Cass. 2e civ., 3 juillet 2025, n° 22-18.189
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
Mme Bonnet
Avocat général :
Mme Trassoudaine-Verger
Avocat :
SCP Lyon-Caen et Thiriez
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 24 mars 2022), dans un litige entre Mme [WY] [DU], épouse [RS], ses huit enfants (les consorts [RS]) et les consorts [HE], [CP] et [TN] au sujet de la propriété de la terre [Adresse 5] sise à [Localité 35] (Tahiti) et cadastrée PV [Cadastre 1], une cour d'appel a, par un arrêt du 1er avril 2010, partiellement confirmé le jugement du 23 octobre 2002 du tribunal civil de première instance en ce qu'il a dit que la terre [Adresse 5] est la propriété exclusive de MM. [L] [HE], [LB] [HE] et aux héritiers de M. et Mme [F] [NH] [HE], et en ce qu'il a ordonné aux consorts [RS] de vider les lieux de leur personne, de leurs biens et de tous occupants de leur chef, et de démolir leurs constructions sous astreinte, et dit que passé ce délai, la cour d'appel devra être saisie en liquidation de l'astreinte qui pourra être définitive et pourra autoriser les consorts [HE] à exécuter eux-mêmes la démolition.
2. Par conclusions de reprise d'instance, plusieurs membres des familles [HE] et [CP] ont notamment sollicité l'expulsion des consorts [RS], la liquidation de l'astreinte et le paiement de diverses sommes.
3. Par requête enregistrée le 16 juillet 2019 au greffe, M. [LY] [CW] [RS] a formé tierce opposition à l'encontre de l'arrêt du 1er avril 2010.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [LY] [CW] [RS] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa tierce-opposition à l'arrêt 181 en date du 1er avril 2010 pour être dépourvu d'un intérêt personnel et direct, distinct des consorts [RS], et de le condamner à payer une amende civile d'un montant de 50 000 francs pacifique, alors :
1/ - « que la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque et que ceux qui veulent s'opposer à un jugement ou une ordonnance auxquels ils n'ont pas été appelés et qui préjudicie à leurs droits peuvent former tierce opposition ; qu'ainsi, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que la communauté d'intérêts ne suffit pas à caractériser la représentation ; qu'en déclarant néanmoins M. [LY] [CW] [RS] irrecevable en sa tierce-opposition à l'arrêt 181 du 1er avril 2010, pour être dépourvu d'un intérêt personnel et direct, distinct des consorts [RS], au motif qu'il est « constant qu'il existe une communauté d'intérêt entre M. [LY] [CW] [RS] et les consorts [RS], tous agissant pour venir aux droits de [NC] [E], elle-même aux droits de [MK] [DC], cette communauté d'intérêt étant telle que leur conseil commun a dû rectifier la requête en tierce opposition déposée en première intention au nom des consorts [RS] », la Cour d'appel a violé les articles 362 et 363 du code de procédure civile de Polynésie française » ;
2/ - « Et alors que, en tout état de cause, l'arrêt rendu le 1er avril 2010 par la Cour d'appel de Papeete, frappé de tierce opposition, pour l'essentiel, a dit que la terre litigieuse est la propriété par usucapion des ayants droit des consorts [HE], ordonné sous astreinte à [WY] [DU], épouse [RS], [ZR] dit [BB] [RS], [J] [HW] [RS], [M] [RS], [DC] [BP] [RS], [WY] [RS], épouse [K], [R] [RS], [T] [RS] et [FV] [RS] et tous occupants de leur chef de vider les lieux de leur personne et de leurs biens et de démolir leurs constructions dans les six mois de la signification de son arrêt, et fait défense sous astreinte à [WY] [DU], épouse [RS], [ZR] dit [BB] [RS], [J] [HW] [RS], [M] [RS], [DC] [BP] [RS], [WY] [RS], épouse [K], [R] [RS], [T] [RS] et [FV] [RS] et toutes personnes de leur chef de pénétrer sur la terre litigieuse ; que cette décision, rendue en la seule présence des défendeurs [WY] [DU], épouse [RS], [ZR] dit [BB] [RS], [J] [HW] [RS], [M] [RS], [DC] [BP] [RS], [WY] [RS], épouse [K], [R] [RS], [T] [RS] et [FV] [RS], et sans que les autres descendants de [MK] [DC], au rang desquels figure M. [LY] [CW] [RS], eussent été appelés en la cause, était inopposable à ceux ; que, par voie de conséquence, la tierce opposition de M. [LY] [CW] [RS], non appelé à la décision qui en était frappée, était recevable indépendamment de tout moyen propre ; que l'arrêt attaqué, rendu sur la tierce opposition de M. [LY] [CW] [RS], a dit que celui-ci n'était pas partie à l'arrêt du 1er avril 2010 ; que, néanmoins, il a déclaré M. [LY] [CW] [RS] irrecevable en sa tierce-opposition à cet arrêt aux motifs que M. [LY] [CW] [RS], étant co-indivisaire de Mme [WY] [RS], était nécessairement représenté par celle-ci, sauf dès lors à invoquer des moyens propres ; qu'en statant ainsi, la Cour a violé les articles 233, 362 et 363 du code de procédure civile de Polynésie française, ensemble l'article 815-2 du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 362 et 363 du code de procédure civile de la Polynésie française :
6. Il résulte du premier de ces textes que la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque et que ceux qui veulent s'opposer à un jugement ou une ordonnance auxquels ils n'ont pas été appelés et qui préjudicie à leurs droits peuvent former tierce opposition.
7. Il résulte du second que seuls sont recevables à former tierce opposition les personnes justifiant qu'un jugement ou une ordonnance auquel ils n'ont pas été appelés préjudicient à leurs droits.
8. Il en découle que les ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.
9. Ayant relevé que M. [LY] [CW] [RS], ayant-cause des demandeurs à l'action principale, bien qu'agissant en qualité de propriétaire par titre ne démontre pas avoir un intérêt personnel et direct, la revendication de propriété par prescription acquisitive trentenaire des consorts [HE] ayant été soumise aux juridictions en présence des ayants droit de [MK] [DC], en qualité de propriétaires par titre et que le requérant n'évoque aucun moyen qui lui soit propre quant aux conditions de l'occupation mise en oeuvre par les consorts [HE] et les consorts [CP], c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, qui a retenu l'absence d'intérêt à agir du requérant, en a déduit que la tierce opposition était irrecevable.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [WY] [DU], veuve [RS], M. [ZR] dit [BB] [RS], M. [J] [HW] [RS], M. [M] [RS], M. [DC] [BP] [RS], Mme [WY] [RS], épouse [K], M. [R] [RS], M. [T] [RS], M. [FV] [RS], M. [LY] [CW] [RS] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le trois juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.