Livv
Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 19 juin 2025, n° 19/07263

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Digital Shape Technologies Inc (Sté)

Défendeur :

Digital Shape Technologies Inc (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Wyon

Conseillers :

Gauthier, Lecharny

Avocats :

SCP Jacques Aguiraud et Philippe Nouvellet, SELAS Fidal, SELARL LX Lyon, SELARL Osmose

TGI Lyon, 3e ch. cab. 3C, du 25 juin 201…

25 juin 2019

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 23 Mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Octobre 2023

Date de mise à disposition : 25 janvier 2024 prorogée 19 juin 2025 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience tenue par Anne WYON, président, et Thierry GAUTHIER, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Le groupe Digital Shape Technologies Inc., société de droit québecois (société DST) se présentait en 2012 comme le plus important fournisseur de logiciels et de services pour la gestion de portefeuilles alternatifs, avec une clientèle à l'échelle mondiale, constituée de sociétés de gestion de fonds, de banques privées et de sociétés figurant au palmarès Fortune-500 (offre d'emploi p.2 de Monsieur [R]).

Elle a notamment développé un logiciel commercialisé sous le nom de Webfolio, permettant la gestion globale de portefeuilles d'actifs en temps réel.

Le droit d'auteur sur ce logiciel a été enregistré auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada le 27 février 2013, avec pour titulaire la société DST et pour auteur M. [V] [F].

M. [L] [R] a été employé par la filiale services en Suisse du groupe (DST Switzerland SA, ci-après société DST suisse), à compter du 1er juin 2012, en qualité de chef de projet/manager, afin d'offrir un service d'assistance à l'emploi du logiciel Webfolio auprès des clients de cette société, dont l'objet social était le suivant : fourniture de tous services et conseils en matière d'organisation, de transformation des processus, d'architecture ou de stratégie aux entreprises du secteur financier (cf registre du commerce suisse p.40 de Monsieur [R]). Il a reçu dans ce cadre un ordinateur portable qui a été équipé du logiciel Webfolio en juillet 2012 ( sa p.12).

M. [R] a été licencié pour inconduite le 16 août 2012. Il a restitué son ordinateur portable le 06 septembre 2012.

Le 19 septembre 2012, le président de la société DST a été informé par le dirigeant de la société concurrente Infonic de ce qu'une personne lui avait proposé par courriel anonyme de lui fournir les codes sources, guides d'utilisation et guides techniques du logiciel Webfolio.

Soupçonnant M. [R] d'être l'auteur du courriel anonyme, la société DST a fait examiner son ordinateur portable par M. [H], expert privé, qui a déposé son rapport le 25 janvier 2013.

Sur autorisation du président du tribunal de grande instance de Lyon du 12 mars 2013, la société DST a fait pratiquer le 20 mars 2013 une saisie-contrefaçon au domicile de M. [R].

Par assignation signifiée le 11 avril 2013, elle a fait assigner M. [R] en contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Lyon.

La société DST a fait réaliser une expertise privée complémentaire de la première le 16 septembre 2015.

Par jugement du 25 juin 2019, le tribunal de grande instance a :

- débouté la société DST de sa demande tendant à voir écarter des débats une pièce créée par M. [R] ;

- écarté des débats l'annexe 3 de la pièce n°28 produite par la société DST ;

- débouté M. [R] de sa demande visant à écarter des débats les pièces n°15 et 28 à l'exception de son annexe 3 produites par la société DST ;

- débouté la société DST de sa demande en contrefaçon fondée sur le téléchargement

par M. [R] de 767 fichiers Webfolio et sur l'utilisation qu'il a faite du logiciel Webfolio entre le 17 et le 26 août 2012 ;

- dit que M. [R] s'est rendu coupable de contrefaçon du fait de l'exécution du logiciel Webfolio le 29 octobre 2012 et de sa copie, décomposition et mise sur le marché ;

- condamné en conséquence M. [R] à verser à la société DST la somme de 25.000 euros au titre du préjudice matériel découlant de la contrefaçon ;

- condamné M. [R] à verser à la société DST la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral découlant de la contrefaçon ;

- dit que M. [R] s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale / de parasitisme;

- condamné en conséquence M. [R] à verser à la société DST la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de concurrence déloyale/ parasitisme;

- débouté la société DST de ses demandes de publication du jugement ;

- débouté la société DST des demandes d'interdiction qu'elle forme s'agissant d'une application indépendante du logiciel Webfolio développée par M. [R] ;

- fait interdiction à M. [R] de détenir et commercialiser toute copie totale ou partielle contrefaisante du logiciel Webfolio, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée;

- dit que la société DST a porté atteinte à la vie privée de M. [R] ;

- condamné la société DST à verser à M. [R] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la vie privée de M. [R] ;

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision ;

- condamné M. [R] aux entiers dépens de la présente instance, incluant les frais de saisie-contrefaçon ;

- condamné M. [R] à verser à la société DST la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

La société DST a relevé appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 22 octobre 2019.

M. [R] a interjeté appel de ce même jugement selon décaration enregistrée le 02 décembre 2019.

Les appels ont été joints par ordonnance du 03 novembre 2020.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 14 janvier 2021, la société DST demande à la cour, au visa de la Convention de [Localité 5] pour la protection des 'uvres littéraires et artistiques, des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle et notamment les articles L. 122-4, L. 122-6 et L. 331-1-3 de ce code, du Titre Septième, Sous-titre II du code de procédure civile et notamment les articles 143 et suivants et 263 et suivant de ce code, des articles 564 et suivants du même code, et de l'article 1240 du code civil de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon déféré en ce qu'il a :

' débouté M. [R] de sa demande visant à écarter des débats le rapport d'expertise du 25 janvier 2013, à l'exception de son annexe 3, et le rapport d'expertise complémentaire du 16 septembre 2015,

' dit que M. [R] s'est rendu coupable de contrefaçon du fait de l'exécution du logiciel Webfolio le 29 octobre 2012 et de sa copie, décompilation et mise sur le marché,

'dit que M. [R] s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale/ parasitisme,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon déféré pour le surplus et statuant à nouveau :

A titre principal,

- juger que M. [R], en téléchargeant la documentation technique le 10 août 2012, en la copiant le 23 août 2012 à l'occasion de la copie complète du disque dur et en l'offrant à la vente, a commis des actes de contrefaçon,

- juger irrecevable la prétention nouvelle invoquée en cause d'appel selon laquelle la preuve de l'originalité du logiciel Webfolio n'est pas rapportée,

- juger en toute hypothèse que la loi applicable à la protection des 'uvres est la loi canadienne qui fait présumer l'originalité du fait du dépôt du logiciel Webfolio auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada et qu'en tout état de cause la preuve de l'originalité du logiciel Webfolio est rapportée,

confirmant que M. [R] s'est rendu coupable de contrefaçon du fait de l'exécution du logiciel Webfolio le 29 octobre 2012 et de sa copie, décompilation et mise sur le marché,

- condamner M. [R] à lui verser :

'la somme de 44.163,5 euros au titre du préjudice matériel découlant de la contrefaçon du fait de la copie en date du 23 août 2012 et de l'exécution en date du 29 octobre 2012 du logiciel Webfolio,

'la somme de 50.000 euros au titre du préjudice matériel découlant de la contrefaçon du fait de la copie par téléchargement en date du 10 août 2012 et de la copie en date du 23 août 2012 de la documentation technique du logiciel Webfolio,

'la somme de 50.000 euros au titre du préjudice matériel découlant de la contrefaçon du fait de la décompilation du logiciel Webfolio,

'la somme de 2.000.000 euros au titre du préjudice matériel découlant de la contrefaçon du fait de la mise sur le marché du logiciel Webfolio et de sa documentation technique,

- condamner M. [R] à lui verser la somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral découlant de la contrefaçon,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour d'appel viendrait à retenir que la preuve de l'originalité de la documentation technique et/ou du logiciel Webfolio n'est pas rapportée, prétention invoquée pour la première fois en cause d'appel et donc nouvelle:

- juger que M. [R] en téléchargeant la documentation technique le 10 août 2012, en la copiant le 23 août 2012 à l'occasion de la copie complète du disque dur et en l'offrant à la vente, en exécutant le logiciel Webfolio le 29 octobre 2012, en le copiant, le décompilant et en le mettant sur le marché a commis des actes de parasitisme,

- condamner M. [R] à lui verser la somme de 2.093.815 euros de dommages et intérêts en réparation des détournements d'investissement, outre celles de 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation de l'avantage concurrentiel illicitement tiré par M. [R] de ses agissements déloyaux et parasitaires et de 22.081,75 euros résultant du manque à gagner,

- condamner M. [R] à lui verser la somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral découlant des actes de parasitisme,

en tout état de cause :

- condamner M. [R] à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de parasitisme du fait du fait du développement d'une application indépendante,

- condamner M. [R] à détruire l'ensemble des supports de l'application indépendante développée sur la base du logiciel Webfolio, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, applicable rétroactivement à compter de la date de la décision à intervenir, s'il était ultérieurement démontré le non-respect de cette condamnation,

- condamner M. [R] à détruire l'ensemble des éléments, fichiers, codes sources, codes exécutables, documentation technique, documentation utilisateur relatifs au logiciel Webfolio, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, applicable rétroactivement à compter de la date de la décision à intervenir, s'il était ultérieurement démontré le non-respect de cette condamnation,

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 70.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Romain Laffly, avocat, sur son affirmation de droit.

Par conclusions récapitulatives déposées le 25 janvier 2021, M. [R] demande à la cour, au visa des articles L. 122-4, L. 122-6 et L. 331 et suivants du code de la propriété lntellectuelle, des articles 9 et 1240 du code civil, des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, des articles 5, 16, 146 et 564 du code de procédure civile, du code du travail suisse, de :

confirmant le jugement,

- dire et juger que la société DST ne rapporte pas la preuve du caractère original de la documentation technique afférente au logiciel Webfolio,

- dire et juger que le téléchargement de 728 fichiers relatifs à la documentation technique et à l'utilisation du logiciel Webfolio, autorisé par la société DST ne saurait être considéré comme un acte de reproduction illicite du logiciel, et partant comme un acte de contrefaçon au sens de l'article L.122-6 du code de la propriété intellectuelle,

- dire et juger que l'exécution du logiciel Webfolio entre les 17 et 29 août 2012 alors que M. [R] était salarié de DST Suisse et pouvait légitimement utiliser le logiciel ne constitue pas un acte de contrefacon de droit d'auteur,

- dire et juger mal fondée la demande de destruction sous astreinte de l'application indépendante qui aurait été développée par M. [R], la preuve d'un tel développement n'étant pas rapportée,

- dire et juger qu'en recherchant, consultant, et divulguant des courriels à caractère privé sur l'ordinateur portable mis à disposition de M. [R], la société DST a porté atteinte au secret des correspondances et à l'intimité de la vie privée et sentimentale de M. [R],

réformer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau :

- débouter la société Digital Shape Technologies de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- dire et juger que l'expertise privée non contradictoire en date des 25 janvier 2013 et 16 septembre 2015 porte atteinte à sa vie privée et constitue une preuve déloyale, non légalement admissible,

- dire et juger que la société DST, qui n'est pas l'employeur de M. [R], n'avait aucune légitimité pour mener des investigations sur l'ordinateur portable mis à la disposition par la société DST Suisse, sans autorisation judiciaire et hors la présence de M. [R], violant le principe du contradictoire et rendant nulle l'expertise diligentée les 25 janvier 2013 et 16 septembre 2015,

- dire et juger que l'expertise privée non contradictoire en date des 25 janvier 2013 et 16 septembre 2015 est entachée d'irrégularités la privant de tout credit et fiabilité,

- dire et juger que l'expertise privée non contradictoire en date des 25 janvier 2013 et 16 septembre 2015 constitue une preuve non recevable comme non loyale et non légalement admissible, laqueile doit etre écartée des débats,

- dire et juger que la collecte de fichiers et messages professionnels comme personnels n'est pas conforme aux dispositions francaises et suisses sur la protection des données personnelles en ce que le salarié n'a pas été informé au préalable, et partant ne constituent pas une preuve légalement admissible,

- dire et juger que l'expertise privée non contradictoire en date des 25 janvier 2013 et 16 septembre 2015 ne constitue pas une preuve légalement admissible, probante et suffisante de la contrefaçon alléguée, du fait de son défaut de fiabilité, intégrité et garantie de conservation de la preuve,

- à tout le moins, écarter des débats les annexes 5 et 6 du rapport du 25 janvier 2013 comme ne constituant pas une preuve probante,

- dire et juger que le droit francais est applicable pour apprécier l'existence des actes de contrefaçon de droit d'auteur allégués,

- dire et juger irrecevables comme nouvelles et mal fondées les demandes tendant à voir reconnaitre le caractère original de la documentation technique, ainsi que du logiciel Webfolio, et partant le droit de protection au titre du droit d'auteur,

- dire et juger que la preuve formelle de la copie du logiciel n'est pas rapportée,

- dire et juger que le droit suisse est seul applicable pour apprécier la date de fin du contrat de travail de M. [R],

- dire et juger que M. [R] était salarié de DST Suisse jusqu'au 31 octobre 2012,

- dire et juger que l'utilisation ou l'exécution par M. [R] du logiciel Webfolio, alors qu'il était salarié de DST Suisse ne saurait être qualifiée de contrefaisante,

- dire et juger que Ia preuve d'une quelconque decompilation du logiciel litigieux imputable à M. [R] n'est pas rapportée,

- dire et juger qu'aucun acte d'offre à la vente et/ou mise sur le marche du logiciel Webfolio par M. [R] n'est caractérisé,

- dire et juger irrecevable comme nouvelle et encore prescrite la demande subsidiaire tendant à voir caracteriser des actes de parasitisme au titre de la copie, de l'exécution, de la décompilation et de l'offre en vente ou la mise sur le marche du logiciel Webfolio,

- dire et juger mal fondée la demande subsidiaire tendant à voir caractériser des actes de parasitisme au titre de la copie, de l'exécution, de la décompilation et de l'offre en vente ou la mise sur le marche du logiciel Webfolio,

- dire et juger que la preuve d'actes de parasitisme du fait du developpement d'une application indépendante imputables à M. [R] n'est pas rapportée,

- dire et juger irrecevables comme nouvelles et mal fondées Ies demandes indemnitaires formées au titre de la réparation de différents postes de préjudice,

- dire et juger que la preuve de l'étendue et du montant des préjudices matériels allegués n'est pas rapportée,

- dire et juger que la preuve d'un préjudice moral n'est pas rapportée,

- dire et juger que la preuve d'un préudice tiré d'actes de parasitisme n'est pas rapportée,

- débouter la société DST de ses demandes en réparation d'un quelconque préjudice comme mal fondées,

- ordonner le remboursement des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de M.[R] en réparation du préjudice et executées, soit la somme de 40.508,49 euros augmentés des intérêts au taux legal à compter du 19 décembre 2019, soit une somme totale à date de 41.888,89 euros,

- dire et juger mal fondées les demandes d'interdiction d'usage et destruction assorties d'une astreinte concernant le logiciel Webfolio,

- condamner la société DST à lui payer la somme de 130.000 euros au titre du préjudice résultant de l'atteinte au secret des correspondances et à l'intimité de la vie privée et sentimentale,

- condamner la société DST à lui payer la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et à lui rembourser l'indemnité payée de ce chef en première instance soit 10.000 euros, augmentée des intérêts au taux legal à compter du 1er décembre 2019, soit une somme totale à date de 10.340,68 euros,

- condamner la société DST aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraction faite au profit de Me Jacques Aguiraud, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, en ce inclus les frais de saisie contrefaçon.

Il est expressément référé aux écritures susmentionnées pour plus ample exposé des moyens développés à l'appui des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2021.

MOTIVATION

- sur la clôture

Par courriers des 26 et 29 mars 2021, les parties ont sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture. Le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande le 30 mars 2021.

Par conclusions déposées le 25 avril 2022, la société DST demande à la cour de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 23 mars 2021 et par voie de conséquence de déclarer irrecevables les conclusions aux fins de révocation de la clôture et les conclusions récapitulatives notifiées par M. [R] le 13 juillet 2021, de rejeter la demande tendant à ce que soient écartées ses conclusions notifiées le 22 mars 2021 et la pièce n°31bis communiquée le même jour, aux motifs qu'elle a respecté le calendrier de procédure fixé par le conseiller de la mise en état l'ayant enjointe de conclure au plus tard le 23 mars 2021 et que chacune des parties a conclu à quatre reprises.

Sur ce,

A défaut de justifier d'une cause grave, il n'y a pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et il s'ensuit que toutes les conclusions déposées après sa date sont irrecevables.

En concluant la veille de la clôture des débats alors que la date de la clôture avait été communiquée aux parties par message du 27 janvier 2021, la société DST, qui a conclu sur 8 pages supplémentaires, et a modifié ses demandes formées à titre subsidiaire, a privé son adversaire de toute possibilité d'y répondre avant la clôture des débats et ainsi contrevenu au principe du contradictoire. En conséquence, la cour, d'office, écarte les conclusions déposées au greffe le 22 mars 2021 par la société DST et la pièce produite à la même date, et statuera au vu des conclusions déposées par les parties les 14 et 25 janvier 2021.

'''''

- sur l'expertise et le complément d'expertise

Monsieur [R] reproche aux premiers juges d'avoir considéré que l'expertise privée non contradictoire effectuée sur l'ordinateur professionnel mis à sa disposition par son employeur plusieurs mois après sa restitution constituait une preuve recevable.

En premier lieu, il soutient qu'il a été porté atteinte à sa vie privée par l'expert qui a reproduit des messages à caractère privé et intime, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que la société DST Canada n'était pas son employeur et ne pouvait accéder à sa messagerie sans autorisation particulière et hors sa présence, et que l'extraction des traces de 41 messages privés, dont certains antérieurs à son embauche, caractérise une preuve déloyale qui n'est pas recevable.

En second lieu, il excipe des conditions de conservation de l'appareil qui sont inconnues, indique que la première expertise a eu lieu cinq mois après la restitution de l'appareil et l'expertise complémentaire trois ans plus tard, et qu'il n'est pas démontré l'absence d'accès, connexion ou manipulation avant les opérations expertales, alors que l'expert a constaté qu'une clé ou disque USB a été branché sur l'appareil entre le 10 et le 28 septembre 2012 (ses conclusions p 12) soit après sa restitution. Il estime l'expertise insuffisamment fiable.

Il ajoute que la société DST Canada n'est pas son employeur et n'avait aucune légitimité pour exploiter l'ordinateur, chaque entité formant le groupe de sociétés étant juridiquement autonome, et que DST Canada ne démontre pas l'existence de liens capitalistiques avérés avec DST Suisse, la convention de transfert d'action du 30 novembre 2004 étant insuffisante à cet égard.

Il fait en outre valoir qu'en application de la jurisprudence, qu'elle soit française ou suisse, la société DST ne pouvait recourir à une expertise privée non contradictoire sur l'ordinateur mis à la disposition d'un salarié sans autorisation judiciaire et hors sa présence et que ce mode de preuve est illicite.

En troisième lieu, il signale que le rapport du 25 janvier 2013 ne précise pas le numéro de licence OEM des systèmes d'exploitation alors que cette licence est indispensable à la réinstallation et l'exploitation des fichiers sur un autre ordinateur et qu'il n'a pas été trouvé trace du logiciel en cause lors de la saisie contrefaçon effectuée en mars 2013 sur son ordinateur personnel, que l'annexe du rapport de 2015 qui retranscrit des événements enregistrés fait apparaître plusieurs incohérences dans leur numérotation et leur datation, ce qui affecte la crédibilité de l'expertise, que l'utilisation du logiciel USB Deview par l'expert privé est contestable car il est peu fiable, l'expert ayant d'ailleurs indiqué en 2015 qu'il avait utilisé un autre logiciel (En Case), plus professionnel, sans en justifier.

Enfin, Monsieur [R] reproche à l'expert de n'avoir pas reproduit les fichiers de connexion (logs) qu'il a utilisés et de n'avoir pas justifié de l'utilisation du logiciel En Case pour vérifier les historiques de connexion et l'horodatage et déplore que le tribunal se soit fondé sur la seule capture d'écran du logiciel Webfolio annexée au rapport ainsi que sur un extrait d'événements du logiciel Acronis pour conclure qu'il avait procédé à une copie.

Il demande que la cour juge que les deux rapports d'expertise ne constituent pas une preuve recevable et les écarte des débats. Subsidiairement, il demande que soient écartées les annexes 5 et 6 du rapport de 2013.

La société DST répond qu'à l'exception de la pièce écartée par le tribunal, ses expertises ne contiennent aucun document issu de la messagerie personnelle de Monsieur [R] et qu'à juste titre le tribunal a décidé de ne pas les écarter des débats, qu'il est de jurisprudence constante, qu'elle cite, qu'une société mère qui détient directement ou indirectement la totalité ou la quasi-totalité du capital social de sa filiale est présumée exercer effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, qu'elle détenait 99, 7 % du capital social de DST Suisse, que l'offre d'emploi à laquelle a répondu Monsieur [R] et sa lettre d'embauche font référence au groupe canadien, que Monsieur [R] ne pouvait ignorer que le logiciel Webfolio est la propriété de DST, que les formations qui lui ont été dispensées en juin et août 2012 se déroulaient au Canada, et que son adresse mail professionnelle se terminait par @dst.ca.

Elle rappelle que la Cour de cassation admet la production d'éléments portant atteinte à la vie privée si celle-ci est indispensable à l'exercice du droit de la preuve et si l'atteinte est proportionnée au but poursuivi, et que Monsieur [R] a contesté que l'ordinateur expertisé était le sien en début de procédure, ce qui l'a contrainte à produire la pièce aujourd'hui querellée. Elle soutient que l'atteinte invoquée est parfaitement minime et proportionnée, seuls des artefacts étant évoqués.

Elle ajoute que les rapports ne sont pas affectés d'irrégularités et que la convention de transfert d'actions du 30 novembre 2004 constitue une preuve recevable de sa légitimité à procéder à l'expertise sur l'ordinateur lui appartenant. Elle conteste la nécessité d'une autorisation judiciaire pour accéder aux messages professionnels de son salarié, et fait valoir que les textes français et suisses cités par son adversaire ne sont pas opérants, l'expertise ayant été réalisée à des fins de preuve en raison du comportement de Monsieur [R]

Elle conteste l'existence des irrégularités invoquées par Monsieur [R] et conclut au rejet de sa demande subsidiaire afin que soient écartées les annexes 5 et 6 du rapport d'expertise du 25 janvier 2013.

Enfin, la société DST rappelle que le tribunal a écarté les griefs de Monsieur [R] sur les outils utilisés pour l'analyse des fichiers, que son adversaire a admis dans ses écritures de première instance et d'appel que l'ordinateur expertisé est bien le sien, et a reconnu que le disque dur externe branché à l'ordinateur portable le 23 août 2012 lui appartient, ce qui témoigne du caractère probant de l'expertise. Elle ajoute que Monsieur [R] qui reproche au tribunal d'avoir violé le principe du contradictoire en se basant sur une seule expertise privée non contradictoire s'est abstenu de solliciter l'organisation d'une contre-expertise.

Sur ce,

La cour constate que l'annexe 3 de la pièce n° 25 de la société DST dont le tribunal a estimé qu'elle avait un caractère privé et a écarté des débats n'est pas produite par cette dernière en cause d'appel, de sorte que les doléances de Monsieur [R] sur ce point sont sans emport.

Sur la légitimité de la société DST Canada à faire procéder à une expertise sur l'ordinateur professionnel de Monsieur [R], il ressort de la convention de transfert d'actions du 30 novembre 2004 que le dirigeant de la société DST Canada a transféré à cette société 997 de ses 998 actions de la société DST Suisse, qui en comptait 1.000, de sorte que la société DST Suisse est une filiale de son homonyme canadienne, ainsi que le précisait l'offre d'emploi à laquelle Monsieur [R] a postulé.

La lettre d'embauche de Monsieur [R] précise par une mention de bas de page que la société DST Switzerland est bien une filiale du groupe DST Inc. dont le site internet est www.dst.ca, et Monsieur [R] ne conteste pas que son adresse mail comprenait les lettres ca distinctives du Canada. La mention de bas de page déjà citée figure en outre sur la lettre de rupture de la période d'essai du 16 août 2012, sur la réponse du 29 août 2012 à la lettre de Monsieur [R] du 22 août, et sur le document constatant la restitution de l'ordinateur professionnel de Monsieur [R] à son employeur, le 6 septembre 2012.

Il résulte plus généralement des pièces produites que l'activité de cette société et celle de sa filiale consiste notamment dans l'exploitation du logiciel Webfolio, et Monsieur [R] confirme qu'il a été formé à ce logiciel à [Localité 8]. Il s'ensuit que les deux sociétés, bien que juridiquement distinctes, présentent une confusion d'intérêts et d'activité telle que la société-mère titulaire du logiciel était parfaitement légitime à examiner l'ordinateur de Monsieur [R] dans le contexte rappelé ci-avant : le dirigeant de la société DST Canada a en effet été informé le 19 septembre 2012 par le dirigeant de l'une de ses quatre principales concurrentes, la société Infonic (cf courriels des 4 et 5 juillets 2012, p.9 de Monsieur [R]) qu'une personne agissant sous couvert d'anonymat lui avait adressé un courriel pour lui proposer des codes sources, les guides d'utilisation et les guides techniques du logiciel Webfolio. Dès lors, la société DST Canada était légitime à consulter les messages électroniques non identifiés comme personnels et présents sur l'ordinateur mis à la disposition du salarié de sa filiale suisse, y compris ceux qui émanaient de sa messagerie personnelle sous réserve qu'ils ne soient pas identifiés comme personnels, sans autorisation préalable et hors la présence du salarié dans la mesure où le motif légitime était incontestable et le moyen utilisé proportionné.

Le droit à la preuve de la société DST justifiait également l'examen de ce matériel hors la présence de Monsieur [R], qui se trouvait alors sur un autre continent, aucune disproportion n'étant justifiée en l'espèce au regard de l'intérêt économique menacé et de l'urgence.

C'est pourquoi il n'y a pas lieu d'écarter les rapports d'expertise à ce titre.

Sur l'atteinte à la vie privée de Monsieur [R], le second rapport privé du 16 septembre 2015 comporte en annexe n°2 une trace de message (artefact) Internet en date du 30 novembre 2011 démontrant que l'ordinateur portable a accédé à un compte de courriel Hotmail de Monsieur [R]. L'expert privé a utilisé cet élément pour démontrer que l'ordinateur qu'il a examiné est bien celui qu'utilisait Monsieur [R] lorsqu'il était employé par la société DST.

Le contenu de ce courriel n'est pas apparent et il n'est nullement démontré que l'expert en ait pris connaissance. Il apparaît dans la partie gauche de l'annexe 2 que l'expert a retrouvé trace de 41 artefacts provenant de la messagerie Hotmail de Monsieur [R], ce dont il ne peut être déduit ni qu'il ait consulté les messages, ni même que ceux-ci relèvent de la vie privée de Monsieur [R].

Les rapports contestés ne contenant en eux-mêmes aucune indication susceptible de porter atteinte à la vie privée de Monsieur [R], et aucun élément ne donnant à penser que l'expert, et a fortiori l'employeur ont pu avoir connaissance du contenu de messages privés, à l'exception de celui qui a été écarté des débats en première instance et n'est pas produit en appel, aucune atteinte à la vie privée de l'intéressé ou au secret des correspondances n'est caractérisée.

Monsieur [R] évoque la possibilité d'une manipulation de l'appareil entre sa restitution et la première expertise effectuée cinq mois plus tard en faisant valoir que l'expert a constaté qu'une clé ou disque USB a été branché sur l'appareil entre le 10 et le 28 septembre 2012, donc après qu'il l'a restitué (ses dernières conclusions p. 12). En effet, l'expert indique qu'une autre clé USB a été branchée sur l'ordinateur le 10 septembre 2012. Toutefois, il ne peut être déduit de ce simple fait que les données de l'ordinateur auraient été modifiées à cette occasion. La cour relève que seule une expertise judiciaire aurait permis de vérifier si cette connexion a eu ou non des conséquences sur le contenu de l'ordinateur. Or, en première instance, Monsieur [R] ne s'est pas joint à la société DST qui a pourtant sollicité l'organisation d'une telle mesure à titre subsidiaire, ne concluant à l'extension de la mission de l'expert sur ce point qu'à titre subsidiaire. En l'état, l'affirmation de Monsieur [R] sur ce point n'est ainsi nullement étayée.

Sur les irrégularités des rapports d'expertise et la méthodologie de l'expert soulevées par Monsieur [R], le tribunal, par des motifs pertinents qui répondent aux moyens soulevés en cause d'appel et que la cour adopte, a justement considéré que l'absence de précision du numéro de licence OEM du système d'exploitation est sans emport en l'espèce, que la preuve n'est pas rapportée que les discordances entre la chronologie des événements et leurs numéros et leur datation (records number) constituent une anomalie affectant la crédibilité de l'expertise dans la mesure où le changement de cette exploitation laisse des traces dans les journaux de Windows, ainsi que l'a rappelé l'expert, et que celui-ci n'a trouvé aucune incohérence entre les numéros de records et les dates d'activité des journaux d'événements extraits du portable, et enfin que l'expert a corroboré les constatations qu'il avait faites en 2013 avec le logiciel USB Deview, dont la fiabilité est mise en cause par Monsieur [R], en reprenant ses travaux avec un autre logiciel habituellement reconnu par les tribunaux selon Monsieur [R] (EnCase), de sorte que la crédibilité des résulats qu'il a obtenus ne peut être valablement contestée.

A titre subsidiaire, Monsieur [R] sollicite que soient écartées les annexes 5 et 6 du rapport du 25 janvier 2013 mais ne développe aucun moyen supplémentaire au soutien de cette demande qui ne peut être que rejetée.

Enfin, le caractère non contradictoire du rapport d'expertise et de son complément ne contrevient pas au principe de loyauté de la preuve et des débats dans la mesure où les rapports ont été soumis à la libre discussion des parties et où ils sont corroborés par plusieurs éléments et notamment par la reconnaissance par Monsieur [R], dans ses conclusions de première instance et d'appel, que l'appareil sur lequel a travaillé l'expert est bien l'ordinateur portable professionnel mis à sa disposition par son employeur et que le numéro de la clé USB branchée à cet appareil en août 2012 correspond effectivement à une clé USB lui appartenant.

Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande tendant à ce que soient écartés les deux rapports d'expertise privée produits par la société DST, étant rappelé que l'annexe 3 du rapport de 2015 n'a pas été produite en appel.

'''''

A titre liminaire, la cour constate que tant la société DST qui vise le code de la propriété intellectuelle pour engager la responsabilité de Monsieur [R] des chefs d'actes de contrefaçon et de parasitisme, que Monsieur [R], sollicitent l'application de la loi française.

- sur les actes de contrefaçon de la documentation technique

La société DST demande à la cour d'infirmer la décision du tribunal qui l'a déboutée de sa demande en contrefaçon fondée sur le téléchargement par Monsieur [R] de 767 fichiers correspondant à la documentation technique du logiciel Webfolio, au motif que cette documentation constitue un accessoire indissociable des travaux de conception préparatoires et doit être protégée au même titre que ces derniers dans la mesure où elle comprend notamment la description de l'architecture générale, la description des fichiers, la description des bases de données et des dessins d'enregistrement, les définitions des données des codes utilisés, les dossiers techniques de chaque programme, la description des tests d'intégration, les clés ou algorithmes de décryptage, et permet ainsi à un tiers d'effectuer la maintenance corrective et évolutive du programme.

Elle indique que cette documentation technique est notamment composée du fichier d'installation de Webfolio avec un serveur SQL de 2005 est une représentation littéraire de la manière dont on configure la base de données Webfolio qui présente une configuration particulière, propre à la société DST, qu'il est composé de captures d'écran représentant les différentes rubriques à paramétrer pour configurer la base de données, chaque capture d'écran étant accompagnée d'un texte dictant les différentes actions à suivre pour installer le logiciel. Elle affirme que la singularité de ce document est une nouveauté par rapport aux autres logiciels, dont elle ne cite pas les noms.

De la même façon, elle soutient que la configuration des fichiers 'Java-Api How to start', 'Webfolio-2.56.058.chm' et le guide de formation 'Webfolio training guide' lui est propre et satisfait à l'exigence d'originalité, de même que le plan général de la formation.

Elle souligne que Monsieur [R] a proposé à la vente la documentation technique du logiciel ainsi que le prouve sa réponse par courriel du 29 octobre 2012 (sa pièce 14).

Elle rappelle que ce matériel de conception préparatoire défini par la directive du 23 avril 2009 comme « l'ensemble des travaux de conception aboutissant au développement d'un programme » est protégé aux termes de l'article L.112-2 13° du code de la propriété intellectuelle, les choix qu'elle a opérés témoignant d'un apport intellectuel propre et d'un effort personnalisé.

Elle demande à la cour de reconnaître le caractère original de la documentation technique, qui la rend éligible à la protection au titre du droit d'auteur, et indique qu'il ne s'agit pas d'une prétention nouvelle contrairement à ce qu'affirme Monsieur [R], alors que la contestation élevée par son adversaire quant à l'originalité de la documentation technique et du logiciel Webfolio en appel est constitutive d'une prétention nouvelle irrecevable.

Elle s'oppose à la demande de Monsieur [R] tendant à faire écarter des débats les pièces 30, 33, 34 à 40 qu'elle produit devant la cour et qu'elle avait déjà produites en première instance.

Rappelant que Monsieur [R] a copié 767 fichiers du logiciel Webfolio le 10 août 2012 alors qu'il était en formation à [Localité 8], que 728 fichiers au moins ont été retrouvés sur son ordinateur professionnel, qu'il reconnait ce téléchargement dans ses conclusions de première instance (p.5 et 17),qu'il a procédé à une deuxième reproduction non autorisée de la documentation technique sur un autre support, qu'il a offert à la vente cette documentation technique, elle demande à la cour d'accueillir sa demande en contrefaçon fondée sur la contrefaçon de la documentation technique.

Monsieur [R] répond que la loi applicable aux prétendues atteintes au droit d'auteur invoquées est la loi française, que c'est à juste titre que le tribunal a jugé que la société DST n'établissait pas la réalité de la protection revendiquée et a écarté tout acte de contrefaçon de la documentation technique.

Il considère que la demande tendant à voir reconnaître la protection du droit d'auteur à la documentation technique est nouvelle pour n'avoir pas été formée en première instance et affirme que la société DST ne démontre pas que les pièces 30, 33, 34 à 40 correspondent avec certitude aux fichiers retrouvés sur son ordinateur, de sorte que la cour ne peut se fonder sur elles pour entrer en voie de condamnation.

Il fait valoir que la société DST ne démontre pas le caractère original des différents fichiers litigieux qui sont de simples documents techniques relatifs à l'utilisation du logiciel, ne présente aucun caractère d'originalité ni ne témoignent d'un quelconque effort créatif, et rappelle qu'il a déjà soulevé ce moyen en première instance.

Il déclare qu'il n'a pas téléchargé ces fichiers à l'insu de DST Canada mais qu'il a été dûment autorisé à le faire, le téléchargement depuis son domicile n'étant pas réalisable en raison de leur volume. Il précise que sa mission consistait notamment à faire évoluer la documentation utilisateur, ce qui impliquait qu'il en prenne connaissance pour la maîtriser et qu'il en possède une copie, et que Monsieur [G] qui était en charge de la gestion des accès informatiques de la société à [Localité 8] lui a attribué un nouveau mot de passe en raison de ce téléchargement important. Il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la contrefaçon par voie de téléchargement des fichiers et de détention n'était pas établie.

Sur ce,

Il résulte des articles L. 112-1 et L. 112-2 (13°) du code de la propriété intellectuelle qu'un logiciel, y compris le matériel de conception préparatoire, est protégeable par le droit d'auteur à condition d'être original.

Il est de principe qu'un logiciel est original si les choix opérés par son auteur révèlent un apport intellectuel propre et un effort personnalisé.

Il est non moins constant que lorsque la protection est contestée, celui qui invoque l'éligibilité au droit d'auteur du logiciel doit établir l'originalité de celui-ci.

La demande de la société DST tendant à ce que soit reconnu le caractère original de la documentation technique du logiciel ne peut être considérée comme nouvelle dans la mesure où elle tend aux mêmes fins que la demande en contrefaçon des fichiers techniques téléchargés par Monsieur [R] qu'elle a soumise au tribunal. Elle ne sera donc pas déclarée irrecevable.

Sur le fond, la société DST indique que le fichier d'installation de Webfolio avec un serveur SQL de 2005 est une représentation littéraire de la manière dont on configure la base de données Webfolio qui présente une configuration particulière, propre à la société DST, qu'il est composé de captures d'écran représentant les différentes rubriques à paramétrer pour configurer la base de données, chaque capture d'écran étant accompagnée d'un texte dictant les différentes actions à suivre pour installer le logiciel. Elle affirme que la singularité de ce document est une nouveauté par rapport aux autres logiciels.

De la même façon, elle soutient que la configuration des fichiers 'Java-Api How to start', 'Webfolio-2.56.058.chm' et le guide de formation 'Webfolio training guide' lui est propre et satisfait à l'exigence d'originalité, de même que le plan général de la formation.

En l'absence de tout élément probatoire versé au débat, et notamment d'une analyse technique émanant d'un tiers de nature à justifier que l'élaboration de la documentation technique du logiciel révèle un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité du concepteur du logiciel, les seules indications portées par la société DST dans ses écritures, alors que l'originalité de la documentation technique est contestée par Monsieur [R], ne peuvent permettre à la cour d'apprécier si cette documentation technique qui permet l'installation, l'utilisation et la mise à jour du logiciel présente l'originalité requise pour bénéficier de la protection au droit d'auteur. C'est pourquoi, le jugement qui a considéré que la contrefaçon de la documentation technique du logiciel Webfolio par voie de téléchargement des fichiers à partir du serveur de la société DST et de détention n'était pas établie sera confirmé.

- sur la contrefaçon du logiciel Webfolio

La société DST fait valoir que la contestation de l'originalité de ce logiciel soulevée par Monsieur [R] en cause d'appel est une prétention nouvelle qu'aucun événement survenu postérieurement au jugement n'autorise et soutient que les développements qu'il y consacre doivent être écartés.

Elle se prévaut de la présomption d'originalité au titre du certificat d'enregistrement du droit d'auteur qu'elle a obtenu de l'office de la propriété intellectuelle du Canada le 27 février 2013, en vertu de la loi canadienne sur le droit d'auteur, et de l'article 5.2 de la convention de [Localité 5] en application duquel la protection du titre de propriété est appréciée au regard du droit en vigueur de son pays d'origine. Elle en déduit qu'il appartient à Monsieur [R] de démontrer l'absence d'originalité du logiciel.

Elle fait observer que cette prétention n'est pas nouvelle puisqu'elle avait soutenu la contrefaçon de Monsieur [R] en première instance et que la démonstration du caractère original du logiciel en appel explicite ses prétentions initiales relatives à la contrefaçon.

À titre subsidiaire, elle affirme que le logiciel est original au regard du droit français en application de l'article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle en ce qu'il contient l'ensemble des fonctionnalités nécessaires à la gestion d'actifs de façon entièrement intégrée, contrairement à ses concurrents qui proposent plusieurs logiciels et en ce que ces fonctionnalités métier et techniques sont très complètes. Elle expose que le logiciel Webfolio est le seul à permettre la valorisation en temps réel des portefeuilles des clients et à traiter de multiples actifs ainsi que tous les types de placements alternatifs. Elle indique qu'il constitue une amélioration des logiciels existant dans le même domaine grâce à l'élaboration de méthodes distinctes de celles précédemment utilisées, et permet une réduction des coûts pour les clients, une meilleure performance et une facilité dans la consolidation des données. Elle précise que sa structure est différente des autres logiciels et bases de données dans la sélection, la présentation et le classement des informations contenues dans les bases de données et leur traitement par le programme, qui mettent en lumière l'effort personnalisé et l'empreinte de la personnalité de l'auteur. Elle ajoute que le logiciel permet à chaque utilisateur de personnaliser ses propriétés et ses informations afin d'adapter les fonctionnalités à l'usage qu'il en fait, et d'utiliser son propre code couleur, police et logo d'entreprise dans les rapports générés ainsi que de configurer le portail pour lui-même ou les utilisateurs.

Elle produit l'attestation de la société Ernst & Young du 25 juin 2013 pour justifier de son investissement de 45'478 796 dollars canadiens au titre des dépenses en recherche et développement, investissement, frais de vente et d'administration au titre des exercices prenant fin du 31 octobre 2000 au 31 octobre 2012.

Elle conclut que l'ensemble de ces éléments justifient de l'originalité du logiciel Webfolio qui lui permet de bénéficier des protections conférées par le droit d'auteur.

Monsieur [R] critique le tribunal d'avoir considéré que l'originalité du logiciel n'était pas contestée alors qu'il incombe à celui qui revendique la protection au titre du droit d'auteur d'établir le caractère original de sa création, ce qui constitue une condition de fond de l'action en contrefaçon. Il rappelle qu'en première instance, il a contesté l'originalité de l'ensemble des programmes constituant le logiciel et la documentation associée, et que sa contestation n'est pas nouvelle.

Il indique que la prétention de la société DST à bénéficier de la protection sur la base du certificat de droit d'auteur émis par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada est nouvelle et doit être déclarée irrecevable, que l'article 5-2 de la convention de [Localité 5] n'est pas applicable en l'espèce car le certificat dont se prévaut la société DST mentionne que le logiciel a été publié pour la première fois en Suisse et qu'il ne pourra être fait application du droit canadien en application de la Convention de [Localité 5].

Il fait observer que la société DST se contente d'énoncer les fonctionnalités du logiciel sans établir en quoi elles seraient originales et témoigneraient d'un effort créatif, les seules caractéristiques avancées ne pouvant caractériser une quelconque originalité. Il relève que le fait que le logiciel serait le seul à contenir l'ensemble des fonctionnalités nécessaires de gestion d'actifs ne caractérise pas l'effort créatif personnel, la prudence exigeant un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en 'uvre une logique automatique contraignante (...) [lequel] réside dans une architecture individualisée.

Il ajoute que le logiciel utilise des programmes en sources ouvertes tels que Jasper, Lib, Jboss, ce qui n'est pas original, que les interfaces graphiques sont exclues de la protection des programmes, que les caractéristiques innovantes ou nouvelles et le montant des investissements réalisés ne caractérisent pas l'originalité, et que la société DST ne justifie pas de l'originalité des composants du logiciel tels que les lignes de programmation, les codes ou l'organigramme et de l'éligibilité du logiciel à la protection due au titre du droit d'auteur.

Enfin, il soutient qu'il n'est pas prouvé qu'une copie du logiciel a été réalisée par ses soins le 23 août 2012, rappelle qu'un disque externe a été branché sur son ordinateur après qu'il l'a restitué, de sorte que la fiabilité et l'intégrité des preuves soumises ne sont pas garanties et ne permettent pas de retenir à son encontre des actes de contrefaçon. Il précise qu'il avait le droit d'utiliser le logiciel, et qu'étant encore salarié de la société le 23 août 2012, il avait le droit d'en faire une copie de sauvegarde pour en préserver l'utilisation.

Sur ce,

La contestation par Monsieur [R] de l'originalité du logiciel ne constitue pas une demande nouvelle entrant dans les prévisions des articles 564 et 565 du code de procédure civile, il s'agit d'un moyen et non d'une prétention et la cour n'a pas à statuer sur sa recevabilité.

Ainsi que le fait valoir Monsieur [R], il incombe à la société DST d'établir que le logiciel Webfolio bénéficie de la protection au titre du droit d'auteur.

La convention d'Union de [Localité 5] du 9 septembre 1886 a été conclue notamment par la France, le Canada et la Suisse. Elle prévoit que la protection dans le pays d'origine est réglée par la législation nationale (article 5.3) et que est considéré comme pays d'origine pour les 'uvres publiées pour la première fois dans l'un des pays de l'Union, ce dernier pays. Or, ainsi que le fait observer Monsieur [R], le logiciel objet du litige a été publié pour la première fois en Suisse en 2002, comme l'indique le certificat d'enregistrement de droits d'auteur dont se prévaut la société DST, de sorte que le droit canadien n'est pas applicable en l'espèce.

De plus, aux termes de l'article 5 § 2 de la convention, l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après la législation du pays où la protection est réclamée ; cette loi désigne non pas celle du pays d'origine ou celle du juge saisi mais celle de l'Etat sur le territoire duquel se sont produits les agissements délictueux (1re Civ., 5 mars 2002, pourvoi n° 99-20.755), donc en l'espèce la France. En conséquence, la société DST ne peut se prévaloir d'une présomption de droit d'auteur en application du droit canadien.

Il lui appartient dès lors d'identifier dans ses écritures les caractéristiques de l'oeuvre qui portent, selon elle, l'empreinte de la personnalité de son auteur et d'établir que l'oeuvre remplit les conditions requises pour être investie de la protection légale.

En l'espèce, la société DST fait observer, sans être contredite quant aux caractéristiques qu'elle énonce, que le logiciel Webfolio est le seul à rassembler des fonctionnalités métiers et techniques diverses, et à permettre de valoriser en temps réel les portefeuilles des clients, à traiter tous les types de placements alternatifs et traditionnels, à éliminer la nécessité d'acheter une licence tierce pour certaines fonctions grâce à l'élaboration de méthodes différentes de celles de ses concurrents, ce qui réduit son coût ainsi que celui de sa maintenance pour les clients, améliore sa performance et facilite la consolidation des données de différents métiers et les différentes équipes.

La société DST précise encore que le logiciel Webfolio se distingue par des différences de structure dans la sélection, la présentation et le classement de l'information contenue dans les bases de données et leur traitement par le programme, ce qui illustre les choix arbitraires opérés par son auteur choix en termes de structure, de construction, d'architecturequi a créé une structure individualisée résultant d'un effort créatif révélateur de sa personnalité.

Contrairement à ce que fait valoir Monsieur [R], le logiciel Webfolio ne saurait être assimilé à une compilation de différentes fonctionnalités alors qu'il a au contraire par ses choix en termes de structure, de construction, d'architecture, organisé le travail commun de ces diverses fonctionnalités afin d'aboutir plus rapidement à un résultat, et que les spécificités de ce logiciel sont la conséquence des choix arbitraires de son auteur à l'issue d'un effort créatif révélateur de sa personnalité. Surabondamment, il résulte des échanges professionnels de Monsieur [R] avec le directeur de DST Suisse relatifs à la concurrence du logiciel Webfolio que seuls 4 logiciels offraient des fonctionnalités susceptibles d'être comparées au logiciel Webfolio, ce qui confirme sa spécificité (sa pièce 9).

En conséquence, il doit être considéré que le logiciel Webfolio est éligible à la protection au titre du droit d'auteur en application de l'article L.112-2 13° du code de la propriété intellectuelle.

Sur l'exécution du logiciel Webfolio avant le 31 août 2012, le tribunal a pertinemment considéré par des motifs qui répondent aux moyens soulevés en cause d'appel et que la cour adopte qu'à cette date Monsieur [R] était encore salarié de la société DST, sa période d'essai n'étant pas terminée, et que l'utilisation du logiciel que son employeur avait mis à sa disposition (pièce n° 12 de Monsieur [R]) ne peut être considérée comme contrefaisante.

Sur l'exécution et la décompilation du logiciel

Par des motifs pertinents qui répondent aux moyens soulevés en cause d'appel et que la cour adopte, le tribunal a retenu que l'assertion de Monsieur [R] qui a indiqué dans un courriel du 29 octobre 2012 dont il reconnaît être l'auteur qu'il disposait du logiciel, de ses codes sources et guides d'utilisation et technique est complétée par l'envoi en pièce jointe de ce courriel d'une copie d'écran du logiciel Webfolio où figure la date d'affichage des positions d'un portefeuille qui est également le 29 octobre 2012, ce qui démontre que Monsieur [R] a exécuté le logiciel à cette date, l'affirmation de Monsieur [R] selon laquelle la copie d'écran aurait été réalisée durant un stage afin de piéger son interlocuteur n'étant pas crédible, et rien ne justifiant qu'il soit à cette date en possession du logiciel et de son code logiciel décompilé alors qu'il n'était plus salarié de l'entreprise et n'avait pas été embauché comme développeur, de sorte qu'il avait effectué cette décompilation lui-même, hors nécessité professionnelle (p. 12 et 13 de la société DST). La cour rappel que l'auteur des courriels disant se nommer [D] a proposé à la vente le logiciel décompilé (pièce 14 de la société DST).

Les contestations de Monsieur [R] sur la date de fin de son contrat sont sans emport dès lors qu'il a accepté de restituer son ordinateur professionnel le 6 septembre 2012, en attestant sur l'honneur qu'il n'avait pas conservé de copie du contenu de l'ordinateur par-devers lui, ce qui corrobore les déclarations de son employeur sur la date de la fin de son contrat, et ce alors qu'il ne produit aucun élément justifiant que la fin de la relation de travail puisse être située à une date postérieure.

Enfin, il résulte suffisamment des courriels adressés au directeur de la société Infonic (pièces 12 et 13 de DST) sous le pseudonyme de [D], dont le contenu est confirmé par le courriel du 1er novembre 2012 dans lequel Monsieur [R] évoque le montant de son revenu brut et l'amende de 155'000 € qu'il encourt s'il est pris (p. 23), que ce dernier a tenté de vendre le logiciel ainsi que ses codes sources et guides d'utilisation à l'un des principaux concurrents de la société DST. Bien que le nom du logiciel ne soit pas mentionné, le président de la société Infonic a immédiatement compris qu'il s'agissait de ce produit et a transféré le courriel adressé sous le pseudonyme '[D] [I]' au dirigeant de la société DST.

La détention, la décompilation et l'offre à la vente par un ancien salarié d'un logiciel qui n'était pas sa propriété et de ses codes sources indument conservés après l'expiration de son contrat de travail constituent des actes de contrefaçon.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les mesures de réparation :

La société DST se prévaut des dispositions de l'article L.331-1-3 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle aux termes desquelles la somme forfaitaire allouée doit être supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation nécessaire.

Elle indique qu'en 2012, la redevance due au titre d'une licence d'utilisation du logiciel Webfolio s'élevait à 25'000 $ américains soit 22'081,75 euros selon un formulaire non daté de contrat de licence qu'elle verse au débat, et réclame le double de cette somme au titre du préjudice matériel découlant de la contrefaçon du fait de la copie du 23 août 2012 de l'exécution du logiciel du 29 octobre 2012.

S'appuyant sur le courrier de Monsieur [R] au président de la société DST remis à l'huissier de justice en octobre 2019, dans lequel Monsieur [R] excipe du rejet des demandes adverses concernant les fichiers et documentation qu'il considère avoir le droit de détenir et d'utiliser, 'à supposer qu'ils se trouvent en sa possession', elle soutient que la communication de cette documentation strictement confidentielle occasionnerait un préjudice bien supérieur puisqu'il met son détenteur en capacité de concurrencer directement l'éditeur du logiciel piraté et réclame 50'000 € de ce chef et une somme identique au titre de la décompilation du logiciel.

Du fait de la mise sur le marché du logiciel contrefait, elle indique que Monsieur [R] a proposé à la vente des éléments permettant à un éventuel acquéreur de la concurrencer directement, alors que les investissements qu'elle a supportés s'élèvent à la somme de 29'911'657 euros et que son adversaire espérait retirer de la vente un bénéfice minimum d'un million de francs suisses, comme il l'a indiqué dans son courriel du 14 janvier 2013 (sa pièce n°16). Elle réclame en réparation de ce préjudice une somme de 2.000.000 euros.

Elle fait valoir qu'en reproduisant le logiciel et en le proposant à la vente, Monsieur [R] a porté atteinte à son crédit et à sa réputation, et a laissé croire à son principal concurrent que le logiciel Webfolio était vulnérable. Elle réclame en conséquence une somme de 15'000 € en réparation de son préjudice moral.

Monsieur [R] répond qu'en première instance, la société avait réclamé une unique somme (note de la cour : de 30.011.657 euros) à titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon, et que les demandes formées en appel au titre de plusieurs postes de préjudices sont irrecevables car nouvelles, de même que la demande tendant à obtenir une redevance forfaitaire qui n'a pas été soumise aux premiers juges.

Il demande à la cour d'écarter le contrat de licence en anglais qui n'est pas traduit, ajoute que la licence porte également sur la maintenance du logiciel et la fourniture de services et que le prix indiqué n'est corroboré par aucun autre élément comptable. Il conclut au rejet de ce chef de demande.

Il conclut également au rejet de la demande au titre du préjudice découlant de la copie de la documentation technique dès lors qu'il n'existe pas de redevance tarifée au titre de ce matériel et qu'aucun préjudice n'est prouvé, celui-ci ne pouvant se cumuler avec celui résultant de la copie du logiciel.

S'agissant du préjudice tiré de la décompilation, il fait valoir qu'aucun acte de décompilation n'est établi, ni de commercialisation et pas davantage de détention de codes sources et conclut au rejet de cette demandee cette demande.

Il conteste toute commercialisation effective du logiciel contrefaisant et affirme que sa vente était confiée à la société suisse, de sorte que la société canadienne est irrecevable à réclamer réparation de ce chef et doit être déboutée de sa demande.

Il soutient qu'aucun préjudice moral n'est justifié, et fait observer que le nom du logiciel et celui de la société DST n'ont pas été mentionnés dans le courriel adressé au concurrent.

Sur ce,

Il est constant que les demandes en réparation de chefs de préjudices non soumis au premier juge ne peuvent être déclarées irrecevables alors que de telles demandes présentent le même fondement que les demandes initiales et poursuivent la même fin indemnitaire(Civ. 2e, 16 mai 2013, n° 12-13.859). En l'espèce, la société DST a opéré une simple ventilation de la demande qu'elle a formée en première instance pour obtenir réparation de son préjudice. En application de l'article 565 du code de procédure civile, ces demandes formées en appel, qui tendent aux mêmes fins, ne sont pas nouvelles et ne seront pas déclarées irrecevables.

La demande en réparation des préjudices découlant de la copie de la documentation technique sera rejetée dans la mesure où la cour a retenu l'absence de contrefaçon à ce titre.

L'imprimé vierge de licence de logiciel produit en appel, aisément compréhensible quoiqu'en anglais, n'est accompagné d'aucun élément matériel justifiant qu'il a été utilisé, ne serait-ce qu'une seule fois, et que le prix allégué était conforme à la pratique commerciale en vigueur dans ce domaine d'activité. Il s'ensuit qu'il n'est pas suffisant pour justifier du montant des droits et redevances qui auraient été perçus par la société DST à ce titre, le préjudice matériel de ce chef étant toutefois incontestable dans son principe.

Ainsi qu'il a été indiqué ci-avant, la décompilation du logiciel par Monsieur [R] est parfaitement démontrée, de sorte que la société DST est fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi à ce titre, de même qu'au titre du préjudice découlant de l'offre de vente du logiciel à son principal concurrent. La cour évalue chacun de ces trois préjudices à 15.000 euros chacun, et confirme la décision critiquée en ce qu'elle a évalué le préjudice moral consécutif à la dégradation de son image auprès de son concurrent direct et au sentiment de trahison et la sécurité résultant des agissements de son ex salarié à la somme de 5000€.

- sur la concurrence déloyale et le parasitisme

A titre subsidiaire, la société DST réclame les mêmes sommes en réparation de son préjudice matériel sur le fonderment d'actes de parasitisme, outre 15.000 euros en réparation de son préjudice moral, outre 55.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du développement d'une application indépendante.

Elle fait notamment valoir que Monsieur [R] a reconnu dans ses écritures de première instance avoir conservé des copies d'écran du logiciel afin de développer une application indépendante, et que le tribunal a énoncé qu'il s'était servi des outils mis à sa disposition et avait profité des investissements consentis par la société DST pour développer un programme d'ordinateur.

Monsieur [R] répond qu'aucune demande n'avait été formée en première instance au titre des actes de parasitisme du fait de la copie, de l'exécution, de la décompilation et de la mise sur le marché du logiciel Webfolio et que ces demandes sont nouvelles donc irrecevables.

À défaut, il demande à la cour de rejeter les demandes qui ne sont pas justifiées faute pour la société DST de démontrer son préjudice, alors qu'elle se contente de procéder par simple renvoi aux justifications et calculs qu'elle a réalisés dans le cadre de la demande en contrefaçon et que la justification et l'évaluation du préjudice ne sont pas identiques en matière de contrefaçon et de parasitisme. Il ajoute que la société DST est dans l'incapacité de démontrer qu'une application concurrente aurait été développée et commercialisée par ses soins depuis 2012 en France ou dans un autre pays, et qu'il n'a jamais eu une telle volonté.

Il conclut à l'infirmation du jugement sur ce point et au rejet des demandes adverses.

Sur ce,

Les diverses demandes formées en appel au titre du parasitisme en vue d'obtenir réparation du préjudice en découlant ne sont pas nouvelles, une telle demande ayant été formée en première instance, à laquelle le tribunal a fait droit à hauteur de 10'000 €.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Par des motifs pertinents qui répondent aux moyens soulevés en cause d'appel et que la cour adopte, le tribunal a retenu que Monsieur [R] avait indiqué dans ses écritures de première instance avoir conservé des copies d'écran du logiciel litigieux dans le but de développer une application indépendante. Monsieur [R] ne justifie nullement en appel, de même qu'en première instance, qu'une telle mission lui ait été confiée, de sorte qu'il s'est servi des outils mis à sa disposition dans le cadre de son travail, et donc des investissements effectués par la société DST, ce qui constitue un acte de parasitisme.

La société DST ne démontrant aucun préjudice matériel particulier résultant pour elle des agissements parasitaires de Monsieur [R], et dans la mesure où il est constant qu'un préjudice simplement moral s'infère nécessairement d'un acte de parasitisme économique (Com., 17 mars 2021, n°19-10.414), la cour confirmera le jugement en ce qu'il a évalué à la somme proportionnée de 10'000 €, au regard notamment des circonstances dans lesquelles la société a eu connaissance des agissements de Monsieur [R], le préjudice moral de la société DST consécutif à l'action parasitaire de celui-ci et rejettera la demande au titre du préjudice matériel qui n'est pas justifié.

Sur les mesures de réparation complémentaire et d'interdiction

La société DST rappelle que par courrier adressé en octobre 2019 par l'intermédiaire d'un huissier de justice, Monsieur [R] lui a écrit : « Par ailleurs, si la contrefaçon du logiciel Webfolio a été retenue, et que celui-ci a exclu les fichiers et documentations compte tenu que leur originalité n'a pas été apportée, ce qui me donne donc le droit de les détenir et de les utiliser, à supposer qu'ils se trouvent en ma possession, je pourrais même les utiliser pour copier Webfolio et vous ne pourriez m'intenter aucune action puisque le tribunal m'a déjà condamné pour parasitisme ». Elle fait observer que la précaution de langage « à supposer qu'ils se trouvent en ma possession » est de pure forme, que la menace de Monsieur [R] de mettre sur le marché le logiciel Webfolio pour la convaincre à négocier un protocole transactionnel est parfaitement claire et démontre sa capacité de nuisance.

Elle demande à la cour de condamner Monsieur [R] à détruire l'ensemble des supports de l'application indépendante développée sur la base du logiciel Webfolio, sous astreinte de 2'000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir. Elle réclame également sa condamnation à détruire l'ensemble des éléments, fichiers, codes sources, codes exécutables, documentation technique, documentation utilisateur relatifs au logiciel Webfolio, sous astreinte de 10'000 € par jour de retard et fait valoir qu'une telle condamnation constitue pour elle la seule garantie qu'il ne pourra pas les vendre voire risquer de se les faire dérober.

Monsieur [R] répond que la société DST a été déboutée à juste titre de la première demande par le tribunal dans la mesure où elle ne démontre pas qu'il ait développé une application indépendante, et conclut à l'infirmation de la décision qui lui a fait interdiction de détenir et commercialiser toute copie totale ou partielle du logiciel Webfolio alors que la preuve n'a pas été rapportée d'une quelconque détention et/ou commercialisation du logiciel en cause par ses soins, de sorte que l'interdiction n'est pas justifiée.

Sur ce,

La cessation du parasitisme lié au développement d'une application indépendante n'exige pas les mesures sollicitées par la société DST s'agissant de cette application. La demande de ce chef sera donc rejetée.

Saisie en appel d'une demande tendant non pas à faire interdiction à Monsieur [R] de détenir et commercialiser toute copie totale ou partielle contrefaisante, mais à détruire l'ensemble des éléments relatifs au logiciel Webfolio qu'il détient, la cour, au vu du courriel adressé par '[D]' le 1er novembre 2012 au dirigeant de la société DST pour le guider dans la détermination du prix susceptible d'être payé à Monsieur [R] en échange des éléments du logiciel Webfolio qu'il proposait à la vente, ainsi que du courrier qu'il a adressé au même dirigeant en 2019 pour lui proposer un accord transactionnel, qui démontrent l'intention de l'intéressé de monnayer les éléments du logiciel Webfolio qu'il avait en sa possession, fera droit à la demande afin de prévenir une nouvelle mise sur le marché de ces éléments. Cette condamnation ne sera pas rétroactive et prendra effet à la date du présent arrêt et s'ajoutera à la condamnation prononcée par le tribunal et interdisant à Monsieur [R] de détenir et commercialiser toute copie totale ou partielle contrefaisante du logiciel Webfolio sous astreinte, les deux mesures étant nécessaires pour empêcher la diffusion du logiciel Webfolio par l'intéressé.

- Sur la demande reconventionnelle de Monsieur [R]

Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve que les 41 artefacts recueillis par l'expert étaient relatifs à sa vie privée et que leur simple extraction ait porté atteinte à son intimité, alors que leur contenu n'a à aucun moment été cité par l'expert et qu'aucun élément ne démontre que l'homme de l'art l'ait examiné, au contraire du message électronique annexé au rapport complémentaire en pièce 3, qui évoquait sa vie sentimentale.

Ce message ayant été produit en première instance, l'atteinte à la vie privée de Monsieur [R] est constituée et mérite réparation, l'identification du possesseur de l'ordinateur de Monsieur [R] n'imposant pas la diffusion du contenu de ce message privé.

Monsieur [R] ne démontrant pas plus qu'en première instance l'étendue du préjudice dont il se plaint, le jugement sera confirmé en ce qui lui a alloué une réparation de 500 € à ce titre.

Chacune des parties succombant en son recours conservera la charge de ses propres dépens d'appel, la décision de première instance étant confirmée des chefs des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu en cause d'appel de faire application de ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;

D'office, écarte les conclusions déposées par la société Digital Shape Technologies et la pièce 31 bis produite le 22 mars 2021 ;

Constate que l'annexe 3 du rapport complémentaire d'expertise privée versé aux débats par la société DST n'a pas été produit en cause d'appel ;

Déclare recevables les demandes formées par la société DST et tendant à ce que soit reconnu le caractère original du logiciel Webfolio et de sa documentation et tendant à obtenir réparation de l'ensemble des préjudices subis ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 25 juin 2019 en ce qu'il a :

- Débouté Monsieur [R] de sa demande visant à écarter des débats les rapports d'expertise produits par la société DST,

- débouté la société DST de sa demande en contrefaçon fondée sur le téléchargement par Monsieur [R] de 767 fichiers Webfolio et sur l'utilisation qu'il a faite du logiciel Webfolio entre le 17 et le 26 août 2012;

- dit que Monsieur [R] s'est rendu coupable de contrefaçon du fait de l'exécution du logiciel Webfolio le 29 octobre 2012 et de sa copie, décomposition et mise sur le marché ;

- condamné Monsieur [R] à verser à la société DST la somme de 5000 € au titre du préjudice moral découlant de la contrefaçon ;

- dit que Monsieur [R] s'est rendu coupable d'actes de parasitisme ;

- condamné Monsieur [R] à payer à la société DST la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts au titre du parasitisme ;

- condamné la société DST à verser à Monsieur [R] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;

- fait interdiction à Monsieur [L] [R] de détenir et commercialiser toute copie totale ou partielle contrafaisante du logicielle Webfolio sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée ;

- condamné Monsieur [R] aux dépens de l'instance en ce inclut les frais de la saisie contrefaçon, distraits au profit de Me Laurent Bertin ;

- condamné Monsieur [R] à verser à la société DST la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirmant sur le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :

- déboute Monsieur [R] de sa demande tendant à faire écarter des débats les annexes n°5 et 6 du rapport d'expertise du 25 janvier 2013 ;

- Condamne Monsieur [R] à payer à la société DST les sommes suivantes :

- 15'000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice matériel résultant de la copie par téléchargement du 10 août 2012 et de la copie de la documentation technique du 23 août 2012,

- 15'000 € au titre du préjudice matériel découlant de la décompilation du logiciel,

- 15 000 € au titre du préjudice découlant de la mise sur le marché du logiciel et de sa documentation technique ;

- condamne Monsieur [R] à détruire l'ensemble des éléments, fichiers, codes de sources, codes exécutables, documentation technique, documentation utilisateur relatifs au logiciel Webfolio sous astreinte de 10'000 € par jour de retard à compter de la présente décision ;

- rejette les demandes plus amples ou contraires ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel et rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site