CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 19 juin 2025, n° 24/06557
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 19 JUIN 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/06557 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJG4J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2024 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2021L00833
APPELANT
M. [D] [G] [R]
De nationalité congolaise
Né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 13] (CONGO)
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Alexandre KOENIG, avocat au barreau de PARIS, toque : 286
INTIMÉS
M. [T] [Z] [F]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 10 juillet 2024)
S.E.L.A.R.L. [10] prise en la personne de Me [L] [Y], agissant es-qualité de liquidateur de la société [12] ayant fait l'objet d'une ouverture d'une procédure collective de liquidation judiciaire
[Adresse 5]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° [N° SIREN/SIRET 4]
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 10 juillet 2024)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Caroline TABOUROT, Conseillère
Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- Par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
L'EURL [11] [J] a été créée le 15.12.2016.
Madame [N] [J] a été nommée gérante de la société.
Son conjoint Monsieur [Z] [F] exerçait les fonctions de directeur au sein de la société.
La société a une activité dans le bâtiment.
Monsieur [G] [R] a été nommé gérant de la société le 31.10.2017, et cette désignation a été mentionnée au registre du commerce et des sociétés le 11.12.2017.
Par jugement du 21.08.2019, le tribunal de commerce de Melun a prononcé la liquidation judiciaire de la société [11] [J] suite à une déclaration de cessation des paiements régularisée par son dirigeant Monsieur [G] [R] le 8.08.2019.
La SELARL [10] a été désignée en qualité de liquidateur.
La date de cessation des paiements a été fixée au 20.05.2019
Par actes d'huissier en date du 4.11.2021 Monsieur [G] [R] a été assigné en sanction par le liquidateur judiciaire, ainsi que Monsieur [Z] [F] en qualité de dirigeant de fait.
Le passif de la société est principalement constitué d'une créance de l'Urssaf à hauteur de 369.148 euros, suite à un redressement notifié le 3.07.2019 portant sur une minoration des déclarations sociales obligatoires pour les années 2017 à 2018, les deux autres créances étant les [9] pour 2500 euros et [15] pour 4280 euros.
L'actif s'élève à 304,15 euros.
Par jugement du 6 mars 2024, le tribunal de commerce de Melun a :
- prononcé à l'encontre de M. [D] [G] [R], en sa qualité de dirigeant de l'entreprise SARL [12], l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ;
- dit que cette sanction est applicable pour une durée de 5 ans ;
- condamné M. [D] [G] [R] à payer la somme de 100 000 € au titre de l'insuffisance d'actif ;
- dit n'y avoir lieu à sanction à l'encontre de M. [Z] [F] ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- dit que les publicités du présent jugement, conformément à l'article R. 653-3 du code de commerce seront effectuées sans délai, nonobstant toutes voies de recours ;
- dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier National des Interdits de Gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce ;
- mis les dépens liquidés à la somme de 194,54 € outre les frais de signification, à la charge de M. [D] [G] [R] et si les fonds du débiteur n'y peuvent suffire à la charge du Trésor Public.
Monsieur [G] [R] a interjeté appel le 2.04.2024.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 28.01.2025 Monsieur [G] [R] demande à la cour de:
Vu les articles 651-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce,
- Recevoir le concluant en ses conclusions et les déclarer bien fondées ;
- Se déclarer compétent ;
- Rejeter toutes conclusions contraires ;
En conséquence,
Infirmer le jugement du 6 mars 2024 rendu par le tribunal de commerce de Melun en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a:
- Prononcé à l'encontre de M. [D] [G] [R], en sa qualité de dirigeant de l'entreprise SARL [12], l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ;
- Dit que cette sanction est applicable pour une durée de 5 ans ;
- Condamné M. [D] [G] [R] à payer la somme de 100 000 € au titre de l'insuffisance d'actif ;
- Dit n'y avoir lieu à sanction à l'encontre de M. [Z] [F] ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- Dit que les publicités du présent jugement, conformément à l'article R. 653-3 du code de commerce seront effectuées sans délai, nonobstant toutes voies de recours ;
- Dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier National des Interdits de Gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce ;
- Mis les dépens liquidés à la somme de 194,54 € outre les frais de signification, à la charge de M. [D] [G] [R] et si les fonds du débiteur n'y peuvent suffire à la charge du Trésor Public ;
Et, rejugeant à nouveau :
- Rejeter la demande de prononciation de la faillite personnelle à l'encontre de M. [G] [R] ;
- Rejeter toutes demandes de condamnation de M. [G] [R] à combler l'insuffisance d'actif de la société [12], ce compris à hauteur de 100 000 €,
- Ou, à titre subsidiaire, ramener cette condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 6 728,90 € ;
- Rejeter toutes mesures d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [G] [R] ;
- Dire n'y avoir lieu à condamnation à l'encontre de M. [G] [R].
Par avis signifié par voie électronique le 13.01.2025, le ministère public invite la cour à confirmer la décision du 6.03.2024.
Le 20.12.2024 le liquidateur judiciaire a adressé à la cour un courrier expliquant ne pouvoir constituer avocat compte tenu de l'impécuniosité de la liquidation judiciaire, l'assignation originelle et les pièces communiquées en première instance et a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour s'agissant de l'appréciation du rôle causal de Monsieur [Z] [F] dans la gestion de la société [12].
Cette note a été transmise à l'appelant.
L'ordonnance de clôture est en date du 20.02.2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
Le tribunal a retenu au titre des fautes:
- l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais légaux;
- le redressement [16] pour des faits de travail dissimulé.
L'insuffisance d'actif s'établit à 372.572,75 euros.
En application de l'article L.651-2 du code de commerce lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif décider que le montant de celle-ci sera supporté par le dirigeant de droit qui a contribué à la faute de gestion.
Sur le redressement [16]
Monsieur [G] [R] expose concernant le redressement [16] que celui-ci concerne deux années: 2017 et 2018 mais que lui-même n'est devenu gérant de la société qu'à compter du 11.12.2017 et que cet élément n'a pas été pris en compte par le tribunal de première instance.
Il souligne qu'il ignorait totalement le nom des ouvriers dont les rémunérations n'étaient pas déclarées, qu'il n'a jamais procédé au versement des sommes qui ont requalifiées par l'Urssaf en rémunération, qu'il ne connaissait pas ce compte parallèle de la société et n'avait aucun pouvoir sur ce dernier, qu'il n'avait aucun contrôle, ni connaissance du compte à l'origine des verseents ayant conduit au redressement [16] litigieux, et en déduit qu'il ne peut être démontré un lien de causalité direct et certain entre ses fonctions de gérant, les éventuels reproches sur sa gestion et le redressement de l'Urssaf.
Le ministère public expose que la société a fait l'objet d'un redressement pour des faits de travail dissimulé et qu'il résulte en outre de la lettre d'observation du 9.07.2019 que Monsieur [G] [R] a été bénéficiaire de plusieurs virements depuis le compte dont il déclare ignorer l'existence pour une somme totale de 10.000 euros entre le 26.023.2018 et le 3.07.2018.
Sur ce
L'Urssaf a adressé à la société [12] une lettre d'observation le 9.07.2019 faisant état d'une période vérifiée du 01.01.2017 au 18.01.2019 et indiquant avoir procédé à des régularisations de cotisations du fait de travail dissimulé.
Il ressort de cette lettre d'observation:
- d'une part qu'un contrôle a été effectué sur un chantier le 18.01.2019 qui a permis de découvrir que deux ouvriers étaient employés par la SARL [12] sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche
- d'autre part qu'au regard de ce contrôle ayant constaté l'utilisation de travail dissimulé par la société un contrôle de la société a été effectué sur les années 2017 et 20187, qu'un examen des comptes bancaires de la société a permis de dresser la liste des personnes physiques ayant reçu des virements, que cette liste a été comparée avec les déclarations sociales effectuées, qu'une reconstitution de la masse salariale a été réalisée et qu'une comparaison avec les déclarations sociales a été effectuée démontrant une minoration des déclarations auprès de l'Urssaf pour des montants de 75.129 euros pour 2017 et 307.234 euros pour 2018.
Cette absence de déclarations sociales des salariés employés ou cette minoration constitue une faute de gestion, ainsi qu'une infraction pénale.
Monsieur [G] [R] en qualité de gérant de droit de la société depuis le 31.10.2017 est responsable du respect par la société de ses obligations sociales et a commis une faute en ne procédant pas aux déclarations sociales auprès de l'Urssaf.
La faute est donc caractérisée, sans que Monsieur [G] [R] ne puisse utilement faire valoir que malgré le fait qu'il était gérant de droit c'est Monsieur [Z] [F] qui gérait la société.
Le montant du passif en relation avec la faute commise par lui correspond aux cotisations régularisées soit la somme de 173114 euros pour l'année 2018, outre la majoration de redressement de 40%.
Sur le fait d'avoir omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours
Monsieur [G] [R] explique qu'il a pris l'initiative de déposer la déclaration de cessation des paiements le 8.08.2019 après avoir reçu le courrier de redressement de l'Urssaf portant sur un montant de 369.148 euros le 9.07.2019, qu'il a donc déclaré l'état de cessation des paiements de la société dans un délai de 45 jours.
Il ajoute qu'entre la date retenue par le tribunal dans le jugement d'ouverture et la date de dépôt de la déclaration de cessation des paiements aucun passif n'apparaît avoir été créé et qu'en retenant l'ancienneté des cotisations sociales sollicitées dans le cadre du redressement [16] les juges du tribunal de commerce ont omis de prendre en compte qu'il ne pouvait connaître ces cotisations à payer puisque celles-ci découlaient de paiement effectué depuis un compte dont il ignorait l'existence.
Le ministère public expose que la date de cessation a été fixée par le tribunal au 20.05.2019 et qu'en conséquence le dépôt de la déclaration de cessation des paiements a été fait avec un retard de 3 mois, que la faute est donc caractérisée, que Monsieur [G] [R] ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements dès lors qu'il existait des dettes anciennes puisque les arriérés de cotisation [16] remontent à 2017, et que la société [15] était également impayée de ses cotisations depuis 2018.
Sur ce
La date de cessation des paiements a été fixée par le tribunal au 20.05.2019. Cette date s'impose à la cour, comme à Monsieur [G] [R].
Ce dernier a effectué une déclaration de cessation des paiements le 8.08.2019 soit dans un délai de plus de 45 jours après la date de cessation des paiements et ce en violation des dispositions de l'article L.631-4 du code de commerce.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [G] [R] l'insuffisance d'actif qui ressort de cette déclaration tardive est constituée par le fait que pendant cette période les cotisations [16] n'ont pas été acquittées puisque le bordereau de déclaration de créance de l'Urssaf mentionne des cotisations dues, entre autres, pour mai 2019, juin 2019, juillet 2019 et août 2019.
Cette faute est donc établie.
Sur la gérance de fait de Monsieur [Z] [F]
Monsieur [G] [R] soutient qu'il n'a jamais procédé au versement des sommes requalifiées par la suite par l'Urssaf en rémunération et ayant donné lieu au redressement puisqu'il ne connaissait pas ce compte de la société et n'avait aucun pouvoir, qu'en réalité les fautes ont été commises par Monsieur [Z] [F] qui a agi en tant que gérant de fait et par Mme [N] [J] qui était habilitée à faire fonctionner le compte.
Le ministère public expose que le dirigeant de droit ne peut se dédouaner de sa responsabilité en invoquant l'existence d'un gérant de fait.
Sur ce
Il est de jurisprudence constante qu'un dirigeant de droit ne peut soutenir son absence de responsabilité au titre des fautes de gestion retenues à son encontre en faisant valoir l'existence d'un dirigeant de fait.
Ainsi il est inopérant pour Monsieur [G] [R] de faire valoir que Monsieur [Z] [F] aurait continué à gérer la société pour échapper à sa responsabilité. Au contraire en qualité de gérant de droit il lui appartenait de veiller à ce que Monsieur [Z] [F] n'intervienne pas dans la gestion de la société et de mettre fin aux agissements de celui-ci dont il ne pouvait ignorer l'existence. Il convient d'ajouter que c'est en toute connaissance de cause que Monsieur [G] [R] a participé à la mise en place d'un système permettant à Monsieur [Z] [F] de continuer à gérer la société malgré l'interdiction de gérer le concernant en acceptant d'être gérant de droit de la société.
Sur le montant de la condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actif
Monsieur [G] [R] fait valoir sa situation personnelle caractérisée par le fait qu'il perçoit un salaire mensuel de 1600 à 2000 euros par mois.
Sur ce
Au regard de l'importance de l'insuffisance d'actif constituée principalement par le recours au travail dissimulé il n'apparaît pas disproportionné de mettre à la charge du gérant de la société le versement d'une somme de 100.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif.
Sur l'interdiction de gérer
Sur l'absence de coopération avec les organes de la procédure et sur l'absence de remise de mauvaise foi au mandataire judiciaire des renseignements qu'il était tenu de communiquer
Monsieur [G] [R] fait valoir que Monsieur [Z] [F] ayant conservé la gérance de fait il a été placé dans une situation impossible puisque celui-ci ne lui ayant communiqué aucun document il n'a pas pu remettre les documents réclamés aux organes de la procédure. Il soutient cependant avoir remis une liste des créanciers au liquidateur, avoir échangé avec le commissaire priseur et avoir donc coopéré.
Le ministère public expose qu'il résulte des déclarations du liquidateur judiciaire que Monsieur [G] [R] ne s'est pas présenté aux convocations d'usage et n'a remis aucun document, que cette absence de réponse aux convocations suffit à attester l'absence volontaire de coopération avec le liquidateur, que par ailleurs les documents n'ont pas été remis.
Sur ce
L'article L.653-5 dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits suivants:
5°) d'avoir en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.
L'article L 653-8 du code de commerce dispose qu'une interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre du dirigeant qui de mauvaise foi n'aura pas remis au liquidateur judiciaire les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L.622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture, c'est à dire la liste des créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours.
En l'espèce il ressort des conclusions de Monsieur [G] [R] que celui-ci reconnaît ne pas avoir pu remettre au liquidateur les renseignements demandés par celui-ci dans la mesure où ces éléments ne lui avaient pas été communiqués par Monsieur [Z] [F] qui avait conservé la direction de fait de la société.
Mais cette situation est de la responsabilité de Monsieur [G] [R] qui a accepté de devenir gérant de droit de la société alors même que celle-ci continuait à être gérée par Monsieur [Z] [F].
Cette absence de communication doit en outre être qualifiée comme ayant été effectuée de mauvaise foi dans la mesure où elle était en réalité la conséquence d'un détournement des règles régissant la gestion des sociétés commerciales et qui ont pour but d'écarter les dirigeants malhonnêtes condamnés à des interdictions de gérer.
En outre il est établi que le liquidateur a demandé à plusieurs reprises des documents à Monsieur [G] [R] pour recouvrir des créances (lettre du 7.10.2019, relance du 31.10.2019, relance du 4.12.2019) ce qui démontre une collaboration imparfaite de Monsieur [G] [R] avec les organes de la procédure.
La preuve des deux griefs reprochés est donc établi.
Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements
Monsieur [G] [R] expose les mêmes arguments que ceux développés au titre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
Le ministère public expose que Monsieur [G] [R] ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements dès lors qu'il existait des dettes anciennes.
Sur ce
Aux termes de l'article L.653-8 du code de commerce une interdiction de gérer peut être prononcée contre toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours.
La date de cessation des paiements ayant été fixée par le tribunal au 20.05.2019 et étant définitive il est établi que la déclaration de cessation des paiements a été faite tardivement, dans un délai supérieur à 45 jours.
S'agissant du fait que cette omission a été faite sciemment il ressort des éléments versés aux débats qu'en 2019 que la société ne réglait pas ses cotisations sociales courantes puisque la déclaration de l'Urssaf en plus de contenir le redressement opéré du fait du travail dissimulé, vise les cotisations depuis mars 2019 comme non réglées.
Monsieur [G] [R] en qualité de gérant de droit ne pouvait qu'être informé qu'il ne réglait pas les cotisations sociales et pour autant n'a pas, volontairement, déclaré son état de cessation des paiements dans les 45 jours suivant le 20.05.2019.
Le grief est donc établi.
Sur la sanction
Au regard des 3 griefs retenus, qui s'expliquent principalement par la participation de Monsieur [G] [R] à une organisation frauduleuse de la dirigeance de la société par un ancien gérant soumis à une interdiction de gérer mais qui a continué à gérer de fait la société avec l'accord du gérant de droit qu'il avait installé à la gouvernance de celle-ci, la sanction prononcée de 5 ans d'interdiction de gérer est adaptée.
Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.
Monsieur [G] [R] est condamné aux dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 6.03.2024
et y ajoutant
condamne Monsieur [G] [R] aux dépens de l'instance.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 19 JUIN 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/06557 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJG4J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2024 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2021L00833
APPELANT
M. [D] [G] [R]
De nationalité congolaise
Né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 13] (CONGO)
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Alexandre KOENIG, avocat au barreau de PARIS, toque : 286
INTIMÉS
M. [T] [Z] [F]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 10 juillet 2024)
S.E.L.A.R.L. [10] prise en la personne de Me [L] [Y], agissant es-qualité de liquidateur de la société [12] ayant fait l'objet d'une ouverture d'une procédure collective de liquidation judiciaire
[Adresse 5]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° [N° SIREN/SIRET 4]
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 10 juillet 2024)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Caroline TABOUROT, Conseillère
Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- Par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
L'EURL [11] [J] a été créée le 15.12.2016.
Madame [N] [J] a été nommée gérante de la société.
Son conjoint Monsieur [Z] [F] exerçait les fonctions de directeur au sein de la société.
La société a une activité dans le bâtiment.
Monsieur [G] [R] a été nommé gérant de la société le 31.10.2017, et cette désignation a été mentionnée au registre du commerce et des sociétés le 11.12.2017.
Par jugement du 21.08.2019, le tribunal de commerce de Melun a prononcé la liquidation judiciaire de la société [11] [J] suite à une déclaration de cessation des paiements régularisée par son dirigeant Monsieur [G] [R] le 8.08.2019.
La SELARL [10] a été désignée en qualité de liquidateur.
La date de cessation des paiements a été fixée au 20.05.2019
Par actes d'huissier en date du 4.11.2021 Monsieur [G] [R] a été assigné en sanction par le liquidateur judiciaire, ainsi que Monsieur [Z] [F] en qualité de dirigeant de fait.
Le passif de la société est principalement constitué d'une créance de l'Urssaf à hauteur de 369.148 euros, suite à un redressement notifié le 3.07.2019 portant sur une minoration des déclarations sociales obligatoires pour les années 2017 à 2018, les deux autres créances étant les [9] pour 2500 euros et [15] pour 4280 euros.
L'actif s'élève à 304,15 euros.
Par jugement du 6 mars 2024, le tribunal de commerce de Melun a :
- prononcé à l'encontre de M. [D] [G] [R], en sa qualité de dirigeant de l'entreprise SARL [12], l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ;
- dit que cette sanction est applicable pour une durée de 5 ans ;
- condamné M. [D] [G] [R] à payer la somme de 100 000 € au titre de l'insuffisance d'actif ;
- dit n'y avoir lieu à sanction à l'encontre de M. [Z] [F] ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- dit que les publicités du présent jugement, conformément à l'article R. 653-3 du code de commerce seront effectuées sans délai, nonobstant toutes voies de recours ;
- dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier National des Interdits de Gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce ;
- mis les dépens liquidés à la somme de 194,54 € outre les frais de signification, à la charge de M. [D] [G] [R] et si les fonds du débiteur n'y peuvent suffire à la charge du Trésor Public.
Monsieur [G] [R] a interjeté appel le 2.04.2024.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 28.01.2025 Monsieur [G] [R] demande à la cour de:
Vu les articles 651-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce,
- Recevoir le concluant en ses conclusions et les déclarer bien fondées ;
- Se déclarer compétent ;
- Rejeter toutes conclusions contraires ;
En conséquence,
Infirmer le jugement du 6 mars 2024 rendu par le tribunal de commerce de Melun en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a:
- Prononcé à l'encontre de M. [D] [G] [R], en sa qualité de dirigeant de l'entreprise SARL [12], l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ;
- Dit que cette sanction est applicable pour une durée de 5 ans ;
- Condamné M. [D] [G] [R] à payer la somme de 100 000 € au titre de l'insuffisance d'actif ;
- Dit n'y avoir lieu à sanction à l'encontre de M. [Z] [F] ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- Dit que les publicités du présent jugement, conformément à l'article R. 653-3 du code de commerce seront effectuées sans délai, nonobstant toutes voies de recours ;
- Dit qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier National des Interdits de Gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce ;
- Mis les dépens liquidés à la somme de 194,54 € outre les frais de signification, à la charge de M. [D] [G] [R] et si les fonds du débiteur n'y peuvent suffire à la charge du Trésor Public ;
Et, rejugeant à nouveau :
- Rejeter la demande de prononciation de la faillite personnelle à l'encontre de M. [G] [R] ;
- Rejeter toutes demandes de condamnation de M. [G] [R] à combler l'insuffisance d'actif de la société [12], ce compris à hauteur de 100 000 €,
- Ou, à titre subsidiaire, ramener cette condamnation au titre de l'insuffisance d'actif à hauteur de 6 728,90 € ;
- Rejeter toutes mesures d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [G] [R] ;
- Dire n'y avoir lieu à condamnation à l'encontre de M. [G] [R].
Par avis signifié par voie électronique le 13.01.2025, le ministère public invite la cour à confirmer la décision du 6.03.2024.
Le 20.12.2024 le liquidateur judiciaire a adressé à la cour un courrier expliquant ne pouvoir constituer avocat compte tenu de l'impécuniosité de la liquidation judiciaire, l'assignation originelle et les pièces communiquées en première instance et a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour s'agissant de l'appréciation du rôle causal de Monsieur [Z] [F] dans la gestion de la société [12].
Cette note a été transmise à l'appelant.
L'ordonnance de clôture est en date du 20.02.2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
Le tribunal a retenu au titre des fautes:
- l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais légaux;
- le redressement [16] pour des faits de travail dissimulé.
L'insuffisance d'actif s'établit à 372.572,75 euros.
En application de l'article L.651-2 du code de commerce lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif décider que le montant de celle-ci sera supporté par le dirigeant de droit qui a contribué à la faute de gestion.
Sur le redressement [16]
Monsieur [G] [R] expose concernant le redressement [16] que celui-ci concerne deux années: 2017 et 2018 mais que lui-même n'est devenu gérant de la société qu'à compter du 11.12.2017 et que cet élément n'a pas été pris en compte par le tribunal de première instance.
Il souligne qu'il ignorait totalement le nom des ouvriers dont les rémunérations n'étaient pas déclarées, qu'il n'a jamais procédé au versement des sommes qui ont requalifiées par l'Urssaf en rémunération, qu'il ne connaissait pas ce compte parallèle de la société et n'avait aucun pouvoir sur ce dernier, qu'il n'avait aucun contrôle, ni connaissance du compte à l'origine des verseents ayant conduit au redressement [16] litigieux, et en déduit qu'il ne peut être démontré un lien de causalité direct et certain entre ses fonctions de gérant, les éventuels reproches sur sa gestion et le redressement de l'Urssaf.
Le ministère public expose que la société a fait l'objet d'un redressement pour des faits de travail dissimulé et qu'il résulte en outre de la lettre d'observation du 9.07.2019 que Monsieur [G] [R] a été bénéficiaire de plusieurs virements depuis le compte dont il déclare ignorer l'existence pour une somme totale de 10.000 euros entre le 26.023.2018 et le 3.07.2018.
Sur ce
L'Urssaf a adressé à la société [12] une lettre d'observation le 9.07.2019 faisant état d'une période vérifiée du 01.01.2017 au 18.01.2019 et indiquant avoir procédé à des régularisations de cotisations du fait de travail dissimulé.
Il ressort de cette lettre d'observation:
- d'une part qu'un contrôle a été effectué sur un chantier le 18.01.2019 qui a permis de découvrir que deux ouvriers étaient employés par la SARL [12] sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche
- d'autre part qu'au regard de ce contrôle ayant constaté l'utilisation de travail dissimulé par la société un contrôle de la société a été effectué sur les années 2017 et 20187, qu'un examen des comptes bancaires de la société a permis de dresser la liste des personnes physiques ayant reçu des virements, que cette liste a été comparée avec les déclarations sociales effectuées, qu'une reconstitution de la masse salariale a été réalisée et qu'une comparaison avec les déclarations sociales a été effectuée démontrant une minoration des déclarations auprès de l'Urssaf pour des montants de 75.129 euros pour 2017 et 307.234 euros pour 2018.
Cette absence de déclarations sociales des salariés employés ou cette minoration constitue une faute de gestion, ainsi qu'une infraction pénale.
Monsieur [G] [R] en qualité de gérant de droit de la société depuis le 31.10.2017 est responsable du respect par la société de ses obligations sociales et a commis une faute en ne procédant pas aux déclarations sociales auprès de l'Urssaf.
La faute est donc caractérisée, sans que Monsieur [G] [R] ne puisse utilement faire valoir que malgré le fait qu'il était gérant de droit c'est Monsieur [Z] [F] qui gérait la société.
Le montant du passif en relation avec la faute commise par lui correspond aux cotisations régularisées soit la somme de 173114 euros pour l'année 2018, outre la majoration de redressement de 40%.
Sur le fait d'avoir omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours
Monsieur [G] [R] explique qu'il a pris l'initiative de déposer la déclaration de cessation des paiements le 8.08.2019 après avoir reçu le courrier de redressement de l'Urssaf portant sur un montant de 369.148 euros le 9.07.2019, qu'il a donc déclaré l'état de cessation des paiements de la société dans un délai de 45 jours.
Il ajoute qu'entre la date retenue par le tribunal dans le jugement d'ouverture et la date de dépôt de la déclaration de cessation des paiements aucun passif n'apparaît avoir été créé et qu'en retenant l'ancienneté des cotisations sociales sollicitées dans le cadre du redressement [16] les juges du tribunal de commerce ont omis de prendre en compte qu'il ne pouvait connaître ces cotisations à payer puisque celles-ci découlaient de paiement effectué depuis un compte dont il ignorait l'existence.
Le ministère public expose que la date de cessation a été fixée par le tribunal au 20.05.2019 et qu'en conséquence le dépôt de la déclaration de cessation des paiements a été fait avec un retard de 3 mois, que la faute est donc caractérisée, que Monsieur [G] [R] ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements dès lors qu'il existait des dettes anciennes puisque les arriérés de cotisation [16] remontent à 2017, et que la société [15] était également impayée de ses cotisations depuis 2018.
Sur ce
La date de cessation des paiements a été fixée par le tribunal au 20.05.2019. Cette date s'impose à la cour, comme à Monsieur [G] [R].
Ce dernier a effectué une déclaration de cessation des paiements le 8.08.2019 soit dans un délai de plus de 45 jours après la date de cessation des paiements et ce en violation des dispositions de l'article L.631-4 du code de commerce.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [G] [R] l'insuffisance d'actif qui ressort de cette déclaration tardive est constituée par le fait que pendant cette période les cotisations [16] n'ont pas été acquittées puisque le bordereau de déclaration de créance de l'Urssaf mentionne des cotisations dues, entre autres, pour mai 2019, juin 2019, juillet 2019 et août 2019.
Cette faute est donc établie.
Sur la gérance de fait de Monsieur [Z] [F]
Monsieur [G] [R] soutient qu'il n'a jamais procédé au versement des sommes requalifiées par la suite par l'Urssaf en rémunération et ayant donné lieu au redressement puisqu'il ne connaissait pas ce compte de la société et n'avait aucun pouvoir, qu'en réalité les fautes ont été commises par Monsieur [Z] [F] qui a agi en tant que gérant de fait et par Mme [N] [J] qui était habilitée à faire fonctionner le compte.
Le ministère public expose que le dirigeant de droit ne peut se dédouaner de sa responsabilité en invoquant l'existence d'un gérant de fait.
Sur ce
Il est de jurisprudence constante qu'un dirigeant de droit ne peut soutenir son absence de responsabilité au titre des fautes de gestion retenues à son encontre en faisant valoir l'existence d'un dirigeant de fait.
Ainsi il est inopérant pour Monsieur [G] [R] de faire valoir que Monsieur [Z] [F] aurait continué à gérer la société pour échapper à sa responsabilité. Au contraire en qualité de gérant de droit il lui appartenait de veiller à ce que Monsieur [Z] [F] n'intervienne pas dans la gestion de la société et de mettre fin aux agissements de celui-ci dont il ne pouvait ignorer l'existence. Il convient d'ajouter que c'est en toute connaissance de cause que Monsieur [G] [R] a participé à la mise en place d'un système permettant à Monsieur [Z] [F] de continuer à gérer la société malgré l'interdiction de gérer le concernant en acceptant d'être gérant de droit de la société.
Sur le montant de la condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actif
Monsieur [G] [R] fait valoir sa situation personnelle caractérisée par le fait qu'il perçoit un salaire mensuel de 1600 à 2000 euros par mois.
Sur ce
Au regard de l'importance de l'insuffisance d'actif constituée principalement par le recours au travail dissimulé il n'apparaît pas disproportionné de mettre à la charge du gérant de la société le versement d'une somme de 100.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif.
Sur l'interdiction de gérer
Sur l'absence de coopération avec les organes de la procédure et sur l'absence de remise de mauvaise foi au mandataire judiciaire des renseignements qu'il était tenu de communiquer
Monsieur [G] [R] fait valoir que Monsieur [Z] [F] ayant conservé la gérance de fait il a été placé dans une situation impossible puisque celui-ci ne lui ayant communiqué aucun document il n'a pas pu remettre les documents réclamés aux organes de la procédure. Il soutient cependant avoir remis une liste des créanciers au liquidateur, avoir échangé avec le commissaire priseur et avoir donc coopéré.
Le ministère public expose qu'il résulte des déclarations du liquidateur judiciaire que Monsieur [G] [R] ne s'est pas présenté aux convocations d'usage et n'a remis aucun document, que cette absence de réponse aux convocations suffit à attester l'absence volontaire de coopération avec le liquidateur, que par ailleurs les documents n'ont pas été remis.
Sur ce
L'article L.653-5 dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits suivants:
5°) d'avoir en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.
L'article L 653-8 du code de commerce dispose qu'une interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre du dirigeant qui de mauvaise foi n'aura pas remis au liquidateur judiciaire les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L.622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture, c'est à dire la liste des créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours.
En l'espèce il ressort des conclusions de Monsieur [G] [R] que celui-ci reconnaît ne pas avoir pu remettre au liquidateur les renseignements demandés par celui-ci dans la mesure où ces éléments ne lui avaient pas été communiqués par Monsieur [Z] [F] qui avait conservé la direction de fait de la société.
Mais cette situation est de la responsabilité de Monsieur [G] [R] qui a accepté de devenir gérant de droit de la société alors même que celle-ci continuait à être gérée par Monsieur [Z] [F].
Cette absence de communication doit en outre être qualifiée comme ayant été effectuée de mauvaise foi dans la mesure où elle était en réalité la conséquence d'un détournement des règles régissant la gestion des sociétés commerciales et qui ont pour but d'écarter les dirigeants malhonnêtes condamnés à des interdictions de gérer.
En outre il est établi que le liquidateur a demandé à plusieurs reprises des documents à Monsieur [G] [R] pour recouvrir des créances (lettre du 7.10.2019, relance du 31.10.2019, relance du 4.12.2019) ce qui démontre une collaboration imparfaite de Monsieur [G] [R] avec les organes de la procédure.
La preuve des deux griefs reprochés est donc établi.
Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements
Monsieur [G] [R] expose les mêmes arguments que ceux développés au titre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
Le ministère public expose que Monsieur [G] [R] ne pouvait ignorer l'état de cessation des paiements dès lors qu'il existait des dettes anciennes.
Sur ce
Aux termes de l'article L.653-8 du code de commerce une interdiction de gérer peut être prononcée contre toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours.
La date de cessation des paiements ayant été fixée par le tribunal au 20.05.2019 et étant définitive il est établi que la déclaration de cessation des paiements a été faite tardivement, dans un délai supérieur à 45 jours.
S'agissant du fait que cette omission a été faite sciemment il ressort des éléments versés aux débats qu'en 2019 que la société ne réglait pas ses cotisations sociales courantes puisque la déclaration de l'Urssaf en plus de contenir le redressement opéré du fait du travail dissimulé, vise les cotisations depuis mars 2019 comme non réglées.
Monsieur [G] [R] en qualité de gérant de droit ne pouvait qu'être informé qu'il ne réglait pas les cotisations sociales et pour autant n'a pas, volontairement, déclaré son état de cessation des paiements dans les 45 jours suivant le 20.05.2019.
Le grief est donc établi.
Sur la sanction
Au regard des 3 griefs retenus, qui s'expliquent principalement par la participation de Monsieur [G] [R] à une organisation frauduleuse de la dirigeance de la société par un ancien gérant soumis à une interdiction de gérer mais qui a continué à gérer de fait la société avec l'accord du gérant de droit qu'il avait installé à la gouvernance de celle-ci, la sanction prononcée de 5 ans d'interdiction de gérer est adaptée.
Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.
Monsieur [G] [R] est condamné aux dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 6.03.2024
et y ajoutant
condamne Monsieur [G] [R] aux dépens de l'instance.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE