CA Rennes, 4e ch., 19 juin 2025, n° 24/01608
RENNES
Arrêt
Autre
4ème Chambre
ARRÊT N° 161
N° RG 24/01608
N° Portalis DBVL-V-B7I-UTQC
(2)
(Réf 1ère instance :
TJ [Localité 4] - Ch. civile 1
Jugement du 19.02.24
RG 19/02059)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 JUIN 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Madame Marie-Line PICHON, Conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence, désignée par ordonnance rendue par le premier président rendue le 2 avril 2025
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame Françoise BERNARD, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Avril 2025, devant M. Alain DESALBRES, Président de chambre, et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, entendue en son rapport, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. GENERALI IARD
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me François BILLEBEAU de la SCP BILLEBEAU - MARINACCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.A. AXA FRANCE IARD
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2]
Représentée par Me Caroline RIEFFEL de la SCP BG ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société TREGOR BIOGAZ
société à responsabilité limitée prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]
Représentée par Me Laëtitia SIBILLOTTE de la SELARL SHANNON AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
S.A.S. C.L.A.I.E. venant aux droits de la société KERBOAS
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 5]
Représentée par Me Benoît DE CADENET de la SELARL LE CAB'AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de BREST
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société Tregor Biogaz, ayant pour activité le traitement et l'élimination des déchets non dangereux, a fait construire une station de méthanisation pour un marché global de 1 650 000 euros afin de produire du gaz et de l'électricité à partir de la fermentation de matières organiques. Elle vend une partie du digestat (déchets après la méthanisation) après séparation et séchage qui peut être utilisé comme compost.
Elle a confié à la société Kerboas devenue la société C.L.A.I.E, assurée par la société Generali jusqu'au 31 décembre 2017 puis par Axa France Iard à compter 1er janvier 2018, le traitement du digestat suivant devis des 6 et 7 août 2013 pour un marché global de 78 783 euros HT.
Deux factures ont été émises les 30 septembre et 31 décembre 2014.
Un procès-verbal de mise en service de la centrifugeuse a été établi le 16 juin 2015.
La société Tregor Biogaz s'est plainte par plusieurs courriers adressés à la société C.L.A.I.E du dysfonctionnement de l'installation. Elle a fait établir un constat d'huissier le 16 août 2016.Son assureur de protection juridique a adressé le 9 septembre 2016 une mise en demeure à la société Kerboas devenue C.L.A.I.E de procéder aux réparations.
À la suite d'une mesure d'expertise amiable contradictoire, un protocole d'accord a été régularisé entre les parties, l'entreprise Kerboas s'engageant à procéder au retrait de la grille du dégrilleur et à la procéder à la remise en service du séparateur et de la centrifugeuse avant le 31 décembre 2016.
Jugeant les interventions de la société Kerboas insuffisantes, la société Tregor Biogaz l'a assignée par acte du 12 juin 2018 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins d'expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 13 septembre 2018.
Suivant exploits du 9 juillet 2018, la société Kerboas a attrait ses assureurs la société Generali Iard et la société Axa France Iard aux opérations d'expertise.
L'expert, M. [S], a déposé son rapport le 27 juin 2019.
Par assignation en date du 16 décembre 2019, la société Tregor Biogaz a assigné la société Kerboas devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en indemnisation de ses préjudices.
Par actes des 25 et 29 juin 2020, la société Kerboas a assigné en garantie la société Axa France Iard et la société Generali Iard devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc.
Le 30 juin 2022, une transmission universelle de patrimoine est intervenue dans le cadre de la fusion entre la société Kerboas et la société C.L.A.I.E, venant ainsi aux droits de cette dernière.
Par un jugement en date du 19 février 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 107 358 euros TTC au titre des travaux réparatoires sur le séparateur de phase avec indexation sur l'indice BT01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 45 000 euros HT au titre des travaux réparatoires sur la centrifugeuse avec indexation sur l'indice BT01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 235 246 euros au titre des préjudices annexes sauf à parfaire à compter du 17 juin 2022,
- dit que la société Generali devra garantie à la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas ;
- mis hors de cause la société Axa France Iard et en conséquence,
- débouté toutes les parties de leurs demandes à son égard,
- débouté les parties de toute autre demande,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
La société Generali Iard a interjeté appel de cette décision le 19 mars 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions du 2 avril 2025, la société Generali Iard demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il l'a condamnée en faveur de Tregor Biogaz et en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société C.L.A.I.E,
- juger irrecevable l'appel et les demandes incidentes de Tregor Biogaz,
- juger irrecevables les demandes de Tregor Biogaz formées à son encontre car prescrites,
- juger en toute hypothèse infondées ces demandes,
- juger que le chantier de construction de l'unité de méthanisation a commencé bien avant le 1er janvier 2015, date d'entrée en vigueur du contrat AP0334578 et que, à supposer que la garantie décennale aurait été mobilisable dans cette affaire, c'est le contrat AM674064 en cours au moment de l'ouverture du chantier qui aurait été applicable,
- juger que les garanties au titre de l'assurance de garantie décennale du contrat Generali applicable à l'époque ne sont pas applicables,
- juger que ses garanties ne sont pas mobilisables au titre d'une garantie de responsabilité civile, en raison de l'entrée en vigueur du contrat Axa,
- rejeter toute demande de la société Tregor Biogaz, de la société C.L.A.I.E et de la société Axa dirigée contre elle,
- juger pour le volet responsabilité civile que si la cour devait considérer que la réclamation est antérieure à l'entrée en vigueur du contrat Axa au 1er janvier 2018, le contrat à considérer serait le contrat AP0334578 applicable à effet du 1er janvier 2015 et que la compagnie Generali serait fondée à opposer les exceptions de garantie excluant la reprise de la prestation de l'assuré, à savoir les réclamations suivantes :
- les 107 358 euros TTC/124 884 euros TTC correspondant aux devis Planet pour la remise en état du séparateur, le coût de réparation du matériel livré étant exclu,
- les 205 251,10 euros TTC/236 637,48 euros TTC pour le remplacement de la centrifugeuse,
- la modification des équipements de réserve de sécurisation pour 13 828,92 euros TTC,
- le remplacement du matériel hors usage pour 4 897 euros,
- la création d'une rampe d'accès pour 4 931 euros.
- juger qu'elle serait fondée à opposer les exceptions de procédure excluant la reprise de la prestation et sa franchise contractuelle de 10 % du montant avec un minimum de 1 000 euros et un maximum de 4 000 euros, de même qu'un plafond de garantie à 200 000 euros,
- condamner la société Tregor Biogaz ainsi que la société C.L.A.I.E à lui payer chacune la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon ses dernières écritures du 5 mars 2025, la société Tregor Biogaz demande à la cour de :
- juger recevable et bien fondée son action,
- recevoir son appel incident et le dire bien fondé,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à lui verser la somme de 107 358 euros TTC au titre des travaux réparatoires sur le séparateur de phase avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à prendre en charge le coût des travaux réparatoires sur la centrifugeuse avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019; sauf en ce qu'il a fixé le coût des travaux réparatoires à 45 000 euros au titre de la centrifugeuse,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à l'indemniser de ses préjudices annexes, sauf en ce qu'il en a fixé le coût à la somme de 235 246 euros (sauf à parfaire) à compter du 17 juin 2022,
- a dit que la société Generali devra garantie à la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
Et statuant de nouveau,
- condamner la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard à lui payer le coût des travaux réparatoires ou de remplacement de la centrifugeuse à la somme de 375 330,40 euros TTC (sauf à parfaire) outre TVA applicable au jour du jugement,
- condamner la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard à lui payer la somme de 305 171,50 euros au titre de ses préjudices annexes, sauf à parfaire du préjudice subi postérieurement au 11 septembre 2024.
À titre infiniment subsidiaire,
- ordonner une nouvelle expertise judiciaire avec la mission habituelle en pareille matière ou si mieux n'aime un complément d'expertise, ou encore inviter l'expert à expliciter les conclusions de son rapport définitif du le 27 juin 2019 sur la cause des désordres et l'évaluation des préjudices,
En tout état de cause,
- ordonner que les condamnations prononcées, après application du taux de TVA en vigueur au jour du prononcé du jugement, seront augmentées en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date de l'arrêt et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- ordonner que les sommes allouées seront porteuses d'intérêts au taux légal à compter du dépôt du 26 juin 2019, sur le fondement de l'article 1231-7 alinéa 1er du code civil avec capitalisation dès lors qu'ils seront dus pour une année entière par application de l'article 1343-2 du même code,
- condamner la Société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard au paiement d'une indemnité de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référés et les frais d'expertise, dont distraction au profit de la Selarl Shannon Avocats sur le fondement des dispositions de l'article 699 du même code.
- débouter la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
- débouter les sociétés Axa France Iard et Generali Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre.
Aux termes de ses dernières conclusions du 12 mars 2025, la société Axa France Iard demande à la cour de :
- constater que la société Tregor Biogaz n'a saisi la cour d'appel de Rennes d'aucune demande de réformation et/ou d'infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 19 février 20024 dans ses conclusions d'appelant incident notifiées le 12 septembre 2024 ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Tregor Biogaz de toutes ses demandes à son égard,
- juger, en toute hypothèse, irrecevables comme prescrites les demandes présentées par la société Tregor Biogaz à son encontre ;
- juger en tout état de cause mal fondées les demandes présentées par la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, et par la Société Tregor Biogaz à l'encontre de la société Axa France Iard ;
- débouter par conséquent la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, et tous autres, en ce compris la société Tregor Biogaz, de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ;
- condamner la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, in solidum avec la société Tregor Biogaz, ou l'une à défaut de l'autre, ou toute autre partie succombante, à lui régler une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour d'appel.
- condamner la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, ou toute autre partie succombante aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Selon ses dernières écritures du 3 avril 2025, la société C.L.A.I.E demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 107 358 euros TTC au titre des travaux réparatoires sur le séparateur de phase avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 45 000 euros HT au titre des travaux réparatoires sur la centrifugeuse avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 235 246 euros au titre des préjudices annexes sauf à parfaire à compter du 17 juin 2022,
- a mis hors de cause la société Axa France Iard et en conséquence,
- a débouté toutes les parties de leurs demandes à son égard,
- a débouté les parties de toute autre demande,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit la société Generali lui devra garantie,
Statuant à nouveau :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,
- déclarer irrecevables l'appel incident formé par la société Tregor Biogaz ainsi que toutes les demandes formées par la société Tregor Biogaz dans le cadre de cet appel incident,
À titre principal :
- déclarer la société Tregor Biogaz irrecevable en ses demandes,
- à tout le moins, débouter la société Tregor Biogaz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter les sociétés Axa France Iard et Generali Iard de leurs demandes, fins et prétentions, formulées à son encontre,
- condamner la société Tregor Biogaz à lui payer 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Tregor Biogaz aux dépens,
À titre subsidiaire, s'il était en tout ou partie fait droit à tout ou partie des demandes de la société Tregor Biogaz
- débouter la société Tregor Biogaz de ses demandes au titre du prétendu manque à gagner pour la vente du compost, à compter du 1er janvier 2019,
- débouter la société Tregor Biogaz de toutes ses demandes à compter d'août 2024,
- réduire sensiblement les demandes de la société Tregor Biogaz,
- juger que le préjudice de la Société Tregor Biogaz s'élève au plus à la somme de 16 947,36 euros,
- la condamner tout au plus à payer, au titre des préjudices, la somme de 32 593 euros,
- la condamner tout au plus à payer, au titre des travaux réparatoires, la somme de 34 500 euros,
- à titre très subsidiaire, la condamner tout au plus à payer la somme de 29 638,47 euros HT pour le remplacement du séparateur,
- la condamner tout au plus à payer, au titre de la centrifugeuse, la somme de 45 000 euros HT, - réputer et déclarer non écrites les clauses de limitations et/ou d'exclusions de garantie figurant dans les dispositions générales de la police AP 0335478 de la société Generali Iard,
- déclarer les garanties décennale et civiles (polices n°AP334578 et AM674064) et multirisques industrielle (police n°AL 733779) de la société Generali Iard acquises à son égard,
- déclarer que Generali Iard lui doit sa garantie décennale, de même que sa garantie contractuelle multirisque industrielle au titre du présent litige,
À titre subsidiaire, déclarer que Generali Iard lui doit sa garantie civile contractuelle (polices n° AP334578 et AM674064) au titre du présent litige,
- déclarer les garanties contractuelles BATISSUR (police n°7663106404) et RC et (police n°7678676704) de Axa France Iard acquises à son égard,
- déclarer que la société Axa France Iard lui doit sa garantie contractuelle au titre du présent litige,
Par conséquent,
- condamner in solidum les sociétés Generali Iard et Axa France Iard à la relever et garantir indemne de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la société Tregor Biogaz et ses suites éventuelles,
En conséquence
- condamner in solidum les sociétés Generali Iard et Axa France à lui payer la somme correspondant au montant total des condamnations qui seraient prononcées contre elle au profit de la société Tregor Biogaz,
- condamner in solidum les sociétés Generali Iard et Axa France Iard à lui payer une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
MOTIFS
1. Sur la recevabilité de l'appel incident de la société Tregor Biogaz et des demandes subséquentes
La société C.L.A.I.E soulève l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Tregor Biogaz et des demandes subséquentes au motif que ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions une demande d'infirmation ou d'annulation du jugement.
Le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge (Avis 2e civile, 3 juin 2021, n°21-70.006).
A contrario, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir relatives à la recevabilité de l'appel principal ou incident. La fin de non-recevoir soulevée par la société C.L.A.I.E est donc elle-même irrecevable.
La fin de non-recevoir est rejetée.
2. Sur l'existence d'un ouvrage ou d'éléments d'équipement
La société Tregor Biogaz justifie par sa pièce 29, la construction d'une station de méthanisation avec utilisation de béton, treillis soudés, électricité, tuyauterie, laquelle constitue un ouvrage compte tenu de l'utilisation de techniques de construction, de l'ajout de matériaux et de l'ampleur des travaux.
La prestation de la société Kerboas aux droits de laquelle vient la société C.L.A.I.E comprenait aux termes des devis des 6 et 7 août 2013 :
- la révision et l'installation d'une centrifugeuse d'occasion, avec une pompe d'alimentation (45 000 euros HT),
- d'un séparateur de phase,
- d'une pompe à lobes avec dégrilleur,
- d'une armoire d'automatisation pour le séparateur et la pompe,
- d'un forfait câblage, flexibles, raccords et canalisations (tranchées non comprises).
La société C.L.A.I.E soutient que ses travaux constituent un ouvrage s'agissant d'un assemblage de diverses prestations et matériaux, avec des réalisations en béton et fixation de machines sur celui-ci.
La société Generali objecte que les équipements installés sont des produits catalogues qui sont boulonnés, donc dissociables et ne sont pas constitutifs d'un ouvrage.
En l'espèce, ainsi que l'expose l'assureur, la société C.L.A.I.E ne peut sérieusement soutenir qu'elle a réalisé des ouvrages en béton alors que cela ne résulte ni des devis des 6 et 7 août 2013 ni de quelconques autres pièces. De plus, ainsi que le souligne l'appelante, la venderesse ne démontre pas l'incorporation des équipements au gros 'uvre, de l'existence de fixation indissociable dans le béton, mais uniquement des attaches par boulons. Il n'est justifié d'aucuns travaux de construction, et d'incorporation de matériaux dans le sol. Il résulte d'ailleurs de l'expertise judiciaire que les machines ont été démontées et stockées dans les bâtiments de la société Tregor Biogaz dans l'attente d'être réparées. La centrifugeuse a également été déplacée sur un autre site le 16 octobre 2017 (expertise page 20)
Ainsi ces éléments qui fonctionnent sont des éléments d'équipement.
3. Sur les fondements juridiques
La société Generali fait valoir que les matériels installés ont pour fonction exclusive de permettre l'exercice d'une activité professionnelle ce qui interdit la mise en jeu de la garantie décennale.
La société C.L.A.I.E réplique que les équipements qu'elle a installés sont mixtes en ce sens que l'usine de méthanisation répond aux besoins de l'activité professionnelle, mais également au besoin de fonctionnement de l'ouvrage, l'exercice de l'activité agricole continuant même si l'usine de méthanisation ne fonctionne pas.
Aux termes de l'article 1792-7 du code civil, ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.
En l'espèce aucun des moyens développés par la société C.L.A.I.E ne peut prospérer.
En premier lieu, ainsi qu'elle le fait plaider (page 2 de ses conclusions), la société Tregor Biogaz n'a pas une activité agricole, mais a pour seule activité le traitement et l'élimination des déchets non dangereux et c'est dans le cadre de son activité professionnelle qu'elle a fait construire une station de méthanisation de 1 650 000 euros en octobre 2014. Dès lors, la société C.L.A.I.E ne peut se prévaloir de la continuation d'une activité agricole par son co-contractant.
En second lieu, la circonstance que l'activité du maître de l'ouvrage de la station permet de valoriser de manière écologique les déchets n'a aucune incidence sur la fonction des équipements dans l'ouvrage pour l'exercice exclusif d'une activité professionnelle.
Il s'ensuit que les désordres affectant ces éléments d'équipement ne peuvent relever, en l'absence de travaux de construction, ni des garanties légales ni de la responsabilité contractuelle.
Il ne peut davantage y avoir de défaut de délivrance conforme, alors que les machines livrées correspondent à celles commandées.
Dès lors, la garantie des vices cachés est l'unique fondement possible de l'action de la société Tregor Biogaz. La Tregor Biogaz sera également déboutée sa demande d'actualisation de ses préjudices sur l'indice BT01.
4. Sur la garantie des vices cachés
4.1. Sur les fins de non-recevoir
Aux termes de l'article 1648 alinéa 1 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
4.1.1. Sur le point de départ de la prescription
L'appelante considère que le point de départ de la prescription biennale doit être fixé en octobre 2015, date du constat d'huissier aux termes duquel il a été constaté les défaillances techniques de l'installation.
La société C.L.A.I.E soutient que le point de départ de la prescription doit être fixé au 4 janvier 2016 date à laquelle elle a été informée par un courrier de la société Tregor Biogaz des dysfonctionnements de l'installation.
La société Tregor Biogaz fait valoir qu'elle n'a connu l'existence du vice dans son ampleur et ses conséquences qu'au dépôt du rapport d'expertise, le 29 juin 2019.
En l'espèce, il ressort du courrier du 4 janvier 2016, adressé par la société Tregor Biogaz à la société Kerboas, qu'à cette date le chantier n'était pas achevé, que les tuyaux n'étaient installés que de manière provisoire et que la cuve de dégrillage n'était pas adaptée entrainant des bourrages. Par la suite, le dégrilleur a été remplacé puis les parties ont signé un protocole d'accord qui devait être exécuté avant le 31 décembre 2016. Ce n'est que le 12 décembre 2016 que les contractants ont constaté dans le 'procès-verbal' de réception la casse de la vis excentrique du moteur.
L'expert judiciaire, qui n'a pu voir les machines en fonctionnement puisqu'elles étaient démontées dans l'attente d'être réparées, a confirmé qu'elles étaient impropres à l'usage auxquelles elles étaient destinées, mais n'a pas révélé l'ampleur des dysfonctionnements connus depuis décembre 2016.
Dès lors le point de départ de la prescription de l'article 1648 alinéa 1 du code civil doit être fixé au 12 décembre 2016.
4.1.2. Sur la prescription soulevée par la société C.L.A.I.E
La société C.L.A.I.E a été attraite en référé par assignation en date du 12 juin 2018 puis au fond le 16 décembre 2019. La fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut qu'être rejetée, l'action ayant été intentée dans le délai de deux ans.
4.1.3. Sur la prescription soulevée par la société Generali
Aux termes de l'article L 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
Selon l'article L 114-1 alinéas 1 et 3 du même code, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance... Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
Il s'évince de ces dispositions que l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée que tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré (3e Civ., 14 septembre 2023, n°22-21.493).
En l'espèce, la société Tregor Biogaz a assigné la société C.L.A.I.E en référé le 12 juin 2018. Cette action constitue le point de départ de la prescription biennale de l'article L 114-1 précité. L'action directe formée par la société Tregor Biogaz à l'égard de la société Generali par conclusions du 21 juin 2021, plus de deux années après l'assignation en référé est donc prescrite et en conséquence irrecevable.
4.2. Sur le vice caché
Lors du premier accedit de M. [S], l'arbre du moteur et la vis étaient démontés et selon la société C.L.A.I.E, la centrifugeuse était en cours de réparation.
S'agissant de la centrifugeuse, l'expert judiciaire a estimé que l'origine des désordres ne pouvait pas provenir de l'absorption d'un corps étranger.
Il a considéré que la casse de l'arbre excentrique était due au désalignement de l'arbre du moteur secondaire et à la vétusté de la machine.
S'agissant du séparateur de phases alimenté par des pompes, il indique que l'une d'elles s'est obstruée empêchant le filtrage, ce qui provoque le bourrage de la station. Il précise que lors de la mise en route du séparateur de phase, il y a une rupture du bouchon de matière solide, laissant passer le liquide.
L'expert considère que les désordres sont imputables à la société Kerboas qui devait fournir et installer le séparateur de phase et s'assurer de son bon fonctionnement.
Le vendeur soutient que le dysfonctionnement de la centrifugeuse résulte de l'absorption d'un corps étranger, en l'espèce de morceaux de bois, et que la société Tregor Biogaz qui a accepté un devis de remise en état du 16 janvier 2017 a reconnu sa responsabilité.
La société Tregor Biogaz réplique que les défauts constatés par l'expert sont constitutifs de vices cachés et qu'elle n'a jamais reconnu en connaissance de cause sa responsabilité.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société C.L.A.I.E, l'expert a clairement précisé que sur la base des pièces composant la centrifugeuse et de ses caractéristiques mécaniques (vitesse nominale de rotation 3500 tr/min) l'absorption éventuelle d'un corps étranger ne peut être à l'origine des désordres et a attribué la cause de la casse de l'arbre excentrique au désalignement de l'arbre moteur secondaire et à l'état de la centrifugeuse.
Son fabricant, la société Andritz, a en effet lors de son intervention sur site entre le 13 février et le 15 février 2018 indiqué que la canne d'alimentation était usée, que l'usure sur le viseur du tube d'alimentation était très prononcée, que la bague de centrage du tube d'alimentation était ébavurée, que les goupilles de centrage des paliers d'alimentation et réducteur côté pot de dégazage étaient tordus, que les faces d'appuis sur le bâtit pour les paliers, le réducteur et les bouchons de vidange étaient rouillés, que la vis convoyeuse était bourrée, qu'il y avait du jeu dans le plateau et que le roulement sous l'arbre excentrique était hors service.
La société C.L.A.I.E n'apporte aucune réponse quant à l'existence des défauts de la machine dont elle devait réaliser la révision et échoue à démontrer que le dysfonctionnement provient de la nature des intrants. La société Tregor Biogaz ne peut donc être responsable des défauts.
Il est ainsi démontré que le défaut d'alignement du moteur secondaire, qui rend impropre à son usage la centrifugeuse, est constitutif d'un vice caché.
S'agissant du séparateur de phases, M. [S] rappelle qu'il a été constaté des désordres par le bourrage de la pompe de transfert vers le séparateur, deux à trois fois par jour, ce qui a été constaté suivant procès-verbal d'huissier du 30 janvier 2018. Il conclut que le séparateur de phase ne remplit pas sa fonction.
La société C.L.A.I.E a elle-même constaté le 12 février 2018 que les problèmes étaient toujours les mêmes, qu'il y avait une rupture du bouchon de matière solide laissant passer le liquide à chaque mise en route, qu'il était impossible de faire tourner en automatique et qu'après 500 heures de service la machine ne fonctionnait toujours pas.
Il ressort de l'expertise judiciaire qu'après des réglages sur la pompe à lobes par la société C.L.A.I.E, les désordres ont persisté sur le séparateur de phases. Les difficultés de démarrage du séparateur de phases et l'impossibilité de le maintenir en automatique constituent des vices cachés qui rende son usage impropre auquel il était destiné.
5. Sur les recours en garantie des assureurs
5.1. Sur les polices souscrites à la date de la réclamation
Selon l'article L 251-2 alinéas 2 et 3 du code des assurances constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur.
Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.
La garantie des vices cachés ayant été retenue, seules les garanties facultatives sont mobilisables. C'est donc l'assurance valide au jour de la réclamation qui doit être mise en jeu.
Par courriers en date des 4 janvier 2016 et 28 août 2016 adressés par la société Tregor Biogaz à la société Kerboas devenue C.L.A.I.E , l'acheteuse a adressé une réclamation relative aux travaux de la société C.L.A.I.E. Par lettre du 9 septembre 2016, son assureur de protection juridique, la société Gan, a envoyé à une nouvelle réclamation.
Dès lors, ainsi que l'a retenu le premier juge, la police d'assurance souscrite auprès de la société Axa France Iard ayant pris effet au 1er janvier 2018, cette dernière n'était pas l'assureur de la société C.L.A.I.E à la date de la réclamation en sorte que sa mise hors de cause sera confirmée.
5.2. Sur les polices de la société Generali
Le tribunal a retenu que la date de la réclamation de la société Tregor Biogaz était antérieure à la résiliation de la police souscrite auprès de la société Generali et que sa garantie était mobilisable.
L'appelante conteste sa garantie au titre des polices AP334578 et AM674064
5.2.1. Sur la police AM674064
Ce contrat, résilié le 31 décembre 2014 avant la date de la réclamation, n'a pas vocation à s'appliquer.
5.2.2. Sur la police AL 733779
La police multirisque est une assurance de bien et non de responsabilité. Elle garantit les dommages aux biens de l'assuré contre l'incendie, les explosions et événements assimilés, les tempêtes-ouragans-cyclones-grêle-neige sur les toitures, dégâts des eaux, attentats, actes de terrorisme, acte d vandalisme, sabotage, émeute et mouvements populaires.
Aucune de ses garanties qui ne concernent que les biens de la société C.L.A.I.E n'est mobilisable contrairement à ce que soutient cette dernière.
5.2.3. Sur la police AP 334578
La société Generali soutient que la police d'assurance prévoit plusieurs exclusions de garanties, opposables tant à la société Tregor Biogaz qu'à la société C.L.A.I.E de sorte que toute demande au titre des réparations, remplacement, ou de restitution du prix des éléments livrés à la société Tregor Biogaz n'entre pas dans les garanties souscrites par son assuré.
Elle ajoute que ces clauses qui excluent la prise en charge de la prestation défaillante de l'assuré ou le coût des produits défectueux ou leur réparation sont classiques et sont formelles et limitées et ne vident pas la garantie de sa substance dès lors qu'elle ne garantit pas la fourniture du matériel défaillant, mais les conséquences de la mise en 'uvre défaillante qui n'est pas prouvée en l'espèce.
S'agissant des préjudices s'analysant comme des dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel garanti, elle souligne que les sommes mises à sa charge ne peuvent selon le plafond contractuel dépasser la somme de 200 000 euros avec une franchise de 10% avec un minimum de 1 000 euros et un maximum de 4 000 euros.
La société C.L.A.I.E objecte qu'au contraire la garantie responsabilité civile des dispositions du contrat AP334578 est nécessairement mobilisable, que les exclusions invoquées n'ont pas de liens avec le litige.
Il convient d'examiner les différentes clauses invoquées par la société Generali.
5.2.3.1. Sur les dommages matériels
Il résulte des conditions générales produites par la société Generali qu'au titre de la responsabilité civile elle garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré lorsqu'elle est recherchée en raison des dommages corporels, matériels et/ou immatériels causés à autrui, y compris à ses clients, du fait des activités de l'entreprise déclarée aux dispositions particulières, sous réserve des exclusions prévues au contrat.
Le contrat stipule (page 18) que l'assureur ne garantit pas au titre des conséquences dommageables et frais :
- le retrait des produits que l'assuré, ou toute personne agissant sur ordre, a exécuté,
- les travaux ci-après, que l'assuré ou toute autre personne a effectués :
- dépose et repose effectuées pour réparer ou remplacer les ouvrages, produits ou marchandises qu'il a fournis, ou pour exécuter de nouvelles prestations de services ;
- travaux effectués sur des biens qui n'ont pas été endommagés par le sinistre, afin de pouvoir réparer ou remplacer les ouvrages produits ou marchandises qu'il a fournis, ou exécuter de nouvelles prestations de services.
La cour constate que cette exclusion de garantie ne concerne que les frais de dépose et de repose.
Cependant, ainsi que l'indique l'assureur, la police exclue également :
- les frais que l'assuré ou toute autre personne a engagés, lorsqu'ils ont pour objet :
- le remboursement, le remplacement, la réparation, l'achèvement, la mise au point, le parachèvement, l'installation des produits ou travaux, y compris le coût de ces produits ou travaux :
- exécutés par lui-même, ses sous-traitants ou toute personne agissant pour son compte,
- et qui se sont révélés défectueux, même si la défectuosité ne concerne qu'une de leurs composantes ou parties,
qu'il s'agisse de frais correspondant à sa prestation initiale ou de ceux qui se révèlent nécessaires à l'exécution de son obligation de fournir une prestation exempte de vices ou défectuosités, y compris du fait d'une résolution, annulation ou rupture des contrats qu'il a conclus (page 20).
Cette clause exclut effectivement les frais de remplacement ou de réparation des biens réalisés par l'assuré ou les sous-traitants.
La société C.L.A.I.E ne peut soutenir que celle clause ne s'applique pas au motifs que les frais devaient déjà être engagés et qu'il n'est pas visé ceux auxquels elle pourrait être exposée alors qu'elle mentionne qu'une saisie attribution a été réalisée à l'encontre de la société Generali en exécution du jugement déféré en paiement de l'indemnisation des préjudices matériels auxquels elle a été condamnée in solidum.
Elle fait encore valoir que cette clause n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L 113-1 du code des assurances qui dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Or, l'exclusion est formelle puisqu'elle se réfère à un critère précis et qu'elle ne nécessite pas d'interprétation.
Elle est en outre limitée puisqu'elle ne vide pas la garantie de toute substance, laissant dans le champ de la garantie les dommages autres que ceux résultant des désordres affectant les dommages ou travaux. ( 3e Civ., 14 février 2019, n° 18-11101)
Elle est donc valable.
Dès lors, les garanties de la société Generali au titre des dommages matériels ne sont pas mobilisables. Le jugement est infirmé.
5.2.3.2. Sur les dommages immatériels
L'assureur invoque la clause d'exclusion de garantie aux termes de laquelle ne sont pas garantis les dommages immatériels non consécutifs à un dommage corporel ou matériel, ou consécutifs à un dommage corporel ou matériel non garanti :
- résultant d'un vice ou d'un défaut de conformité aux engagements contractuels, aux spécifications du constructeur ou concepteur, lorsque ce défaut ou non-conformité était prévisible, ou manifeste, au moment de la réception des travaux ou de la livraison des biens, produits et marchandises ;
- survenant au cours de la période de trois mois consécutive à la réception des travaux ou la livraison des biens, produits ou marchandises, lorsque le dommage trouve son origine dans les obligations contractuelles de l'assuré.
La société Generali n'exposant pas à quel titre le défaut de non-conformité aux engagements contractuels était prévisible, sa garantie au titre des immatériels est due dans la limite des plafonds et franchises contractuels qu'elle rappelle, opposables tant à son assuré qu'aux tiers.
Le jugement est confirmé.
6. Sur l'indemnisation
Si M. [S] a retranscrit dans son rapport, les demandes indemnitaires de la société Tregor Biogaz et les contestations de la société C.L.A.I.E et des assureurs, il n'a pas lui-même estimé le montant des réparations ou validé les sommes réclamées.
Il convient cependant de rappeler qu'en vertu du principe de la réparation intégrale, la victime doit être replacé dans la situation qui aurait été la sienne si le désordre ne s'était pas produit. Elle ne doit subir ni perte ni profit du dommage subi et le responsable ne saurait être tenu de réparer le dommage ni au-delà ni en deçà du préjudice causé et elle n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.
6.1. Sur les travaux réparatoires
6.1.1. Au titre du séparateur de phase
La société Tregor Biogaz demande la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 107 538 euros TTC.
La société C.L.A.I.E s'oppose à toute indemnisation. À titre subsidiaire, elle demande qu'il soit retenu la somme de 27 001 euros HT pour le remplacement du séparateur de phase et de 5 678 euros pour la pompe outre 4% de port et emballage soit un total de 34 500 euros suivant le devis du 5 janvier 2019 de la société Borguer qu'elle produit. Elle reproche à la société Tregor Biogaz de ne pas avoir réalisé les travaux réparatoires, elle conteste les devis non validés par l'expert judiciaire, elle fait valoir que le séparateur RC local et le câblage n'ont pas à être repris.
Il résulte des pièces produites par les parties que, d'une part, le maître de l'ouvrage sollicite la reprise à neuf complète de son installation avec tuyauterie, câblage, électricité et que, d'autre part, le vendeur ne demande que le prix des pièces sans prendre en compte l'installation et la mise en service.
Au regard des pièces du dossier, la cour estime que les éléments produits sont suffisants pour fixer à 60 000 euros HT le coût du remplacement du séparateur de phase.
L'indemnité doit être calculée en tenant compte de l'éventuelle TVA non récupérable (3e Civ.,27 mars 1996). La charge de la preuve de l'impossibilité de récupérer la TVA repose sur le maître de l'ouvrage (3e Civ., 6 février 2007).
La société Tregor Biogaz ne démontrant pas qu'elle n'est pas assujettie au régime de la taxe sur la valeur ajoutée, l'indemnisation sera fixée hors taxe.
Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2025, date du devis de l'acheteur outre capitalisation des intérêts.
6.1.2. Au titre de la centrifugeuse
La société Tregor Biogaz demande le remplacement de la centrifugeuse qui ne peut être réparée. Elle réclame à cet effet la somme de 236 637,48 euros TTC sur la base d'un devis du 6 janvier 2025 qu'elle produit outre 13 808,92 euros TTC pour la sécurisation et conteste la décision du tribunal qui a limité son préjudice au prix d'achat de la centrifugeuse à 45 000 euros.
La société C.L.A.I.E et la société Generali s'y opposent. Elles arguent que la société Tregor Biogaz ne peut réclamer le remplacement d'une centrifugeuse d'occasion avec une neuve, la première précisant qu'elle avait jusqu'à ses conclusions n°3 réclamé uniquement le remboursement de son prix d'achat de 45 000 euros. Elles ajoutent qu'elle ne peut demander l'indemnisation pour des éléments déjà installés (pompe et agitateur, armoire, câblerie et électricité). L'installateur considère qu'il ne pourrait lui être octroyé davantage que la somme fixée par le tribunal de 45 000 euros HT.
La société Tregor Biogaz avait fait le choix d'acquérir une centrifugeuse d'occasion. Elle ne peut, ainsi que l'a relevé le premier juge, demander son remplacement par une centrifugeuse neuve.
Dès lors, à défaut de produire des devis de centrifugeuses similaires à celle installée par la société C.L.A.I.E, c'est à juste titre que le premier juge a fixé le préjudice à 45 000 euros.
Le jugement sera cependant infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Generali in solidum avec son assuré au paiement de cette somme.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation outre capitalisation des intérêts.
6.2. Sur les autres préjudices
Le tribunal a fixé le montant des préjudices annexes à la somme de 235 246 euros entre le 16 juin 2015 et le 17 juin 2022 correspondant aux postes suivants :
- manque à gagner au titre du compost non vendu : 116 130 euros
- épandage : 99 750 euros
- mélange de la fosse de stockage : 5 400 euros,
- perte de marge brute pour la vente d'électricité : 4 048 euros,
- remplacement matériel suite au mélangeur hors d'usage : 4 987 euros,
- création d'une rampe d'accès : 4 931 euros
La société Tregor Biogaz demande de voir réactualiser son préjudice au 11 septembre 2024 à 305 171, 50 euros sur 9,95 ans à parfaire à la date de l'arrêt selon les postes suivants :
- manque à gagner au titre du compost non vendu : 165 070,50 euros
- épandage : 108 225 euros
- mélange de la fosse de stockage : 17 910 euros,
- perte de marge brute pour la vente d'électricité : 4 048 euros,
- remplacement matériel suite au mélangeur hors d'usage : 4 987 euros,
- création d'une rampe d'accès : 4 931 euros
La société C.L.A.I.E conteste les demandes d'indemnisation et produit une expertise amiable d'un expert agricole, M. [X], qui les a examinées. Elle reproche à la demanderesse l'absence de pièces comptables et de justificatifs de l'existence de préjudices.
À titre subsidiaire, elle fait observer que la société Tregor Biogaz a opéré une saisie attribution sur les comptes de la compagnie Generali en août 2024 pour un montant de 443 857,50 euros de sorte qu'elle ne peut demander l'actualisation des sommes obtenues à compter de cette date.
Enfin, elle critique avec la société Generali les demandes poste par poste.
Il sera analysé chaque poste de préjudice allégué.
6.2.1. Sur le manque à gagner au titre du compost non vendu (165 070,50 euros)
Le tribunal a alloué à la société Tregor Biogaz la somme de 116 130 euros pour ce poste retenant le calcul de M. [O].
La société Generali fait valoir que le calcul de l'expert-comptable est fondé sur un prix de vente à la tonne à raison de 1 000 tonnes annuelles, mais qu'il n'est pas justifié du tonnage réel, qu'il est évoqué un démarrage de la méthanisation en octobre 2014 alors que la prestation de la société Kerboas date d'octobre 2015.
La société C.L.A.I.E soutient que le préjudice invoqué s'analyse comme une perte de chance, laquelle ne peut être intégralement indemnisée. Elle ajoute que la perte ne pourrait être estimée qu'à compter du 15 octobre 2015, date de la mise en service jusqu'au 1er janvier 2019, date à laquelle la société Tregor Biogaz a conclu un contrat de prestation de service avec l'EARL Le Goff aux termes duquel cette dernière s'engage à composter. Elle considère également que la valorisation du compost comme un compost de type porcin ne peut dépasser 2 euros la tonne. Elle conclut que pour sept années, il ne pourrait être alloué plus de 2 000 euros par année, soit 14 000 euros.
La société Tregor Biogaz réclame que la somme octroyée par le tribunal soit portée à 165 070,50 euros, soit 16 590 euros pendant 9,95 ans, et demande qu'il soit pris en compte un début d'exploitation au 1er octobre 2014.
En l'espèce, la demande de la société Tregor Biogaz correspond à l'indemnisation d'un préjudice d'exploitation, lequel est égal à la perte de marge sur coût variable. Le traitement de digestat n'ayant jamais fonctionné, il ne peut être produit de pièces comptables.
L'expert-comptable de la société Tregor Biogaz a estimé sur la base de 1000 tonnes par an au prix de 16,49 euros HT la tonne, la perte de chiffre d'affaires à 16 590 euros par an.
Si ainsi que l'a retenu le premier juge, le compost qui devait être produit est davantage valorisé que le compost porcin, il convient de prendre en compte les éléments suivants :
- la perte d'exploitation n'est pas égale à la perte de chiffre d'affaires. Le calcul de l'expert comptable ne pouvait être validé par le premier juge,
- bien que le prix de la tonne de compost soit contesté, la société Tregor Biogaz ne produit aucun élément comparatif ou justificatif du prix du marché,
- les machines n'ont été installées qu'en 2015 pour une mise en service attendue en avril 2015. Dès lors si la mise en service a eu lieu le 15 octobre 2015, le préjudice court à compter de la date à laquelle les machines auraient dû fonctionner en avril 2015 ainsi que l'a retenu le tribunal,
- ainsi que le souligne M. [O], il n'existait aucun marché conclu pour la vente du compost en 2015, il ne peut donc être retenu qu'une perte de chance de le vendre,
Dès lors, si le préjudice d'exploitation est certain, il ne pourra être fixé qu'à 30 000 euros au regard de ces éléments. Le jugement est infirmé.
6.2.2. Sur l' épandage (108 225 euros) et le mélange de la fosse de stockage (17 910 euros)
La société Tregor Biogaz forme cette demande sur la base d'une estimation de son expert-comptable. Or contrairement à la perte d'exploitation, la vidange des cuves et le mélange de la fosse de stockage constituent des frais qui doivent être certains et justifiés.
À défaut de production d'une quelconque pièce pour justifier de son préjudice, sa demande est rejetée. Le jugement est infirmé pour ces postes.
6.2.3. Sur la perte de marge brute pour la vente d'électricité (4 048 euros)
L'expert-comptable de la société C.L.A.I.E indique qu'avec l'ouverture du méthaniseur, il a constaté une perte de production en janvier 2019. Or, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'est explicité ni l'origine de la diminution de vente d'électricité ni le lien de causalité avec le dysfonctionnement des machines, objets du litige.
La société Tregor Biogaz sera déboutée de sa demande d'indemnisation. Le jugement est infirmé.
6.2.4. Sur le remplacement de matériel suite au mélangeur hors d'usage (4 987 euros)
La société Tregor Biogaz produit deux factures pour justifier du remplacement d'un agitateur et d'une pompe en septembre et octobre 2017. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire le lien avec le dysfonctionnement de l'installation. La société CLAIE sera condamnée à indemniser la société Tregor Biogaz de cette somme.
6.2.5. Sur la création d'une rampe d'accès (4 931 euros)
Il est démontré par cinq factures la réalisation d'une rampe d'accès pour qu'une pelleteuse puisse enlever la croute du stockage qui s'est formée compte tenu du dysfonctionnement de l'installation. La société C.L.A.I.E sera condamnée à payer cette somme à la société Tregor Biogaz.
Enfin, il convient de rappeler que l'expertise ne doit pas pallier la carence des parties dans la preuve de ses allégations. La cour ayant statué sur les préjudices sur la base des pièces produites, il n'y a pas lieu à complément d'expertise.
7. Sur les autres demandes
Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et des dépens sont confirmées.
La société C.L.A.I.E et la société Generali seront condamnées in solidum à payer une indemnité complémentaire de 3 500 euros à la société Tregor Biogaz au titre des frais irrépétibles et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes au titre des frais irrépétibles est rejeté.
PAR CES MOTIFS
La cour
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Tregor Biogaz,
Déclare irrecevable comme prescrite l'action directe de la société Tregor Biogaz contre la société Generali,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- mis hors de cause la société Axa France Iard et en conséquence débouté toutes les parties de leurs demandes à son égard,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau
Condamne la société C.L.A.I.E à payer à la société Tregor Biogaz les sommes suivantes :
- 60 000 HT au titre au titre du séparateur de phase avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2025,
- 45 000 euros HT au titre de la centrifugeuse avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019,
- 30 000 euros au titre du préjudice d'exploitation,
- 4 987 euros au titre du remplacement du matériel, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019,
- 4 931 au titre de la rampe de l'accès à la rampe d'accès, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Condamne la société Generali à garantir la société C.L.A.I.E au titre du préjudice d'exploitation,étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite opposables à son assuré et aux tiers,
Déboute la société Tregor Biogaz du surplus de ses demandes indemnitaires et de demande de mesure d'instruction,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Y ajoutant
Condamne in solidum la société C.L.A.I.E et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société C.L.A.I.E et la société Generali aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Po / Le Président empêché,
N. MALARDEL
ARRÊT N° 161
N° RG 24/01608
N° Portalis DBVL-V-B7I-UTQC
(2)
(Réf 1ère instance :
TJ [Localité 4] - Ch. civile 1
Jugement du 19.02.24
RG 19/02059)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 JUIN 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Madame Marie-Line PICHON, Conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence, désignée par ordonnance rendue par le premier président rendue le 2 avril 2025
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats, et Madame Françoise BERNARD, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Avril 2025, devant M. Alain DESALBRES, Président de chambre, et Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère, entendue en son rapport, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Juin 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
S.A. GENERALI IARD
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me François BILLEBEAU de la SCP BILLEBEAU - MARINACCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.A. AXA FRANCE IARD
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2]
Représentée par Me Caroline RIEFFEL de la SCP BG ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société TREGOR BIOGAZ
société à responsabilité limitée prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]
Représentée par Me Laëtitia SIBILLOTTE de la SELARL SHANNON AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
S.A.S. C.L.A.I.E. venant aux droits de la société KERBOAS
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 5]
Représentée par Me Benoît DE CADENET de la SELARL LE CAB'AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de BREST
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société Tregor Biogaz, ayant pour activité le traitement et l'élimination des déchets non dangereux, a fait construire une station de méthanisation pour un marché global de 1 650 000 euros afin de produire du gaz et de l'électricité à partir de la fermentation de matières organiques. Elle vend une partie du digestat (déchets après la méthanisation) après séparation et séchage qui peut être utilisé comme compost.
Elle a confié à la société Kerboas devenue la société C.L.A.I.E, assurée par la société Generali jusqu'au 31 décembre 2017 puis par Axa France Iard à compter 1er janvier 2018, le traitement du digestat suivant devis des 6 et 7 août 2013 pour un marché global de 78 783 euros HT.
Deux factures ont été émises les 30 septembre et 31 décembre 2014.
Un procès-verbal de mise en service de la centrifugeuse a été établi le 16 juin 2015.
La société Tregor Biogaz s'est plainte par plusieurs courriers adressés à la société C.L.A.I.E du dysfonctionnement de l'installation. Elle a fait établir un constat d'huissier le 16 août 2016.Son assureur de protection juridique a adressé le 9 septembre 2016 une mise en demeure à la société Kerboas devenue C.L.A.I.E de procéder aux réparations.
À la suite d'une mesure d'expertise amiable contradictoire, un protocole d'accord a été régularisé entre les parties, l'entreprise Kerboas s'engageant à procéder au retrait de la grille du dégrilleur et à la procéder à la remise en service du séparateur et de la centrifugeuse avant le 31 décembre 2016.
Jugeant les interventions de la société Kerboas insuffisantes, la société Tregor Biogaz l'a assignée par acte du 12 juin 2018 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins d'expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 13 septembre 2018.
Suivant exploits du 9 juillet 2018, la société Kerboas a attrait ses assureurs la société Generali Iard et la société Axa France Iard aux opérations d'expertise.
L'expert, M. [S], a déposé son rapport le 27 juin 2019.
Par assignation en date du 16 décembre 2019, la société Tregor Biogaz a assigné la société Kerboas devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en indemnisation de ses préjudices.
Par actes des 25 et 29 juin 2020, la société Kerboas a assigné en garantie la société Axa France Iard et la société Generali Iard devant le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc.
Le 30 juin 2022, une transmission universelle de patrimoine est intervenue dans le cadre de la fusion entre la société Kerboas et la société C.L.A.I.E, venant ainsi aux droits de cette dernière.
Par un jugement en date du 19 février 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 107 358 euros TTC au titre des travaux réparatoires sur le séparateur de phase avec indexation sur l'indice BT01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 45 000 euros HT au titre des travaux réparatoires sur la centrifugeuse avec indexation sur l'indice BT01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 235 246 euros au titre des préjudices annexes sauf à parfaire à compter du 17 juin 2022,
- dit que la société Generali devra garantie à la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas ;
- mis hors de cause la société Axa France Iard et en conséquence,
- débouté toutes les parties de leurs demandes à son égard,
- débouté les parties de toute autre demande,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
La société Generali Iard a interjeté appel de cette décision le 19 mars 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions du 2 avril 2025, la société Generali Iard demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il l'a condamnée en faveur de Tregor Biogaz et en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société C.L.A.I.E,
- juger irrecevable l'appel et les demandes incidentes de Tregor Biogaz,
- juger irrecevables les demandes de Tregor Biogaz formées à son encontre car prescrites,
- juger en toute hypothèse infondées ces demandes,
- juger que le chantier de construction de l'unité de méthanisation a commencé bien avant le 1er janvier 2015, date d'entrée en vigueur du contrat AP0334578 et que, à supposer que la garantie décennale aurait été mobilisable dans cette affaire, c'est le contrat AM674064 en cours au moment de l'ouverture du chantier qui aurait été applicable,
- juger que les garanties au titre de l'assurance de garantie décennale du contrat Generali applicable à l'époque ne sont pas applicables,
- juger que ses garanties ne sont pas mobilisables au titre d'une garantie de responsabilité civile, en raison de l'entrée en vigueur du contrat Axa,
- rejeter toute demande de la société Tregor Biogaz, de la société C.L.A.I.E et de la société Axa dirigée contre elle,
- juger pour le volet responsabilité civile que si la cour devait considérer que la réclamation est antérieure à l'entrée en vigueur du contrat Axa au 1er janvier 2018, le contrat à considérer serait le contrat AP0334578 applicable à effet du 1er janvier 2015 et que la compagnie Generali serait fondée à opposer les exceptions de garantie excluant la reprise de la prestation de l'assuré, à savoir les réclamations suivantes :
- les 107 358 euros TTC/124 884 euros TTC correspondant aux devis Planet pour la remise en état du séparateur, le coût de réparation du matériel livré étant exclu,
- les 205 251,10 euros TTC/236 637,48 euros TTC pour le remplacement de la centrifugeuse,
- la modification des équipements de réserve de sécurisation pour 13 828,92 euros TTC,
- le remplacement du matériel hors usage pour 4 897 euros,
- la création d'une rampe d'accès pour 4 931 euros.
- juger qu'elle serait fondée à opposer les exceptions de procédure excluant la reprise de la prestation et sa franchise contractuelle de 10 % du montant avec un minimum de 1 000 euros et un maximum de 4 000 euros, de même qu'un plafond de garantie à 200 000 euros,
- condamner la société Tregor Biogaz ainsi que la société C.L.A.I.E à lui payer chacune la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon ses dernières écritures du 5 mars 2025, la société Tregor Biogaz demande à la cour de :
- juger recevable et bien fondée son action,
- recevoir son appel incident et le dire bien fondé,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à lui verser la somme de 107 358 euros TTC au titre des travaux réparatoires sur le séparateur de phase avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à prendre en charge le coût des travaux réparatoires sur la centrifugeuse avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019; sauf en ce qu'il a fixé le coût des travaux réparatoires à 45 000 euros au titre de la centrifugeuse,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à l'indemniser de ses préjudices annexes, sauf en ce qu'il en a fixé le coût à la somme de 235 246 euros (sauf à parfaire) à compter du 17 juin 2022,
- a dit que la société Generali devra garantie à la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
Et statuant de nouveau,
- condamner la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard à lui payer le coût des travaux réparatoires ou de remplacement de la centrifugeuse à la somme de 375 330,40 euros TTC (sauf à parfaire) outre TVA applicable au jour du jugement,
- condamner la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard à lui payer la somme de 305 171,50 euros au titre de ses préjudices annexes, sauf à parfaire du préjudice subi postérieurement au 11 septembre 2024.
À titre infiniment subsidiaire,
- ordonner une nouvelle expertise judiciaire avec la mission habituelle en pareille matière ou si mieux n'aime un complément d'expertise, ou encore inviter l'expert à expliciter les conclusions de son rapport définitif du le 27 juin 2019 sur la cause des désordres et l'évaluation des préjudices,
En tout état de cause,
- ordonner que les condamnations prononcées, après application du taux de TVA en vigueur au jour du prononcé du jugement, seront augmentées en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date de l'arrêt et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- ordonner que les sommes allouées seront porteuses d'intérêts au taux légal à compter du dépôt du 26 juin 2019, sur le fondement de l'article 1231-7 alinéa 1er du code civil avec capitalisation dès lors qu'ils seront dus pour une année entière par application de l'article 1343-2 du même code,
- condamner la Société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard au paiement d'une indemnité de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas in solidum avec ses assureurs Axa France Iard et Generali Iard aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référés et les frais d'expertise, dont distraction au profit de la Selarl Shannon Avocats sur le fondement des dispositions de l'article 699 du même code.
- débouter la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
- débouter les sociétés Axa France Iard et Generali Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre.
Aux termes de ses dernières conclusions du 12 mars 2025, la société Axa France Iard demande à la cour de :
- constater que la société Tregor Biogaz n'a saisi la cour d'appel de Rennes d'aucune demande de réformation et/ou d'infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 19 février 20024 dans ses conclusions d'appelant incident notifiées le 12 septembre 2024 ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Tregor Biogaz de toutes ses demandes à son égard,
- juger, en toute hypothèse, irrecevables comme prescrites les demandes présentées par la société Tregor Biogaz à son encontre ;
- juger en tout état de cause mal fondées les demandes présentées par la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, et par la Société Tregor Biogaz à l'encontre de la société Axa France Iard ;
- débouter par conséquent la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, et tous autres, en ce compris la société Tregor Biogaz, de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ;
- condamner la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, in solidum avec la société Tregor Biogaz, ou l'une à défaut de l'autre, ou toute autre partie succombante, à lui régler une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour d'appel.
- condamner la société C.L.A.I.E, venant aux droits de la société Kerboas, ou toute autre partie succombante aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Selon ses dernières écritures du 3 avril 2025, la société C.L.A.I.E demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 107 358 euros TTC au titre des travaux réparatoires sur le séparateur de phase avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 45 000 euros HT au titre des travaux réparatoires sur la centrifugeuse avec indexation sur l'indice BT 01 publié à la date du dépôt du rapport de l'expert judiciaire comparé avec celui publié à la date du jugement et affectées au taux légal sur le total à compter de la date du 27 juin 2019,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 235 246 euros au titre des préjudices annexes sauf à parfaire à compter du 17 juin 2022,
- a mis hors de cause la société Axa France Iard et en conséquence,
- a débouté toutes les parties de leurs demandes à son égard,
- a débouté les parties de toute autre demande,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée in solidum avec la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit la société Generali lui devra garantie,
Statuant à nouveau :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,
- déclarer irrecevables l'appel incident formé par la société Tregor Biogaz ainsi que toutes les demandes formées par la société Tregor Biogaz dans le cadre de cet appel incident,
À titre principal :
- déclarer la société Tregor Biogaz irrecevable en ses demandes,
- à tout le moins, débouter la société Tregor Biogaz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter les sociétés Axa France Iard et Generali Iard de leurs demandes, fins et prétentions, formulées à son encontre,
- condamner la société Tregor Biogaz à lui payer 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Tregor Biogaz aux dépens,
À titre subsidiaire, s'il était en tout ou partie fait droit à tout ou partie des demandes de la société Tregor Biogaz
- débouter la société Tregor Biogaz de ses demandes au titre du prétendu manque à gagner pour la vente du compost, à compter du 1er janvier 2019,
- débouter la société Tregor Biogaz de toutes ses demandes à compter d'août 2024,
- réduire sensiblement les demandes de la société Tregor Biogaz,
- juger que le préjudice de la Société Tregor Biogaz s'élève au plus à la somme de 16 947,36 euros,
- la condamner tout au plus à payer, au titre des préjudices, la somme de 32 593 euros,
- la condamner tout au plus à payer, au titre des travaux réparatoires, la somme de 34 500 euros,
- à titre très subsidiaire, la condamner tout au plus à payer la somme de 29 638,47 euros HT pour le remplacement du séparateur,
- la condamner tout au plus à payer, au titre de la centrifugeuse, la somme de 45 000 euros HT, - réputer et déclarer non écrites les clauses de limitations et/ou d'exclusions de garantie figurant dans les dispositions générales de la police AP 0335478 de la société Generali Iard,
- déclarer les garanties décennale et civiles (polices n°AP334578 et AM674064) et multirisques industrielle (police n°AL 733779) de la société Generali Iard acquises à son égard,
- déclarer que Generali Iard lui doit sa garantie décennale, de même que sa garantie contractuelle multirisque industrielle au titre du présent litige,
À titre subsidiaire, déclarer que Generali Iard lui doit sa garantie civile contractuelle (polices n° AP334578 et AM674064) au titre du présent litige,
- déclarer les garanties contractuelles BATISSUR (police n°7663106404) et RC et (police n°7678676704) de Axa France Iard acquises à son égard,
- déclarer que la société Axa France Iard lui doit sa garantie contractuelle au titre du présent litige,
Par conséquent,
- condamner in solidum les sociétés Generali Iard et Axa France Iard à la relever et garantir indemne de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la société Tregor Biogaz et ses suites éventuelles,
En conséquence
- condamner in solidum les sociétés Generali Iard et Axa France à lui payer la somme correspondant au montant total des condamnations qui seraient prononcées contre elle au profit de la société Tregor Biogaz,
- condamner in solidum les sociétés Generali Iard et Axa France Iard à lui payer une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
MOTIFS
1. Sur la recevabilité de l'appel incident de la société Tregor Biogaz et des demandes subséquentes
La société C.L.A.I.E soulève l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Tregor Biogaz et des demandes subséquentes au motif que ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions une demande d'infirmation ou d'annulation du jugement.
Le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge (Avis 2e civile, 3 juin 2021, n°21-70.006).
A contrario, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir relatives à la recevabilité de l'appel principal ou incident. La fin de non-recevoir soulevée par la société C.L.A.I.E est donc elle-même irrecevable.
La fin de non-recevoir est rejetée.
2. Sur l'existence d'un ouvrage ou d'éléments d'équipement
La société Tregor Biogaz justifie par sa pièce 29, la construction d'une station de méthanisation avec utilisation de béton, treillis soudés, électricité, tuyauterie, laquelle constitue un ouvrage compte tenu de l'utilisation de techniques de construction, de l'ajout de matériaux et de l'ampleur des travaux.
La prestation de la société Kerboas aux droits de laquelle vient la société C.L.A.I.E comprenait aux termes des devis des 6 et 7 août 2013 :
- la révision et l'installation d'une centrifugeuse d'occasion, avec une pompe d'alimentation (45 000 euros HT),
- d'un séparateur de phase,
- d'une pompe à lobes avec dégrilleur,
- d'une armoire d'automatisation pour le séparateur et la pompe,
- d'un forfait câblage, flexibles, raccords et canalisations (tranchées non comprises).
La société C.L.A.I.E soutient que ses travaux constituent un ouvrage s'agissant d'un assemblage de diverses prestations et matériaux, avec des réalisations en béton et fixation de machines sur celui-ci.
La société Generali objecte que les équipements installés sont des produits catalogues qui sont boulonnés, donc dissociables et ne sont pas constitutifs d'un ouvrage.
En l'espèce, ainsi que l'expose l'assureur, la société C.L.A.I.E ne peut sérieusement soutenir qu'elle a réalisé des ouvrages en béton alors que cela ne résulte ni des devis des 6 et 7 août 2013 ni de quelconques autres pièces. De plus, ainsi que le souligne l'appelante, la venderesse ne démontre pas l'incorporation des équipements au gros 'uvre, de l'existence de fixation indissociable dans le béton, mais uniquement des attaches par boulons. Il n'est justifié d'aucuns travaux de construction, et d'incorporation de matériaux dans le sol. Il résulte d'ailleurs de l'expertise judiciaire que les machines ont été démontées et stockées dans les bâtiments de la société Tregor Biogaz dans l'attente d'être réparées. La centrifugeuse a également été déplacée sur un autre site le 16 octobre 2017 (expertise page 20)
Ainsi ces éléments qui fonctionnent sont des éléments d'équipement.
3. Sur les fondements juridiques
La société Generali fait valoir que les matériels installés ont pour fonction exclusive de permettre l'exercice d'une activité professionnelle ce qui interdit la mise en jeu de la garantie décennale.
La société C.L.A.I.E réplique que les équipements qu'elle a installés sont mixtes en ce sens que l'usine de méthanisation répond aux besoins de l'activité professionnelle, mais également au besoin de fonctionnement de l'ouvrage, l'exercice de l'activité agricole continuant même si l'usine de méthanisation ne fonctionne pas.
Aux termes de l'article 1792-7 du code civil, ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.
En l'espèce aucun des moyens développés par la société C.L.A.I.E ne peut prospérer.
En premier lieu, ainsi qu'elle le fait plaider (page 2 de ses conclusions), la société Tregor Biogaz n'a pas une activité agricole, mais a pour seule activité le traitement et l'élimination des déchets non dangereux et c'est dans le cadre de son activité professionnelle qu'elle a fait construire une station de méthanisation de 1 650 000 euros en octobre 2014. Dès lors, la société C.L.A.I.E ne peut se prévaloir de la continuation d'une activité agricole par son co-contractant.
En second lieu, la circonstance que l'activité du maître de l'ouvrage de la station permet de valoriser de manière écologique les déchets n'a aucune incidence sur la fonction des équipements dans l'ouvrage pour l'exercice exclusif d'une activité professionnelle.
Il s'ensuit que les désordres affectant ces éléments d'équipement ne peuvent relever, en l'absence de travaux de construction, ni des garanties légales ni de la responsabilité contractuelle.
Il ne peut davantage y avoir de défaut de délivrance conforme, alors que les machines livrées correspondent à celles commandées.
Dès lors, la garantie des vices cachés est l'unique fondement possible de l'action de la société Tregor Biogaz. La Tregor Biogaz sera également déboutée sa demande d'actualisation de ses préjudices sur l'indice BT01.
4. Sur la garantie des vices cachés
4.1. Sur les fins de non-recevoir
Aux termes de l'article 1648 alinéa 1 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
4.1.1. Sur le point de départ de la prescription
L'appelante considère que le point de départ de la prescription biennale doit être fixé en octobre 2015, date du constat d'huissier aux termes duquel il a été constaté les défaillances techniques de l'installation.
La société C.L.A.I.E soutient que le point de départ de la prescription doit être fixé au 4 janvier 2016 date à laquelle elle a été informée par un courrier de la société Tregor Biogaz des dysfonctionnements de l'installation.
La société Tregor Biogaz fait valoir qu'elle n'a connu l'existence du vice dans son ampleur et ses conséquences qu'au dépôt du rapport d'expertise, le 29 juin 2019.
En l'espèce, il ressort du courrier du 4 janvier 2016, adressé par la société Tregor Biogaz à la société Kerboas, qu'à cette date le chantier n'était pas achevé, que les tuyaux n'étaient installés que de manière provisoire et que la cuve de dégrillage n'était pas adaptée entrainant des bourrages. Par la suite, le dégrilleur a été remplacé puis les parties ont signé un protocole d'accord qui devait être exécuté avant le 31 décembre 2016. Ce n'est que le 12 décembre 2016 que les contractants ont constaté dans le 'procès-verbal' de réception la casse de la vis excentrique du moteur.
L'expert judiciaire, qui n'a pu voir les machines en fonctionnement puisqu'elles étaient démontées dans l'attente d'être réparées, a confirmé qu'elles étaient impropres à l'usage auxquelles elles étaient destinées, mais n'a pas révélé l'ampleur des dysfonctionnements connus depuis décembre 2016.
Dès lors le point de départ de la prescription de l'article 1648 alinéa 1 du code civil doit être fixé au 12 décembre 2016.
4.1.2. Sur la prescription soulevée par la société C.L.A.I.E
La société C.L.A.I.E a été attraite en référé par assignation en date du 12 juin 2018 puis au fond le 16 décembre 2019. La fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut qu'être rejetée, l'action ayant été intentée dans le délai de deux ans.
4.1.3. Sur la prescription soulevée par la société Generali
Aux termes de l'article L 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
Selon l'article L 114-1 alinéas 1 et 3 du même code, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance... Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
Il s'évince de ces dispositions que l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée que tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré (3e Civ., 14 septembre 2023, n°22-21.493).
En l'espèce, la société Tregor Biogaz a assigné la société C.L.A.I.E en référé le 12 juin 2018. Cette action constitue le point de départ de la prescription biennale de l'article L 114-1 précité. L'action directe formée par la société Tregor Biogaz à l'égard de la société Generali par conclusions du 21 juin 2021, plus de deux années après l'assignation en référé est donc prescrite et en conséquence irrecevable.
4.2. Sur le vice caché
Lors du premier accedit de M. [S], l'arbre du moteur et la vis étaient démontés et selon la société C.L.A.I.E, la centrifugeuse était en cours de réparation.
S'agissant de la centrifugeuse, l'expert judiciaire a estimé que l'origine des désordres ne pouvait pas provenir de l'absorption d'un corps étranger.
Il a considéré que la casse de l'arbre excentrique était due au désalignement de l'arbre du moteur secondaire et à la vétusté de la machine.
S'agissant du séparateur de phases alimenté par des pompes, il indique que l'une d'elles s'est obstruée empêchant le filtrage, ce qui provoque le bourrage de la station. Il précise que lors de la mise en route du séparateur de phase, il y a une rupture du bouchon de matière solide, laissant passer le liquide.
L'expert considère que les désordres sont imputables à la société Kerboas qui devait fournir et installer le séparateur de phase et s'assurer de son bon fonctionnement.
Le vendeur soutient que le dysfonctionnement de la centrifugeuse résulte de l'absorption d'un corps étranger, en l'espèce de morceaux de bois, et que la société Tregor Biogaz qui a accepté un devis de remise en état du 16 janvier 2017 a reconnu sa responsabilité.
La société Tregor Biogaz réplique que les défauts constatés par l'expert sont constitutifs de vices cachés et qu'elle n'a jamais reconnu en connaissance de cause sa responsabilité.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société C.L.A.I.E, l'expert a clairement précisé que sur la base des pièces composant la centrifugeuse et de ses caractéristiques mécaniques (vitesse nominale de rotation 3500 tr/min) l'absorption éventuelle d'un corps étranger ne peut être à l'origine des désordres et a attribué la cause de la casse de l'arbre excentrique au désalignement de l'arbre moteur secondaire et à l'état de la centrifugeuse.
Son fabricant, la société Andritz, a en effet lors de son intervention sur site entre le 13 février et le 15 février 2018 indiqué que la canne d'alimentation était usée, que l'usure sur le viseur du tube d'alimentation était très prononcée, que la bague de centrage du tube d'alimentation était ébavurée, que les goupilles de centrage des paliers d'alimentation et réducteur côté pot de dégazage étaient tordus, que les faces d'appuis sur le bâtit pour les paliers, le réducteur et les bouchons de vidange étaient rouillés, que la vis convoyeuse était bourrée, qu'il y avait du jeu dans le plateau et que le roulement sous l'arbre excentrique était hors service.
La société C.L.A.I.E n'apporte aucune réponse quant à l'existence des défauts de la machine dont elle devait réaliser la révision et échoue à démontrer que le dysfonctionnement provient de la nature des intrants. La société Tregor Biogaz ne peut donc être responsable des défauts.
Il est ainsi démontré que le défaut d'alignement du moteur secondaire, qui rend impropre à son usage la centrifugeuse, est constitutif d'un vice caché.
S'agissant du séparateur de phases, M. [S] rappelle qu'il a été constaté des désordres par le bourrage de la pompe de transfert vers le séparateur, deux à trois fois par jour, ce qui a été constaté suivant procès-verbal d'huissier du 30 janvier 2018. Il conclut que le séparateur de phase ne remplit pas sa fonction.
La société C.L.A.I.E a elle-même constaté le 12 février 2018 que les problèmes étaient toujours les mêmes, qu'il y avait une rupture du bouchon de matière solide laissant passer le liquide à chaque mise en route, qu'il était impossible de faire tourner en automatique et qu'après 500 heures de service la machine ne fonctionnait toujours pas.
Il ressort de l'expertise judiciaire qu'après des réglages sur la pompe à lobes par la société C.L.A.I.E, les désordres ont persisté sur le séparateur de phases. Les difficultés de démarrage du séparateur de phases et l'impossibilité de le maintenir en automatique constituent des vices cachés qui rende son usage impropre auquel il était destiné.
5. Sur les recours en garantie des assureurs
5.1. Sur les polices souscrites à la date de la réclamation
Selon l'article L 251-2 alinéas 2 et 3 du code des assurances constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur.
Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.
La garantie des vices cachés ayant été retenue, seules les garanties facultatives sont mobilisables. C'est donc l'assurance valide au jour de la réclamation qui doit être mise en jeu.
Par courriers en date des 4 janvier 2016 et 28 août 2016 adressés par la société Tregor Biogaz à la société Kerboas devenue C.L.A.I.E , l'acheteuse a adressé une réclamation relative aux travaux de la société C.L.A.I.E. Par lettre du 9 septembre 2016, son assureur de protection juridique, la société Gan, a envoyé à une nouvelle réclamation.
Dès lors, ainsi que l'a retenu le premier juge, la police d'assurance souscrite auprès de la société Axa France Iard ayant pris effet au 1er janvier 2018, cette dernière n'était pas l'assureur de la société C.L.A.I.E à la date de la réclamation en sorte que sa mise hors de cause sera confirmée.
5.2. Sur les polices de la société Generali
Le tribunal a retenu que la date de la réclamation de la société Tregor Biogaz était antérieure à la résiliation de la police souscrite auprès de la société Generali et que sa garantie était mobilisable.
L'appelante conteste sa garantie au titre des polices AP334578 et AM674064
5.2.1. Sur la police AM674064
Ce contrat, résilié le 31 décembre 2014 avant la date de la réclamation, n'a pas vocation à s'appliquer.
5.2.2. Sur la police AL 733779
La police multirisque est une assurance de bien et non de responsabilité. Elle garantit les dommages aux biens de l'assuré contre l'incendie, les explosions et événements assimilés, les tempêtes-ouragans-cyclones-grêle-neige sur les toitures, dégâts des eaux, attentats, actes de terrorisme, acte d vandalisme, sabotage, émeute et mouvements populaires.
Aucune de ses garanties qui ne concernent que les biens de la société C.L.A.I.E n'est mobilisable contrairement à ce que soutient cette dernière.
5.2.3. Sur la police AP 334578
La société Generali soutient que la police d'assurance prévoit plusieurs exclusions de garanties, opposables tant à la société Tregor Biogaz qu'à la société C.L.A.I.E de sorte que toute demande au titre des réparations, remplacement, ou de restitution du prix des éléments livrés à la société Tregor Biogaz n'entre pas dans les garanties souscrites par son assuré.
Elle ajoute que ces clauses qui excluent la prise en charge de la prestation défaillante de l'assuré ou le coût des produits défectueux ou leur réparation sont classiques et sont formelles et limitées et ne vident pas la garantie de sa substance dès lors qu'elle ne garantit pas la fourniture du matériel défaillant, mais les conséquences de la mise en 'uvre défaillante qui n'est pas prouvée en l'espèce.
S'agissant des préjudices s'analysant comme des dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel garanti, elle souligne que les sommes mises à sa charge ne peuvent selon le plafond contractuel dépasser la somme de 200 000 euros avec une franchise de 10% avec un minimum de 1 000 euros et un maximum de 4 000 euros.
La société C.L.A.I.E objecte qu'au contraire la garantie responsabilité civile des dispositions du contrat AP334578 est nécessairement mobilisable, que les exclusions invoquées n'ont pas de liens avec le litige.
Il convient d'examiner les différentes clauses invoquées par la société Generali.
5.2.3.1. Sur les dommages matériels
Il résulte des conditions générales produites par la société Generali qu'au titre de la responsabilité civile elle garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré lorsqu'elle est recherchée en raison des dommages corporels, matériels et/ou immatériels causés à autrui, y compris à ses clients, du fait des activités de l'entreprise déclarée aux dispositions particulières, sous réserve des exclusions prévues au contrat.
Le contrat stipule (page 18) que l'assureur ne garantit pas au titre des conséquences dommageables et frais :
- le retrait des produits que l'assuré, ou toute personne agissant sur ordre, a exécuté,
- les travaux ci-après, que l'assuré ou toute autre personne a effectués :
- dépose et repose effectuées pour réparer ou remplacer les ouvrages, produits ou marchandises qu'il a fournis, ou pour exécuter de nouvelles prestations de services ;
- travaux effectués sur des biens qui n'ont pas été endommagés par le sinistre, afin de pouvoir réparer ou remplacer les ouvrages produits ou marchandises qu'il a fournis, ou exécuter de nouvelles prestations de services.
La cour constate que cette exclusion de garantie ne concerne que les frais de dépose et de repose.
Cependant, ainsi que l'indique l'assureur, la police exclue également :
- les frais que l'assuré ou toute autre personne a engagés, lorsqu'ils ont pour objet :
- le remboursement, le remplacement, la réparation, l'achèvement, la mise au point, le parachèvement, l'installation des produits ou travaux, y compris le coût de ces produits ou travaux :
- exécutés par lui-même, ses sous-traitants ou toute personne agissant pour son compte,
- et qui se sont révélés défectueux, même si la défectuosité ne concerne qu'une de leurs composantes ou parties,
qu'il s'agisse de frais correspondant à sa prestation initiale ou de ceux qui se révèlent nécessaires à l'exécution de son obligation de fournir une prestation exempte de vices ou défectuosités, y compris du fait d'une résolution, annulation ou rupture des contrats qu'il a conclus (page 20).
Cette clause exclut effectivement les frais de remplacement ou de réparation des biens réalisés par l'assuré ou les sous-traitants.
La société C.L.A.I.E ne peut soutenir que celle clause ne s'applique pas au motifs que les frais devaient déjà être engagés et qu'il n'est pas visé ceux auxquels elle pourrait être exposée alors qu'elle mentionne qu'une saisie attribution a été réalisée à l'encontre de la société Generali en exécution du jugement déféré en paiement de l'indemnisation des préjudices matériels auxquels elle a été condamnée in solidum.
Elle fait encore valoir que cette clause n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L 113-1 du code des assurances qui dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Or, l'exclusion est formelle puisqu'elle se réfère à un critère précis et qu'elle ne nécessite pas d'interprétation.
Elle est en outre limitée puisqu'elle ne vide pas la garantie de toute substance, laissant dans le champ de la garantie les dommages autres que ceux résultant des désordres affectant les dommages ou travaux. ( 3e Civ., 14 février 2019, n° 18-11101)
Elle est donc valable.
Dès lors, les garanties de la société Generali au titre des dommages matériels ne sont pas mobilisables. Le jugement est infirmé.
5.2.3.2. Sur les dommages immatériels
L'assureur invoque la clause d'exclusion de garantie aux termes de laquelle ne sont pas garantis les dommages immatériels non consécutifs à un dommage corporel ou matériel, ou consécutifs à un dommage corporel ou matériel non garanti :
- résultant d'un vice ou d'un défaut de conformité aux engagements contractuels, aux spécifications du constructeur ou concepteur, lorsque ce défaut ou non-conformité était prévisible, ou manifeste, au moment de la réception des travaux ou de la livraison des biens, produits et marchandises ;
- survenant au cours de la période de trois mois consécutive à la réception des travaux ou la livraison des biens, produits ou marchandises, lorsque le dommage trouve son origine dans les obligations contractuelles de l'assuré.
La société Generali n'exposant pas à quel titre le défaut de non-conformité aux engagements contractuels était prévisible, sa garantie au titre des immatériels est due dans la limite des plafonds et franchises contractuels qu'elle rappelle, opposables tant à son assuré qu'aux tiers.
Le jugement est confirmé.
6. Sur l'indemnisation
Si M. [S] a retranscrit dans son rapport, les demandes indemnitaires de la société Tregor Biogaz et les contestations de la société C.L.A.I.E et des assureurs, il n'a pas lui-même estimé le montant des réparations ou validé les sommes réclamées.
Il convient cependant de rappeler qu'en vertu du principe de la réparation intégrale, la victime doit être replacé dans la situation qui aurait été la sienne si le désordre ne s'était pas produit. Elle ne doit subir ni perte ni profit du dommage subi et le responsable ne saurait être tenu de réparer le dommage ni au-delà ni en deçà du préjudice causé et elle n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.
6.1. Sur les travaux réparatoires
6.1.1. Au titre du séparateur de phase
La société Tregor Biogaz demande la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 107 538 euros TTC.
La société C.L.A.I.E s'oppose à toute indemnisation. À titre subsidiaire, elle demande qu'il soit retenu la somme de 27 001 euros HT pour le remplacement du séparateur de phase et de 5 678 euros pour la pompe outre 4% de port et emballage soit un total de 34 500 euros suivant le devis du 5 janvier 2019 de la société Borguer qu'elle produit. Elle reproche à la société Tregor Biogaz de ne pas avoir réalisé les travaux réparatoires, elle conteste les devis non validés par l'expert judiciaire, elle fait valoir que le séparateur RC local et le câblage n'ont pas à être repris.
Il résulte des pièces produites par les parties que, d'une part, le maître de l'ouvrage sollicite la reprise à neuf complète de son installation avec tuyauterie, câblage, électricité et que, d'autre part, le vendeur ne demande que le prix des pièces sans prendre en compte l'installation et la mise en service.
Au regard des pièces du dossier, la cour estime que les éléments produits sont suffisants pour fixer à 60 000 euros HT le coût du remplacement du séparateur de phase.
L'indemnité doit être calculée en tenant compte de l'éventuelle TVA non récupérable (3e Civ.,27 mars 1996). La charge de la preuve de l'impossibilité de récupérer la TVA repose sur le maître de l'ouvrage (3e Civ., 6 février 2007).
La société Tregor Biogaz ne démontrant pas qu'elle n'est pas assujettie au régime de la taxe sur la valeur ajoutée, l'indemnisation sera fixée hors taxe.
Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2025, date du devis de l'acheteur outre capitalisation des intérêts.
6.1.2. Au titre de la centrifugeuse
La société Tregor Biogaz demande le remplacement de la centrifugeuse qui ne peut être réparée. Elle réclame à cet effet la somme de 236 637,48 euros TTC sur la base d'un devis du 6 janvier 2025 qu'elle produit outre 13 808,92 euros TTC pour la sécurisation et conteste la décision du tribunal qui a limité son préjudice au prix d'achat de la centrifugeuse à 45 000 euros.
La société C.L.A.I.E et la société Generali s'y opposent. Elles arguent que la société Tregor Biogaz ne peut réclamer le remplacement d'une centrifugeuse d'occasion avec une neuve, la première précisant qu'elle avait jusqu'à ses conclusions n°3 réclamé uniquement le remboursement de son prix d'achat de 45 000 euros. Elles ajoutent qu'elle ne peut demander l'indemnisation pour des éléments déjà installés (pompe et agitateur, armoire, câblerie et électricité). L'installateur considère qu'il ne pourrait lui être octroyé davantage que la somme fixée par le tribunal de 45 000 euros HT.
La société Tregor Biogaz avait fait le choix d'acquérir une centrifugeuse d'occasion. Elle ne peut, ainsi que l'a relevé le premier juge, demander son remplacement par une centrifugeuse neuve.
Dès lors, à défaut de produire des devis de centrifugeuses similaires à celle installée par la société C.L.A.I.E, c'est à juste titre que le premier juge a fixé le préjudice à 45 000 euros.
Le jugement sera cependant infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Generali in solidum avec son assuré au paiement de cette somme.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation outre capitalisation des intérêts.
6.2. Sur les autres préjudices
Le tribunal a fixé le montant des préjudices annexes à la somme de 235 246 euros entre le 16 juin 2015 et le 17 juin 2022 correspondant aux postes suivants :
- manque à gagner au titre du compost non vendu : 116 130 euros
- épandage : 99 750 euros
- mélange de la fosse de stockage : 5 400 euros,
- perte de marge brute pour la vente d'électricité : 4 048 euros,
- remplacement matériel suite au mélangeur hors d'usage : 4 987 euros,
- création d'une rampe d'accès : 4 931 euros
La société Tregor Biogaz demande de voir réactualiser son préjudice au 11 septembre 2024 à 305 171, 50 euros sur 9,95 ans à parfaire à la date de l'arrêt selon les postes suivants :
- manque à gagner au titre du compost non vendu : 165 070,50 euros
- épandage : 108 225 euros
- mélange de la fosse de stockage : 17 910 euros,
- perte de marge brute pour la vente d'électricité : 4 048 euros,
- remplacement matériel suite au mélangeur hors d'usage : 4 987 euros,
- création d'une rampe d'accès : 4 931 euros
La société C.L.A.I.E conteste les demandes d'indemnisation et produit une expertise amiable d'un expert agricole, M. [X], qui les a examinées. Elle reproche à la demanderesse l'absence de pièces comptables et de justificatifs de l'existence de préjudices.
À titre subsidiaire, elle fait observer que la société Tregor Biogaz a opéré une saisie attribution sur les comptes de la compagnie Generali en août 2024 pour un montant de 443 857,50 euros de sorte qu'elle ne peut demander l'actualisation des sommes obtenues à compter de cette date.
Enfin, elle critique avec la société Generali les demandes poste par poste.
Il sera analysé chaque poste de préjudice allégué.
6.2.1. Sur le manque à gagner au titre du compost non vendu (165 070,50 euros)
Le tribunal a alloué à la société Tregor Biogaz la somme de 116 130 euros pour ce poste retenant le calcul de M. [O].
La société Generali fait valoir que le calcul de l'expert-comptable est fondé sur un prix de vente à la tonne à raison de 1 000 tonnes annuelles, mais qu'il n'est pas justifié du tonnage réel, qu'il est évoqué un démarrage de la méthanisation en octobre 2014 alors que la prestation de la société Kerboas date d'octobre 2015.
La société C.L.A.I.E soutient que le préjudice invoqué s'analyse comme une perte de chance, laquelle ne peut être intégralement indemnisée. Elle ajoute que la perte ne pourrait être estimée qu'à compter du 15 octobre 2015, date de la mise en service jusqu'au 1er janvier 2019, date à laquelle la société Tregor Biogaz a conclu un contrat de prestation de service avec l'EARL Le Goff aux termes duquel cette dernière s'engage à composter. Elle considère également que la valorisation du compost comme un compost de type porcin ne peut dépasser 2 euros la tonne. Elle conclut que pour sept années, il ne pourrait être alloué plus de 2 000 euros par année, soit 14 000 euros.
La société Tregor Biogaz réclame que la somme octroyée par le tribunal soit portée à 165 070,50 euros, soit 16 590 euros pendant 9,95 ans, et demande qu'il soit pris en compte un début d'exploitation au 1er octobre 2014.
En l'espèce, la demande de la société Tregor Biogaz correspond à l'indemnisation d'un préjudice d'exploitation, lequel est égal à la perte de marge sur coût variable. Le traitement de digestat n'ayant jamais fonctionné, il ne peut être produit de pièces comptables.
L'expert-comptable de la société Tregor Biogaz a estimé sur la base de 1000 tonnes par an au prix de 16,49 euros HT la tonne, la perte de chiffre d'affaires à 16 590 euros par an.
Si ainsi que l'a retenu le premier juge, le compost qui devait être produit est davantage valorisé que le compost porcin, il convient de prendre en compte les éléments suivants :
- la perte d'exploitation n'est pas égale à la perte de chiffre d'affaires. Le calcul de l'expert comptable ne pouvait être validé par le premier juge,
- bien que le prix de la tonne de compost soit contesté, la société Tregor Biogaz ne produit aucun élément comparatif ou justificatif du prix du marché,
- les machines n'ont été installées qu'en 2015 pour une mise en service attendue en avril 2015. Dès lors si la mise en service a eu lieu le 15 octobre 2015, le préjudice court à compter de la date à laquelle les machines auraient dû fonctionner en avril 2015 ainsi que l'a retenu le tribunal,
- ainsi que le souligne M. [O], il n'existait aucun marché conclu pour la vente du compost en 2015, il ne peut donc être retenu qu'une perte de chance de le vendre,
Dès lors, si le préjudice d'exploitation est certain, il ne pourra être fixé qu'à 30 000 euros au regard de ces éléments. Le jugement est infirmé.
6.2.2. Sur l' épandage (108 225 euros) et le mélange de la fosse de stockage (17 910 euros)
La société Tregor Biogaz forme cette demande sur la base d'une estimation de son expert-comptable. Or contrairement à la perte d'exploitation, la vidange des cuves et le mélange de la fosse de stockage constituent des frais qui doivent être certains et justifiés.
À défaut de production d'une quelconque pièce pour justifier de son préjudice, sa demande est rejetée. Le jugement est infirmé pour ces postes.
6.2.3. Sur la perte de marge brute pour la vente d'électricité (4 048 euros)
L'expert-comptable de la société C.L.A.I.E indique qu'avec l'ouverture du méthaniseur, il a constaté une perte de production en janvier 2019. Or, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'est explicité ni l'origine de la diminution de vente d'électricité ni le lien de causalité avec le dysfonctionnement des machines, objets du litige.
La société Tregor Biogaz sera déboutée de sa demande d'indemnisation. Le jugement est infirmé.
6.2.4. Sur le remplacement de matériel suite au mélangeur hors d'usage (4 987 euros)
La société Tregor Biogaz produit deux factures pour justifier du remplacement d'un agitateur et d'une pompe en septembre et octobre 2017. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire le lien avec le dysfonctionnement de l'installation. La société CLAIE sera condamnée à indemniser la société Tregor Biogaz de cette somme.
6.2.5. Sur la création d'une rampe d'accès (4 931 euros)
Il est démontré par cinq factures la réalisation d'une rampe d'accès pour qu'une pelleteuse puisse enlever la croute du stockage qui s'est formée compte tenu du dysfonctionnement de l'installation. La société C.L.A.I.E sera condamnée à payer cette somme à la société Tregor Biogaz.
Enfin, il convient de rappeler que l'expertise ne doit pas pallier la carence des parties dans la preuve de ses allégations. La cour ayant statué sur les préjudices sur la base des pièces produites, il n'y a pas lieu à complément d'expertise.
7. Sur les autres demandes
Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et des dépens sont confirmées.
La société C.L.A.I.E et la société Generali seront condamnées in solidum à payer une indemnité complémentaire de 3 500 euros à la société Tregor Biogaz au titre des frais irrépétibles et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes au titre des frais irrépétibles est rejeté.
PAR CES MOTIFS
La cour
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Tregor Biogaz,
Déclare irrecevable comme prescrite l'action directe de la société Tregor Biogaz contre la société Generali,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- mis hors de cause la société Axa France Iard et en conséquence débouté toutes les parties de leurs demandes à son égard,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société C.L.A.I.E venant aux droits de la société Kerboas et la société Generali aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau
Condamne la société C.L.A.I.E à payer à la société Tregor Biogaz les sommes suivantes :
- 60 000 HT au titre au titre du séparateur de phase avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2025,
- 45 000 euros HT au titre de la centrifugeuse avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019,
- 30 000 euros au titre du préjudice d'exploitation,
- 4 987 euros au titre du remplacement du matériel, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019,
- 4 931 au titre de la rampe de l'accès à la rampe d'accès, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2019,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Condamne la société Generali à garantir la société C.L.A.I.E au titre du préjudice d'exploitation,étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite opposables à son assuré et aux tiers,
Déboute la société Tregor Biogaz du surplus de ses demandes indemnitaires et de demande de mesure d'instruction,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Y ajoutant
Condamne in solidum la société C.L.A.I.E et la société Generali à verser à la société Tregor Biogaz la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société C.L.A.I.E et la société Generali aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Po / Le Président empêché,
N. MALARDEL