Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 26 juin 2025, n° 23/13566

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/13566

26 juin 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 26 JUIN 2025

(n° / 2025 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/13566 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIC6G

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Juillet 2023 -Juge commissaire du tribunal de commerce d'Evry - RG n° 2023M01493

APPELANTE

S.A. OBER, société anonyme à conseil d'administration, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BAR-LE-DUC sous le numéro 382 745 404,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Jean-Oudard DE PREVILLE de l'AARPI RICHELIEU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0502,

INTIMÉES

S.E.L.A.R.L. MJC2A, en qualité de mandataire judiciaire de la SARL RIM CONSTRUCTIONS,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'EVRY sous le numéro 501 184 774,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 6]

S.A.R.L. RIM CONSTRUCTIONS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'EVRY sous le numéro 384 534 087,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentées par Me Paul YON de l'EURL PAUL YON SARL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0347,

Assistées de Me Maïa-Ané JOUBERT, avocate au barreau de PARIS, toque C 347,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente,

Madame Constance LACHEZE, conseillère

Monsieur François VARICHON, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

Le 23 septembre 2021, la société à responsabilité limitée RIM Constructions a commandé différents panneaux à la société anonyme Ober qui exerce une activité de fabrication et de vente de surfaces décoratives, notamment à base de bois. Des factures ont été émises pour un montant total de 8 264,25 euros.

Par jugement du 9 décembre 2022, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société RIM Constructions et nommé la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [F] [M] en qualité de mandataire judiciaire, puis par jugement du 12 décembre 2022, le tribunal a désigné la SELARL A&M AJ Associées prise en la personne de Me [H] [P] en qualité d'administrateur judiciaire.

Par courrier du 10 janvier 2023, la société Ober a déclaré sa créance à la procédure collective de la société RIM Constructions, pour un montant de 9 420,71 euros et à titre chirographaire, correspondant à une commande de panneaux non réglée et des intérêts et indemnités de recouvrement.

Par courrier du 11 avril 2023, la société RIM Constructions a contesté la créance déclarée pour le motif suivant : « absence de bon de livraison signé et validé par un salarié RIM ». La société Ober a maintenu sa déclaration de créance.

Par ordonnance du 11 juillet 2023 notifiée le 17 juillet suivant, le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Evry a rejeté la créance d'un montant de 9 420,71 euros de la société Ober et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective, au motif qu'aucun bon de livraison n'avait été fourni.

Par déclaration du 27 juillet 2023, la société Ober a relevé appel de cette ordonnance en intimant la société RIM Constructions et la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [M] en qualité de mandataire judiciaire de la société RIM Constructions.

Par jugement du 8 décembre 2023, le tribunal de commerce d'Evry a arrêté le plan de sauvegarde de la société RIM Constructions, nommé la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [M] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mis fin à la mission de la SELARL A & M AJ Associés prise en la personne de Me [P] en qualité d'administrateur judiciaire.

Par dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 mars 2025, la société Ober demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance frappée d'appel en toutes ses dispositions ;

- admettre à titre définitif sa créance pour une somme de 9 420,71 euros, en principal, intérêts et indemnités de recouvrement, à titre chirographaire au passif de la société RIM Constructions ;

- fixer la créance de la société Ober au passif de la société RIM Constructions à la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société RIM Constructions aux dépens.

Par dernières conclusions n°4 remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 mars 2025, la société RIM Constructions et la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [M] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société RIM Constructions demandent à la cour de :

- à titre liminaire, prendre acte de l'intervention volontaire de la SELARL MJC2A, en la personne de Me [M], en tant que commissaire à l'exécution du plan et la juger recevable ;

- débouter la société Ober de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer l'ordonnance du 11 juillet 2023 en ce qu'elle a rejeté la créance de la société OBER pour une somme de 9 420,71 euros à titre chirographaire ;

- juger mal fondée la créance de la société Ober à l'encontre de la société Rim Constructions d'un montant de 9 420,71 € à titre chirographaire ;

- dire et juger que la créance revendiquée par la société Ober ne peut pas être inscrite au passif de la société Rim Constructions ;

- condamner la société Ober à payer à la société RIM Constructions, la SELARL MJC2A et la SELARL A&M AJ associés (sic) la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de l'instance.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 18 mars 2025.

SUR CE,

A titre liminaire, l'intervention volontaire de la SELARL MJC2A, prise en la personne de Me [M], en qualité de commissaire à l'exécution du plan, qui n'est ni contestée ni contestable compte tenu de l'évolution de la procédure collective, sera déclarée recevable.

La société Ober, au soutien de son appel, fait valoir que la créance déclarée à la procédure collective de la société RIM Constructions correspond à une livraison effective de marchandises commandée par celle-ci qui n'a émis aucune réserve sur la livraison, la quantité et la qualité des panneaux fabriqués et livrés par la société Ober, qu'elle a émis cinq factures, que le 8 mars 2022, la société RIM Constructions a expressément reconnu lui devoir la somme de 7 591,94 euros après règlement de 3 287,70 euros, qu'une grande partie des panneaux commandés ont été livrés à la société KBB, à la demande de la société RIM Constructions, de sorte que les bons de livraison de ces commandes ne pouvaient être signés par les salariés de la société RIM Constructions et qu'il suffit de se reporter aux différentes lettres de voiture pour constater que les panneaux ont tous bien été livrés et réceptionnés sans réserve, que ce soit par le personnel de la société KBB ou par celui de la société RIM Constructions.

La société RIM Constructions et la SELARL MJC2A ès qualités répliquent que la cour doit rejeter la créance de la société Ober car celle-ci n'en justifie pas, qu'il lui incombait de rapporter cette preuve selon l'article 9 du code de procédure civile, que les règles en matière de preuve résultent des articles 1359, 1369 alinéa 1er et de l'article 1376 du code civil, qu'un ordre de mission en suffit pas à justifier d'une livraison effective, que les bons de livraison doivent être dûment signés pour démontrer la réception de la marchandise par le client, que pour constituer une preuve, une lettre de voiture doit mentionner l'expéditeur et le destinataire des marchandises transportées, que la société Ober se borne à produire des lettres de voitures sans bons de livraison de sorte que ces lettres de voiture sont en l'état insuffisantes en ce qu'elles constituent un simple contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire qui indique le délai dans lequel le transport doit être effectué, que ce contrat ne démontre pas une livraison effective de la marchandise par la société Ober tant que le destinataire n'est pas indiqué expressément sur celui-ci, qu'elle ne produit pas non plus de lettres de voiture signées et avec le nom de la société RIM Constructions, que les bons de commande non signés et non remplis de la société KBB donc incomplets ne suffisent pas à prouver une livraison effective et qu'ainsi la société Ober ne démontre pas l'existence ni du principe, ni du montant de sa créance.

Sur ce,

L'article L.624-2 du code de commerce dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

La procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance au jour du jugement d'ouverture et il n'y a discussion de la créance, au sens de l'article L.622-27 du code de commerce, que lorsque la créance déclarée est contestée dans son existence, son montant ou sa nature, appréciés au jour du jugement d'ouverture.

En l'espèce, la société Ober a déclaré la somme de 9 420,71 euros à titre définitif répartis comme suit :

- Principal : 7 591,94 euros,

- Intérêt de retard : 1 588,77 euros,

- Indemnités de recouvrement : 240 euros.

Cette somme a fait l'objet d'une contestation de la part du débiteur dans le cadre des opérations de vérification de créance pour le motif suivant « absence de bon de livraison signé et validé par un salarié RIM ».

Il appartient au créancier de rapporter la preuve de l'existence de sa créance lorsque celle-ci est contestée en vue de son admission au passif du débiteur.

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L'article 1353 du code civil prévoir que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Le société Ober produit à cet effet six bons de commandes émis par la société RIM Constructions et les cinq factures correspondantes qu'elle a établies après livraison :

- une première facture du 30 septembre 2021 (0079845), renvoyant aux bons de commande du 28 juillet et du 31 août 2021 (SAS07211-580 et SAS0921-614),

- une facture du 30 septembre 2021 (0079849) rappelant la référence du bon de commande SAS0921-615,

- une facture du 4 octobre 2021 (0079876) rappelant la référence du bon de commande SAS0921-686,

- une facture du 18 novembre 2021 (0080681) rappelant la référence du bon de commande SAS1021-751,

- une facture du 30 novembre 2021 (0080936) rappelant la référence du bon de commande SAS1131-809.

Les bons de commandes émis par la société RIM Constructions mentionnent le nom et l'adresse de la société KBB comme lieu de livraison, de sorte qu'il est démontré qu'elle souhaitait que la marchandise soit livrée à l'adresse de la société KBB.

La société Ober verse ensuite aux débats quatre lettres de voiture de la société Thenot et trois récépissés de livraison recueillis par la société Schenker France, chacun d'eux reprenant les noms et adresses de l'expéditeur (Ober) et du destinataire ainsi que les types de produits livrés et leurs quantités. Chaque lettre de voiture et chaque récépissé est signé par le destinataire indiqué, tantôt la société Rim Constructions (pour deux récépissés), tantôt son client final la société KBB (pour l'autre récépissé et les lettres de voiture).

Dans ces conditions, bien que ces documents, qui constituent des attestations de remise en mains propres et donc de livraison de la marchandise, ne soient pas tous signés par un salarié de la société RIM Constructions, ils sont tous signés par le destinataire de la livraison, et constituent de ce fait des éléments de preuve de la livraison effective des marchandises.

Par ailleurs, la société Ober produit aux débats un échange de courriels entre une salariée de la société Ober et la comptable de la société RIM Constructions, pour une période comprise entre le 26 janvier et le 9 mars 2022, courriels par lesquels la société Ober réclame le paiement des factures précitées dont il ressort que la société RIM Constructions ne les a pas contestées à cette occasion, que le paiement promis fin février n'a pu intervenir faute de trésorerie suffisante et qu'au 8 mars 2022, la comptable de la société RIM Constructions reconnaissait « devoir la somme de 7 591,94 euros, en effet nous avons réglé 3 287,70 euros sur la facture du 04/10/2021 ' n° 0080143, soit un solde créditeur de 672,31 euros », ce à quoi la société Ober répondait en confirmant le montant de 7 591,94 euros.

Il ressort ainsi des éléments du dossier que la société Ober a effectivement livré la marchandise correspondant à sa créance impayée et que la société RIM Constructions avait conscience qu'elle en était débitrice.

Qu'ainsi l'existence de la créance déclarée par la société Ober n'est pas sérieusement contestable. La société RIM Construction qui dans ses écritures se borne à contester l'effectivité de la livraison, ne conteste pas le montant de la créance, intérêts et frais compris.

Il en résulte que la créance de la société Ober doit être admise au passif de la procédure collective de la société RIM Constructions à hauteur de la somme de 9 420,71 euros et que c'est à tort que le juge-commissaire a rejeté la créance à la procédure collective de la société RIM Constructions.

En conséquence, l'ordonnance du juge-commissaire sera infirmée et, statuant à nouveau, la cour admettra au passif de la société RIM Constructions, à titre chirographaire et définitif, la créance de la société Ober d'un montant de 9 420,71 euros.

La société RIM Constructions succombant, les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Aucune considération d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SELARL MJC2A, prise en la personne de Me [F] [M], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société RIM Constructions ;

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Admet au passif de la procédure de sauvegarde de la société RIM Constructions à titre chirographaire la créance de la société Ober à hauteur de 9 420,71 euros ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site