Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 19 juin 2025, n° 20/05620

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/05620

18 juin 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 19 JUIN 2025

Rôle N° RG 20/05620 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF56T

S.A.R.L. ANIMO CONCEPT

C/

[D] [V]

Copie exécutoire délivrée

le : 19 juin 2025

à :

Me Renaud PALACCI

Me Azize CHEMMAM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 20 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/08690.

APPELANTE

S.A.R.L. ANIMO CONCEPT,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Renaud PALACCI de la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [D] [V],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Azize CHEMMAM, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Pierre-henri BOVIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Elodie BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2025,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Dominique ALARD, adjoint administratif principal faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [R], exploitant une activité commerciale sous l'enseigne Artbioclean de conception et de commercialisation de distributeurs et de sacs biofragmentables destinés à recevoir les déjections animales en milieu urbain, a créé dans ce cadre un modèle de distributeur de sacs, outre un modèle spécifique de sacs, destiné à intégrer ce distributeur.

Le modèle de distributeur a fait l'objet d'un dépôt de dessin et modèle auprès de l'INPI le 18 février 2004, demande publiée le 23 avril 2004.

Par jugement du 5 avril 2013, le tribunal de commerce de Tarascon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme [D] [V]. Par jugement du 18 avril 2014, le tribunal de commerce de Tarascon a arrêté le plan de redressement de Mme [D] [V] et fixé sa durée à 10 ans. Par jugement du 3 juin 2016, le tribunal de commerce de Tarascon a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de Mme [D] [V], celle-ci ayant été clôturée par jugement du 6 janvier 2017.

Avançant être victime de contrefaçon et de parasitisme, Mme [D] [V] a fait citer, par exploit délivré le 19 juin 2014, la Sarl Animo Concept, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits pour animaux de compagnie, devant le tribunal de grande instance de Marseille, aux fins de cessation des actes contrefaisants et parasitaires sous astreinte et indemnisation des préjudices subis.

Par jugement du 20 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- rejeté les fins de non-recevoir présentées in limine litis par la Sarl Animo Concept ;

- dit que la Sarl Animo Concept s'est rendue coupable de faits de contrefaçon de droit d'auteur et de parasitisme ;

- fait interdiction à la Sarl Animo Concept de poursuivre l'exploitation sous quelque forme que ce soit des modèles de sac portant le slogan « ayez le bon réflexe » sous astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, ladite astreinte pouvant être liquidée par décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance territorialement compétent ;

- condamné la Sarl Animo Concept à payer à Mme [D] [V] la somme de 20.000 € au titre de ses préjudices de contrefaçon et de parasitisme ;

- débouté Mme [D] [V] du surplus de ses demandes ;

- ordonné la diffusion du dispositif ou d'extraits du dispositif de la présente décision pendant une durée continue maximale de deux mois, dans au plus trois publications de presse écrite régionale ou nationale du choix de la demanderesse, selon conditions prévues à l'article L716-13 du code de la propriété intellectuelle, et dans la limite de 500 € hors taxes pour chaque acte de diffusion, et aux frais avancés du défendeur ;

- dit que les dépens seront mis à la charge de la Sarl Animo Concept dont distraction au profit de la Selarl Christelle et Isabelle Grenier, avocats au barreau de Marseille ;

- condamné la Sarl Animo Concept à payer à Mme [D] [V] la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles et non compris dans les dépens.

----------

Par actes des 22 et 24 juin 2020, la Sarl Animo Concept a interjeté appel de ce jugement. Par ordonnance du 3 juillet 2020, les deux instances ont été jointes.

Par arrêt du 27 novembre 2024, la présente cour a ordonné la réouverture des débats afin que les parties puissent faire toutes observations utiles quant à la régularité de la procédure, notamment au regard de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs prononcée à l'égard de Mme [D] [V] par jugement du 6 janvier 2017 et de la fin de mission subséquente du liquidateur judiciaire.

-----------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 28 mars 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sarl Animo Concept soutient que :

- à la date de l'audience de première instance, le 7 juin 2016, la société de Mme [D] [V] faisait l'objet d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire, de sorte que l'instance aurait dû être interrompue et reprise par le mandataire liquidateur, seul habilité ; la procédure n'étant pas régulière en l'absence du mandataire liquidateur en la cause, et Mme [D] [V] n'ayant plus qualité à agir, le jugement de première instance doit être déclaré nul ;

- Mme [D] [V] est irrecevable à agir, n'ayant ni qualité, ni intérêt, ne possédant plus de droits depuis 2009 auprès de l'INPI sur les modèles dont elle argue la propriété ;

- le sac pour déjection canine n'est pas protégeable, ne constituant pas une 'uvre au sens de l'article L112-1 du code de la propriété intellectuelle, ne possédant aucune originalité et aucun caractère distinctif ; outre que la forme doit diverger d'une manière significative des formes habituelles du secteur, et n'est pas susceptible de protection, aux termes de l'article L511-8 du code de la propriété intellectuelle, l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit ; tant le modèle de sacs que celui du distributeur n'ont fait l'objet d'un renouvellement de leur dépôt à échéance, de sorte qu'ils ne bénéficient plus d'aucune protection ;

- il ne peut y avoir de confusion entre les produits de Mme [D] [V] et ceux de la Sarl Animo Concept, aucun élément de texte, visuel ou couleur n'étant identique ;

- les demandes pécuniaires de Mme [V] sont fondées sur la période de 2010 à 2013, au cours de laquelle elle ne possédait plus aucune propriété sur les modèles litigieux.

Au visa des articles 31, 32-1, 122 du code de procédure civile, 1103, 1104, 1193, 1231-3, 1344-1, 1353, 1240 et suivants du code civil, et L112-3, L511-8, L712-6 du code de la propriété intellectuelle, elle demande à la cour de :

- in limine litis, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir présentées in limine litis par la Sarl Animo Concept,

- Statuant à nouveau, constater l'irrégularité du jugement de première instance pour défaut de qualité à agir,

- en conséquence, prononcer la nullité du jugement rendu le 20 septembre 2016,

- constater que Mme [D] [V] ne rapporte pas la preuve qu'elle détiendrait des droits sur le distributeur de sachets et les modèles de sachets à bretelles revendiqués,

- dire et juger que Mme [D] [R] n'a pas qualité ni intérêt à agir,

- en conséquence, prononcer l'irrecevabilité des demandes formées par Mme [D] [V],

- sur le fond, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la Sarl Animo Concept s'est rendue coupable de faits de contrefaçon de droit d'auteur et de parasitisme ;

- fait interdiction à la Sarl Animo Concept de poursuivre l'exploitation sous quelque forme que ce soit des modèles de sac portant le slogan « ayez le bon réflexe » sous astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;

- condamné la Sarl Animo Concept à payer à Mme [D] [V] la somme de 20.000 € au titre de ses préjudices de contrefaçon et de parasitisme ;

- ordonné la diffusion du dispositif ou d'extraits du dispositif de la présente décision pendant une durée continue maximale de deux mois, dans au plus trois publications de presse écrite régionale ou nationale du choix de la demanderesse, selon conditions prévues à l'article L716-13 du code de la propriété intellectuelle, et dans la limite de 500 € hors taxes pour chaque acte de diffusion, et aux frais avancés du défendeur ;

- dit que les dépens seront mis à la charge de la Sarl Animo Concept ;

- condamné la Sarl Animo Concept à payer à Mme [D] [V] la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles ;

- et statuant à nouveau, à titre principal rejeter les demandes, fins, et conclusions de Mme [D] [V] dirigées à l'encontre de la Sarl Animo Concept pour être mal fondées ;

- en tout état de cause, juger que Mme [V] ne rapporte pas la preuve de son préjudice, ni de la faute de la Sarl Animo Concept et encore moins le lien de causalité entre les deux ;

- à titre reconventionnel, condamner Mme [V] à une somme de 20.000 € au titre de la procédure abusive engagée à l'encontre de la Sarl Animo Concept ;

- en tout état de cause, condamner Mme [D] [V] à payer à la Sarl Animo Concept la somme de 6.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [D] [V] aux entiers dépens.

----------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 31 mars 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [D] [V] réplique que :

- il n'a jamais été contesté qu'elle était bien la créatrice des modèles en cause, de sorte qu'elle a bien qualité et intérêt à agir ; aucune formalité n'est nécessaire pour bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, et le fait de ne pas avoir renouvelé le dépôt des modèles à l'INPI est sans incidence, ne s'agissant pas de l'application du droit des dessins et modèles, mais de la protection au titre du droit de la propriété intellectuelle ;

- la régularité du jugement attaqué ne saurait être remise en cause, les instances interrompues étant celles tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat, et la Sarl Animo Concept n'ayant pas qualité pour invoquer le dessaisissement, la sanction d'un acte accompli par le débiteur au mépris du dessaisissement dont il a fait l'objet n'étant en tout état de cause pas la nullité mais l'inopposabilité à la procédure collective ;

- le modèle de sacs pour déjection canine créés par Mme [D] [V] est une 'uvre de l'esprit, et partant, bénéficie de la protection au titre des dispositions des livres I et III du code de la propriété intellectuelle ; à ce titre, elle choisissait de concevoir des sacs en polymère oxydable 100% biofragmentable, en forme carrée avec deux anses de chaque côtés pour évoquer la forme d'une tête de chien, avec des inscriptions vertes faisant référence à la nature, et pouvant intégrer le distributeur de sacs, lequel répond également à la condition d'originalité, étant réalisé intégralement en inox brossé et comportant un slogan et un dessin parfaitement originaux ; or, tant les sacs que les distributeurs commercialisés par la société appelante constituent des copies serviles des modèles qu'elle propose, la Sarl Animo Concept ayant utilisé son slogan et son dessin pour promouvoir ses propres produits, de sorte que ces éléments constituent des actes de contrefaçon ;

- en proposant aux communes des sac de déjection dont le format s'intègre parfaitement aux distributeurs en place, la Sarl Animo Concept a commis des actes de parasitisme, les distributeurs appartenant à Mme [D] [V] ayant été utilisés pour contenir des sacs de la Sarl Animo Concept ;

Elle sollicite de la cour de :

- à titre principal, débouter la Sarl Animo Concept de l'ensemble de ses prétentions et demandes ;

- confirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal de grande instance de Marseille le 20 septembre 2016 en ce qu'il a :

- rejeté les fins de non-recevoir présentées in limine litis par la Sarl Animo Concept ;

- dit que la Sarl Animo Concept s'est rendue coupable de faits de contrefaçon de droit d'auteur et de parasitisme ;

- fait interdiction à la Sarl Animo Concept de poursuivre l'exploitation sous quelque forme que ce soit des modèles de sac portant le slogan « ayez le bon réflexe » sous astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;

- ordonné la diffusion du dispositif ou d'extraits du dispositif de la présente décision pendant une durée continue maximale de deux mois, dans au plus trois publications de presse écrite régionale ou nationale du choix de la demanderesse, selon conditions prévues à l'article L716-13 du code de la propriété intellectuelle, et dans la limite de 500 € hors taxes pour chaque acte de diffusion, et aux frais avancés du défendeur ;

- dit que les dépens seront mis à la charge de la Sarl Animo Concept ;

- infirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a :

- condamné la Sarl Animo Concept à payer à Mme [D] [V] la somme de 20.000 € au titre de ses préjudices de contrefaçon et de parasitisme ;

- statuant à nouveau, condamner la Sarl Animo Concept à verser à Mme [V] la somme de 236.927 € au titre de ses préjudices de contrefaçon et parasitisme ;

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal de grande instance de Marseille le 20 septembre 2016, en ce qu'il a :

- rejeté les fins de non-recevoir présentées in limine litis par la Sarl Animo Concept ;

- dit que la Sarl Animo Concept s'est rendue coupable de faits de contrefaçon de droit d'auteur et de parasitisme ;

- fait interdiction à la Sarl Animo Concept de poursuivre l'exploitation sous quelque forme que ce soit des modèles de sac portant le slogan « ayez le bon réflexe » sous astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;

- ordonné la diffusion du dispositif ou d'extraits du dispositif de la présente décision pendant une durée continue maximale de deux mois, dans au plus trois publications de presse écrite régionale ou nationale du choix de la demanderesse, selon conditions prévues à l'article L716-13 du code de la propriété intellectuelle, et dans la limite de 500 € hors taxes pour chaque acte de diffusion, et aux frais avancés du défendeur ;

- dit que les dépens seront mis à la charge de la Sarl Animo Concept ;

- infirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a :

- condamné la Sarl Animo Concept à payer à Mme [D] [V] la somme de 20.000 € au titre de ses préjudices de contrefaçon et de parasitisme ;

- statuant à nouveau, condamner la Sarl Animo Concept à verser à Mme [D] [V] la somme de 71.563 € au titre de ses préjudices de contrefaçon et de parasitisme ;

- à titre très subsidiaire, confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 20 septembre 2016 ;

- en tout état de cause, condamner la Sarl Animo Concept à verser à Mme [D] [V] la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sarl Animo Concept aux entiers dépens.

MOTIFS

- Sur la fin de non-recevoir

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'espèce, la Sarl Animo Concept, avançant que Mme [D] [V] n'a pas renouvelé le dépôt des modèles dont elle argue la propriété à l'INPI depuis 2007 et 2009, soutient que l'appelante n'a ni qualité ni intérêt à agir.

Toutefois, il n'est pas contesté que Mme [D] [V] est bien la créatrice et commercialise les sacs et distributeurs en cause, sur lesquels elle revendique des droits d'auteur, de sorte que le moyen opposé par la Sarl Animo Concept est inopérant, la protection revendiquée par l'appelante ne ressortant pas de l'application des dispositions relatives aux dessins et modèles mais de l'article L111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

C'est ainsi par de justes motifs que le premier juge a écarté la fin de non-recevoir opposée par la Sarl Animo Concept.

- Sur le caractère non-avenu du jugement de première instance

Aux termes de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est interrompue de plein droit par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

L'article 372 du code de procédure civile dispose que les actes accomplis et les jugements rendus postérieurement à l'interruption de l'instance sont réputés non avenus, à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.

L'article L.622-22 du code de commerce, applicable en liquidation judiciaire, prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le liquidateur étant mis en cause.

En l'espèce, la Sarl Animo Concept invoque une irrégularité du jugement de première instance en se fondant non seulement sur les articles sus-visés, relatifs à l'interruption de l'instance par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire, mais également sur l'article L641-9 de ce même code, relatif au dessaisissement du débiteur du liquidation judiciaire.

Il n'est pas contesté que par jugement du 3 juin 2016, une liquidation judiciaire a été prononcée à l'égard de Mme [D] [V], soit quatre jours avant la tenue des débats devant le premier juge, et que Me [N] [O], liquidateur judiciaire désigné, n'était pas partie à la première instance, n'ayant pas été mis en la cause, alors que la Sarl Animo Concept formulait une demande reconventionnelle de condamnation de Mme [D] [V] à des dommages et intérêts pour procédure abusive, de sorte que le caractère non avenu ne pourrait concerner que la demande de dommages et intérêts formée par la Sarl Animo Concept et non l'action entreprise par Mme [D] [R], laquelle n'était pas une action devant être interrompue en raison de la survenance de la procédure collective.

L'ouverture de la liquidation judiciaire entraîne de plein droit le dessaisissement du débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, mais également de ses droits et actions concernant son patrimoine soumis à la procédure collective, lesquels sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur aux termes des dispositions de l'article L641-9 du code de commerce.

Toutefois, ce dessaisissement n'a eu aucune incidence sur la validité de l'appel formé par la Sarl Animo Concept d'une part, n'a pas eu pour effet de rendre le jugement non avenu dès lors que ce dessaisissement est intervenu postérieurement aux débats, en cours de délibéré et, d'autre part et surtout, ce dessaisissement a pris fin dès le prononcé de la clôture de la liquidation judiciaire de sorte que Mme [D] [R] a recouvré la faculté de défendre seule à l'instance d'appel. Aucune irrecevabilité ne saurait être encourue de ce chef.

La demande tendant à voir déclarer le jugement de première instance non avenu sera rejetée.

- Sur la contrefaçon

Aux termes de l'article L112-4 du code de la propriété intellectuelle, le titre d'une 'uvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l''uvre elle-même.

En matière de contrefaçon de droit d'auteur, il appartient au demandeur, dès lors que l'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous, au sens de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, de caractériser les éléments qui, selon lui, manifestent l'originalité de son 'uvre et sa personnalité et d'identifier l''uvre et les reproductions qu'il estime attentatoires à ses droits.

L'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création, et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Pour être qualifiée d'originale, une 'uvre doit porter l'empreinte de la personnalité de son auteur, et doit résulter d'une création intellectuelle propre à l'auteur, expression originale de sa liberté créatrice (CJCE, 16 juillet 2009, C-5/08 Infopaq).

Ainsi, il appartient au demandeur à l'action d'établir clairement le périmètre des 'uvres revendiquées et de caractériser ce qui constitue, à ses yeux, l'empreinte de sa personnalité et les éventuelles atteintes qui y sont portées.

En l'espèce, Mme [D] [V] revendique une création originale de sacs à bretelles, aux motifs que ceux-ci sont conçus en polymère oxydable 100% bio fragmentable, qu'ils sont conçus en forme carrée, avec deux anses de chaque côté pour rappeler la forme d'une tête de chien, qu'ils comportent des inscriptions vertes, faisant référence à la nature, et sont conçus pour intégrer le distributeur correspondant. Elle en déduit que l'ensemble de ces choix créatifs, opérés de manière arbitraire par l'auteur, témoignent de son apport personnel.

Toutefois, les sacs litigieux sont caractérisés uniquement par des aspects techniques, un sac se définissant par des impératifs techniques de fabrication en ce qu'il doit pouvoir se fermer, ou à tout le moins détenir un système de fermeture. Ainsi, les choix de matière, de forme ainsi que les inscriptions qui y figurent répondent à des contraintes liées à la fonctionnalité du produit et représentent uniquement des caractéristiques techniques, ne pouvant caractériser l'originalité d'une 'uvre. Mme [D] [V], qui ne procède que par affirmations, n'expose pas en quoi ces choix techniques portent l'empreinte de sa personnalité.

Au demeurant, si l'originalité d'une 'uvre doit s'apprécier de manière globale, Mme [D] [V] ne démontre pas en quoi la combinaison des choix de matière, de forme et d'inscriptions confère aux produits une physionomie particulière. A cet égard, la spécificité alléguée et l'effort créatif ne ressortent pas de la comparaison réalisée avec les photographies des différents sacs canins à bretelles existants sur le marché produites par la société appelante, lesquelles illustrent l'aspect normatif très proche de ceux-ci, s'agissant d'un sac opaque, avec un visuel de chien, à défaut de quoi il ne pourrait être déduit qu'il s'agit d'un sac pour déjections canines.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a retenu que « le sac en plastique destiné aux déjections canines présente les caractéristiques d'un sac en plastique fin, de couleur noire à deux anses, d'un forme somme toute assez banale ».

S'agissant des distributeurs de sacs, Mme [D] [V] se prévaut d'une réalisation en inox brossé, pour lui permettre de s'intégrer au mobilier urbain, et refléter son engagement écologique, et du choix de minimiser la visibilité des sacs aux fins d'une meilleure intégration urbaine, l'ensemble de ces choix reflétant selon elle l'empreinte de sa personnalité.

Néanmoins, tout comme les sacs litigieux, ces caractéristiques correspondent à des aspects techniques inhérents à la création d'un distributeur de liasse de sacs, et ne sauraient caractériser une originalité permettant de revendiquer la protection au titre du droit d'auteur.

Le fait que les distributeurs de sacs créés par Mme [D] [V] comportent le terme « Ayez le bon réflexe » sous la mention « C. Net Stop ! A la pollution canine » ne caractérise pas l'originalité revendiquée par Mme [D] [V], s'agissant d'un slogan courant dans le domaine de la prévention.

Mme [D] [V] ne peut ainsi se prévaloir d'un droit d'auteur sur les sacs à bretelles et distributeurs correspondant précités, en l'absence de tout caractère original, et ce nonobstant toute éventuelle antériorité.

Dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner davantage les moyens tirés de la contrefaçon en l'absence de toute protection du droit d'auteur ouverte faute d'originalité, le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs, et statuant à nouveau, Mme [D] [V] sera déboutée de l'intégralité de ses demandes formulées au titre de la contrefaçon.

- Sur le parasitisme économique

Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil, consistant, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque ainsi que la volonté d'un tiers de se placer dans son sillage.

En l'espèce, Mme [D] [V] reproche à la Sarl Animo Concept d'avoir utilisé les distributeurs de sacs qu'elle commercialisait pour y insérer ses propres modèles de sacs, faisant ainsi l'économie de sa propre communication, en reprenant à son compte les slogans et la communication commerciale qu'elle avait développés. Elle se prévaut à ce titre de deux constats établis par commissaire de justice sur les communes de [Localité 4] et des [Localité 3].

S'il résulte de ces deux procès-verbaux que les distributeurs commercialisés par Mme [D] [V] ont été utilisés sur ces deux communes pour contenir des sacs de la Sarl Animo Concept, ils ne permettent pas à eux seuls d'établir le pillage d'un savoir-faire spécifique ou d' investissements réalisés par Mme [D] [V], étant rappelé que le parasitisme est indépendant de tout risque de confusion.

De la même manière, les échanges réalisés entre les parties en décembre 2005, soit sept ans avant les faits litigieux, en vue de la signature d'un contrat de distribution, ne permettent pas davantage de caractériser les faits de parasitisme reprochés, le seul fait que la Sarl Animo Concept ait pu avoir accès à cette occasion aux modèles de distributeurs et de sacs litigieux de Mme [D] [V] ne pouvant suffire à démontrer la volonté de la société intimée de se placer dans son sillage.

Ainsi, les griefs reprochés à la Sarl Animo Concept sont insuffisants à établir un comportement fautif de cette dernière. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef, et statuant à nouveau, Mme [D] [V] sera déboutée de ses demandes à ce titre.

- Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

La Sarl Animo Concept sollicite l'octroi de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive engagée à son encontre par Mme [D] [V].

Toutefois, l'assignation délivrée par Mme [D] [V] à la Sarl Animo Concept l'a été le 19 juin 2014, soit avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 3 juin 2016, de sorte que la créance ainsi alléguée aurait due être déclarée, et le mandataire liquidateur être mis en la cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En outre la Sarl Animo Concept ne démontre pas remplir l'une quelconque des conditions fixées à l'article L. 643-10 du code de commerce pour pouvoir recouvrer son droit de poursuite pour une créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective de Mme [D] [V] et non déclarée

La demande de la Sarl Animo doit être déclarée irrecevable.

- Sur les demandes accessoires

Mme [D] [V], partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, et sera tenue de payer à la Sarl Animo Concept la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute la Sarl Animo Concept de sa demande de nullité du jugement de première instance,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire de Marseille, sauf en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir présentées in limine litis par la Sarl Animo Concept,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Déboute Mme [D] [V] de l'ensemble de ses demandes,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts de la Sarl Animo Concept pour procédure abusive,

Condamne Mme [D] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne Mme [D] [V] à payer à la Sarl Animo Concept la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site