CA Paris, Pôle 5 - ch. 2, 27 juin 2025, n° 24/12508
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 27 JUIN 2025
(n°85, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 24/12508 - n° Portalis 35L7-V-B7I-CJXON
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 juillet 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - 3ème chambre - RG n°2023035418
APPELANTS
M. [J] [B]
Né le 23 mai 1986 à [Localité 9]
De nationalité française
Exerçant la profession d'essayiste
Domicilié chez Me Victor BILLEBAULT - avocat à la Cour - [Adresse 2]
S.A.S. SCANDERIA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Localité 6]
Immatriculée au rcs de [Localité 8] sous le numéro 894 121 334
Représentés par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque E 1209
INTIMÉS
Société SUNDAY PISTOLS STUDIO, société de droit belge, agissant en la personne de son président, M. [P] [F], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Adresse 1]
BELGIQUE
M. [P] [F]
Né le 28 septembre 1981 en Belgique
De nationalité belge
Exerçant la profession de créateur de contenus en ligne
Domicilié [Adresse 4] - BELGIQUE
Représentés par Me Alain HAZAN de la SELARL TAoMA PARTNERS SPE, avocat au barreau de PARIS, toque P 539
Assistés de Me Emeline JET plaidant pour la SELARL TAoMA PARTNERS SPE, avocate au barreau de PARIS, toque P 539
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
Mmes Véronique RENARD et Marie SALORD ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente
Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 4 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris, qui a :
- dit le droit français applicable,
- dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. [P] [F],
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris,
- dit que le greffe procédera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties,
- dit qu'en application de l'article 84 du code de procédure civile, la voie de l'appel est ouverte contre la décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification,
- dit qu'à défaut d'appel dans ce délai, le dossier sera transmis à la juridiction susvisée dans les conditions de l'article 82 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné, in solidum, M. [J] [B] et la SAS Scanderia aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés & la somme de 123,95 euros dont 20,45 euros de TVA,
Vu l'appel interjeté le 17 juillet 2024 par M. [B] et la société Scanderia,
Vu l'ordonnance du délégué du premier président de la cour d'appel, en date du 18 juillet 2024, autorisant M. [B] et la société Scanderia à assigner M. [F] et la société Sunday Pistols Studios pour l'audience du 27 novembre 2024 de la chambre 2-7 de la cour,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 septembre 2024 par M. [B] et la société Scanderia, appelants, qui demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu sur la compétence par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. [F], se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris et condamné in solidum M. [B] et la SAS Scanderia aux dépens,
- renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Paris, conformément aux dispositions de l'article 86 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [P] [F] et la société Sunday Pistols Studio à payer à M. [B] et la société Scanderia une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [P] [F] et la société Sunday Pistols Studio aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 octobre 2024 par M. [F] et la société de droit belge Sunday Pistols Studio, intimés, qui demandent à la cour de :
- constater l'appel irrecevable pour défaut de qualité d'intimé de la société Sunday Pistols Studio,
- déclarer mal fondé l'appel de M. [B] et la société Scanderia à l'encontre de la décision rendue le 4 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris,
Par conséquent,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en date du 4 juillet 2024,
- débouter M. [B] et la société Scanderia de toutes ses autres demandes,
En tout état de cause,
- constater la procédure irrégulière en raison de la nullité de l'assignation entachée de vices de fond,
En toutes hypothèses,
- constater la présente action irrecevable car prescrite depuis le 5 juillet 2022,
Y rajoutant,
- condamner M. [B] et la société Scanderia à payer solidairement 10 000 euros à M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [B] et la société Scanderia aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Me Alain Hazan conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Vu la redistribution de l'affaire le 2 décembre 2024 à la chambre 5-2 de la cour d'appel et la convocation des parties par le greffe devant cette chambre,
Vu l'audience du 20 mars 2025, les observations de l'avocat des intimés et le dépôt de dossier de celui des appelants ;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que M. [B] est un essayiste français et l'auteur de plusieurs ouvrages. Il est l'associé unique de la société Scanderia qui a pour objet social déclaré « la réalisation avec divers experts, reconnus dans leur domaine, des formations destinées à un public le plus large et international. Production de supports numériques, informatiques, graphiques et audiovisuels dans l'objectif de promouvoir, fournir et vendre les produits et services nécessaires à la formation de la clientèle. Conseil, prestation de service et consulting aux particuliers et personnes morales, la production audiovisuelle, création de programmes informatiques, applications logicielles ».
M. [F] est résident belge et créateur de vidéos en ligne qu'il publie à travers la plateforme numérique YouTube. Son compte, intitulé « Mr Sam- Point d'Interrogation», enregistre plus de 124 000 abonnés.
La société de droit belge Sunday Pistols Studio (SPS), dont M. [P] [F] est le dirigeant, a pour activité l'édition musicale et la production de films.
Le 5 avril 2022, M. [P] [F] a publié sur son compte YouTube une vidéo intitulée « VLOG - Starwarswar, REC2022, fascisme, [J] [B] ' la parenthèse - #6 » qui a été vue 30 936 fois depuis sa publication.
Considérant que les propos qui tenus dans cette vidéo sont mensongers et portent atteinte à sa crédibilité et son activité, M. [B] et la société Scanderia ont, selon par acte de commissaire de justice du 9 juin 2023, fait assigner M. [F] en dénigrement devant le tribunal de commerce de Paris.
C'est dans ce contexte que le jugement dont appel a été rendu, le tribunal se déclarant incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris.
Sur l'irrecevabilité de l'appel formé à l'encontre de la société Sunday Pistols Studio
Les intimés concluent en premier lieu à l'irrecevabilité de l'appel dirigé contre la société Sunday Pistols Studio qui n'était pas partie à la cause en première instance pour n'avoir pas été valablement assignée.
Les appelants n'ont pas répondu sur ce point.
Selon l'article 547 du code de procédure civile « En matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés (')».
En l'espèce, il résulte des termes non contestés du jugement dont appel que celui-ci a été rendu entre M. [B] et la société Scanderia d'une part, et M. [F] d'autre part.
En conséquence, la société Sunday Pistols Studio n'étant pas partie devant le tribunal ne pouvait pas être intimée devant la cour, l'appel formé à son encontre est irrecevable.
Sur la compétence du tribunal de commerce pour connaitre du litige
Les appelants ont fait assigner M. [F] en dénigrement de services et de personnes commis à leur préjudice sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Ils font grief au tribunal d'avoir dit bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. [F] et de s'être déclaré incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris aux motifs que la qualification de la faute ne peut résulter de la preuve d'un préjudice et que les propos incriminés relèvent de la diffamation. Ils soutiennent que les composantes du dénigrement sont réunies, à savoir des propos péjoratifs, des propos rendus publics et une personne nommée ou identifiable et qu'en l'espèce, les propos tenus sont péjoratifs et visent bien des concurrents de M. [F], ajoutant que le dénigrement a pour effet de faire douter des membres de la communauté suivant M. [B] de la droiture de ses activités et profiter M. [F] de la notoriété de ce dernier.
M. [F] réplique qu'il ne vise aucune entreprise identifiable, ni une marque, ni encore des produits et/ou services quelconques mais explicitement la personne d'[J] [B] en l'interpellant sans équivoque, que des propos visant à remettre en cause l'honnêteté et l'intégrité de la personne de M. [B] relèveraient tout au plus de la diffamation, et que l'action aurait dû être fondée sur le régime spécial de la loi du 29 juillet 1881. Il en conclut que le tribunal de commerce s'est à juste titre déclaré incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire.
Le dénigrement, qui constitue un acte de concurrence déloyale, se caractérise par la divulgation d'une information de nature à jeter un discrédit sur un service commercial ou sur un concurrent à moins que l'information en cause se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.
Selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. »
En l'espèce, les appelants incriminent les propos tenus par M. [F] dans une vidéo publiée sur son compte YouTube intitulée « VLOG - Starwarswar, REC2022, fascisme, [J] [B] ' la parenthèse - #6 » selon lesquels M. [F] s'exprime au sujet de M. [B] comme suit (extrait) :
« Il s'est fait épingler par une toute nouvelle chaîne, une chaîne de détective, si j'ai bien compris. Pour son montage tentaculaire d'entreprises qui servent manifestement à blanchir son pognon (...).
Et il n'hésite pas à exploiter les aides à l'entrepreneuriat humanitaire au Sénégal. Non mais sérieux [J], fais-toi une société à [Localité 7] : Je ne sais pas moi, si tu ne veux pas payer d'impôts. T'en as une déjà ' Je ne sais même pas si on pourrait le savoir s'il en avait une... Ne fais pas croire à des centaines de personnes au Sénégal que tu vas les sortir de la merde alors que tu vas juste blanchir le blé de tes bouquins, des conférences, de tes séminaires, etc.
Enfin voilà j'affirme un peu vite, c'est ce que l'enquête de la détective suggère, on verra ce que le fisc en dira vraiment puisqu'apparemment une enquête est lancée, c'est ce qu'on voit dans la vidéo de la détective (. ..)
Rassembler des gens en leur racontant n'importe quoi c'est sûr que ça marche... ».
Ces propos ne contiennent aucun dénigrement à l'encontre de la société Scanderia puisque cette dernière n'est pas visée, pas plus qu'une marque ou des produits et/ou des services quelconques.
S'agissant des propos relatifs à « [J] » et donc manifestement à M. [J] [B], ils sont susceptibles de porter atteinte à sa réputation puisqu'il est fait état de blanchiment d'argent, d'exploitation d'aides à l'entrepreneuriat humanitaire et d'enquête du fisc. Et selon les termes mêmes de l'assignation introductive d'instance, les propos incriminés auraient pour effet de faire douter de l'honnêteté de M. [B] qui porterait désormais « une étiquette d'escroc et de menteur » et dont « les membres de la communauté doutent désormais de la droiture de ses activités ». Il est donc expressément reproché à M. [F] de remettre en cause l'honnêteté et l'intégrité de la personne de M. [B].
Or, les abus de la liberté d'expression, tels que les atteintes à la réputation d'une personne, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1240 du code civil puisque le recours à la responsabilité civile est exclu.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris, seul compétent pour connaître des actions civiles pour diffamation en application de l'article R 211-3-26 alinéa 13 du code de l'organisation judiciaire.
Enfin il n'y a pas lieu de statuer sur l'exception de nullité de l'assignation ni sur la prescription de l'action en diffamation qui priveraient les appelants d'un double degré de juridiction.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Parties perdantes, M. [B] et la société Scanderia supporteront en outre les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Enfin M. [F] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans la limite de l'appel,
Déclare irrecevable l'appel formé à l'encontre de la société Sunday Pistols Studio.
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [B] et la société Scanderia à payer à M. [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [B] et la société Scanderia aux dépens d'appel, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 27 JUIN 2025
(n°85, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 24/12508 - n° Portalis 35L7-V-B7I-CJXON
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 juillet 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - 3ème chambre - RG n°2023035418
APPELANTS
M. [J] [B]
Né le 23 mai 1986 à [Localité 9]
De nationalité française
Exerçant la profession d'essayiste
Domicilié chez Me Victor BILLEBAULT - avocat à la Cour - [Adresse 2]
S.A.S. SCANDERIA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Localité 6]
Immatriculée au rcs de [Localité 8] sous le numéro 894 121 334
Représentés par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque E 1209
INTIMÉS
Société SUNDAY PISTOLS STUDIO, société de droit belge, agissant en la personne de son président, M. [P] [F], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Adresse 1]
BELGIQUE
M. [P] [F]
Né le 28 septembre 1981 en Belgique
De nationalité belge
Exerçant la profession de créateur de contenus en ligne
Domicilié [Adresse 4] - BELGIQUE
Représentés par Me Alain HAZAN de la SELARL TAoMA PARTNERS SPE, avocat au barreau de PARIS, toque P 539
Assistés de Me Emeline JET plaidant pour la SELARL TAoMA PARTNERS SPE, avocate au barreau de PARIS, toque P 539
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
Mmes Véronique RENARD et Marie SALORD ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente
Mme Marie SALORD, Présidente de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 4 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris, qui a :
- dit le droit français applicable,
- dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. [P] [F],
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris,
- dit que le greffe procédera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties,
- dit qu'en application de l'article 84 du code de procédure civile, la voie de l'appel est ouverte contre la décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification,
- dit qu'à défaut d'appel dans ce délai, le dossier sera transmis à la juridiction susvisée dans les conditions de l'article 82 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné, in solidum, M. [J] [B] et la SAS Scanderia aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés & la somme de 123,95 euros dont 20,45 euros de TVA,
Vu l'appel interjeté le 17 juillet 2024 par M. [B] et la société Scanderia,
Vu l'ordonnance du délégué du premier président de la cour d'appel, en date du 18 juillet 2024, autorisant M. [B] et la société Scanderia à assigner M. [F] et la société Sunday Pistols Studios pour l'audience du 27 novembre 2024 de la chambre 2-7 de la cour,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 septembre 2024 par M. [B] et la société Scanderia, appelants, qui demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu sur la compétence par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit recevable et bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. [F], se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris et condamné in solidum M. [B] et la SAS Scanderia aux dépens,
- renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Paris, conformément aux dispositions de l'article 86 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [P] [F] et la société Sunday Pistols Studio à payer à M. [B] et la société Scanderia une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [P] [F] et la société Sunday Pistols Studio aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 octobre 2024 par M. [F] et la société de droit belge Sunday Pistols Studio, intimés, qui demandent à la cour de :
- constater l'appel irrecevable pour défaut de qualité d'intimé de la société Sunday Pistols Studio,
- déclarer mal fondé l'appel de M. [B] et la société Scanderia à l'encontre de la décision rendue le 4 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Paris,
Par conséquent,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en date du 4 juillet 2024,
- débouter M. [B] et la société Scanderia de toutes ses autres demandes,
En tout état de cause,
- constater la procédure irrégulière en raison de la nullité de l'assignation entachée de vices de fond,
En toutes hypothèses,
- constater la présente action irrecevable car prescrite depuis le 5 juillet 2022,
Y rajoutant,
- condamner M. [B] et la société Scanderia à payer solidairement 10 000 euros à M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [B] et la société Scanderia aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Me Alain Hazan conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Vu la redistribution de l'affaire le 2 décembre 2024 à la chambre 5-2 de la cour d'appel et la convocation des parties par le greffe devant cette chambre,
Vu l'audience du 20 mars 2025, les observations de l'avocat des intimés et le dépôt de dossier de celui des appelants ;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que M. [B] est un essayiste français et l'auteur de plusieurs ouvrages. Il est l'associé unique de la société Scanderia qui a pour objet social déclaré « la réalisation avec divers experts, reconnus dans leur domaine, des formations destinées à un public le plus large et international. Production de supports numériques, informatiques, graphiques et audiovisuels dans l'objectif de promouvoir, fournir et vendre les produits et services nécessaires à la formation de la clientèle. Conseil, prestation de service et consulting aux particuliers et personnes morales, la production audiovisuelle, création de programmes informatiques, applications logicielles ».
M. [F] est résident belge et créateur de vidéos en ligne qu'il publie à travers la plateforme numérique YouTube. Son compte, intitulé « Mr Sam- Point d'Interrogation», enregistre plus de 124 000 abonnés.
La société de droit belge Sunday Pistols Studio (SPS), dont M. [P] [F] est le dirigeant, a pour activité l'édition musicale et la production de films.
Le 5 avril 2022, M. [P] [F] a publié sur son compte YouTube une vidéo intitulée « VLOG - Starwarswar, REC2022, fascisme, [J] [B] ' la parenthèse - #6 » qui a été vue 30 936 fois depuis sa publication.
Considérant que les propos qui tenus dans cette vidéo sont mensongers et portent atteinte à sa crédibilité et son activité, M. [B] et la société Scanderia ont, selon par acte de commissaire de justice du 9 juin 2023, fait assigner M. [F] en dénigrement devant le tribunal de commerce de Paris.
C'est dans ce contexte que le jugement dont appel a été rendu, le tribunal se déclarant incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris.
Sur l'irrecevabilité de l'appel formé à l'encontre de la société Sunday Pistols Studio
Les intimés concluent en premier lieu à l'irrecevabilité de l'appel dirigé contre la société Sunday Pistols Studio qui n'était pas partie à la cause en première instance pour n'avoir pas été valablement assignée.
Les appelants n'ont pas répondu sur ce point.
Selon l'article 547 du code de procédure civile « En matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés (')».
En l'espèce, il résulte des termes non contestés du jugement dont appel que celui-ci a été rendu entre M. [B] et la société Scanderia d'une part, et M. [F] d'autre part.
En conséquence, la société Sunday Pistols Studio n'étant pas partie devant le tribunal ne pouvait pas être intimée devant la cour, l'appel formé à son encontre est irrecevable.
Sur la compétence du tribunal de commerce pour connaitre du litige
Les appelants ont fait assigner M. [F] en dénigrement de services et de personnes commis à leur préjudice sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Ils font grief au tribunal d'avoir dit bien fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. [F] et de s'être déclaré incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris aux motifs que la qualification de la faute ne peut résulter de la preuve d'un préjudice et que les propos incriminés relèvent de la diffamation. Ils soutiennent que les composantes du dénigrement sont réunies, à savoir des propos péjoratifs, des propos rendus publics et une personne nommée ou identifiable et qu'en l'espèce, les propos tenus sont péjoratifs et visent bien des concurrents de M. [F], ajoutant que le dénigrement a pour effet de faire douter des membres de la communauté suivant M. [B] de la droiture de ses activités et profiter M. [F] de la notoriété de ce dernier.
M. [F] réplique qu'il ne vise aucune entreprise identifiable, ni une marque, ni encore des produits et/ou services quelconques mais explicitement la personne d'[J] [B] en l'interpellant sans équivoque, que des propos visant à remettre en cause l'honnêteté et l'intégrité de la personne de M. [B] relèveraient tout au plus de la diffamation, et que l'action aurait dû être fondée sur le régime spécial de la loi du 29 juillet 1881. Il en conclut que le tribunal de commerce s'est à juste titre déclaré incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire.
Le dénigrement, qui constitue un acte de concurrence déloyale, se caractérise par la divulgation d'une information de nature à jeter un discrédit sur un service commercial ou sur un concurrent à moins que l'information en cause se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.
Selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. »
En l'espèce, les appelants incriminent les propos tenus par M. [F] dans une vidéo publiée sur son compte YouTube intitulée « VLOG - Starwarswar, REC2022, fascisme, [J] [B] ' la parenthèse - #6 » selon lesquels M. [F] s'exprime au sujet de M. [B] comme suit (extrait) :
« Il s'est fait épingler par une toute nouvelle chaîne, une chaîne de détective, si j'ai bien compris. Pour son montage tentaculaire d'entreprises qui servent manifestement à blanchir son pognon (...).
Et il n'hésite pas à exploiter les aides à l'entrepreneuriat humanitaire au Sénégal. Non mais sérieux [J], fais-toi une société à [Localité 7] : Je ne sais pas moi, si tu ne veux pas payer d'impôts. T'en as une déjà ' Je ne sais même pas si on pourrait le savoir s'il en avait une... Ne fais pas croire à des centaines de personnes au Sénégal que tu vas les sortir de la merde alors que tu vas juste blanchir le blé de tes bouquins, des conférences, de tes séminaires, etc.
Enfin voilà j'affirme un peu vite, c'est ce que l'enquête de la détective suggère, on verra ce que le fisc en dira vraiment puisqu'apparemment une enquête est lancée, c'est ce qu'on voit dans la vidéo de la détective (. ..)
Rassembler des gens en leur racontant n'importe quoi c'est sûr que ça marche... ».
Ces propos ne contiennent aucun dénigrement à l'encontre de la société Scanderia puisque cette dernière n'est pas visée, pas plus qu'une marque ou des produits et/ou des services quelconques.
S'agissant des propos relatifs à « [J] » et donc manifestement à M. [J] [B], ils sont susceptibles de porter atteinte à sa réputation puisqu'il est fait état de blanchiment d'argent, d'exploitation d'aides à l'entrepreneuriat humanitaire et d'enquête du fisc. Et selon les termes mêmes de l'assignation introductive d'instance, les propos incriminés auraient pour effet de faire douter de l'honnêteté de M. [B] qui porterait désormais « une étiquette d'escroc et de menteur » et dont « les membres de la communauté doutent désormais de la droiture de ses activités ». Il est donc expressément reproché à M. [F] de remettre en cause l'honnêteté et l'intégrité de la personne de M. [B].
Or, les abus de la liberté d'expression, tels que les atteintes à la réputation d'une personne, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1240 du code civil puisque le recours à la responsabilité civile est exclu.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce incompétent pour connaitre du litige au profit du tribunal judiciaire de Paris, seul compétent pour connaître des actions civiles pour diffamation en application de l'article R 211-3-26 alinéa 13 du code de l'organisation judiciaire.
Enfin il n'y a pas lieu de statuer sur l'exception de nullité de l'assignation ni sur la prescription de l'action en diffamation qui priveraient les appelants d'un double degré de juridiction.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Parties perdantes, M. [B] et la société Scanderia supporteront en outre les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Enfin M. [F] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans la limite de l'appel,
Déclare irrecevable l'appel formé à l'encontre de la société Sunday Pistols Studio.
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [B] et la société Scanderia à payer à M. [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [B] et la société Scanderia aux dépens d'appel, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente