CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 27 juin 2025, n° 24/02483
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Renard
Vice-président :
Salord
Conseiller :
Buffet
Avocats :
Boude, Lauret, de Jorna, Mesle
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 21 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Meaux,
Vu l'appel interjeté selon déclaration du 25 janvier 2024 par M. [K] [X],
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 novembre 2024 par M. [K] [X],
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 novembre 2024 par M. [N] [G],
Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 novembre 2024 par Mme [U] [H]
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 janvier 2025.
SUR CE, LA COUR,
La société de droit allemand Out Of The Blue (ci-après dénommée OOTB) commercialise en qualité de grossiste par le biais de représentants commerciaux des produits ludiques et de décoration à petits prix.
Elle a conclu un contrat d'agent commercial exclusif avec M. [N] [G], agent commercial immatriculé au registre spécial des agents commerciaux, à effet au 1er octobre 2007, portant sur sa représentation dans les départements de la région parisienne.
Le 16 décembre 2019, M. [K] [X], agent commercial immatriculé au registre spécial des agents commerciaux, a signé un contrat de représentation commerciale avec la société OOTB pour la région parisienne, avec prise d'effet au 1er mars 2020.
M. [G] a quitté la société OOTB le 1er mars 2020 et a cédé à M. [X], par contrat du 20 février 2020, ses droits découlant du contrat avec la société OOTB, soit le portefeuille de clients, à effet au 1er mars 2020 en contrepartie d'une indemnité de cession de 79 000 euros.
Le 1er novembre 2020, M. [G] a conclu avec la société de droit allemand Cepewa, qui souhaitait commercialiser en France des produits de bazar à petits prix, un contrat d'agent général aux termes duquel il assurait d'une part, une mission d'agent commercial dans le secteur sud de la France et d'autre part, la responsabilité des agents commerciaux de la société pour l'ensemble du territoire français. Il indique avoir quitté cette société en février 2021.
Le 1er novembre 2020, Mme [U] [H] a été engagée par la société Cepewa en qualité d'agent commercial pour la région parisienne (départements 75,91,92, 93, 94, 95, 77, 78) et les départements de l'Oise, l'Eure et le Loiret. Elle indique qu'elle a cessé d'exercer ses fonctions le 5 février 2021.
Autorisés par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Draguignan du 18 décembre 2020 , M. [X] et la société OOTB ont fait dresser le 5 février 2021 des procès-verbaux de constat d'huissier de justice aux domiciles de M. [G] et de Mme [H].
Par lettre du 16 mars 2021, la société OOTB et M. [X] ont mis en demeure M. [G] de cesser une activité contraire au contrat de cession, de restituer à M. [X] la somme versée pour la cession de clientèle et d'indemniser leur préjudice.
Le 22 avril 2021, la société OOTB a adressé à M. [X] une lettre de fin de représentation prenant effet à compter du 30 juin 2021 au plus tard.
Par actes d'huissier en date du 3 novembre 2021, M. [X] a fait assigner M. [G] et Mme [H] devant le tribunal judiciaire de Meaux.
Par jugement du 21 décembre 2023, ce tribunal a :
- rejeté la demande de M. [X] de condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 79 900 euros de dommages et intérêts au titre de l'indemnité de cession,
- rejeté la demande de M. [X] de condamnation de M. [G] a' lui payer la somme de 3 890,85 euros au titre des frais de crédit,
- rejeté la demande de M. [X] de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] a' lui payer la somme de 95 625 euros en réparation du préjudice de gains manqués en raison des actes de concurrence de'loyale et de parasitisme,
- rejeté la demande de M. [X] de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] a' lui payer la somme de 79 000 euros en réparation des pertes subies en raison des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- rejeté la demande de M. [X] de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] a' lui payer la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral,
- condamné M. [X] aux dépens,
- rejeté la demande de M. [G] de condamnation de M. [X] a' lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [X] a' payer a' Mme [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de M. [X] de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de M. [G] tendant a' voir écartée l'exécution provisoire.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 novembre 2024, M. [X] demande à la cour :
D'infirmer le jugement en ce qu'il :
- rejette sa demande de condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 79 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'indemnité de cession,
- rejette sa demande de condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 3 890,85 euros au titre des frais de crédit,
- rejette sa demande de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] à lui payer la somme de 95 625 euros en réparation du préjudice de gains manqués en raison des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- rejette sa demande de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] à lui payer la somme de 79 000 euros en réparation des pertes subies en raison des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- rejette sa demande de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral,
- rejette sa demande de condamnation solidaire de M. [G] et de Mme [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
En conséquence de le déclarer tant recevable que bien fondé en son appel et en ses conclusions,
Y faisant droit,
Infirmer le jugement entrepris,
- décharger M. [X] de toutes condamnations lui faisant grief,
- débouter M. [G] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- à titre principal, dire que M. [G] a violé ses obligations contractuelles de présentation exclusive de clientèle et de non-concurrence,
- à titre subsidiaire, dire que M. [G] a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de M. [X], en procédant notamment au démarchage systématique de la clientèle objet du contrat de cession intervenue le 20 février 2020,
- en tout état de cause, dire que Mme [H] a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de M. [X], en procédant notamment au démarchage systématique de la clientèle objet du contrat de cession intervenu le 20 février 2020,
En conséquence, condamner in solidum M. [G] et Mme [H] au paiement des sommes suivantes :
- dommages-intérêts au titre des gains de commissions manqués : 72 517,07 euros à titre principal, 66 985,35 euros à titre subsidiaire, 19 013,47 euros à titre infiniment subsidiaire,
- dommages-intérêts au titre de la perte de chance de poursuivre le contrat de représentation commerciale : 63 750 euros,
- dommages-intérêts au titre du préjudice financier : 60 683,67 euros à titre principal, 2.982,20 euros à titre subsidiaire,
- dommages-intérêts au titre du préjudice moral : 20 000 euros,
- condamner in solidum M. [G] et Mme [H] au paiement de la somme de 8 000 euros à M. [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 novembre 2024, M. [G] demande à la cour de :
- dire et juger M. [X] mal fonde' en l'intégralité' de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- débouter M. [X] de l'intégralité' de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter Mme [H] de l'intégralité' de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [G],
Y ajoutant,
- condamner M. [X] à payer à M. [G] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles génères par la procédure de première instance et d'appel,
- condamner M. [X] aux entiers dépens d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique 12 novembre 2024, Mme [H] demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise,
Subsidiairement, si la cour infirmait la décision entreprise :
- juger irrecevables les demandes formées par M. [X] sur le fondement de la responsabilité' extracontractuelle,
- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Très subsidiairement,
- diminuer substantiellement le montant de dommages et intérêts,
- condamner M. [G] à garantir Mme [H] de toutes condamnations qui pourraient lui imputées par la cour,
- condamner M. [X] au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la violation de l'obligation de présentation exclusive du successeur à la clientèle et de transmission des fichiers clients
M. [X] soutient que M. [G] a violé l'obligation contractuelle de présentation exclusive de son successeur à la clientèle et de transmission des fichiers clients. Il fait valoir que M. [G] ne rapporte pas la preuve d'avoir exécuté ses obligations et que s'il lui a laissé un listing de clients, il l'a obligé à se présenter lui-même alors qu'il était inconnu et n'a pas bénéficié d'une présentation comme il est d'usage pour instaurer la confiance et pérenniser la relation. Il ajoute que M. [G] ne peut soutenir qu'il a rempli son obligation par le biais de la transmission de quelques commandes alors toute la clientèle devait lui être présentée.
M. [G] répond que M. [X] ne lui a fait aucun reproche pendant le cours de son activité et qu'il lui a transféré de nombreux courriels de commandes de clients, ce qui démontre sa volonté de les orienter vers son successeur. Il fait valoir qu'il lui a présenté ses futurs clients à l'occasion des deux derniers salons « Maison et objet » et lui a transféré tous les fichiers qui étaient en sa possession.
Aux termes de l'article E du contrat de cession conclu le 20 février 2020 entre M. [X] et M. [G], le second « s'engage durant les 15 jours qui suivront la prise de possession à présenter le repreneur à sa clientèle comme étant son seul et unique successeur, il mettra à sa disposition les fichiers clients, statistiques, catalogue et autres supports commercial nécessaires à la bonne exécution de son mandat ».
En vertu de l'article 1353 du code civil, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».
M. [X] indique dans ses écritures que M. [G] lui a transmis un listing des clients et ne mentionne pas quels autres éléments celui-ci se serait abstenu de lui transmettre. L'inexécution de l'obligation portant sur la transmission des fichiers clients n'est donc pas démontrée.
M. [G] ne produit aucun élément justifiant qu'entre le 1er et le 15 mars 2020, il a présenté à ses anciens clients M. [X] comme son successeur. Il est mal fondé à faire référence à des présentations à l'occasion de salons alors qu'à ces dates le contrat de cession de clientèle n'avait pas été conclu et qu'une telle présentation ne peut viser tous les clients.
Il résulte au contraire des courriels versés au débat par M. [G] qu'entre le 10 mars et 17 mai 2020, ses anciens clients l'ont contacté par le biais de son adresse mail « ootb.de » qui fonctionnait encore pour lui adresser des commandes, ce qui démontre que les clients de la société OOTB ignoraient que M. [X] l'avait remplacé.
M. [G] a donc manqué à son obligation de présentation de la clientèle à son successeur et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la violation de l'obligation de non concurrence
M. [X] soutient que M. [G] n'a pas respecté l'obligation contractuelle de non concurrence en continuant à exercer la profession d'agent commercial dans le secteur qu'il lui avait cédé et spécialement par le biais de Mme [H] qu'il supervisait en l'invitant à prendre attache avec des commerces. Il ajoute que M. [G] et Mme [H] ont adressé des courriels faisant référence aux produits OOTB, en les comparant avec ceux de la société Cepewa.
M. [G] répond qu'il n'était plus physiquement présent en région parisienne après la cession de sa clientèle à M. [X], qu'il n'a établi aucun devis ou facture pour ses anciens clients et que le fait d'avoir conservé les bases de données contenant leurs coordonnées ne constitue pas un acte fautif.
L'article D du contrat de cession de clientèle conclu entre M. [X] et M. [G] stipule que « à partir de la date de présentation de la clientèle fixée au 1er février pour la prise du secteur effective le 1er mars 2020 le cédant s'oblige à ne plus exercer la profession d'agent commercial sur le secteur cédé avec une gamme identique à Out of blue, soit directement, soit indirectement, sur les départements suivants : 27, 28, 45, 50, 61, 75, 76, 77, 78, 91, 92, 93, 94, et ce, pendant une durée de trois années ».
M. [G] conteste vainement l'identité des produits commercialisés par les sociétés OOTB et Cepewa alors qu'il résulte du courriel du 23 septembre 2020 adressé par Mme [H] à la société Promaux Shop que la société Cepewa vend les mêmes produits que la société OOTB.
Si le fait de conserver une liste de clients n'est pas en soi une inexécution contractuelle, son utilisation constitue une violation de la clause de non concurrence, étant relevé que la liste contient les contacts personnels de ceux qui commandent et qui ne sont pas en libre accès.
Le contrat conclu entre M. [G] et la société Cepewa prévoit un début d'activité le 1er novembre 2020 mais il est établi qu'il a commencé avant cette date son activité de prospection de clients.
Ainsi, dans un message WhatsApp du 30 septembre 2020 adressé au directeur d'OOTB, M. [G] confirme que des courriels ont été envoyés à ses «anciens clients », indique que Mme [H] commence à « développer » [Localité 8] et que son expérience au sein d'OTTB pendant 12 ans a pu l'aider à « développer Cepewa ».
Le 30 septembre 2020, M. [G] a adressé un courriel à la société [Adresse 9], qui exploite un commerce à l'enseigne « les ailes pourpres » dans le secteur qu'il a cédé à M. [X], dans lequel il indique « donne moi ton portable. Je bosse avec une nouvelle boîte encore mieux Cepewa ».
Par courriel du 6 octobre 2020, M. [G] a envoyé à un responsable de la société Kingdestock située dans le secteur visé par la clause de non concurrence un courriel lui demandant de lui donner ses coordonnées pour lui faire parvenir un catalogue et le rencontrer.
Il résulte du message WhatsApp de M. [G] du 9 octobre 2020 adressé au groupe « les chasseurs Cepewa », qui contient 5 contacts et qu'il a créé le même jour, qu'il va leur envoyer tous les contacts la Foire Fouille et Centrakor pour chaque secteur.
De plus, comme l'a justement relevé le tribunal, il résulte des pièces que M. [G] donnait des instructions à Mme [H], en charge de la région parisienne, pour démarcher pour le compte de la société Cepewa des clients en faisant référence aux produits OOTB (« Cepewa, même gamme de produits que Out of the blue »). Ainsi par message du 24 novembre 2020, M. [G] lui donne un contact qu'il lui demande d'aller voir car « elle a un beau magasin à [Localité 11] », le 25 novembre 2020 il lui propose d'aller voir de sa part [F] de la boutique Tiempo à [Localité 10] qui voulait une commande, ce qui implique qu'il avait contactée cette dernière auparavant. Le même jour, il transmet à Mme [H] 6 contacts de boutique à contacter et le 30 novembre 2020, 3 contacts.
Le 23 septembre 2020, Mme [H] adressait à la société Promaux Shop un courriel qui présente Cepewa comme importateur allemand avec 5 000 références et dans lequel elle indique qu'elle travaille en collaboration avec [N] [G] et propose des articles de la société Cepewa (« mêmes produits que Out of blue ») avec une remise exceptionnelle de 30% et propose d'appeler M. [G] pour tout conseil.
Ces éléments démontrent qu'à compter du 23 septembre 2020, M. [G] a démarché soit directement, soit indirectement par le biais de Mme [H], des clients cédés à M. [X] en violation de la clause de non concurrence à laquelle il était soumis.
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
L'inexécution contractuelle ayant été retenue, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée par M. [X] à titre subsidiaire tendant à dire que M. [G] a commis des actes de concurrence déloyale.
M. [X] soutient que Mme [H] a commis des actes de concurrence déloyale en procédant au démarchage systématique de la clientèle, objet du contrat de cession. Il fait valoir que Mme [H], qui ne pouvait ignorer l'existence de cette obligation de non-concurrence, s'est rendue complice de la violation par M. [G] de cette obligation, ce qui engage sa responsabilité délictuelle à son égard.
Mme [H] affirme qu'aucune preuve ne démontre qu'elle avait connaissance de la cession de clientèle intervenue entre M. [G] et M. [X], qu'elle ignorait que le premier avait vendu son contrat d'agent au second et que les coordonnées de clients retrouvées chez elle n'étaient pas confidentielles.
La personne qui, avec connaissance, aide autrui à violer son obligation de non-concurrence commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction. Il incombe au demandeur à l'action d'établir la connaissance par le tiers de l'engagement de non-concurrence.
M. [X] ne rapporte la preuve d'aucun élément justifiant de la connaissance par Mme [H] de la clause de non concurrence de M. [G]. Ainsi, il ne démontre pas ses allégations aux termes desquelles elle avait été animatrice depuis 2018 pour la société OOTB dans les salons « Maison et objet », étant relevé au surplus que cette qualité ne lui aurait pas donné accès au contrat de cession de clientèle du 20 février 2020.
De plus, s'il prétend que les clauses de non-concurrence sont très courantes dans le secteur des agents commerciaux, force est de constater que Mme [H], qui a été recrutée par M. [G] en septembre 2020, n'évoluait pas dans ce milieu et n'avait pas connaissance des pratiques.
Il s'ensuit que la preuve de la complicité de Mme [H] dans la violation de la clause de non concurrence n'est pas rapportée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par M. [X] à son encontre.
Sur la réparation du préjudice
A titre liminaire, la cour constate que si M. [X] demande d'infirmer le jugement en ce qu'il rejeté sa demande de condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 79 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'indemnité de cession et de 79 000 euros en réparation des pertes subies en raison des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, il ne saisit la cour d'aucune demande à ces fins dans le dispositif de ses dernières conclusions.
M. [X] sollicite la réparation intégrale de son préjudice en raison de la faute dolosive commise par M. [G] qui a délibérément violé les obligations du contrat de cession de clientèle.
En premier lieu, il forme une demande au titre des gains manqués en raison du fait que M. [G] ne lui a pas présenté sa clientèle, a gardé les bases de données et les a données à des tiers, a demandé à des tiers d'effectuer des commandes et a effectué des démarchages et des commandes en direct. Il indique que son préjudice est constitué par la baisse de son chiffre d'affaires par rapport à celui de M. [G] en 2019 alors qu'il était un commercial expérimenté et que les autres agents commerciaux de la société OTTB avaient des meilleurs résultats.
En second lieu, M. [X] sollicite l'indemnisation de sa perte de chance de poursuivre l'exécution de son contrat d'agent commercial avec la société OTTB. Il affirme que ses mauvais résultats sont la cause de la rupture du contrat par la société OTTB.
En troisième lieu, il demande l'indemnisation de son préjudice financier. Il indique qu'il a contracté un emprunt pour payer l'indemnité de cession et a perçu des revenus insuffisants pour rembourser le prêt, puis a perdu ses sources de revenus et a dû faire face à des frais financiers sans bénéficier de ressources suffisantes. Il demande le remboursement des mensualités de son prêt à compter de la date de rupture de son contrat avec la société OTTB et à titre subsidiaire les intérêts payés.
En dernier lieu, M. [X] fait valoir qu'il a subi un préjudice moral en raison de la concurrence déloyale renforcée par le comportement vexatoire de M. [G] qui l'a dénigré. Il ajoute qu'il a perdu confiance en ses capacités et âgé de 58 ans à la date de la rupture contrat, n'a pas retrouvé d'activité professionnelle et est à la retraite.
M. [G] répond que M. [X] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice. Il relève qu'il ne fournit aucun élément sur la cause la rupture de son contrat de représentation avec la société OOTB de sorte qu'il ne peut se déduire que la décision est en lien avec l'absence de résultats allégués. Selon M. [G], l'appelant ne justifie pas avoir été en capacité de réaliser l'objectif de 900 000 euros de chiffre d'affaires annuel qui lui était assigné et fait abstraction du contexte lié à la pandémie de Covid qui a impacté l'activité compte tenu de la fermeture des commerces non essentiels et des contraintes lors des réouvertures. Il ajoute que le chiffre d'affaires généré par Mme [H] en trois mois est insignifiant et que lui-même n'a pris aucune commission.
Pour M. [G], le « licenciement » de M. [X] s'explique par ses mauvais résultats liés au contexte sanitaire de l'époque, son incapacité à conserver la clientèle et son manque de talent alors qu'en tout état de cause, un nouvel agent commercial perd toujours 30% du chiffre d'affaires de son prédécesseur car une partie de la clientèle ne souhaite pas poursuivre avec lui.
Il indique que M. [X] ne peut invoquer un préjudice moral à son encontre alors qu'il n'est à l'origine ni de son licenciement, ni de son incapacité à réaliser des objectifs manifestement trop élevés.
L'article 1231-1 du code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ». Selon l'article 1231-2 du même code, « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après ». Il résulte de l'article 1231-3 du même code que « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive » et de l'article 1231-4 que « Dans le cas même où l'inexécution du contrat résulte d'une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution ».
La violation en pleine connaissance de cause par M. [G] de ses obligations contractuelles essentielles, qui seules justifiant le paiement de la cession de sa clientèle, à savoir la présentation de la clientèle et la clause de non concurrence, constitue une faute entrainant un préjudice qui doit être intégralement réparé.
Sur le préjudice au titre des gains manqués
En ne présentant pas sa clientèle à M. [X], M. [G] a retardé son développement commercial. A partir de septembre 2020, il a, en violation de la clause de non concurrence, contacté ou fait contacter son ancienne clientèle pour présenter des produits de la société Cepewa, concurrente de la société OOTB, dans des conditions avantageuses puisqu'il avait connaissance des tarifs pratiqués par cette dernière, ce qui était de nature à détourner les clients de cette société.
Les saisies au domicile des intimés réalisées en février 2021 n'ont pas démontré que des commandes avaient été passées par les anciens clients de M. [G] mais Mme [H] indique qu'elle a réalisé un chiffres d'affaires de 3 500 euros et les factures qu'elle produit démontrent que ces commandes ont été réalisées par des clients situés en région parisienne. Son seul avis d'imposition n'est pas de nature à justifier que le chiffre d'affaires réalisé par la société Cepewa en région parisienne n'était pas supérieur et les pièces produites par M. [G] concernant ses revenus, alors qu'il n'était pas commissionné sur ce secteur, ne sont pas pertinentes.
Contrairement à ce que prétend M. [G], le contexte sanitaire n'a pas été un frein à l'activité de la société OTTB puisque l'appelant justifie que les chiffres d'affaires de ses agents en France en 2020 est resté quasiment identique à ceux de 2019 et qu'au regard des indices INSEE qu'il produit concernant l'évolution du chiffre d'affaires dans le domaine d'activité de ses clients, la baisse de celui-ci ne dépasse pas 10%, les mois de fermeture physique des magasins ayant été compensés par les ventes réalisées lorsque les commerces étaient ouverts. M. [X] verse aussi au débat les comptes sociaux de certains des clients de la société OTTB qui ont été rendus publics et ne démontrent pas de baisse de leur chiffre d'affaires.
M. [X] est mal fondé à solliciter une indemnisation de ses gains manqués sur la base des commissions qui lui auraient été allouées s'il avait réalisé son objectif annuel de 900 000 euros de chiffre d'affaires dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il l'aurait atteint. Ainsi, sa comparaison avec les autres commerciaux de la société OTTB n'est pas pertinente puisqu'ils n'ont pas le même parcours professionnel et ne couvrent pas la même zone. En particulier, les tableaux produits par M. [X] relatifs à son activité précédente d'agent commercial exercée à compter de 2018 sont insuffisants à démontrer ses capacités dans un secteur qui n'est pas indiqué en l'absence d'éléments sur son chiffre d'affaires.
Sa méthode de calcul proposée à titre subsidiaire basée sur le différentiel de commandes moyennes des clients qui ont publié leurs comptes par rapport à celles passées chez OTTB, soit moins 67%, ne peut être retenue dès lors qu'elle n'est pas représentative de l'ensemble des commandes des clients et que la preuve n'est pas rapportée que ces clients ont été démarchés par M. [G].
Le préjudice doit être évalué en ne retenant que les clients de la société OTTB qui ont été démarchés par M. [G] ou Mme [H] dans le secteur pertinent. En tenant compte d'une baisse de commandes de 10% des clients liée à la pandémie de Covid et en retenant 70% du chiffre d'affaires généré par ces clients en 2019, puisque M. [G] ne justifie pas de son expérience dans le secteur concerné, le gain manqué de M. [G] lié aux commissions qu'il aurait touchées, proratisé à la durée de son contrat, s'élève à 13.328 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur le préjudice lié à la perte de chance
Constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
M. [X], au vu des tableaux qu'il produit et qui ne sont pas contestés, a réalisé en 2020 un chiffre d'affaires de 295 799 euros et pour le premier semestre 2021 de 160 928 euros alors que le chiffre d'affaires de M. [G] en 2019 s'élevait à 865 678 euros.
Son contrat avec la société OTTB prévoyait qu'il devait réaliser un chiffre d'affaires minimum de 900 000 euros la première année et que l'absence d'atteinte de cet objectif constitue une grave violation du contrat qui justifie la résiliation immédiate par la société.
M. [X] ne produit aucun élément permettant de déterminer la cause de la rupture de son contrat d'agent commercial par la société OTTB qui lui a écrit le 22 avril 2021 « nous vous licencions de vos représentations (') dans les délais fixés le 30 juin 2021, à titre subsidiaire à la première date possible ».
Il résulte du contrat que la résiliation est possible à l'initiative d'une partie avec un préavis de deux mois la seconde année et la lettre de la société OTTB mentionne ce préavis, si bien que la cause de la rupture n'est pas constituée par l'absence d'atteinte du chiffre d'affaires qui justifie une résiliation immédiate.
Faute de justifier que la résiliation du contrat est en lien avec son chiffre d'affaires insuffisant qu'il impute à la violation des obligations contractuelles par M. [G], M. [X] ne caractérise pas de perte de chance indemnisable.
Cette demande sera en conséquence rejetée. Il sera ajouté de ce chef au jugement.
Sur le préjudice financier
Le fait que M. [X] a contracté un emprunt pour payer à M. [G] l'indemnité de cession et a perdu ses ressources suite à la rupture de son contrat d'agent commercial par la société OOTB n'a pas de lien direct avec les fautes contractuelles commises par M. [G].
Il s'ensuit que cette demande doit être rejetée.
Sur le préjudice moral
La violation des clauses essentielles du contrat de cession de clientèle par M. [G] a causé un préjudice moral à M. [X] en raison de l'atteinte à la confiance.
Il a été jugé que la violation des obligations contractuelles n'avait pas de lien direct avec la rupture du contrat de représentation par la société OTTB, si bien qu'aucun préjudice moral lié aux difficultés professionnelles ultérieures invoquées par l'appelant n'est indemnisable.
M. [X] ajoute que M. [G] l'a dénigré, étant relevé que le dénigrement repose sur la responsabilité délictuelle et non contractuelle.
Il résulte du message WhatsApp adressé par M. [G] au directeur d'OOTB le 30 septembre 2020 qu'il a indiqué « pas facile [K] n'avait pas d'expérience pour ça : tous les agents le détestent ».
Le dénigrement, qui constitue un acte de concurrence déloyale, se définit comme le fait de porter publiquement le discrédit sur une personne dans le but de l'évincer et se caractérise par la divulgation d'une information de nature à jeter un discrédit sur un concurrent à moins que l'information en cause se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.
En l'espèce, le message WhatsApp n'a été adressé qu'à une seule personne, le directeur de l'ancienne société pour laquelle M. [G] était agent commercial.
Il n'est donc pas public et les conditions du dénigrement ne sont pas réunies.
Le préjudice moral de M. [G] sera fixé à 3 000 euros.
Sur les autres demandes
La solution du litige commande d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [X] aux dépens. Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de M. [G] qui devra en outre indemniser M. [X] de ses frais irrépétibles à hauteur de 8 000 euros.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. Il devra en outre lui verser 1 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [K] [X] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de Mme [U] [H] et condamné M. [K] [X] à payer à Mme [U] [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [N] [G] a manqué à son obligation contractuelle de présentation de la clientèle et de non concurrence,
Condamne M. [N] [G] à payer à M. [K] [X] la somme de 13 328 euros au titre du gain manqué,
Condamne M. [N] [G] à payer à M. [K] [X] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral,
Déboute M. [K] [X] de sa demande au titre de la perte de chance, du préjudice financier et du dénigrement,
Condamne M. [N] [G] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne M. [N] [G] à payer à M. [K] [X] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [X] à payer à Mme [U] [H] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.