration du 10 janvier 2023, la société Mma [K] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions exceptés les chefs du dispositif numérotés 1 et 6 ci-dessus.
Par jugement du 18 juillet 2023, la société Ap Consulting a fait l'objet d'un placement en liquidation judiciaire.
Les sociétés Mma [K] et Cna Insurance Company (Europe) ont assigné en intervention forcée le liquidateur judiciaire de la société Ap Consulting, la Scp Le Carrer-Najean, en janvier et mars 2024.
Par ordonnance du 28 mars 2024, les appels ont été joints.
Dans ses conclusions notifiées le 20 décembre 2024, la société Mma [K], appelante, demande à la cour de :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription partielle :
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de l'action engagée sur le fondement du contrat du 14 décembre 2013 par Mme [B] à l'encontre de Ap Consulting, LTC et Mma au titre de la prescription
Statuant à nouveau,
juger prescrite l'action Mme [B] au titre de son acquisition en date du 14 décembre 2013,
En conséquence,
débouter en conséquence Mme [B] de ses demandes indemnitaires relatives à son investissement en date du 14 décembre 2013 d'un montant de 150.000 euros au titre de sa prétendue perte de chance de ne pas contracter, et d'un montant de 23.750 euros au titre de sa prétendue perte de chance de faire fructifier des intérêts au taux de 2,50 % pendant cinq années,
Sur la responsabilité de la société Ap Consulting :
A titre principal,
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
condamné in solidum LTC et Ap Consulting à réparer le préjudice de perte de chance subi par Mme [B] en lui versant la somme de 217.100 euros au titre de dommages-intérêts
condamné Mma et Cna à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de leurs assurées, LTC et Ap Consulting
dit que cette somme produit intérêt légal à compter du 12 novembre 2018, date de réception de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts
débouté LTC, Ap Consulting, Mma et Cna de leurs demandes autres et contraires
condamné in solidum LTC, Ap Consulting, Mma et Cna aux entiers dépens de l'instance
condamné in solidum LTC, Ap Consulting, Mma et Cna à verser à Mme [B] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
- juger que Mme [B] ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par Ltc, ni de l'existence d'un préjudice, ni du lien de causalité entre ce préjudice et les fautes alléguées,
En conséquence,
- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Ltc et de Mma,
A titre subsidiaire :
- juger que la garantie de la société Mma sera mobilisable dans les limites de la garantie contractuelle,
En tout état de cause :
condamner Mme [B] à payer à Mma la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses conclusions notifiées le 4 juillet 2023, la société Ap Consulting, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
recevoir l'appel incident et le dire bienfondé,
Y faisant droit,
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
rejeté la fin de non-recevoir de l'action engagé sur le fondement du 14 décembre 2013 par Mme [B] à l'encontre de la société Ap Consulting, la société [E] [Y] Consultant et la société Mma [K] au titre de la prescription
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant et Ap Consulting à réparer le préjudice subi par Mme [H] [B] en lui versant la somme de 217 100 euros au titre de dommages et intérêts ;
dit que cette somme produit intérêt légal à compter du 12 novembre 2018, date de la réception de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts ;
débouté les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company de leurs demandes autres et contraires
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company Limited aux entiers dépens de l'instance
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company à verser à Mme [H] [B] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau :
constater la prescription de l'action engagée par Mme [B] à l'encontre de société Ap Consulting sur le fondement du contrat du 14 décembre 2013
déclarer l'action engagée par Mme [B] à l'encontre de société Ap Consulting mal fondée
constater l'absence de lien juridique entre la société Ap Consulting et Mme [B]
débouter Mme [B] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Ap Consulting
condamner Mme [B] à verser à la société Ap Consulting la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 4 500 euros au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance qu'à hauteur de Cour.
A titre subsidiaire : dire et juger que la compagnie d'assurance Cna prendra en charge toutes les éventuelles condamnations pécuniaires qui seraient éventuellement prononcées à l'encontre de son assuré la société Ap Consulting.
Dans ses conclusions notifiées le 11 avril 2023, La Sarl [E] [Y] Consultant en gestion de patrimoine demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque du 18 novembre 2022 en ce qu'il a :
* reçu la société Cna Insurance Company en son intervention volontaire
* rejeté la fin de non-recevoir de l'action engagée par Mme [B] à l'encontre de la société Mma [K] pour défaut de qualité à défendre
* condamné Mma [K] et Cna Insurance Company à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de leurs assurés, les sociétés [E] [Y] Consultant et Ap consulting
* débouté Mme [H] [B] de sa demande formulée au titre de la réparation de son préjudice moral ;
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Dunkerque du 18 novembre 2022 en ce qu'il a:
* rejeté la fin de non-recevoir de l'action engagée sur fondement du contrat du 14 décembre 2013 par Mme [B] à l'encontre de la société [E] [Y] Consultant et la société d'assurance Mma [K] au titre de la prescription ;
* condamné la société [E] [Y] Consultant à réparer le préjudice de perte de chance subi par Mme [H] [B] en lui versant la somme de 217 100 euros à titre de dommages et intérêts ;
* condamné la société [E] [Y] Consultant aux entiers dépens d'instance ainsi qu'au versement d'une somme de 3 000 euros à Mme [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau,
accueillir la fin de non-recevoir de l'action engagée sur le fondement du contrat du 14 décembre 2013 par Mme [H] [B] à l'encontre de la société [E] [Y] Consultant et de la société Mma [K] ;
déclarer que l'action en responsabilité contractuelle de Mme [H] [B] au titre du contrat du 14 décembre 2013 à son encontre est irrecevable comme prescrite ;
déclarer que l'action de Mme [H] [B] au titre du contrat du 14 décembre 2013 est subsidiairement mal fondée à son encontre
déclarer que l'action de Mme [H] [B] au titre du contrat du 25 mars 2014 est mal fondée à son encontre
débouter Mme [H] [B] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre
Si par impossible, la cour estimait que le rôle de mise en relation pouvait suffire à engager sa responsabilité :
déclarer que Mme [H] [B] ne démontre pas en l'état l'existence d'un préjudice certain, direct et actuel ;
En tout état de cause :
condamner la société Mma et la société Cna Insurance Company Limited à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
condamner Mme [H] [B], les sociétés Mma et Cna Insurance Company Limited
à lui verser in solidum la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 18 décembre 2024, la société Cna Insurance Company (Europe), exerçant sous le nom commercial Cna Hardy, demande à la cour de :
réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant et Ap Consulting à réparer le préjudice de perte de chance subi par Mme [H] [B] en lui versant la somme de 217.100 euros au titre de dommages-intérêts ;
condamné la société Cna Insurance Company à garantir les condamnations prononcées à l'encontre des sociétés [E] [Y] Consultant et Ap Consulting
dit que cette somme produit intérêt légal à compter du 12 novembre 2018, date de réception de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts
débouté les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company de leurs demandes autres et contraires
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company aux entiers dépens de l'instance
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company à verser à Mme [H] [B] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau :
A titre principal :
- juger que la société Ap Consulting n'était débitrice d'aucune obligation à l'égard de Mme [B] s'agissant des investissements litigieux ;
- juger qu'aucune garantie n'est due par la société Cna Insurance Company (Europe) au titre de la responsabilité qu'aurait engagée la société [E] [Y] Consultant, la première réclamation formulée par Mme [B] étant intervenue après que la police n° FN 1925 a cessé ses effets, et alors que la responsabilité de la société [E] [Y] Consultant était assurée auprès de la société Mma [K]
- débouter Mme [B] de ses demandes à l'encontre de la société Cna Insurance Company (Europe) ;
A titre subsidiaire :
- juger que la société [E] [Y] Consultant a pleinement exécuté ses obligations d'information et de conseil de moyens
- juger que Mme [B] échoue à démontrer subir un préjudice réparable
- juger mal fondées les demandes de Mme [B] à l'encontre de la société Ap Consulting et [E] [Y] Consultant;
En conséquence,
- débouter Mme [B] de son action à l'encontre de la société Cna Insurance Company (Europe);
A titre plus infiniment subsidiaire : si la responsabilité de la société [E] [Y] Consultant venait à être retenue :
- juger que la société Cna Insurance Company Europe ne saurait être tenue à garantir la société [E] [Y] Consultant au-delà des termes de la police n° FN 1925 souscrite auprès d'elle et donc après application d'une franchise de 3.000 euros
- juger que la police n° FN 1925 prévoit un plafond de garantie de 2.000.000 euros par période d'assurance applicable à l'ensemble des réclamations formées à l'encontre des assurées au titre de la police n° FN 1925 au cours de la même période d'assurance
- juger que la police n° FN 1925 a cessé de produire ses effets à compter du 31 décembre 2014 (date de sa résiliation) ou, subsidiairement, du 31 décembre 2015 (date de la dernière période de tacite reconduction)
- juger en conséquence que la réclamation de Mme [B] doit être rattachée à la période de garantie subséquente de 5 ans ayant pris effet à la date de cessation des garanties (31 décembre 2014 ou 31 décembre 2015)
- constater que la société Cna Insurance Company (Europe) a d'ores et déjà réglé ou séquestré au titre de cette période d'assurance subséquente de 5 ans des condamnations pour un montant de deux millions d'euros égal au plafond de garantie de la police n° FN 1925 applicable à cette période d'assurance subséquente ;
- débouter, en conséquence, Mme [B] de ses demandes de condamnation à l'encontre de la société Cna Insurance Company (Europe) ;
- juger en revanche que Mme [B] pourra prétendre, en concurrence avec les autres investisseurs bénéficiant de la garantie de la société Cna Insurance Company (Europe) au titre de la période d'assurance subséquente de la police n° FN 1925, au bénéfice des condamnations séquestrées par la société Cna Insurance Company (Europe), ces sommes devant être réparties au marc l'euro des indemnités allouées par les décisions de justice irrévocables bénéficiant auxdits investisseurs ;
à titre subsidiaire, juger, si la cour retient que la police n° FN 1925 s'est tacitement reconduite d'année en année, que la réclamation de Mme [B] doit être rattachée à la période d'assurance de 2018
- condamner la société Cna Insurance Company (Europe) à garantir la société [E] [Y] Consultant des conséquences des condamnations prononcées à son encontre dans la limite des condamnations que la société Cna Insurance Company (Europe) aura déjà versées au titre des autres réclamations formulées au titre de la police n° FN 1925 pendant la période d'assurance 2018, et après application de la franchise contractuelle de 3.000 euros
Si la responsabilité de la société Ap Consulting venait à être retenue :
- juger que la société Cna Insurance Company (Europe) ne saurait être tenue de garantir la société Ap Consulting au-delà des termes de la police souscrite auprès d'elle, à savoir après application d'une franchise de 2.500 euros et dans la limite du plafond de 100.000 euros applicable à l'ensemble des réclamations formulées pendant la période d'assurance subséquente de la police n° FN 4219 ;
En conséquence,
- juger que la condamnation à garantir la société Ap Consulting qui viendrait à être prononcée à l'encontre de la société Cna Insurance Company (Europe) au profit de Mme [B] ne pourra excéder le plafond de garantie de 100.000 euros prévu par la police n° FN 4219, après déduction des sommes que la société Cna Insurance Company (Europe) aura déjà versées au titre de réclamations formulées pendant la période d'assurance subséquente de la police n° FN 4219 et de la franchise contractuelle de 2.500 euros
Ou à défaut,
- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées pendant la période d'assurance subséquente de la police n° FN 4219 ;
Au surplus,
- juger que la responsabilité de la société [E] [Y] Consultant est également garantie par la société Mma [K] ;
- juger en conséquence qu'il convient de limiter la part contributive de la société Cna Insurance Company (Europe) par l'application des règles prévues par l'article L. 121-4 du code des assurances ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum toute partie succombante à payer à la société Cna Insurance Company (Europe) une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Eric Laforce en application de l'article 699 du CPC.
Dans ses conclusions notifiées le 2 janvier 2025, Mme [H] [B], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
rejeter l'appel principal de la société Cna Insurance Company (Europe) et l'appel principal de la société Mma [K],
rejeter les appels incidents des sociétés [E] [Y] Consultant, Cna Insurance Company (Europe) et Mma [K],
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 18 novembre 2022, sauf sur le quantum de l'indemnisation et l'applicabilité des polices d'assurance de Cna Insurance Company (Europe)
Et, statuant à nouveau,
fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Ap Consulting la somme de 251.900 euros de dommages-intérêts en principal au profit de Madame [H] [B],
condamner in solidum la société [E] [Y] Consultant, son assureur responsabilité civile professionnelle Mma [K] et l'assureur de la commercialisation du produit Aristophil, Cna Insurance Company (Europe) par application de la police FN 1925 pour cette dernière, et la société Cna Insurance Company (Europe) ès qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société liquidée Ap Consulting par application de la police FN 4219, à lui verser la somme de 251.900 euros en réparation de son préjudice financier, somme produisant intérêt légal à compter du 12 novembre 2018 (date de la mise en demeure), avec capitalisation des intérêts,
rappeler qu'elle pourra choisir l'assureur à mobiliser, de Mma [K] ou de Cna Insurance Company (Europe), sur simple indication expresse auxdits assureurs,
condamner in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Mma [K] et Cna Insurance Company (Europe) à lui verser une somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
condamner in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Mma [K] et Cna Insurance Company (Europe) aux entiers dépens.
La Scp Le Carrer Najean, régulièrement intimée, n'a pas conclu.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La société Mma [K] prétend que l'obligation de conseil en patrimoine est une obligation de moyens ; qu'à ce titre, s'il existe un dommage, il se manifeste au jour de la conclusion du contrat dès lors que le préjudice causé par un mauvais conseil consiste en une perte de chance d'investir de manière différente. Le point de départ du délai de la prescription est donc la date de souscription de contrat. Elle soutient que Mme [B] ne pouvait légitimement ignorer le principe de son dommage lors de la souscription de son investissement. En effet, elle savait dès la conclusion du contrat que le placement réalisé n'était pas sécurisé, les documents contractuels ne recelant aucune ambiguïté quant au mécanisme des investissements litigieux : le contrat de vente ne fait à aucun moment référence à un éventuel rachat des collections par la société Aristophil et le contrat de garde et de conservation prévoit seulement la possibilité de ce rachat à la seule convenance de la société Aristophil ; il n'a donc été consenti qu'une promesse d'achat que la promettante restait libre d'honorer de sorte qu'il était clair dès le départ que la société Aristophil n'était tenue à aucune obligation de rachat ; le dommage allégué existait donc dès le jour de la souscription des contrats. L'action de Mme [B] est donc prescrite s'agissant de l'investissement dans l'indivision de la collection « Des manuscrits de la mer morte à l'Iliade » en date du 14 décembre 2013.
La société [E] [Y] Consultant considère que s'agissant du contrat souscrit le 14 décembre 2013, l'action de Mme [B] initiée le 25 février 2019 est irrémédiablement prescrite étant frappée de la prescription quinquennale. Le point de départ du délai de prescription quinquennale, s'agissant d'une action fondée sur le manquement à une obligation pré contractuelle d'information et de conseil, court au jour de la souscription du contrat qui est la date de réalisation du dommage. Elle ajoute que Mme [B] produit des communiqués de presse de l'Autorité sur les Marchés Financiers antérieurs aux souscriptions et datant du 29 octobre 2007 et du 12 décembre 2012 attirant l'attention du public sur les investissements en litige proposés par Aristophil.
La société AP Consulting soutient que le devoir de conseil ou de mise en garde ne peut, par définition, être mis en oeuvre que préalablement à toute conclusion de contrat et que le point de départ du délai de prescription est fixé à la date de conclusion du contrat. Un délai de plus de 5 années s'est donc écoulé entre le contrat du 14 décembre 2013 et la signification de l'assignation le 18 février 2019.
Mme [B] considère qu'elle n'était pas en mesure à la date de souscription des contrats de se rendre compte du défaut d'information et de conseil portant sur le mécanisme juridique complexe du placement litigieux, de l'absence de garantie de rachat des parts à terme par la société Aristophil et de la surévaluation des oeuvres acquises en indivision par l'intermédiaire de la société [E] [Y] Consultant.
Sur ce,
L'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dispose que : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
L'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercé contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré.
En matière d'action en responsabilité fondée sur le manquement du professionnel à ses obligations d'information et de conseil, la prescription court à la date de la conclusion du contrat si les mentions du contrat permettent au cocontractant d'avoir connaissance du dommage. A défaut, elle court à la date où ce dernier a eu la connaissance certaine de son dommage.
Le manquement d'un prestataire de services d'investissement à ses obligations d'information et de conseil sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage ne peut commencer à courir avant la date à laquelle l'investissement a été perdu (Cour de cassation, chambre commerciale 3 juillet et 2 octobre 2024, RG n° 22-24.842 et n°22-24.842).
En l'espèce, il est constant que, par acte sous seing privé du 14 décembre 2013, Mme [B] a acquis la propriété indivise de 80 parts du bien dénommé « des manuscrits de la mer morte à l'Illiade- le secret des grands manuscrits chapitre II » auprès de la société Aristophil. Concomitamment à cet acte, il était conclu une convention de garde et de conservation des collections pour une durée de cinq ans aux termes de laquelle la société Aristophil s'engageait à les conditionner, expertiser et conserver, et garantissait leur valeur ainsi qu'une convention notariée d'indivision.
Ainsi, la composition de la collection n'était pas connue à la date de souscription du contrat alors que l'acquéreur en a confié la garde et la conservation à la société Aristophil et n'est pas entré en possession des oeuvres acquises avant l'ouverture de la procédure collective à l'égard de cette dernière.
Il est acquis au vu de l'enquête pénale diligentée en 2014 à l'encontre de la société Aristophil et de son gérant pour pratiques commerciales trompeuses, escroquerie et escroquerie en bande organisée et qui a révélé le mécanisme de pyramide de Ponzi mis en place par la société Aristophil, que Mme [B] ne pouvait, au jour de la conclusion du contrat, présager que les pièces de collections avaient été surestimées.
S'agissant de l'absence de garantie de rachat des parts par la société Aristophil, la clause VI du contrat de garde et de conservation relatif à la promesse de vente est rédigée comme suit :
« Le propriétaire promet unilatéralement de vendre à la société la collection dont il est propriétaire au terme des 5 ans du contrat de garde, de conservation.
Cette promesse a une durée de 3 mois qui court à compter du terme de la convention de dépôt.
Cette promesse de vente s'effectuera à un prix d'achat qui figure en annexe 1 ou si ce prix n'est pas fixé, à un prix déterminé par expertise.
Ce prix ne pourra en aucun cas être inférieur au prix d'achat majoré de 8,75% par an de la valeur déclarée au départ. L'expertise sera diligentée à la requête des parties par un expert dûment habilité.
Durant ces 3 mois, la société aura l'option d'acheter la collection au prix convenu ou à un prix d'expertise.
Ce prix sera au minimum supérieur de 8,75 % par an au prix d'acquisition tel qu'il figure à l'annexe 1 pour la période de garde, de conservation de 5 années pleines et entières. »
Ces clauses présentent un caractère équivoque dans la mesure où tout en insistant sur l'assurance de réaliser une plus-value en cas de revente de la collection à la société Aristophil, elles n'attirent pas l'attention de l'investisseur sur l'incertitude pesant sur la réalisation de cette plus-value alors qu'elle est laissée à la discrétion de la société Aristophil, la clause n'envisageant en effet que la possibilité du rachat de la collection.
En outre, le caractère complexe du montage juridique, au demeurant mis en exergue par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans son rapport du 6 février 2014, est révélé par la présence de trois actes signés entre des parties différentes, à savoir une convention d'indivision, un contrat de garde et de conservation et un contrat d'achat de parts dans l'indivision, et se référant les uns aux autres alors en outre que la clause de promesse de vente insérée au contrat de garde et de conservation est peu explicite de sorte qu'une absence d'information et de conseil sur un tel mécanisme a pu laisser croire au souscripteur que le rachat des parts par la société Aristophil au terme de la période de garde de 5 ans présentait un caractère certain, d'autant que le contrat et la convention d'indivision conféraient à la société Aristophil un droit de préemption et un pouvoir d'agrément en cas de vente à un tiers.
Quand bien même l'investisseur aurait compris que la société Aristophil ne supportait aucune obligation de rachat des 'uvres, il pouvait néanmoins envisager à l'issue du contrat de les revendre à un tiers en réalisant une semblable plus-value. Or, il est établi par les enquêtes de la DGCCRF et pénale que les oeuvres proposées ont fait l'objet d'une forte surévaluation que Mme [B] ne pouvait à l'évidence connaître lors de la souscription.
Ainsi, en l'état de ces éléments, Mme [B] n'a pas pu avoir connaissance, dès la souscription des placements litigieux, que la réalisation d'une plus-value en contrepartie de son investissement était totalement aléatoire.
Alors qu'à la date de la conclusion du contrat du 14 décembre 2013, le dommage invoqué par Mme [B], tenant à la perte d'une possibilité d'obtenir le rachat de sa collection d'oeuvres et de la rémunération de 8,75 % par an prévue au contrat au terme d'une période liminaire de cinq ans ne s'était pas réalisée, le délai de prescription n'avait pas commencé à courir.
Ce n'est qu'à partir du 27 février 2015, date à laquelle le mandataire judiciaire l'a invitée par courrier à procéder à une déclaration de sa créance au passif de la société Aristophil placée en redressement judiciaire, qu'elle a eu connaissance de son préjudice et de son ampleur, et s'est trouvée pleinement en mesure d'exercer son action en réparation à l'égard du conseiller en gestion de patrimoine et de l'assureur.
Il convient donc de retenir cette date comme point de départ de la prescription quinquennale de l'action en responsabilité contractuelle diligentée par Mme [B] pour manquement du conseiller en gestion de patrimoine à son obligation d'information et de conseil.
Les communiqués de presse de l'Autorité des marchés financiers des 29 octobre 2007 et 12 décembre 2012 mettant en garde le public sur les offres de parts de collections de manuscrits au sein d'une indivision telles que proposées par la société Aristophil ne sauraient justifier la fixation du point de départ du délai quinquennal de prescription à la date de souscription du contrat litigieux alors qu'il n'est pas établi que Mme [B] en avait connaissance à cette date.
Ainsi, l'action de Mme [B] diligentée à l'encontre du conseiller en gestion de patrimoine et de l'assureur de ce dernier n'est pas prescrite aux 18 et 25 février 2019, dates de délivrance de l'assignation au fond.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc écartée et le jugement critiqué confirmé de ce chef.
Sur les responsabilités
Sur la formation des contrats
La société [E] [Y] Consultant dénie être intervenue dans le cadre des investissements litigieux ou avoir signé un contrat un contrat de mandataire avec la société Aristophil et affirme n'avoir eu qu'un rôle d'intermédiaire de type apporteur d'affaires entre Mme [B] et la société Ap Consulting chargée de la commercialisation des produits Aristophil. Elle nie tout lien contractuel ou de droit direct entre elle et Mme [B] s'agissant des produits litigieux et conclut n'être débitrice d'aucune obligation précontractuelle ou contractuelle à l'encontre de celle-ci dans le cadre de la vente des produits Aristophil.
La société Ap Consulting fait valoir qu'il n'existe aucun lien contractuel entre elle et Mme [B] contrairement à ce qu'a retenu le premier juge qui l'a qualifiée «d'intermédiaire » alors qu'il n'est produit aucun contrat d'apporteur d'affaires, que les factures de commissions entre elle et la société Ltc sont insuffisantes à établir de tels liens contractuels, qu'elle n'apparait pas en qualité de partie dans le contrat litigieux du 14 décembre 2013, qu'elle n'est pas davantage en lien contractuel avec Mme [B] s'agissant du contrat du 25 mars 2014, au demeurant non signé par la société Aristophil représentée par son mandataire, alors que le seul interlocuteur de Mme [B] était M. [Y] de la société Ltc et que seul un contrat d'apporteur d'affaires la lie à ses apporteurs d'affaires de sorte qu'il n'existe aucune relation contractuelle entre elle et le client final. Ainsi, le fait qu'elle ait conclu une convention de partenariat avec la société Ltc n'a nullement pour conséquence de la rendre co-débitrice d'une obligation d'information et de conseil vis-à-vis de la clientèle de la société Ltc.
La société Cna soutient que la société Ap Consulting était certes liée à,la société Ltc par contrat de partenariat mais n'était débitrice d'aucune obligation vis-à-vis de Mme [B] dès lors qu'elle n'a jamais été liée à cette dernière par un quelconque contrat et qu'elle ne l'a pas même rencontrée ou été en contact avec elle.
Mme [B] affirme que les sociétés Ltc et Ap Consulting sont intervenues conjointement lors des deux contrats en qualité de mandataires du vendeur et du distributeur, étant conseillers vendeurs de la société Art Courtage et supposément comme conseillers en gestion du patrimoine de sorte qu'il découle de leur activité une obligation d'information et de conseil précisant qu'un contrat portant sur la réalisation d'une prestation de conseil n'est soumis à aucun formalisme.
Sur ce,
Il est rappelé que Mme [B] fonde son action sur les dispositions de l'article 1147 du code civil. A cet égard, les sociétés LTC et Ap Consulting soutiennent que celle-ci ne justifie d'aucun lien contractuel avec elles dont elles n'ont jamais été les mandantes.
Quand bien même les contrats proposés étaient conclus directement entre le vendeur (la société Aristophil) et l'acquéreur, l'absence de convention signée entre Mme [B] et les sociétés Ltc et Ap Consulting ne permet pas de considérer que celles-ci étaient dépourvues d'obligations à l'égard de cette dernière.
L'analyse du réseau commercial de la société Aristophil révèle que celle-ci était représentée auprès de la clientèle par la société Art Courtage qui a elle-même des mandataires et des sous-mandataires, personnes physiques ou morales ayant la qualité d'agents commerciaux ou de courtiers.
Il est établi que la société LTC, dont M. [Y] [E] est le gérant, a pour objet « le conseil en investissements financiers, courtage d'assurance, transaction sur immeubles et fonds de commerce » et qu'elle avait conclu avec la société Art Courtage France un contrat pour la commercialisation des conventions Aristophil après avoir validé une formation.
La société Ap Consulting a, quant à elle, une activité de conseil, négociation, intermédiaire, vente, recherche et développement, construction et location en loueur meublé selon l'extrait Kbis du 6 février 2019. Son gérant, M. [L] [R], a précisé, dans le cadre de son audition devant les services enquêteurs le 15 avril 2015 que la société avait la qualité de conseiller en gestion de patrimoine.
Mme [B] verse aux débats une pièce 2.9 intitulé «dossier connaissance client «commercialisation de la solution Aristophil » renseignée par la société Art Courtage France, « représentée par [E] [Y], gestionnaire en patrimoine », aux termes de laquelle elle confirme « avoir suivi les préconisations de mon conseiller qui sont conformes à ma situation familiale et patrimoniale et à mon profil d'investissement » s'agissant de la souscription des produits « manuscrits de la mer morte à l'Illiade ». Le contrat afférent n°3296 comporte la signature du « vendeur ou du mandataire autorisé » sans que celui-ci ne soit désigné.
Par ailleurs, Mme [B] a acquis la propriété indivise de produits dénommés Corpus scriptural par contrat n°1253, régularisé en présence de la société Ap Consulting désignée en qualité d'intermédiaire. Il importe peu que ce contrat n'ait pas été signé par le mandataire autorisé de la société Aristophil alors que sa validité n'est pas remise en cause. Ce contrat mentionne que Mme [B] a « pris connaissance de la documentation relative à l'investissement auquel [elle] (je) souscri[t] et avoir eu toute information ou avoir été mis en mesure de recevoir tout conseil suffisant [lui] permettant d'y souscrire en pleine connaissance de cause, notamment en termes de risques et de durée d'investissement ». En outre, le dossier connaissance client, relativement à ce placement, a été renseigné par M. [E] [Y], gestionnaire en patrimoine.
Si la société Ap Consulting apparait dans ce contrat, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas été en contact avec Mme [B] alors que les investissements qu'elle a souscrits lui avaient été proposés par M. [E] [Y], de la société Ltc, qui lui a soumis le dossier connaissance client destiné à recueillir les informations relatives à son identité, ses données financières et patrimoniales, son profil d'investisseur et au niveau de risque.
La circonstance que la société Ltc a émis des factures les 16 décembre 2013 et 2 avril 2014 pour obtenir le paiement de ses commissions auprès de la société Ap Consulting au titre des deux placements souscrits par Mme [B] n'est pas de nature à mettre à la charge de cette dernière une obligation d'information et de conseil à l'égard du client final.
En considération des seuls éléments produits concernant son rôle dans l'investissement réalisé le 25 mars 2014, la société Ap Consulting n'est ainsi intervenue qu'en qualité d'apporteur d'affaires en gestion de patrimoine, intermédiaire qui met en relation des clients potentiels avec des professionnels du conseil patrimonial en contrepartie d'une commission versée par ces derniers. Un tel rôle est toutefois exclusif de toute obligation d'information et de conseil à l'égard de l'investisseur.
Il est ainsi démontré que seul M. [E] [Y], de la société Ltc était en contact avec Mme [B] au moment de la souscription des contrats litigieux de sorte qu'en sa qualité de conseiller en gestion de patrimoine intervenu auprès de Mme [B], il était tenu à un devoir d'information et de conseil.
Par suite, Mme [B] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Ap Consulting et de son assureur, la société Cna.
Le jugement querellé sera donc infirmé sur ce point.
Sur la responsabilité de la société Ltc
La Mma soutient qu'en application du principe de non-cumul et de non-option des responsabilités, Mme [B] ne peut se fonder sur le terrain de la responsabilité délictuelle pour agir à l'encontre de la société Ltc dès lors qu'elle affirme être liée par un contrat de conseil en gestion de patrimoine avec cette dernière. En outre, les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation sont inapplicables en l'espèce alors qu'elles n'étaient pas entrées en vigueur au moment des contrats litigieux.
Elle affirme que la responsabilité de la société Ltc ne peut être recherchée que sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil (ancien article 1147). A ce titre, le conseiller en gestion de patrimoine n'est tenu qu'à une obligation de moyen compte tenu du caractère intellectuel de la prestation et de l'aléa de l'investissement. Cette obligation s'apprécie en considération de la compétence particulière du client en la matière.
L'information délivrée sur la description du produit Aristophil a été complète comme en atteste la reconnaissance de Mme [B] d'avoir pris connaissance de la convention d'indivision et de ses annexes aux termes des deux contrats de vente des 14 décembre 2013 et 25 mars 2014 et alors que la prétendue surévaluation de la valeur des biens indivis, à la considérer exacte en l'absence à ce jour de décision de justice, n'a été révélée qu'en 2015 dans le cadre de l'enquête diligentée par la DGCCRF, soit postérieurement aux investissements litigieux. En outre, les documents contractuels étaient clairs et précis et comportaient bien la mention de l'absence d'obligation de rachat par la société Aristophil. Mme [B] a déclaré avoir été informée des risques d'une perte de valeur de la collection de sorte qu'elle en connaissait mes risques. Elle a choisi personnellement, et malgré les mises en garde de son conseiller, d'opter pour le placement du 25 mars 2014. S'agissant du placement de 2013, compte tenu des informations sur la situation financière de Mme [B], l'investissement proposé permettait de lui offrir une diversification patrimoniale, comme il est expressément indiqué aux termes du dossier « connaissance du client » signé par cette dernière.
La société Ltc fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute alors en outre que l'investissement du 21 mars 2014 a été souscrit par Mme [B] en dépit de ses recommandations et en connaissance du risque de perte de valeur de la collection. Il est ainsi démontré qu'il a apporté un conseil effectif et adapté à la situation spécifique du marché de l'art et du montage contractuel d'investissement.
Mme [B] considère que la responsabilité de la société Ltc est engagée sur le fondement de l'ancien article 1147 du code civil. Le conseil en gestion de patrimoine a en effet une obligation d'information et de conseil à l'égard de son client au moment du contrat. La charge de la preuve de la satisfaction par le conseiller de ses obligations pèse sur celui-ci. Or, l'information sur les placements était insuffisante. En effet, les produits commercialisés ne comportaient aucune référence, ni valeur unitaire des leurs composantes, ni aucune description détaillée. D'autre part, les avis de valeur des 'uvres de même que les garanties vantées par Aristophil n'ont pas été vérifiés alors qu'il est avéré que les avis de valeur prétendument établis par des experts et les garanties de perte de valeur n'existent pas, la Lloyd's garantissant uniquement le vol ou la détérioration. En outre, le montage contractuel est en lui-même farfelu et difficilement compréhensible pour un profane. Par ailleurs, le conseiller ne l'a pas avertie du risque de perte total en capital, d'illiquidité complète et de faillite de la société Aristophil. Au contraire, il promettait le rachat par la société Aristophil de ses parts indivises en fin de contrat sans préciser qu'il s'agissait d'une option, et non d'une obligation. Or l'attractivité du produit résidait dans cette perspective de rachat avec un rendement vanté par le conseiller et les documents contractuels. A cet égard, aucune information ne lui a été donnée sur les conséquences du non rachat de ses parts indivises à l'échéance du contrat. Les mentions de son dossier connaissance client sont insuffisantes à établir que l'information lui a effectivement été fournie. Enfin, le conseiller se devait de déceler la tromperie alors que des alertes avaient été émises par l'Amf et que la presse mettait en doute la viabilité du système Aristophil. avant la souscription des contrats. Contrairement à ce que soutient la Mma, en sa qualité de tiers au mandat confié à la société Ltc par la société Art Courtage, la faute délictuelle se surajoute à la faute contractuelle.
Sur ce,
En proposant à Mme [B] d'investir et de diversifier son patrimoine en investissant dans l'acquisition de parts dans les indivisions de manuscrits et autres documents de prestige constituées par la société Aristophil, la société Ltc a seulement exercé une mission de conseil en gestion de patrimoine.
La responsabilité du conseiller en gestion de patrimoine ne peut être recherchée que sur le fondement de l'article 1147 du code civil applicable au présent litige.
En application de ces dispositions, pèse sur le conseiller en gestion de patrimoine une obligation de s'informer sur son client, d'informer son client sur les risques et les caractéristiques des produits recommandés, et de conseiller à son client des produits adaptés à sa situation et à ses objectifs.
La preuve de l'exécution de cette obligation de moyens incombe au conseiller en gestion de patrimoine.
Il résulte des termes du code de déontologie des membres de la chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine produit par Mme [B] que le conseiller en gestion de patrimoine « doit, à chacun de ses clients des conseils et des services de haute qualité, adaptés à leurs besoins propres, dans le respect de leur intérêt patrimonial. Il intervient à la demande de son client et dans la limite des missions qui lui sont expressément confiées » ; « Il prend en compte, en priorité, les besoins et les objectifs du client dans leur globalité. L'intérêt du client prime toujours sur le sien. » ; il « fera appel, lorsque l'intérêt du client l'exige, à des spécialistes qu'il jugera les plus compétents dans leur domaine » ; il « est débiteur d'une obligation de moyens. Il met en oeuvre tous les moyens nécessaires à l'expression de son professionnalisme et de son indépendance » ; « Le conseiller en gestion de patrimoine s'engage à fournir une information complète sur les caractéristiques, avantages et spécificités de chaque situation étudiée et à propos de chaque solution préconisée. Cette information définit le plus clairement possible le niveau du risque que son client aura accepté. Elle suppose également que l'attention du client soit attirée sur des aspects qu'il pourrait ignorer ou tout simplement sous-estimer ».
Le code d'éthique et de déontologie du conseil en gestion de patrimoine précise également que les intérêts du client prévalent, que le conseiller en gestion de patrimoine doit être objectif, loyal, compétent et diligent."
Ces documents déontologiques éclairent sur le contenu et la portée de l'obligation d'information et de conseil incombant à la société Ltc, dont la violation constitue une faute civile engageant sa responsabilité contractuelle de droit commun.
Si comme le soutient à juste titre la Mma, le conseiller en gestion de patrimoine ne peut être tenu responsable des aléas inhérents aux investissements, il lui appartient en revanche de fournir lui-même au client, de façon claire et complète, tous les éléments sur le mécanisme de l'opération projetée et sur les risques inhérents à celle-ci.
S'agissant du contrat du 13 décembre 2013 :
Il est exact que le dossier connaissance client, qui comporte des renseignements sur l'identité, les données financières et patrimoniales ainsi que le profil du souscripteur et l'objectif de l'investissement, mentionne en première page « Avertissement : les conventions Aristophil représentent une acquisition pouvant offrir une plus-value éventuelle à moyen ou long terme qui n'offre aucune garantie de liquidité et aucun engagement de rachat. Il est donc recommandé de s'assurer de disposer de liquidités suffisantes pour faire face à des besoins financiers à court et moyen terme, que cet investissement se place dans une démarche de diversification patrimoniale et ne doit en aucun cas se positionner en substitut des outils financiers classiques, les oeuvres d'art n'étant pas un placement financier ».
Le point 3 de ce dossier relatif au « risque et horizon d'investissement » fait apparaitre que Mme [B] est informée du risque de perte en valeur de ses investissements dans cette collection et de la non-liquidité de ces investissements. Elle y indique avoir pris connaissance de la documentation relative à l'investissement et reconnait avoir reçu toute information ou avoir été mis en mesure de recevoir tout conseil suffisant pour lui permettre d'y souscrire en pleine connaissance de cause, notamment en termes de risques et de durée d'investissement.
S'il apparait que le conseiller en gestion de patrimoine a recueilli un maximum d'informations sur le profil investisseur de Mme [B] et porté à sa connaissance via le questionnaire inséré dans le dossier connaissance client, les informations élémentaires à la compréhension du contrat, il n'en demeure pas moins que cette information a été insuffisante et qu'il a manqué à son devoir de conseil.
En effet, il résulte de l'ensemble des documents contractuels que le contrat de vente spécifiait bien que n'étaient vendus par la société Aristophil que des parts indivises d'une collection, que cette société s'engageait à garder et à conserver pendant la durée du contrat pour la rendre ensuite à son propriétaire au terme du contrat de garde et de conservation, lequel était conclu pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction pendant 5 ans. Il y était également mentionné que l'acquéreur s'engageait unilatéralement à vendre à la société Aristophil la collection dont il est propriétaire au terme des 5 ans du contrat de garde, cette promesse ayant une durée de trois mois à compter du terme de la convention de dépôt, durée pendant laquelle la société Aristophil disposait d'une option d'achat au prix convenu ou à un prix d'expertise, sans que cette convention garantisse un rendement."
L'éventualité d'un rachat de la collection acquise par la société Aristophil y est annoncée de manière insistante et offre la perspective d'une plus-value d'au moins 8,75% du montant de l'investissement.
Toutefois, le contrat de vente de parts d'indivision ne révèle à l'investisseur aucune information suffisante sur le mécanisme réel de fonctionnement des produits Aristophil notamment sur l'existence, d'une part, d'un risque de perte en capital si la collection n'est pas cédée à terme ou cédée à un prix de marché fixé de gré à gré ou à dire d' expert et, d'autre part, d'un risque d'absence de rendement si la société Aristophil ne rachète pas la collection à terme à la valeur initiale augmentée de 8,75 % par an,
Or, Mme [B] aurait dû bénéficier d'une information complémentaire sur la situation de son placement et sur ses perspectives d'avenir dans l'hypothèse où la société Aristophil n'opterait pas pour le rachat des collections ce d'autant plus que tant le contrat que les supports d'information ne comportaient la moindre mention sur l'option alternative au cas où la société Aristophil ne levait pas l'option de l'achat de la collection en cause.
Il appartenait donc au conseiller en gestion de patrimoine de délivrer l'information tenant à l'absence de sécurité de tout rendement du fait du caractère hypothétique du rachat in fine des biens acquis, ce que ce dernier n'établit pas.
Alors qu'aux termes de son dossier « connaissance du client », Mme [B] avait expressément précisé rechercher un placement en vue de réduire sa base taxable à l'ISF et de valoriser son capital, cet objectif ne pouvait pas être atteint en l'absence de rachat par la société Aristophil.
En effet, seul le rachat par la société Aristophil de la collection ou des droits indivis sur une collection était susceptible de lui procurer une contrepartie financière à son investissement.
En s'abstenant de prévenir Mme [B] du danger encouru de se trouver dans une situation incompatible avec le but qu'elle recherchait, la société Ltc n'a donc pas accompli des diligences suffisantes pour l'informer et la conseiller sur l'opportunité du placement dans les produits proposés par la société Aristophil.
En outre, largement informée sur les chances de succès de l'opération envisagée et sur la prétendue sécurisation de son placement compte tenu des garanties souscrites par Aristophil auprès de la Lloyd's, en particulier la garantie de valeur du prix d'acquisition des lettres et manuscrits qui s'est révélée n'être qu'une garantie en cas de vol, incendie et détérioration des biens, Mme [B] n'a pas du tout été alertée sur ces risques de sorte que son choix de souscrire les placements litigieux n'a pas été suffisamment éclairé.
Si les produits Aristophil ont effectivement été l'objet d'un certain engouement dont la presse se faisait l'écho et qu'à l'époque des contrats souscrits par Mme [B], la société Aristophil était encore florissante, l'UFC Que Choisir avait déjà fait part de ses interrogations sur le modèle économique de cette société en 2011 et l'Autorité des marchés financiers recommandait la plus grande prudence face à ces placements atypiques dès le 29 octobre 2007 puis le 12 décembre 2012.
De telles alertes intervenues antérieurement à la souscription des deux contrats par Mme [B] auraient dû inciter les conseillers en gestion du patrimoine à procéder à une analyse des risques qui lui aurait permis de délivrer des informations et un conseil adaptés, notamment concernant l'hypothèse de l'absence de rachat de ses droits indivis dans les collections.
En définitive, en considération de la complexité et de l'incertitude s'attachant à un tel montage contractuel, la société Ltc n'établit pas avoir apporté à Mme [B] une information précise et complète sur les produits commercialisés, alors qu'au regard de son caractère général et abstrait, la seule mention par cette dernière qu'elle reconnaît avoir bénéficié des « informations données au client sur les conséquences fiscales et/ou financières de l'opération » ne permet pas à la cour de s'assurer tant du contenu que de la pertinence de l'information effectivement délivrée. Elle ne démontre pas davantage qu'elle a apporté un conseil approprié à Mme [B], en tant qu'investisseur non-averti, sur les risques des placements envisagés dans les conditions contractuelles que proposait la société Aristophil compte tenu du mécanisme de la promesse de vente stipulée aux contrats litigieux alors qu'elle n'était pas dispensée de son devoir de conseil quant au caractère aléatoire de la valorisation du capital placé par Mme [B] dans l'achat des produits Aristophil.
La responsabilité de la société Ltc est ainsi engagée.
En revanche, le manquement allégué à une obligation de loyauté de celle-ci n'est pas établi et ne saurait résulter de la perception prétendument élevée de commissions par la société Ltc.
S'agissant du contrat 25 mars 2014
Il ressort du dossier connaissance client afférent au contrat du 25 mars 2014 portant sur l'acquisition de 20 parts dans l'indivision Florilège de grands manuscrits au prix de 50 000 euros que Mme [B] a elle-même choisi les caractéristiques de son investissement en dépit des recommandations de son conseiller.
Contrairement aux assertions de la Mma, cette mention n'implique nullement que le conseiller en gestion du patrimoine a déconseillé à Mme [B] le principe de cet investissement, seules ses caractéristiques ayant été en discussion et non le risque de perte de valeur de la collection comme le soutient la société Ltc sans le démontrer.
La cour relève en effet que le premier contrat du 13 décembre 2013 portait sur un investissement représentant moins de 10 % du patrimoine de Mme [B] tandis que cette proportion a été majorée dans le contrat du 25 mars 2014 comme représentant 10 à 20 %. Ainsi seul l'impact patrimonial de son investissement a été choisi par Mme [B].
En toute hypothèse, à supposer que Mme [B] ait effectivement souscrit cet investissement en dépit des recommandations de son conseiller en gestion de patrimoine, encore faut-il que ce dernier démontre qu'il lui a délivré une information intégrale relativement au produit Aristophil et au mécanisme d'investissement litigieux ce qu'est n'est pas le cas ainsi qu'il a été dit.
Alors que le contrat de vente de parts dans l'indivision et le dossier connaissance client comportent des mentions identiques à celles figurant dans le montage datant du 13 décembre 2013, à l'exception de la mention que la promesse de vente « s'effectuera au prix de base de vente qui figure au contrat augmenté de 43,75 % brut par période entière de 5 années, soit à un prix de 71 875 euros », les mêmes motifs justifient que la responsabilité de société Ltc soit retenue en raison du manquement à son obligation d'information et de conseil à l'occasion de la souscription du contrat du 25 mars 2014.
Sur la garantie des assureurs de responsabilité
Sur la garantie de la Mma :
La société Mma ne dénie pas sa garantie mais entend voir appliquer la franchise contractuelle.
La société [E] [Y] Consultant soutient que la garantie responsabilité civile professionnelle souscrite à effet au 1er mars 2013 auprès de la Mma, venant aux droits de Covea Risks, est due alors qu'il a procédé à une déclaration de sinistre le 26 novembre 2018 ajoutant que le contrat n'est pas conclu en base réclamation et qu'il n'a pas été résilié le 15 novembre 2016.
Sur ce,
La cour observe que la société Mma ne conteste plus sa garantie à l'égard de la société Ltc qui a souscrit une police garantissant sa responsabilité professionnelle.
Il convient donc de faire droit à la demande de la société Ltc et de condamner la société Mma à la garantir de toutes condamnations prononcées en faveur de Mme [B] au titre du sinistre qu'il a déclaré 26 novembre 2018 dans la limite de la franchise contractuelle de 3 000 euros.
Sur la garantie de la société Cna
La Cna soutient que :
la société Ltc n'a pas la qualité d'assuré au titre de la police n° FN 1608 souscrite alors en outre que la responsabilité de celle-ci est recherchée au titre d'un défaut de conseil expressément exclu du champ des garanties de cette police.
seule la police n° FN 1925 souscrite par la société Art Courtage au profit de ses mandataires, a été souscrite sur une base réclamation
or, la réclamation du 8 novembre 2018 est postérieure à l'expiration des garanties de la police n° FN 1925 sans qu'aucune garantie subséquente n'ait pris effet, la responsabilité de la société Ltc étant assurée auprès de la société Mma [K], la police n° FN 1925 ayant été résiliée suivant avenant du 6 février 2015 à effet du 31 décembre 2014
quand bien même cette résiliation ne serait pas opposable à Mme [B], la police n° FN 1925 a été frappée de caducité du fait de la liquidation de la société Art Courtage prononcée suivant jugement du 29 janvier 2015 et n'a en tout état de cause pas été renouvelée à sa date anniversaire, le 31 décembre 2015
la société Ltc n'a commis aucune faute résultant d'un manquement à son obligation d'information et de conseil
Subsidiairement, elle entend voir appliquer ses plafonds de garantie et franchise contractuels. Le montant des condamnations séquestrées par elle devra être réparti, dans la limite du plafond de garantie de 2.000.000 €, au marc l'euro des indemnités allouées par des décisions de justice irrévocables entre l'ensemble des investisseurs dont le sinistre se rattache à la période de garantie subséquente, c'est-à-dire dont la première réclamation se situe entre le 1er janvier 2015 (ou le 30 janvier 2015, ou le 1er janvier 2016) et le 31 décembre 2019.
La société Ltc étant assurée auprès de Mma, il convient de faire application des règles applicables en matière de cumul d'assurances conformément à l'article L. 121-4 du code des assurances.
La société Ltc affirme qu'il bénéficiait d'une assurance responsabilité civile professionnelle auprès de la société Cna par l'intermédiaire de la société Finestim et que le contrat Fn 1608 doit s'appliquer.
Mme [B] fait valoir que la société Ltc est bénéficiaire de la police FN 1925 souscrite par la société Art Courtage auprès de la société Cna, que cette police n'a pas été résiliée par le mandataire judiciaire après le redressement judiciaire de la société de sorte que le contrat demeure en vigueur. Cette police fonctionne sur la base réclamation laquelle remonte à 2018, le seul plafond applicable est de 2 000 000 euros par période d'assurance avec une franchise de 3 000 euros par sinistre et la société Cna ne justifie pas de l'épuisement de sa garantie résultant du versement effectif à une victime pour des sinistres de l'exercice 2018.
Sur ce,
Sur la garantie applicable
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il résulte de ces dispositions que lorsque le bénéfice du contrat qui a été souscrit auprès d'un assureur de responsabilité est invoqué, non par l'assuré, mais par la victime du dommage, laquelle est un tiers, c'est à l'assureur qu'il incombe de démontrer, en versant le contrat aux débats, qu'il ne doit pas sa garantie pour le sinistre objet du litige.
La société Ltc se prévaut du contrat d'assurance n° FN 1608 qui aurait été souscrit par la société Finestim auprès de la société Cna sans toutefois produire ce contrat.
La société Cna produit les conditions spéciales de ladite police effectivement souscrit par la société Finestim qui prévoit qu'ont la qualité d'assurés les dirigeants ainsi ceux des filiales de la société Finestim, ses employés, les conjoints des assurés et les héritiers, de sorte que la société Ltc ne peut se prévaloir de sa qualité d'assurée de la Cna au titre du contrat n° FN 1608.
Il est au contraire établi que la société Art Courtage a souscrit auprès de la société Cna une police n° FN 1925 aux fins de garantir la responsabilité civile de ses mandataires, dont la société Ltc, et que les garanties de ce seul contrat d'assurance auraient vocation à être mobilisées.
Cette police, renouvelable chaque année, a en effet été initialement souscrite avec prise d'effet au 1er novembre 2008 et a été tacitement reconduite.
L'article L. 124-5, alinéa 4 du code des assurances dispose que « la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie ».
L'article 5 des conditions générales de ce contrat, relatif à l'application de la garantie dans le temps, prévoit que « la garantie, objet du contrat est déclenchée par la réclamation et couvre les assurés contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée aux assurés ou à leur assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu des assurés postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où les assurés ont eu connaissance de ce fait dommageable, l'assureur ne couvre pas contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que les assurés avaient connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie ».
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation est fixé à 5 ans.
Ainsi, dans un tel contrat souscrit en base réclamation, l'assureur apporte sa garantie à son assuré lorsque la réclamation du tiers lésé est adressée à l'assureur ou à cet assuré pendant la période de validité de la garantie souscrite.
Pour autant, la société Cna a procédé à la résiliation du contrat d'assurance à compter du 31 décembre 2014 par avenant du 6 février 2015
Les faits dommageables sont intervenus antérieurement à la date de résiliation du contrat.
La première réclamation de Mme [B] résulte d'une mise en demeure adressée le 8 novembre 2018 à la société Ltc, assurée pour compte par le contrat souscrit par la société Art Courtage.
Si la prise d'effet de la résiliation est antérieure au 8 novembre 2018, la réclamation a en revanche, été adressée à l'assuré pendant la période subséquente de cinq ans à compter de la résiliation du contrat, laquelle a ainsi pris fin au 31 décembre 2019 / 2020.
D'une part, la résiliation du contrat de même que sa prétendue caducité, au motif allégué de la disparition du risque du fait de la liquidation de la société Art Courtage prononcée suivant jugement du 29 janvier 2015, ne font pas obstacle à la garantie déclenchée par la réclamation qui couvre l'assuré à partir du moment où le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et la réclamation a été faite auprès de l'assureur entre date d'effet initiale de la garantie et l'expiration du délai subséquent à la date d'expiration prévue dans le contrat d'assurance.
D'autre part, lors que la société Ltc a eu ainsi connaissance des faits dommageables postérieurement à la date de résiliation, la société Art courtage, souscriptrice du contrat litigieux, n'a toutefois pas resouscrit de nouvelle garantie de responsabilité déclenchée par la réclamation couvrant le même risque.
En effet, les dispositions de l'article L. 124-5 du code des assurances ne régissent que l'hypothèse de la succession dans le temps d'assurances de responsabilité civile, et non celle d'un cumul d'assurances de responsabilité.
Il en résulte que l'existence d'une assurance de responsabilité antérieurement souscrite par la société Ltc auprès de la Mma, qui n'a ainsi pas succédé à celle souscrite par la société Art Courtage auprès de la Cna, est indifférente.
Enfin, le moyen tiré de l'absence de faute du conseiller en gestion de patrimoine articulé par la société Cna est totalement inopérant au regard des développements précédant consacrés à sa responsabilité.
La Cna doit par conséquent sa garantie pendant la période subséquente de 5 ans au titre de la police n°FN 1925.
La Cna n'est pas fondée à soutenir que toutes les réclamations formulées au titre de la souscription de produits Aristophil par l'intermédiaire de ses assurés la société Art Courtage France et de ses mandataires, constitueraient un seul et unique sinistre soumis à un unique plafond de garantie en raison de l'unicité du fait dommageable ou en tout cas d'une même cause technique aux faits dommageables puisque les dispositions de l'article L.124-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue, comme en l'espèce, par un professionnel en cas de manquement à ses obligations d'information et de conseil lesquelles, individualisées par nature, excluent l'existence d'une cause technique au sens de ce texte permettant de les assimiler à un fait dommageable unique.
Sur le plafond de garantie applicable
L'article L. 124-1-1 du code des assurances qui énonce que constitue un sinistre tout dommage ou tout ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.
Aux termes des conditions particulières du contrat n°FN 1925, « constitue un seul et même sinistre, au titre de la responsabilité civile professionnelle, toutes les réclamations résultant d'une même faute professionnelle ou d'une même série de fautes professionnelles ».
L'article 4 des conditions générales du contrat n°FN 1925 énonce que « le montant des garanties est indiqué à l'article 11 des conditions particulières et constitue l'indemnité maximum à laquelle est tenu l'assureur pour l'ensemble des réclamations introduites à l'encontre des assurés pendant la période d'assurance et entrant dans le cadre des garanties du présent contrat ».
L'article 5 de ces mêmes conditions générales relatif à l'application de la garantie dans le temps prévoit que « le plafond de garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l'année précédant la date de résiliation du contrat. Ce plafond s'épuise par les sinistres successifs relevant du délai subséquent, sans reconstitution. L'ensemble de ces sinistres est imputé à la dernière période d'assurance au cours de laquelle le contrat est résilié ».
La clause 11 des conditions spéciales de la police d'assurance, modifié par avenant n°6 du 22 mai 2012, prévoit que la responsabilité civile professionnelle des assurés est garantie, tous dommages confondus y compris corporels, dans la limite d'un plafond de 2 000 000 euros par période d'assurance.
Il résulte de ces dispositions contractuelles que le plafond de garantie s'applique également pendant le délai subséquent de 5 ans prévue par l'article L.124-5 alinéa 4 du code des assurances en cas de résiliation ou d'expiration des garanties.
Alors que les conditions particulières de la police n°FN1925 du 10 décembre 2008 prévoient un plafond de garantie par sinistre et par période d'assurance, l'avenant n°6 du 22 mai 2012 prend en compte la seule période d'assurance de sorte que le moyen tiré du caractère sériel du sinistre est inopérant.
Ce plafond de garantie par période d'assurance, stipulé à hauteur de 2 000 000 euros aux conditions spéciales, s'applique à l'ensemble des réclamations formulées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018 à l'encontre de l'ensemble des assurés de la police n°FN 1925.
Le plafond de garantie de 2 000 000 euros, en application de l'article 4 de la police d'assurance, constitue en effet l'indemnité maximale à laquelle est tenu l'assureur pour l'ensemble des réclamations introduites à l'encontre des assurés pendant la période d'assurance.
La Cna, qui ne démontre pas que le plafond de 2.000.000 euros garantissant les condamnations prononcées à la suite de réclamations formulées en 2018 contre les assurés de la police n°FN1925 est atteint alors qu'elle se prévaut de condamnations prononcées à son encontre et exécutées dans le cadre de procédures dont le sinistre se rattache à la période de garantie subséquente, c'est-à-dire dont la première réclamation se situe entre le 1er janvier 2015 (ou le 30 janvier 2015, ou le 1er janvier 2016) et le 31 décembre 2019 et non à la seule année 2018.
En conséquence, il n'y a pas lieu de débouter Mme [B] de sa demande de paiement et d'ordonner le séquestre des sommes allouées à cette dernière, telles que garanties par la société Cna auprès de la Caisse des dépôts et consignations, pour assurer une répartition entre elles au marc l'euro selon le principe de proportionnalité, dans l'attente des décisions définitives statuant sur les réclamations intervenues durant l'année 2018.
La réclamation se rattachant à la période d'assurance comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, la société Cna sera condamnée à garantir son assurée, la société Ltc, dans la limite du plafond de 2 000 000 euros applicable à toutes les condamnations prononcées à l'encontre de quelque tiers que ce soit au titre des réclamations formulées dans le cadre de la police n°FN 1925 au cours de l'année 2018.
Sur la franchise applicable
Selon l'article 4 des conditions générales du contrat, « les garanties interviennent sous déduction des franchises fixées à l'article 11 des conditions particulières » lesquelles prévoient une franchise de 3 000 euros par sinistre.
Dès lors, la garantie de la société Cna est donc due à la société Ltc sous déduction de la franchise de 3 000 euros, pour les sommes auxquelles elle est condamnée au paiement au profit de Mme [B] au titre des contrats des 14 décembre 2013 et 21 mars 2014.
Sur le cumul d'assurance
Aux termes de l'article L. 121-4 du code des assurances, « celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs par plusieurs polices, pour un même intérêt, contre un même risque, doit donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres assureurs.
L'assuré doit, lors de cette communication, faire connaître le nom de l'assureur avec lequel une autre assurance a été contractée et indiquer la somme assurée.
Quand plusieurs assurances contre un même risque sont contractées de manière dolosive ou frauduleuse, les sanctions prévues à l'article L. 121-3, premier alinéa, sont applicables.
Quand elles sont contractées sans fraude, chacune d'elles produit ses effets dans les limites des garanties du contrat et dans le respect des dispositions de l'article L. 121-1, quelle que soit la date à laquelle l'assurance aura été souscrite. Dans ces limites, le bénéficiaire du contrat peut obtenir l'indemnisation de ses dommages en s'adressant à l'assureur de son choix.
Dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun d'eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l'indemnité qu'il aurait versée s'il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il avait été seul.»
En l'espèce, chacune des assurances couvrant la responsabilité civile professionnelle de la société Ltc produira donc ses effets dans la limite des garanties souscrites et sous réserve, dans les rapports entre assureurs, d'accorder une priorité à la garantie souscrite en base fait dommageable conformément aux dispositions de l'article L. 124-5, alinéa 6 du code des assurances.
Sur le préjudice et le lien de causalité
Sur la perte de chance
La Mma considère que Mme [B] n'apporte pas la preuve d'un préjudice certain et actuel alors que la vente aux enchères des biens composant les collections dans lesquelles Mme [B] a investi, générera un remboursement de tout ou partie des prix d'acquisition. La perte de chance n'est pas démontrée alors qu'elle ne démontre pas qu'elle aurait pu trouver un produit similaire à l'époque. Le lien de causalité entre cette perte de chance et la faute n'est pas établi.
La société LTC soutient que le préjudice allégué n'est ni actuel ni certain.
La Cna prétend que les préjudices invoqués sont en réalité la conséquence de la liquidation de la société Aristophil et des man'uvres frauduleuses commises par son dirigeant et qu'il n'existe donc aucun lien de causalité entre ces préjudices et la faute de la société Ap Consulting. En outre, les pertes alléguées ne peuvent donner lieu qu'à une réparation partielle au titre d'une simple perte de chance de ne pas contracter si elle avait été autrement informée ou conseillée laquelle ne peut être fixée à 95 % comme elle le demande. Or, alors qu'elle a souscrit les investissements litigieux au vu de documents pré-contractuels clairs et dépourvus d'ambiguïtés, cette perte de chance est nulle voire très réduite.
Sur ce,
Lorsqu'il ne peut être tenu pour certain qu'un dommage ne serait pas advenu ou n'aurait pas présenté la même gravité en l'absence de faute, une réparation ne peut être envisagée que sur le fondement de la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé.
La perte de chance, même minime, présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, dont le caractère certain doit être établi. Sa réparation ne peut être écartée que s'il peut être tenu pour certain que la faute n'a pas eu de conséquence sur une telle disparition.
L'éventualité favorable dont la victime d'une perte de chance doit avoir été privée peut consister en la possibilité de bénéficier d'un gain.
Indépendamment de la problématique des malversations commises et de la liquidation de la société Aristophil, le lien de causalité est bien caractérisé entre le défaut d'information et de conseil et la perte de chance.
S'agissant d'un manquement à une obligation d'information et à un devoir de conseil, il est admis de manière constante qu'il s'évalue en termes de perte de chance.
La perte de chance de ne pas contracter des produits Aristophil est certaine dès lors que les manquements de la société Ltc à son obligation d'information et de conseil sur les risques liés à l'investissement proposés à Mme [B] ont privé cette dernière d'une chance de ne pas contracter et d'éviter les risques "de perte du capital lié à un type d'investissement complexe et atypique, présentant un caractère aléatoire mais également celui d'une liquidation judiciaire, qui s'est réalisé ".
Eu égard à la nature du placement proposé, au patrimoine déjà constitué de Mme [B] et à la proportion de l'investissement en litige dans celui-ci ainsi qu'aux objectifs financiers et fiscaux de celle-ci, la proportion de 75% retenue par les premiers juges au titre de la perte de chance est justifiée et assure la réparation intégrale de son préjudice.
Ce pourcentage doit s'appliquer à l'investissement nominal effectué, déduction faite de la valeur moyenne estimée pour les biens repris et sans considération pour le rendement espéré.
La société Mma n'est pas fondée à objecter que le préjudice n'est pas certain et/ou actuel au motif qu'il ne serait pas encore possible de chiffrer la perte subie par Mme [B] alors que la liquidation judiciaire de la société Aristophil est ouverte depuis le 9 décembre 2014, que les ventes aux enchères de ses collections ont commencé le 10 décembre 2017 et se sont déroulées chaque année jusqu'en 2023 sans qu'il ne soit établi la réalité de ventes ultérieures significatives des collections litigieuses.
Il est établi que le produit des ventes réalisées entre 2017 et 2020 a permis à Mme [B] de recouvrer une somme totale de 8 277,44 euros sur les 200 000 euros investis dans les manuscrits de la mer morte à l'Illiade et celle de 2 865,82 euros sur les 50 000 euros investis dans la collection Florilège des grands manuscrits, soit environ 5% du capital.
Ainsi, le préjudice de Mme [B] sera condamné à réparer s'établit, par infirmation du jugement,
(200 000 ' 8 277,44) x 75% = 143 791,92 euros
(50 000 ' 2 865,82) x 75% = 35 350,63 euros
Soit la somme de 179 142,53 euros.
Sur le préjudice résultant de l'immobilisation du capital
La Mma soutient que la perte de chance de faire fructifier, en souscrivant à un contrat d'assurance-vie, les intérêts en résultant pendant cinq années n'est pas en lien avec le manquement à son obligation de conseil du conseiller en gestion du patrimoine qui n'est pas tenu à une obligation de résultat et alors en outre que Mme [B] entendait faire fructifier son capital en investissant dans un produit à fort rendement.
Selon la Cna, le taux de 2,50 % sur lequel la demanderesse se fonde s'agissant des fonds en euros est un taux avant imposition est erroné et ne permet donc en rien de connaître le rendement qu'aurait apporté un tel investissement. En outre, Mme [B] était à la recherche d'autres investissements que des investissements plus classiques, type assurances vie libellées en euros
Le manquement de la société Ltc à ses obligations d'information et de conseil est de nature à priver Mme [B], non pas de son capital investi ou du rendement qui leur avait été promis au bout de cinq années, mais de la chance de ne pas avoir investi dans ce produit Aristophil et d'avoir investi, le cas échéant, dans un produit conforme à ses attentes.
Dès lors, il ne peut être pris en compte d'autre préjudice financier que celui qui résulte de la perte de chance de sorte que la demande indemnitaire en réparation de l'immobilisation du capital pendant 5 ans, à hauteur de la somme de 26 900 euros, sera rejetée.
En définitive, le jugement critiqué sera réformé en ce qu'il a alloué à Mme [B] la somme de 217 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance incluant le préjudice lié à l'immobilisation du capital indemnisé à hauteur de la somme de 26 900 euros. En conséquence, la société Ltc, la société Mma et la société Cna seront condamnées in solidum à payer à Mme [B] la somme de 179 142,53 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Sur les intérêts
Aux termes de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
S'agissant d'une créance indemnitaire, les intérêts au taux légal ne peuvent courir qu'à compter du jugement du 18 novembre 2022 et non à compter de la mise en demeure du 12 novembre 2018.
Par ailleurs, aux termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
Si la demande en justice n'est plus une condition d'application de l'anatocisme judiciaire, le cours des intérêts constitue toutefois la condition préalable d'une telle capitalisation annuelle.
Il en résulte que la capitalisation des intérêts au taux légal échus, dus au moins pour une année entière, courra à compter du jugement critiqué.
Sur les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles
Le sens du présent arrêt conduit :
d'une part, à infirmer le jugement critiqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile relativement à la condamnation de la société Ap Consulting
et, d'autre part, à condamner in solidum les sociétés Ltc, Mma et Cna , outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 3 000 euros civile à titre d'indemnité de procédure en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure
Aucune considération tirée de l'équité ne justifie l'application de ces mêmes dispositions au profit des autres parties de sorte qu'elles seront déboutées de leur demande respective à ce titre étant précisé que la société Ap consulting n'est pas recevable à former une telle demande et que le mandataire liquidateur de cette société n'a pas conclu.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 18 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant et Ap Consulting à réparer le préjudice de perte de chance subi par Mme [H] [B] en lui versant la somme de 217 100 euros au titre de dommages-intérêts
condamné les sociétés Mma [K] et Cna Insurance Company (Europe) à garantir les condamnations prononcées à l'encontre de leurs assurées, les sociétés [E] [Y] Consultant et Ap Consulting
dit que cette somme produit intérêt légal à compter du 12 novembre 2018, date de réception de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts
débouté les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company de leurs demandes autres et contraires
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company aux entiers dépens de l'instance
condamné in solidum les sociétés [E] [Y] Consultant, Ap Consulting, Mma [K] et Cna Insurance Company à verser à Mme [H] [B] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Réformant le jugement de ces chefs et statuant à nouveau :
Condamne in solidum la société [E] [Y] Consultant, la société Mma [K] et la société Cna Insurance Company (Europe), à payer à Mme [H] [B] la somme de 179 142,53 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2022 ;
Dit que la garantie de la société Cna Insurance Company (Europe) est due après application d'une franchise de 3000 euros et dans la limite du plafond de 2 000 000 euros applicable à toutes les condamnations prononcées à l'encontre de quelque tiers que ce soit au titre des réclamations formulées dans le cadre de la police FN 1925 au cours de l'année 2018 ;
Dit que ces sommes allouées par le présent arrêt à Mme [H] [B] produiront intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2022, date du jugement critiqué ;
Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal échus, dus au moins pour une année entière, à compter du jugement critiqué ;
Déboute Mme [H] [B] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Ap Consulting et de son assureur, la société Cna Insurance Company (Europe) ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société [E] [Y] Consultant, la société Mme [K] et la société Cna Insurance Company (Europe) aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne in solidum la société [E] [Y] Consultant, la société Mme [K] et la société Cna Insurance Company (Europe à payer à Mme [H] [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que la demande formée par la Ap Consulting au titre des frais irrépétibles est irrecevable ;
Déboute la société [E] [Y] Consultant, la société Mme [K] et la société Cna Insurance Company (Europe) de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.