CA Versailles, ch. com. 3-2, 24 juin 2025, n° 24/07026
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DA
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 JUIN 2025
N° RG 24/07026 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W3QW
AFFAIRE :
S.A.R.L. TLB TRANSPORT LOCATION BETON
C/
SELARL [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TLB TRANSPORT LOCATION BETON
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Octobre 2024 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 4
N° RG : 2024L00121
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Asma MZE
Me Eric REBOUL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.R.L. TLB TRANSPORT LOCATION BETON
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474848
Plaidant : Me Nicolas FOUCHE - Avocat au barreau de PARIS, vestiaire :
****************
INTIME :
S.E.L.A.R.L. [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TLB TRANSPORT LOCATION BETON
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Eric REBOUL de la SCP MARGUET-LE BRIZAULT-REBOUL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 726
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport et Monsieur Cyril ROTH, Président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
La société Transport Location Béton (la société TLB) exploitait un fonds de commerce de démolition et de terrassement.
Le 22 mai 2023, le tribunal de commerce de Pontoise l'a placée en redressement judiciaire et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 15 avril 2023.
Le 30 juin 2023, le redressement a été converti en liquidation judiciaire et la SELARL [O] a été désignée en qualité de liquidateur.
Le 8 octobre 2024, le tribunal de commerce de Pontoise, saisi sur assignation du liquidateur, a :
- ordonné le report de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement du 22 mai 2023 ;
- fixé la date de cessation des paiements de la société TLB Transport Location Beton au 23 novembre 2021 ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Le 4 novembre 2024, la société TLB Transport Location Beton a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par conclusions notifiées le 25 janvier 2025, elle demande à la cour de :
- annuler le jugement du 8 octobre 2024 ;
A défaut,
- infirmer le jugement du 8 octobre 2024 en ce qu'il a :
- écarté des débats les conclusions écrites du défendeur ;
- déclaré la société de Keating, ès qualités, bien fondée en ses demandes ;
- ordonné le report de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement du 22 mai 2023 ;
- fixé la date de cessation de ses paiements au 23 novembre 2021 ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger n'y avoir lieu à report en arrière de la date de cessation des paiements initialement fixée par le tribunal au 15 avril 2023 ;
- débouter la société [O], ès qualités, de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- fixer la date de cessation des paiements reportée à la date du 16 février 2023, date de la seule et unique inscription ;
En tout état de cause,
- condamner la société de Keating, ès qualités, à lui porter et lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société de Keating, ès qualités, aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 5 avril 2025, le liquidateur demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 8 octobre 2024 ;
- la condamner aux entiers dépens d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 avril 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
I. Sur la demande d'annulation
Sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, la société TLB soutient que le tribunal a relevé d'office le caractère oral de la procédure et ce faisant écarté ses conclusions écrites non reprises à l'oral..
Le liquidateur fait valoir que la procédure devant le tribunal de commerce est orale et que, bien que la société TLB ait été informée de la date des plaidoiries, cette dernière ne s'est pas présentée.
Réponse de la cour
L'article 446-1 du code de procédure civile dispose :
Les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.
Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui.
Selon l'article 860-1 de ce code, la procédure devant le tribunal de commerce est orale.
Selon l'article 861-1 du même code, la formation de jugement peut, conformément aux dispositions de l'article 446-1 précité, dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure ; dans ce cas, le juge organise les échanges entre les parties.
La société TLB ne démontre pas avoir été autorisée à formuler ses prétentions et moyens par écrit en application de l'article 861-1 précité.
C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté ses écritures, faute pour celle-ci de les avoir soutenues oralement. La demande d'annulation du jugement entrepris fondée sur une prétendue violation du principe de la contradiction ne peut ainsi qu'être écartée.
II. Sur le report de la date de cessation des paiements
A titre préliminaire, la cour rappelle, sur la date de cessation des paiements, que le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure collective à l'égard de la société TLB Transport Location Beton le 22 mai 2023.
Par conséquent, la date de cessation des paiements ne saurait être antérieure au 23 novembre 2021.
La société TLB Transport Location Beton soutient ne pas être en état de cessation des paiements au 23 novembre 2021 aux motifs qu'une partie importante du passif faisait à cette date l'objet d'une contestation ; qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, il n'existait qu'une seule inscription de 33 563,49 euros de la caisse de retraite Carcept et qu'elle bénéficiait de délais de paiement.
A titre subsidiaire, elle soutient que la date de cessation des paiements ne devrait pas être antérieure au 16 février 2023, date de l'inscription des 33 563,49 euros.
Le liquidateur soutient que l'actif disponible de la société TLB Transport Location Beton était de 10 565,94 euros au 23 novembre 2021 et de 3 077,22 euros au 15 janvier 2022 alors que son passif était, aux mêmes dates, de 834 932,35 euros et de 963 271,62 euros. Répondant à l'appelante, il fait valoir que sur le passif déclaré, seule la somme de 13 900 euros au titre d'une créance du Trésor public, était déclarée à titre provisionnel, que l'appelante ne fournit aucun justificatif des moratoires qu'elle invoque.
Réponse de la cour
Selon les articles L. 640-1 et L. 640-2 du code de commerce, la liquidation judiciaire est une procédure collective ouverte à toute personne morale exerçant une activité commerciale en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
L'article L. 631-1 de ce code définit la cessation des paiements comme la situation dans laquelle le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
L'article L. 631-8 du même code prévoit :
Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions.
Le tribunal est saisi par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public. Il se prononce après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.
La demande de modification de date doit être présentée au tribunal dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure.
Lorsqu'il a été fait application de l'article L. 621-12, le jugement d'ouverture mentionné aux premier et deuxième alinéas est celui de la procédure de sauvegarde et le point de départ du délai mentionné au quatrième alinéa est le jour du jugement ayant converti la procédure de sauvegarde.
Il résulte de l'article L. 631-1 que le passif exigible s'entend du passif échu et certain et que l'actif disponible est constitué de l'actif réalisable à bref délai.
Enfin, l'article L. 641-1 IV du même code, applicable à la liquidation judiciaire, énonce :
IV.-La date de cessation des paiements est fixée dans les conditions prévues à l'article L. 631-8.
La charge de la preuve de l'état de cessation des paiements d'un débiteur incombe au créancier.
De la même manière, il appartient au demandeur à l'action en report de la date de cessation des paiements de rapporter la preuve de cet état à la date qu'il invoque (par ex. : Com. 5 mai 2015, n°14-11.381).
Le passif exigible correspond au passif échu au jour où l'appréciation est portée, et non à celui qui doit être payé à très court terme. Il n'est assorti d'aucun terme ni d'aucune condition, ni ne bénéficie de l'octroi de délai exprès ou implicite. Peu importe que ce passif ne soit pas exigé.
Le passif exigible est constitué de dettes liquides, exigibles et certaines, ce qui exclut les créances incertaines (Com. 31 janv. 2017, n° 15-16396) ou litigieuses (Com. 5 mai 2015, n° 14-11 381).
Il résulte de l'état des situations en cours à jour au 21 septembre 2023 établi par le liquidateur (pièce 5) que le passif de l'appelante s'élève à cette date à 3 221 338,79 euros dont 3 085 117 échu et 136 221,79 à échoir.
Il y a lieu de rechercher si un passif était exigible au 23 novembre 2021, comme le soutient le liquidateur.
Les déclarations de créance versées aux débats par le liquidateur établissent l'existence d'un passif exigible depuis de nombreux mois :
Une déclaration de créance de la direction générale des finances publiques du 11 juillet 2023 au titre de la TVA, montrant que TVA exigible pour la période du 1er novembre 2021 au 30 novembre 2021 s'élevait à 11 261,86 euros ;
- Une déclaration de créance de l'URSSAF Ile-de-France du 18 aout 2023, montrant que les cotisations sociales impayées au mois novembre 2021 s'élevaient à la somme totale de 412 500,55 euros.
- Une déclaration de créance de l'assureur Klesia qui a repris les créances d'AGIRC-ARRCO par suite de la fusion de ces deux régimes le 1er janvier 2019 dont il ressort que les cotisations dues jusqu'en mai 2021 s'élevaient à la somme totale de 21 608,88 euros.
- Une déclaration de créance de la société Pole Mat du 31 mai 2023 pour un montant total de
388 420,56 euros qui résulte de l'arrêt du 10 juin 2021 rendu par la cour d'appel de Paris, joint à la déclaration de créance qu'au 23 novembre 2021 , dont il se déduit que la créance de la société Pole Mat à l'encontre de la débitrice s'élevait au minimum à 174 044,52 euros
- Une déclaration de créance de la société Wiame Fils du 31 mai 2023 au titre de la location de matériel de travaux publics pour un montant total de 307 878,12 euros dont 226 778,40 euros sont, selon le liquidateur, exigibles au 23 novembre 2021, ce qui est justifié par les factures versées aux débats à l'appui de la déclaration de créance ;
De là il suit que le liquidateur justifie qu'au 23 novembre 2021, le passif exigible de l'appelante s'établissait à 834 932,35 euros. Il résulte des pièces versées aux que ce passif s'est ensuite accru pour s'élever au minimum à 963 271,62 euros au 15 janvier 2022.
Si la société TLB conteste l'exigibilité du passif en alléguant l'octroi de délais de paiement, elle n'en rapporte pas la preuve, aucun élément versé aux débats ne concerne le passif susvisé.
Par ailleurs, la cour relève en outre que seules les créances des sociétés Pole Mat et Wiame Fils, et dont la société [O] se prévaut sont contestées. Aussi, et contrairement à ce que soutient la société TLB Transport Location Béton, toutes les créances ne sont pas contestées.
En tout état de cause, ces contestations sont sans effet sur l'état de cessation des paiements de la société TLB Transport Location Béton, son passif s'élevant, déduction faite de ces deux créances, à 445 371,29 euros.
La cour observe que les déclarations de créances des sociétés Finaccess et FCE Travaux publics versées aux débats ne peuvent être prises en compte au titre du passif exigible au 23 novembre 2021, celles-ci étant postérieures.
Sur l'actif disponible, l'examen du compte bancaire de l'appelante fait apparaître au 23 novembre 2021 un solde créditeur de 10 565,94 euros dans les livres de la Banque Populaire Val de France.
La cour relève encore qu'il ressort du document intitulé " Etat des situations en cours " au 19 avril 2024 versé par la société TLB Transport Location Béton, que les déclarations de TVA, de l'URSSAF et de la société Klesia ont fait l'objet d'une " admission conforme ". Seuls 13 900 euros ont été déclarés à titre provisionnel par le trésor public et sont donc considérés comme non définitifs.
Aussi, la société TLB Transport Location Béton était en état de cessation des paiements au 23 novembre 2021, son passif exigible étant près de quarante-deux dfois supérieur au montant de son actif disponible.
Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 23 novembre 2021.
III. Sur les demandes accessoires
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de la société TLB Transport Location Béton sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour, par arrêt contradictoire,
Rejette la demande d'annulation du jugement entrepris ;
Le confirme en toutes ses dispositions ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais de procédure ;
Rejette la demande de la société TLB Transport Location Béton fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DA
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 JUIN 2025
N° RG 24/07026 - N° Portalis DBV3-V-B7I-W3QW
AFFAIRE :
S.A.R.L. TLB TRANSPORT LOCATION BETON
C/
SELARL [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TLB TRANSPORT LOCATION BETON
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Octobre 2024 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 4
N° RG : 2024L00121
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Asma MZE
Me Eric REBOUL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
S.A.R.L. TLB TRANSPORT LOCATION BETON
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 - N° du dossier 2474848
Plaidant : Me Nicolas FOUCHE - Avocat au barreau de PARIS, vestiaire :
****************
INTIME :
S.E.L.A.R.L. [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société TLB TRANSPORT LOCATION BETON
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Eric REBOUL de la SCP MARGUET-LE BRIZAULT-REBOUL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 726
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mai 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport et Monsieur Cyril ROTH, Président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
La société Transport Location Béton (la société TLB) exploitait un fonds de commerce de démolition et de terrassement.
Le 22 mai 2023, le tribunal de commerce de Pontoise l'a placée en redressement judiciaire et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 15 avril 2023.
Le 30 juin 2023, le redressement a été converti en liquidation judiciaire et la SELARL [O] a été désignée en qualité de liquidateur.
Le 8 octobre 2024, le tribunal de commerce de Pontoise, saisi sur assignation du liquidateur, a :
- ordonné le report de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement du 22 mai 2023 ;
- fixé la date de cessation des paiements de la société TLB Transport Location Beton au 23 novembre 2021 ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Le 4 novembre 2024, la société TLB Transport Location Beton a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Par conclusions notifiées le 25 janvier 2025, elle demande à la cour de :
- annuler le jugement du 8 octobre 2024 ;
A défaut,
- infirmer le jugement du 8 octobre 2024 en ce qu'il a :
- écarté des débats les conclusions écrites du défendeur ;
- déclaré la société de Keating, ès qualités, bien fondée en ses demandes ;
- ordonné le report de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement du 22 mai 2023 ;
- fixé la date de cessation de ses paiements au 23 novembre 2021 ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger n'y avoir lieu à report en arrière de la date de cessation des paiements initialement fixée par le tribunal au 15 avril 2023 ;
- débouter la société [O], ès qualités, de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- fixer la date de cessation des paiements reportée à la date du 16 février 2023, date de la seule et unique inscription ;
En tout état de cause,
- condamner la société de Keating, ès qualités, à lui porter et lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société de Keating, ès qualités, aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 5 avril 2025, le liquidateur demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 8 octobre 2024 ;
- la condamner aux entiers dépens d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 avril 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
I. Sur la demande d'annulation
Sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, la société TLB soutient que le tribunal a relevé d'office le caractère oral de la procédure et ce faisant écarté ses conclusions écrites non reprises à l'oral..
Le liquidateur fait valoir que la procédure devant le tribunal de commerce est orale et que, bien que la société TLB ait été informée de la date des plaidoiries, cette dernière ne s'est pas présentée.
Réponse de la cour
L'article 446-1 du code de procédure civile dispose :
Les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.
Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui.
Selon l'article 860-1 de ce code, la procédure devant le tribunal de commerce est orale.
Selon l'article 861-1 du même code, la formation de jugement peut, conformément aux dispositions de l'article 446-1 précité, dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure ; dans ce cas, le juge organise les échanges entre les parties.
La société TLB ne démontre pas avoir été autorisée à formuler ses prétentions et moyens par écrit en application de l'article 861-1 précité.
C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté ses écritures, faute pour celle-ci de les avoir soutenues oralement. La demande d'annulation du jugement entrepris fondée sur une prétendue violation du principe de la contradiction ne peut ainsi qu'être écartée.
II. Sur le report de la date de cessation des paiements
A titre préliminaire, la cour rappelle, sur la date de cessation des paiements, que le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure collective à l'égard de la société TLB Transport Location Beton le 22 mai 2023.
Par conséquent, la date de cessation des paiements ne saurait être antérieure au 23 novembre 2021.
La société TLB Transport Location Beton soutient ne pas être en état de cessation des paiements au 23 novembre 2021 aux motifs qu'une partie importante du passif faisait à cette date l'objet d'une contestation ; qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, il n'existait qu'une seule inscription de 33 563,49 euros de la caisse de retraite Carcept et qu'elle bénéficiait de délais de paiement.
A titre subsidiaire, elle soutient que la date de cessation des paiements ne devrait pas être antérieure au 16 février 2023, date de l'inscription des 33 563,49 euros.
Le liquidateur soutient que l'actif disponible de la société TLB Transport Location Beton était de 10 565,94 euros au 23 novembre 2021 et de 3 077,22 euros au 15 janvier 2022 alors que son passif était, aux mêmes dates, de 834 932,35 euros et de 963 271,62 euros. Répondant à l'appelante, il fait valoir que sur le passif déclaré, seule la somme de 13 900 euros au titre d'une créance du Trésor public, était déclarée à titre provisionnel, que l'appelante ne fournit aucun justificatif des moratoires qu'elle invoque.
Réponse de la cour
Selon les articles L. 640-1 et L. 640-2 du code de commerce, la liquidation judiciaire est une procédure collective ouverte à toute personne morale exerçant une activité commerciale en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
L'article L. 631-1 de ce code définit la cessation des paiements comme la situation dans laquelle le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
L'article L. 631-8 du même code prévoit :
Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions.
Le tribunal est saisi par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public. Il se prononce après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.
La demande de modification de date doit être présentée au tribunal dans le délai d'un an à compter du jugement d'ouverture de la procédure.
Lorsqu'il a été fait application de l'article L. 621-12, le jugement d'ouverture mentionné aux premier et deuxième alinéas est celui de la procédure de sauvegarde et le point de départ du délai mentionné au quatrième alinéa est le jour du jugement ayant converti la procédure de sauvegarde.
Il résulte de l'article L. 631-1 que le passif exigible s'entend du passif échu et certain et que l'actif disponible est constitué de l'actif réalisable à bref délai.
Enfin, l'article L. 641-1 IV du même code, applicable à la liquidation judiciaire, énonce :
IV.-La date de cessation des paiements est fixée dans les conditions prévues à l'article L. 631-8.
La charge de la preuve de l'état de cessation des paiements d'un débiteur incombe au créancier.
De la même manière, il appartient au demandeur à l'action en report de la date de cessation des paiements de rapporter la preuve de cet état à la date qu'il invoque (par ex. : Com. 5 mai 2015, n°14-11.381).
Le passif exigible correspond au passif échu au jour où l'appréciation est portée, et non à celui qui doit être payé à très court terme. Il n'est assorti d'aucun terme ni d'aucune condition, ni ne bénéficie de l'octroi de délai exprès ou implicite. Peu importe que ce passif ne soit pas exigé.
Le passif exigible est constitué de dettes liquides, exigibles et certaines, ce qui exclut les créances incertaines (Com. 31 janv. 2017, n° 15-16396) ou litigieuses (Com. 5 mai 2015, n° 14-11 381).
Il résulte de l'état des situations en cours à jour au 21 septembre 2023 établi par le liquidateur (pièce 5) que le passif de l'appelante s'élève à cette date à 3 221 338,79 euros dont 3 085 117 échu et 136 221,79 à échoir.
Il y a lieu de rechercher si un passif était exigible au 23 novembre 2021, comme le soutient le liquidateur.
Les déclarations de créance versées aux débats par le liquidateur établissent l'existence d'un passif exigible depuis de nombreux mois :
Une déclaration de créance de la direction générale des finances publiques du 11 juillet 2023 au titre de la TVA, montrant que TVA exigible pour la période du 1er novembre 2021 au 30 novembre 2021 s'élevait à 11 261,86 euros ;
- Une déclaration de créance de l'URSSAF Ile-de-France du 18 aout 2023, montrant que les cotisations sociales impayées au mois novembre 2021 s'élevaient à la somme totale de 412 500,55 euros.
- Une déclaration de créance de l'assureur Klesia qui a repris les créances d'AGIRC-ARRCO par suite de la fusion de ces deux régimes le 1er janvier 2019 dont il ressort que les cotisations dues jusqu'en mai 2021 s'élevaient à la somme totale de 21 608,88 euros.
- Une déclaration de créance de la société Pole Mat du 31 mai 2023 pour un montant total de
388 420,56 euros qui résulte de l'arrêt du 10 juin 2021 rendu par la cour d'appel de Paris, joint à la déclaration de créance qu'au 23 novembre 2021 , dont il se déduit que la créance de la société Pole Mat à l'encontre de la débitrice s'élevait au minimum à 174 044,52 euros
- Une déclaration de créance de la société Wiame Fils du 31 mai 2023 au titre de la location de matériel de travaux publics pour un montant total de 307 878,12 euros dont 226 778,40 euros sont, selon le liquidateur, exigibles au 23 novembre 2021, ce qui est justifié par les factures versées aux débats à l'appui de la déclaration de créance ;
De là il suit que le liquidateur justifie qu'au 23 novembre 2021, le passif exigible de l'appelante s'établissait à 834 932,35 euros. Il résulte des pièces versées aux que ce passif s'est ensuite accru pour s'élever au minimum à 963 271,62 euros au 15 janvier 2022.
Si la société TLB conteste l'exigibilité du passif en alléguant l'octroi de délais de paiement, elle n'en rapporte pas la preuve, aucun élément versé aux débats ne concerne le passif susvisé.
Par ailleurs, la cour relève en outre que seules les créances des sociétés Pole Mat et Wiame Fils, et dont la société [O] se prévaut sont contestées. Aussi, et contrairement à ce que soutient la société TLB Transport Location Béton, toutes les créances ne sont pas contestées.
En tout état de cause, ces contestations sont sans effet sur l'état de cessation des paiements de la société TLB Transport Location Béton, son passif s'élevant, déduction faite de ces deux créances, à 445 371,29 euros.
La cour observe que les déclarations de créances des sociétés Finaccess et FCE Travaux publics versées aux débats ne peuvent être prises en compte au titre du passif exigible au 23 novembre 2021, celles-ci étant postérieures.
Sur l'actif disponible, l'examen du compte bancaire de l'appelante fait apparaître au 23 novembre 2021 un solde créditeur de 10 565,94 euros dans les livres de la Banque Populaire Val de France.
La cour relève encore qu'il ressort du document intitulé " Etat des situations en cours " au 19 avril 2024 versé par la société TLB Transport Location Béton, que les déclarations de TVA, de l'URSSAF et de la société Klesia ont fait l'objet d'une " admission conforme ". Seuls 13 900 euros ont été déclarés à titre provisionnel par le trésor public et sont donc considérés comme non définitifs.
Aussi, la société TLB Transport Location Béton était en état de cessation des paiements au 23 novembre 2021, son passif exigible étant près de quarante-deux dfois supérieur au montant de son actif disponible.
Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 23 novembre 2021.
III. Sur les demandes accessoires
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de la société TLB Transport Location Béton sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour, par arrêt contradictoire,
Rejette la demande d'annulation du jugement entrepris ;
Le confirme en toutes ses dispositions ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais de procédure ;
Rejette la demande de la société TLB Transport Location Béton fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT