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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 26 juin 2025, n° 24/01767

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/01767

26 juin 2025

LB/OD

Numéro 25/2032

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 26/06/2025

Dossier : N° RG 24/01767 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I4EL

Nature affaire :

Prêt - Demande en remboursement du prêt

Affaire :

[H] [U] épouse [P]

C/

Caisse LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHAR ENTE MARITIME DEUX SEVRES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 juin 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Février 2025, devant :

Laurence BAYLAUCQ, magistrate chargée du rapport,

assistée de Mme SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,

Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [H] [U] épouse [P]

née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Cathy GARBEZ de la SELARL CATHY GARBEZ, avocat au barreau de Mont-de-Marsan,

Assistée de Me Sandrine BEZARD, avocat au barreau de Versailles,

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SEVRES

Société coopérative à capital variable agréée en tant qu'établissement de crédit dont le siège social est situé [Adresse 2], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LA ROCHELLE sous le numéro 399 354 810

Société de courtage d'assurance immatriculée au registre des intermédiaires en assurances sous le numéro 07 023 464 agissant aux poursuites et diligences de son Directeur et de ses administrateurs, domiciliés en cette qualité audit siège social.

Représentée par Me Robert MALTERRE de la SELARL MALTERRE -CHAUVELIER, avocat au barreau de Pau

sur appel de la décision

en date du 02 MAI 2024

rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE [Localité 8]

EXPOSE DU LITIGE

Suivant statuts du 24 janvier 2011, Monsieur [X] [N] et Madame [H] [U] ont créé la SCI Sainte Vallère qui a été immatriculée le 27 janvier 2011 et avait pour objet social la location d'immeubles. M. [N], gérant associé, et Mme [U], associée, détenaient chacun 50% des parts.

Suivant offre préalable acceptée 23 août 2011, la société caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres (ci-après la caisse régionale de crédit agricole) a consenti à la SCI Sainte Vallère un prêt d'un montant principal de 90.000 euros, d'une durée de 240 mois, remboursable au taux d'intérêt de 4,13% l'an et destiné à l'acquisition d'un ensemble immobilier situé [Adresse 1].

Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce de Niort a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SCI Sainte Vallère, et la SELARL [S], prise en la personne de Maître [G] [S], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par lettre du 3 septembre 2019, la caisse régionale de crédit agricole a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judicaire de la SCI Sainte Vallère.

Par ordonnance du 23 janvier 2020 le juge commissaire près le tribunal de commerce de Niort a autorisé la vente de gré à gré de l'immeuble situé à [Adresse 7].

Le 27 février 2020, la créance de la caisse régionale de crédit agricole a été admise au passif de la procédure collective par le juge-commissaire.

Le 26 janvier 2021, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal et la SELARL [S], prise en la personne de Maître [G] [S], a été désignée liquidateur judiciaire de la SCI Sainte Vallère.

Par lettre du 11 février 2021, la caisse régionale de crédit agricole a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur.

Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal de commerce de Niort a clôturé la liquidation judiciaire de la SCI pour insuffisance d'actifs.

N'ayant pu récupérer dans le cadre de la procédure collective l'intégralité de sa créance, la caisse régionale de crédit agricole a fait assigner Mme [U] devant le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, par acte de commissaire de justice du 15 mars 2023, sur le fondement des articles 1857 et suivants du code civil aux fins de l'entendre condamnée au paiement de la moitié des sommes restant dues au titre du prêt du 23 août 2011.

L'affaire a été enregistrée au rôle du tribunal sous le numéro RG 23/0501.

Par acte du 17 novembre 2023, Mme [U] a fait assigner M. [N] en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan.

L'affaire a été enregistrée au rôle du tribunal sous le numéro RG 23/1662.

Par ordonnance du 9 janvier 2024, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux affaires l'instance se poursuivant sous le numéro 23/0501.

Par ordonnance du 2 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a :

- déclaré Mme [H] [U] épouse [P] irrecevable en sa demande de nullité du prêt comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,

- condamné Mme [H] [U] épouse [P] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [H] [U] épouse [P] aux dépens de l'incident,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 9 juillet 2024 pour conclusions de Maître [Localité 6],

- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire par provision.

Par déclaration du 20 juin 2024, Madame [H] [U] épouse [P] a interjeté appel de cette ordonnance. Elle n'a pas intimé M. [N] devant la cour.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 janvier 2025.

***

Vu les conclusions notifiées le 4 octobre 2024 par Madame [U] qui a demandé à la cour de :

- la recevoir en son appel, et l'y déclarée bien fondée

- infirmer la décision déférée,

Et statuant à nouveau,

- dire qu'aucune autorité de la chose jugée ne lui est opposable,

- juger qu'elle est recevable en sa demande de nullité du prêt,

- infirmer la décision en ce qu'elle a alloué à la caisse régionale de crédit agricole mutelle Charente Maritime Deux Sèvres la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la caisse régionale de crédit agricole mutelle Charente Maritime Deux Sèvres à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- confirmer la décision déférée pour le surplus.

***

Vu les conclusions notifiées le 25 octobre 2024 par la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente maritime qui a demandé à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan rendue le 2 mai 2024, déclarant irrecevable Madame [U] en sa demande de nullité du prêt comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée (admission de créances au passif de la débitrice principale)

- la confirmer également concernant la condamnation de Madame [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Subsidiairement déclarer Madame [U] irrecevable, sa demande se heurtant à la prescription et à l'exécution du prêt.

Y ajoutant,

- condamner Madame [U] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente Maritime Deux Sèvres la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

MOYENS

A titre liminaire, il y a lieu de préciser que la demande de Mme [U] tendant à voir juger qu'aucune autorité de la chose jugée ne lui est opposable n'est pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais un moyen développé au soutien de sa prétention tendant à être déclarée recevable en sa demande de nullité du prêt, qui sera examiné comme tel.

Sur l'autorité de la chose jugée de la décision d'admission de créances du juge commissaire

Mme [U] critique la décision déférée en ce qu'elle a retenu que sa demande se heurtait à l'autorité de la chose jugée au motif que la créance de la Caisse régionale du crédit agricole a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la SCI par décision du juge-commissaire du 27 février 2022.

Elle invoque les dispositions de l'article L. 624-3-1 alinéa 2 du code civil, complétées par l'ordonnance du 15 septembre 2021 applicables selon elle au présent contentieux introduit le 15 mars 2023.

Elle fait valoir qu'ayant signé l'offre de prêt litigieuse, elle s'est personnellement coobligée à son remboursement et se trouve visée par les dispositions du dernier alinéa de l'article L624-3-1 du code de commerce, qu'aucun état de créance ne lui a été notifié, l'établissement bancaire n'en n'ayant jamais justifié, de sorte qu'aucune autorité de la chose jugée de l'admission de créance au passif de la SCI ne peut lui être opposée.

La caisse régionale de crédit agricole répond que Mme [U] qui était associée d'une SCI débitrice principale n'est pas coobligée et ne peut se prévaloir de ces dispositions.

***

L'article L. 624-3-1 du code de commerce dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 dispose que les décisions d'admission ou de rejet des créances ou d'incompétence prononcées par le juge-commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du tribunal.

Toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l'article L.624-3, peut former une réclamation devant le juge-commissaire dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

La loi n°2021-1193 du 15 septembre 2021 a ajouté à cet article un alinéa 2 entré en vigueur le 1er octobre 2021 selon lequel les personnes coobligées, ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, lorsqu'elles sont poursuivies, ne peuvent se voir opposer l'état des créances, lorsque la décision d'admission prévue à l'article L. 624-2 ne leur a pas été notifiée.

Il résulte de l'article R. 624-8 du code de commerce, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2021-1218 du 23 septembre 2021, que les décisions prononcées par le juge-commissaire sont portées par le greffier sur la liste des créances mentionnée au premier alinéa de l'article R. 624-2. Cette liste ainsi complétée et les relevés des créances résultant du contrat de travail constitue l'état des créances.

Cet état est déposé au greffe du tribunal, où toute personne peut en prendre connaissance.

Le greffier fait publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales une insertion indiquant ce dépôt et le délai pour présenter une réclamation.

Tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d'un mois à compter de la publication. Cet alinéa 4 a été complété par le décret n°2021-1218 du 23 septembre 2021 entré en vigueur le 1er octobre 2021 de la manière suivante : « les personnes mentionnées au second alinéa de l'article L. 624-3-1 ne peuvent se voir opposer l'état des créances en l'absence de signification de la décision d'admission prévue à l'article L624-2. A leur égard, le délai d'un mois prévu pour présenter une réclamation court à compter cette signification. »

Les dispositions de ces articles issues de la loi n°2021-1193 du 15 septembre 2021 et du décret 2021-1218 du 23 septembre 2021 ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur le 1er octobre 2021.

En l'espèce la procédure de redressement judiciaire de la SCI Sainte Vallère ouverte le 26 juillet 2019 par le tribunal de commerce de Niort a été convertie en liquidation judiciaire le 26 janvier 2021.

La caisse régionale de crédit agricole a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur de la SCI Sainte Vallère par courrier du 11 février 2021.

Il n'est pas contesté que la créance de la banque a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la SCI par décision du juge-commissaire et qu'il n'a pas été formulé de réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d'un mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

Mme [U] fait valoir que la décision d'admission de créance au passif de la SCI ne lui a pas été notifiée conformément au dernier alinéa L. 624-3-1 précité.

Elle est poursuivie par la banque en qualité d'associée de la SCI Sainte Vallère débitrice principale ayant signé le prêt litigieux du 23 août 2011.

Ce prêt a été octroyé à la SCI Sainte Vallère, et Mme [U] n'est mentionnée comme signataire, tout comme M. [N], qu'en tant que représentant de cette SCI. Elle n'est donc pas codébitrice de la SCI Sainte Vallère dans le cadre de ce prêt.

Par conséquent Mme [U] n'est pas coobligée au remboursement de ce prêt, mais est recherchée par la banque en sa qualité d'associée de la SCI Sainte Vallère sur le fondement de l'article 1857 du code civil.

Il s'en suit qu'à supposé que les dispositions invoquées de l'alinéa 2 de l'article L. 624-3-1 du code de commerce issues de la loi n°2021-1193 du 15 septembre 2021 soient applicables au présent litige, Mme [U] qui n'est pas coobligée au remboursement du prêt, serait infondée à s'en prévaloir et à invoquer l'absence de notification de la décision d'admission de la créance litigieuse.

Il s'en suit que la décision du juge-commissaire ayant admis la créance de la caisse régionale du crédit agricole mutuel Charente Maritime Deux-Sèvre au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Sainte Vallère est définitive et opposable à Mme [U]. Cette dernière se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision d'admission de créance, est irrecevable à remettre en cause cette créance en invoquant la nullité du prêt consenti à la SCI Sainte Vallère le 23 août 2011.

Il convient par conséquent de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré Mme [H] [U] épouse [P] irrecevable en sa demande de nullité du prêt consenti à la SCI Sainte Vallère le 23 août 2011 comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné Mme [H] [U] aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [H] [U], partie perdante, sera condamnée également aux dépens d'appel, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

Il convient de condamner Mme [H] [U] à payer à la société caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

La demande de l'appelante formulée à ce titre sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [H] [U] épouse [P] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [H] [U] épouse [P] à payer à la société caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de Mme [H] [U] épouse [P] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Mme Catherine SAYOUS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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