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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 26 juin 2025, n° 23/17601

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/17601

26 juin 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 26 JUIN 2025

(n° / 2025, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17601 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIOIA

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 octobre 2023 - Juge commissaire du Tribunal de commerce de CRETEIL - RG n° 2022J00551

APPELANTE

S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 552 120 222,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,

INTIMÉES

S.A.S. DELTA EXPLOITATION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, dont le siège social est situé [Adresse 8],

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 342 925 724,

Elisant domicile chez son représentant légal Monsieur [N] [G]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Karine BUCHBINDER-BOTTERI de la SCP BUCHBINDER KARSENTI & LAMY, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 372,

S.E.L.A.R.L. S21Y, prise en la personne de Maître [D] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société SAS DELTA EXPLOITATION, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de CRETEIL du 19 octobre 2024,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro

813 660 693,

Dont le siège social est situé [Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Me Charlotte LAPICQUE, avocate au barreau de PARIS, toque C 175,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société Delta Exploitation exploitait un cinéma à [Localité 9] (94 430) et avait pour représentant légal M. [N] [G].

Le 16 octobre 2021, la Société générale lui a consenti un prêt d'un montant de 1 135 000 euros au taux de 2,3% l'an.

Par jugement du 19 octobre 2022, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert à l'égard de la société Delta Exploitation une procédure de redressement judiciaire et désigné la SELARL S21Y en la personne de Me [D] [B] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 14 décembre 2022, la Société générale a déclaré une première fois sa créance à ce titre pour une somme de 1 000 001,93 euros répartis en 976 192,20 euros au titre du montant à échoir, 23 748,24 euros au titre des mensualités échues et 61,49 euros au titre des intérêts de retard.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 mars 2023 et enregistrée le 22 mars suivant, la SELARL S21Y en la personne de Me [D] [B] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Delta Exploitation a contesté la créance de la Société générale à hauteur de la somme de 116 016,02 euros au motif qu'après paiement des dernières échéances, le solde d'emprunt restant dû était de 883 985,91 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mars 2023 reçue le 29 mars suivant, la Société générale a maintenu sa déclaration de créance.

Par jugement du 5 juillet 2023, le tribunal de commerce a converti le redressement en liquidation judiciaire et désigné la SELARL S21Y en la personne de Me [D] [B] agissant en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 8 août 2023, la Société générale a actualisé le montant de sa créance à hauteur de 118 741,20 euros au titre des échéances échues impayées du 21 septembre 2022 au 17 juin 2023, de 796 132,07 euros au titre du capital restant dû au 5 juillet 2023 et de 3 158,29 euros au titre des intérêts débiteurs de retard arrêtés au 5 juillet 2023 au taux de 2,3% majoré de 4 points conformément à l'article 15 du contrat de prêt.

Par ordonnance du 18 octobre 2023, le juge-commissaire a admis la créance de la Société générale au passif de la société Delta Exploitation « à hauteur de 874 173,84 euros à titre nanti, échu, au taux d'intérêt contractuel de 2,3% », et rejeté le surplus.

Alors que la Société générale sollicitait l'admission de sa créance telle que déclarée le 8 août 2023, le juge-commissaire a considéré que le capital restant dû à la date d'ouverture de la procédure, c'est-à-dire la date d'ouverture du redressement judiciaire, s'élevait à 874 173,84 euros.

Par déclaration du 30 octobre 2023, la Société générale a interjeté appel de cette ordonnance.

Par ordonnance du 8 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel, dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens d'appel et rejeté les demandes la société Delta Exploitation et de la Société générale au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 8 novembre 2024, la Société générale demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance rendue le 18 octobre 2023 en ce qu'elle a admis sa créance au titre du prêt n°217289002200 à hauteur de 874 173,84 euros à titre nanti, échu, au taux d'intérêt contractuel de 2,3% et rejeté pour le surplus ses demandes :

- statuant à nouveau, à titre principal, d'admettre au passif de la société Delta Exploitation sa créance privilégiée telle que déclarée le 8 août 2023 comme suit :

- 118 741,20 euros au titre des échéances échues impayées du 21 septembre 2022 au 17 juin 2023,

- 796 132,07 euros au titre du capital restant dû au 5 juillet 2023,

- 3 158,29 euros au titre des intérêts débiteurs de retard arrêtés au 5 juillet 2023, au taux de 2,30% majoré de 4 points conformément à l'article 15 du contrat de prêt souscrit le 16 octobre 2021,

- « MEMOIRE : Indemnité d'exigibilité anticipée comme stipulée à l'article 10 du contrat de prêt n° 217289002200 et par renvoi des articles 13 et 14 dudit contrat »,

- « GARANTIE : nantissement de fonds de commerce en 1er rang en pari passu avec le LCL, sur le fonds sis [Adresse 4], à hauteur de 1 305 250,00 € » ;

- à titre subsidiaire, d'admettre au passif de la société Delta Exploitation sa créance privilégiée telle que déclarée le 14 décembre 2022 comme suit :

- à titre échu et privilégié, 23 809,73 euros au titre des échéances échues impayées du 17 septembre 2022 au 17 octobre 2022,

- à titre à échoir et privilégié, 976 192,20 euros au taux contractuel de 2,30 % l'an, hors frais et assurance, soit 82 échéances mensuelles en capital, intérêts et accessoires de 11 874,12 euros du 17 novembre 2022 au 17 août 2029 et 1 échéance mensuelle en capital, intérêts et accessoires de 2 514,36 euros au 17 septembre 2029,

- « MEMOIRE : intérêts débiteurs de retard calculés au taux contractuel de 2,30% l'an majoré de 4 points, soit 6,30% (tel que prévu à l'article 15 du contrat de prêt) »,

- « GARANTIE : nantissement de fonds de commerce en 1er rang en pari passu avec le LCL, sur le fonds sis [Adresse 4], à hauteur de 1 305 250,00 € » ;

- en tout état de cause, de condamner la SELARL S21Y prise en la personne de Me [D] [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Delta Exploitation, à la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter la SELARL S21Y prise en la personne de Me [D] [B], ès qualités, ainsi que la SAS Delta Exploitation de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- d'ordonner l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de procédure collective, lesquels pourront être recouvrés par la SELARL 2H Avocats en la personne de Me Audrey Schwab conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 15 novembre 2024, la société Delta Exploitation et la SELARL S21Y prise en la personne de Me [D] [B], en sa qualité de liquidateur judiciaire, demande à la cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- de débouter la Société Générale de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- à titre subsidiaire, d'arrêter au 5 juillet 2023 le montant des intérêts débiteurs au taux de 2,30% ;

- de réduire à de plus justes proportions les intérêts de retard visés à l'article 15 du contrat ainsi que l'indemnité d'exigibilité anticipée ;

- en tout état de cause, de condamner la Société Générale à leur verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 novembre 2024.

SUR CE,

La Société Générale soutient que pour apprécier le montant de la créance, le juge-commissaire ne s'est pas placé comme il l'aurait dû au jour de l'ouverture de la procedure de liquidation judiciaire, qu'elle a droit contrairement à ce qu'a jugé le juge-commissaire à une majoration de 4 points du taux d'intérêts soit 6,30% (tel que prévu à l'article 15 du contrat de prêt) et à l'indemnité d'exigibilité anticipée (stipulée à l'article 10 du contrat de prêt n° 217289002200 et par renvoi des articles 13 et 14 dudit contrat), que la majoration de 4 points a une fonction réparatrice des conséquences des impayés, qu'il appartiendra à la cour de démontrer que cette majoration est manifestement excessive pour pouvoir la modérer, qu'elle n'a pas encaissé la mensualité de septembre 2022 contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire, que sa créance est garantie par le nantissement du fonds de commerce.

La société Delta Exploitation et le liquidateur judiciaire rétorquent que les mensualités ont été réglées jusqu'au mois de septembre 2022, qu'au 19 octobre 2022, le capital restant dû s'élevait à 874 173,84 euros, qu'aucune échéance impayée ne pouvait être réglée durant la période d'observation, que le rectificatif du 8 août 2023 ne pouvait avoir pour conséquence d'augmenter le montant de la créance, que la majoration de 4 points n'est pas due car le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous intérêts de retard et majorations, que cette demande aggrave la situation du débiteur et elle est manifestement excessive, qu'elle demande à la cour de réduire les effets de cette clause, que la clause d'exigibilité anticipée n'est pas applicable faute par le créancier d'avoir adressé à la société Delta Exploitation une mise en demeure lui indiquant qu'elle prononçait l'exigibilité anticipée, que la conversion en liquidation judiciaire n'ouvre pas un nouveau délai pour déclarer une créance, que l'indemnité d'exigibilité n'a pas été déclarée dans la déclaration de créance initiale, que le redressement judiciaire ne rend pas exigible les créances non échues à la date de son prononcé, que la demande à ce titre n'est pas chiffrée ni ses modalités de calcul déterminées, que ces stipulations aggravent les obligations du débiteur du seul fait de l'ouverture de la procédure collective, qu'il convient donc de l'écarter et à titre subsidiaire d'en réduire les effets en raison de son caractère manifestement excessif.

L'article L.624-2 du code de commerce dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

La procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance au jour du jugement d'ouverture et il n'y a discussion de la créance, au sens de l'article L.622-27 du code de commerce, que lorsque la créance déclarée est contestée dans son existence, son montant ou sa nature, appréciés au jour du jugement d'ouverture.

En l'espèce, le principe de la créance n'est pas contesté, s'agissant d'une créance de remboursement d'un prêt bancaire souscrit le 16 octobre 2021 d'un montant de 1 135 000 euros au taux de 2,3% l'an, sur une durée de 10 ans, et portant le numéro 217289002200, ce prêt étant garanti par le nantissement du fonds de commerce.

Se pose la question en premier lieu de la date d'appréciation de la créance en présence de la conversion du redressement en liquidation judiciaire, puis en second lieu celle du montant de la créance en principal, intérêts et accessoires.

L'article L. 622-24 du code de commerce prévoit qu'à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

Aux termes de l'article L. 622-25, alinéa 1er, du même code, la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.

Le prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation d'un redressement judiciaire, qui n'ouvre pas une nouvelle procédure collective, n'emporte pas, par lui-même, soumission des créanciers à l'obligation de déclarer prévue par l'article

L. 622-24 du code de commerce. En pareil cas, si les créanciers sont dispensés de déclarer leur créance à l'ouverture de la liquidation judiciaire, ils peuvent néanmoins réactualiser celle-ci en tenant compte de la déchéance du terme induite par la liquidation judiciaire.

Il en découle que le montant de la créance s'apprécie au jour du jugement d'ouverture du redressement judiciaire et non au jour de la conversion de la procédure en liquidation judiciaire, étant précisé qu'il convient néanmoins de tenir compte de l'actualisation de la déclaration consécutive à l'ouverture de la liquidation judiciaire.

En l'espèce, le jugement d'ouverture est intervenu le 19 octobre 2022.

La Société générale a déclaré sa créance le 14 décembre 2022 pour une somme de 1 000 001,93 euros répartis en 976 192,20 euros au titre du montant à échoir, 23 748,24 euros au titre des mensualités échues et 61,49 euros au titre des intérêts de retard.

Par suite de la conversion de la procédure en liquidation judiciaire, elle a actualisé le montant de sa créance le 8 août 2023, à hauteur de 118 741,20 euros au titre des échéances échues impayées du 21 septembre 2022 au 17 juin 2023, de 796 132,07 euros au titre du capital restant dû au 5 juillet 2023 et de 3 158,29 euros au titre des intérêts débiteurs de retard arrêtés au 5 juillet 2023 au taux de 2,3% majoré de 4 points conformément à l'article 15 du contrat de prêt.

Les échéances du prêt de 11 874,12 euros étaient exigibles le 17 de chaque mois selon le tableau d'amortissement et il ressort du décompte de créance de la Société Générale du 14 décembre 2022 que la déclaration de créance inclut deux mensualités échues impayées, celles de septembre et octobre 2022.

Pour autant, il ressort de l'extrait du relevé bancaire du mois d'octobre 2022 indiquant une 'regul ech impayée du 21 09 2022' avec une date de valeur au 21 septembre 2022 et le débit de 43,81 euros à titre d'indemnité de retard, que la mensualité de septembre a été réglée avec retard le 21 octobre 2022. La Société Générale qui conteste le réglement de l'échéance de septembre 2022 et fait état d'une extourne ultérieure, à savoir que l'échéance payée avec retard aurait été recréditée au mandataire judiciaire par le biais d'un virement de 28 946,02 euros incluant l'échéance de septembre 2022 payée avec retard, n'en justifie pas, puisque le relevé de compte de novembre 2022 qu'elle produit à l'appui de ses allégations ne fait pas ressortir que le paiement litigieux de 11 874,12 euros aurait été recrédité sur le compte courant de la société Delta Exploitation avant le virement de 28 946,02 euros. En outre, le libellé de ce virement de 28 946,02 euros 'disponible à reverser sur le compte temis' n'apporte pas d'indication quant au destinataire, étant relevé que quelques jours plus tard, un autre virement intitulé 'disponible à reverser' était enregistré au débit du compte courant de la société Delta Exploitation sans qu'en soient précisés le motif et le destinataire.

Il est donc démontré que l'échéance de septembre 2022 avait été réglée mais pas qu'elle avait été restituée par la banque, de sorte qu'au 19 octobre 2022, seule une échéance, celle d'octobre 2022 demeurait impayée, la créance au titre des mensualités échues impayées correspondant à l'échéance d'octobre 2022 de 11 874,12 euros.

A la date d'ouverture du redressement judiciaire, le capital restant dû était de 874 173,84 euros, cette somme étant comprise dans le montant déclaré le 14 décembre 2022 au titre des montants à échoir (976 192,20 euros) et dans les sommes déclarées le 8 août 2023 au titre des échéances échues impayées entre le 21 septembre 2022 et le 17 juin 2023 et du capital restant dû au 5 juillet 2023 de 796 132,07 euros et donc recevable. La somme de 874 173,84 euros est devenue exigible par suite de la conversion de la procédure collective en liquidation judiciaire, de sorte qu'elle ne constitue plus un montant à échoir mais une créance échue.

L'actualisation de la créance de la Société générale, si elle permet de tenir compte du caractère exigible du capital restant dû, ne saurait conduire à une présentation de la créance aggravant la situation du débiteur en procédure collective par application de la majoration de 4 points du taux d'intérêts contractuel sur une assiette plus large de mensualités échues demeurées impayées du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit 118 741,20 euros, ou l'ajout d'une indemnité d'exigibilité anticipée.

En effet :

- Sur la majoration de 4 points du taux d'intérêts contractuels, elle est prévue à l'article 15 du contrat de prêt et s'applique de plein droit en cas de retard de paiement dès la date d'exigibilité dans les conditions suivantes :

« Toute somme due au titre du Prêt, y compris le Solde de Résiliation, portera intérêts de plein droit à compter de sa date d'exigibilité normale ou anticipée (incluse) et jusqu'à sa date effective de paiement (exclue) au taux d'intérêt annuel stipulé à l'article « Taux d'intérêt du Prêt » majoré de 4%, sans qu'il soit besoin pour la Banque de procéder à une quelconque mise en demeure préalable (') ».

La Cour de cassation juge que si la créance résultant d'une clause de majoration d'intérêt dont l'application résulte du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective ne peut être admise, en ce qu'elle aggrave les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires, tel n'est pas le cas de la clause qui sanctionne tout retard de paiement (Com., 7 février 2024, pourvoi n° 22-17.885).

En l'occurrence, ce taux majoré doit s'appliquer de plein droit sur l'échéance impayée du mois d'octobre 2022, seule mensualité exigible au jour du jugement d'ouverture et, contrairement à ce qu'affirme le liquidateur judiciaire, l'article L. 622-28, alinéa 1, du code de commerce ne fait pas obstacle à cette stipulation en présence d'un contrat de prêt conclu pour une durée supérieure à un an.

En revanche, la majoration ne s'applique pas aux mensualités postérieures à l'ouverture du redressement judiciaire, celui-ci en ayant suspendu temporairement l'exigibilité, de sorte que le non-paiement de ces mensualités ne saurait s'analyser en un retard de paiement.

En outre, le taux majoré de 6,3% appliqué au remboursement du capital et au paiement des intérêts contractuels impayés entre l'ouverture du redressement judiciaire et la conversion en liquidation judiciaire vient, de fait, aggraver la situation du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires résultant de la suspension de l'exigibilité des paiements des mensualités échues postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire.

Alors qu'est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire, la majoration de 4 points appliquée aux mensualités postérieures à l'ouverture du redressement ne peut être admise.

- S'agissant de l'indemnité d'exigibilité anticipée, la Société générale explique qu'elle a bien déclaré pour mémoire cette indemnité en mentionnant les modalités de calcul de ladite indemnité : S = M x d/365 x (t1-t2)/2.

La cour constate que cette indemnité n'a pas été déclarée le 14 décembre 2022 et n'a été déclarée que pour mémoire sans la chiffrer dans la déclaration actualisée le 8 août 2023. Elle n'est également visée que pour mémoire dans le dispositif des dernières conclusions de l'appelante.

En ce que dans ces conditions la déclaration de créance présente un caractère équivoque sur ce point, l'indemnité d'exigibilité anticipée ne saurait être admise, étant précisé que le juge-commissaire n'a pas statué sur cette question.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a admis la créance de la créance de la Société générale au passif de la société Delta Exploitation « à hauteur de 874 173,84 euros à titre nanti, échu, au taux d'intérêt contractuel de 2,3% », infirmée pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour admettra la somme complémentaire de 11 874,12 euros à titre nanti, échu, au taux d'intérêt contractuel de 6,3% au titre de la mensualité d'octobre 2022 impayée et rejettera la demande d'admission de l'indemnité d'exigibilité anticipée.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a admis la créance de la Société générale au passif de la société Delta Exploitation à hauteur de 874 173,84 euros à titre nanti, échu, au taux d'intérêt contractuel de 2,3% au titre du capital restant dû ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Admet au passif de la société Delta Exploitation la créance de la Société générale au titre de la mensualité d'octobre 2022 impayée pour un montant de 11 874,12 euros à titre nanti, échu, au taux d'intérêt contractuel de 6,3% ;

Rejette la demande d'admission de l'indemnité d'exigibilité anticipée ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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