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Décisions

Cass. crim., 25 juin 2025, n° 24-85.882

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

M. Gillis

Avocat général :

Mme Viriot-Barrial

Avocat :

SCP Waquet, Farge, Hazan

Rennes, 11e ch., du 5 sept. 2024

5 septembre 2024

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 11 février 2020, Mme [G] [I] s'est présentée à l'entrée de la salle d'audience d'un tribunal où se déroulait un procès dans lequel sa soeur, Mme [X] [I], et son beau-frère, M. [E] [K]-[I], comparaissaient en tant que prévenus.

3. Lors du contrôle de sécurité, il a été découvert dans un sac qu'elle transportait une liasse de 6 800 euros et, dans une poche de son manteau, une liasse de 3 300 euros. Mme [G] [I] a indiqué que cet argent appartenait pour partie à sa soeur et son beau-frère, et pour partie à elle.

4. Les mis en cause ont été entendus sur l'origine et la destination de ces sommes. Ils ont ensuite été poursuivis pour blanchiment devant le tribunal correctionnel, lequel les a relaxés.

5. Le ministère public a relevé appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclarés Mmes [G] [I] et [X] [I] et M. [E] [K]-[I] coupables de blanchiment et a prononcé sur les peines, alors « que constitue un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit ; qu'en déclarant les consorts [K]-[I] coupables de blanchiment du seul fait que Mme [G] [I] avait transporté une forte somme d'argent en liquide, quand le seul transport de sommes, même dissimulées dans un sac, ne suffit à caractériser une opération de placement, de dissimulation ou de conversion au sens du texte d'incrimination, la chambre des appels correctionnels a violé l'article 324-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal :

7. Selon ce texte, constitue notamment un blanchiment le fait d'apporter son concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit.

8. Pour déclarer les prévenus coupables de blanchiment, l'arrêt attaqué relève que Mme [G] [I] a été trouvée porteuse de deux liasses de billets alors qu'elle se présentait à l'entrée du tribunal judiciaire pour aller assister à un procès dans lequel sa soeur, Mme [X] [I], et l'époux de celle-ci, M. [K]-[I], étaient prévenus.

9. Les juges indiquent que, à la demande de l'agent de sécurité qui souhaitait inspecter visuellement le contenu du sac à langer qu'elle transportait, Mme [G] [I] n'a ouvert que partiellement celui-ci. Ils ajoutent que, l'agent lui ayant alors demandé à plusieurs reprises de vider le contenu de ce sac, elle en a sorti une liasse de billets, pour un montant de 6 800 euros, qui se trouvait dissimulée au fond du sac. Ils relèvent que, alors qu'il lui a ensuite été demandé de vider les poches de son manteau, elle en a sorti une seconde liasse, pour un montant de 3 300 euros.

10. Ils retiennent que cet argent était caché dans deux endroits différents, notamment dans un sac à langer qui constitue un objet où des fouilles sont moins probables, qu'il était conditionné en liasse dans de la cellophane épaisse et accompagné de tickets comportant des mentions manuscrites ayant trait à une comptabilité manuelle.

11. Ils relèvent encore que, selon les déclarations des trois prévenus, cet argent leur appartenait et provenait de la vente d'un véhicule et de retraits sur leurs comptes. Ils ajoutent que les prévenus ont donné des explications différentes sur la destination de ces sommes et qu'un certain nombre de constatations contredisent leurs déclarations.

12. Ils en déduisent que les conditions financières et matérielles dans lesquelles les sommes saisies étaient détenues et transportées par Mme [G] [I] ne pouvaient avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces sommes et permettent de présumer, compte tenu des dispositions de l'article 324-1-1 du code pénal, que ces fonds étaient le produit direct ou indirect d'un délit.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.

14. En effet, si l'article 324-1-1 du code pénal prévoit que, pour l'application de l'article 324-1 du même code, les biens ou revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus, cette présomption ne peut jouer que s'il est préalablement caractérisé une telle opération.

15. En l'espèce, le seul fait de transporter deux liasses de billets, l'une au fond d'un sac et l'autre dans une poche de manteau, emballées dans de la cellophane transparente, ne constituait pas une opération de dissimulation.

16. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 5 septembre 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

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