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Cass. crim., 25 juin 2025, n° 24-80.361

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

Mme Clément

Avocat général :

Mme Viriot-Barrial

Avocats :

SCP Waquet, SCP Farge, SCP Hazan, SCP Féliers

Nîmes, ch. instr., du 22 déc. 2023

22 décembre 2023

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 19 mars 2015 une information contre personne non dénommée, des chefs notamment de corruption active et passive et blanchiment de fraude fiscale, a été ouverte.

3. Le juge d'instruction a ordonné, le 29 juin 2023, la saisie de la somme de 2 795 022 euros inscrite au crédit du compte courant de la société [1].

4. Celle-ci a relevé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens

Enoncé des moyens

5. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de saisie de patrimoine entreprise, alors :

« 1°/ que le juge doit apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété au regard de la situation personnelle de l'intéressé et de la gravité concrète des faits ; en jugeant que la saisie de patrimoine litigieuse était proportionnée au motif que le magistrat instructeur avait entendu limiter la saisie à hauteur de la plus-value injustifiée, quand il avait la possibilité de saisir l'intégralité des sommes versées sur le compte courant, la chambre de l'instruction a statué par des motifs inopérants et a violé les articles 706-141 et 706-148 du code de procédure pénale, 131-21, alinéa 6, et 324-7 du code pénal, et 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que le juge doit apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété au regard de la situation personnelle de l'intéressé et de la gravité concrète des faits ; l'arrêt attaqué retient que la saisie est proportionnée dès lors que le magistrat instructeur, qui aurait pu saisir l'ensemble des sommes versées sur le compte, a limité la saisie à hauteur de la plus-value injustifiée, laissant ainsi à la société une somme lui permettant de poursuivre ses activités ; en statuant par ces seuls motifs, sans apprécier l'atteinte portée au droit de propriété de la société au regard de la gravité concrète des faits, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 706-141 et 706-148 du code de procédure pénale, 131-21, alinéa 6, et 324-7 du code pénal, et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

6. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de saisie de patrimoine entreprise, alors « que pour apprécier la proportionnalité de la saisie de patrimoine, l'arrêt attaqué énonce que le compte courant présentait au jour de la saisie un compte créditeur à hauteur de 4 080 803,13 euros, et que la saisie opérée laisse ainsi à la libre disposition de la société [1] une somme de 1 285 781,13 euros lui permettant de poursuivre ses activités ; qu'il ressort pourtant de l'ordonnance du juge d'instruction que le compte courant présentait au jour de la saisie un compte créditeur d'un montant de 2 850 177,13 euros ; qu'en se fondant sur le montant erroné de 4 080 803,13 euros pour apprécier la proportionnalité de la saisie, la chambre de l'instruction, qui a statué en contradiction avec les pièces de la procédure, a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 1 du Protocole n° 1 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 706-141, 706-148 et 593 du code de procédure pénale :

8. Il se déduit des trois premiers de ces textes que le juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine est tenu d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété au regard de la gravité des faits et de la situation personnelle de leur auteur.

9. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour confirmer la saisie, l'arrêt énonce que cette mesure, prononcée au titre de la saisie générale du patrimoine, constitue une atteinte proportionnée au droit de propriété de la société [1], le juge d'instruction ayant limité la saisie au montant de la seule plus-value immobilière injustifiée.

11. Les juges ajoutent que la saisie laisse à la libre disposition de l'appelante une somme de 1 285 781,13 euros, lui permettant de poursuivre ses activités.

12. En prononçant ainsi, sans s'expliquer davantage sur la gravité de l'infraction et la personnalité de la société [1], et en retenant un montant erroné subsistant à la disposition de celle-ci après la saisie, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision.

13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 22 décembre 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

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