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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 26 juin 2025, n° 21/02026

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

World Energy (SARL)

Défendeur :

World Energy (SARL), CA Consumer Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fouchard

Conseillers :

M. Gauvin, Mme Reaidy

Avocats :

SELARL LX Grenoble-Chambery, SELARL Legi Avocats, Me Marsat-Chardon, Me Bensimon, SELARL Connille Avocat, Me de Haut de Sigy

T. prox. Annemasse, du 18 juin 2021, n° …

18 juin 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat du 4 juillet 2018, la société World Energy a vendu à M. [B] [U] une installation photovoltaïque, avec pose, raccordement, mise en service et démarches administratives, destinée à équiper son habitation à [Localité 7] (Haute-Savoie), moyennant le prix de 15 900 euros TTC.

Pour financer cet équipement, M. [U] a souscrit un prêt affecté auprès de la société Sofinco (devenue CA Consumer Finance), par contrat du même jour, d'un montant de 15 900 euros, remboursable en 161 mois au taux d'intérêt nominal fixe de 4,799 %.

Un procès-verbal de réception des travaux a été signé par M. [U] le 6 septembre 2018, et les fonds ont été débloqués au profit du vendeur.

Par courriers du 18 mars 2019, le conseil de M. [U] a sollicité tant la société World Energy que la société CA Consumer Finance pour obtenir amiablement l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, ainsi que le retrait des équipements et la remise en état de la toiture, en se prévalant de l'absence totale de rentabilité de l'installation.

En l'absence de toute réponse, par actes délivrés les 23 septembre et 7 octobre 2019, M. [U] a fait assigner la société World Energy et la société CA Consumer Finance devant le tribunal d'instance d'Annemasse aux fins notamment de voir prononcer l'annulation du contrat de vente le liant à la société World Energy et l'annulation du contrat de crédit affecté le liant à la société CA Consumer Finance, outre le retrait des équipements et des dommages et intérêts.

La société World Energy et la société CA Consumer Finance ont comparu en s'opposant aux demandes.

Par jugement contradictoire rendu le 18 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Annemasse a :

dit que la demande tendant à voir fixer les créances au passif de la société World Energy est sans objet faute de procédure de redressement ou liquidation judiciaire en cours,

prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société World Energy d'une part et M. [U] d'autre part, matérialisé par la signature d'un bon de commande le 4 juillet 2018,

jugé en conséquence nul de plein droit le contrat de prêt affecté souscrit avec la société CA Consumer Finance,

ordonné la restitution par la société World Energy du prix de vente, soit la somme de 15 900 euros à M. [U],

ordonné à M. [U] de restituer à la société World Energy l'installation litigieuse et précisé que cette récupération se fera aux frais de la société World Energy en ce compris les frais de remise en état de la toiture après dépose des éléments figurant sur le bon commande,

jugé que la société CA Consumer Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds au vendeur,

jugé qu'en l'absence de préjudice prouvé, M. [U] est tenu de restituer à la société CA Consumer Finance le capital prêté, déduction faite des sommes qu'il a déjà versées au prêteur,

condamné ainsi M. [U] à rembourser à la société CA Consumer Finance la somme de 15 900 euros, déduction faite des versements déjà effectués,

débouté M. [U] de ses demandes tendant à voir condamner la société CA Consumer Finance à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice financier et la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral,

débouté M. [U] de sa demande tendant à voir condamner la société World Energy à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

débouté la société CA Consumer Finance de sa demande tendant à voir condamner la société World Energy à la garantir du remboursement du capital versé,

débouté la société CA Consumer Finance de sa demande de condamnation de la société World Energy à lui payer les intérêts aux taux contractuel à titre de dommages et intérêts,

débouté M. [U] de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés World Energy et CA Consumer Finance, dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier,

condamné in solidum la société CA Consumer Finance et la société World Energy à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la société CA Consumer Finance et la société World Energy à supporter chacune la moitié les dépens.

Par déclaration du 8 octobre 2021, la société World Energy a interjeté appel de ce jugement.

L'appelante a conclu devant la cour le 6 janvier 2022.

Par jugement du 31 mai 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société World Energy. Me [C] [E], désigné en qualité de mandataire judiciaire, a été appelé en cause par acte délivré à une personne habilitée le 27 octobre 2023.

Puis la société World Energy a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 13 décembre 2023. Me [E] a été désigné liquidateur judiciaire.

M. [U] a fait assigner en intervention forcée la société World Energy prise en la personne de son liquidateur judiciaire par acte du 19 mars 2024. Me [E] n'a pas constitué avocat devant la cour.

Par conclusions notifiées le 6 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société World Energy demande en dernier lieu à la cour de :

infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société World Energy d'une part et World Energy d'autre part, matérialisé par la signature d'un bon de commande le 4 juillet 2018,

- jugé en conséquence nul de plein droit le contrat de prêt affecté souscrit avec la société CA Consumer Finance,

- ordonné la restitution par la société World Energy du prix de vente, soit la somme de 15 900 euros à M. [U],

- ordonné à M. [U] de restituer à la société World Energy l'installation litigieuse et précise que cette récupération se fera aux frais de la société World Energy en ceux compris les frais de remise en état de la toiture après dépose des éléments figurant sur le bon commande,

- jugé que la société CA Consumer Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds au vendeur,

- jugé qu'en l'absence de préjudice prouvé, M. [U] est tenu de restituer à la société CA Consumer Finance le capital prêté, déduction faite des sommes qu'il a déjà versées au prêteur,

- condamné ainsi M. [U] à rembourser à la société CA Consumer Finance la somme de 15 900 euros, déduction faite des versements déjà effectués,

- condamné in solidum la société CA Consumer Finance et la société World Energy à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société CA Consumer Finance et la société World Energy à supporter chacune la moitié les dépens,

Statuant à nouveau,

juger n'y avoir à lieu à prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre la société World Energy et M. [U],

juger n'y avoir à restitution à M. [U] de la somme de 15 900 euros versée au titre du prix de vente,

juger n'y avoir lieu à restitution par M. [U] de l'installation litigieuse aux frais de la société World Energy en ce compris les frais de remise en état de la toiture après dépose des éléments figurant sur le bon de commande,

débouter M. [U] de sa demande d'annulation du contrat de vente conclu avec la société World Energy,

juger n'y avoir lieu à nullité du contrat de crédit affecté en l'absence de nullité du contrat de vente,

débouter M. [U] de sa demande de remboursement des sommes versées à la société CA Consumer Finance,

débouter M. [U] de ses prétentions au titre de l'indemnité d'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

condamner M. [U] à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées le 14 novembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [B] [U] demande en dernier lieu à la cour de :

le recevoir en ses écritures et le déclarer bien fondé,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté de sa demande tendant à la condamnation des sociétés CA Consumer Finance et World Energy à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture en son état initial,

- débouté de sa demande tendant à la condamnation des sociétés CA Consumer Finance et World Energy à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leur préjudices financiers et de leur trouble de jouissance,

- débouté de sa demande tendant à la condamnation des CA Consumer Finance et la société World Energy à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de réparation de leur préjudice moral,

- débouté de sa demande tendant à voir condamner la société World Energy à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

- débouté de sa demande tendant à condamner in solidum les sociétés CA Consumer Finance et la société World Energy, dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier,

- jugé qu'en l'absence de préjudice prouvé, M. [U] est tenu de restituer à la CA Consumer Finance le capital prêté, déduction faire des sommes qu'il a déjà versées au prêteur,

- condamné à rembourser à la CA Consumer Finance la somme de 15 900 euros, déduction faite des versements déjà effectués,

Et statuant de nouveau, la cour devra :

déclarer que le contrat conclu entre M. [U] et la société World Energy car contrevenant aux dispositions éditées par le code de la consommation,

déclarer que la société World Energy a commis un dol à l'encontre de M. [U],

déclarer que la CA Consumer Finance a délibérément participé au dol commis par la société World Energy,

Au surplus,

déclarer que la société CA Consumer Finance a commis des fautes personnelles :

- en laissant prospérer l'activité de la société World Energy par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu'elle ne pouvait prétendre ignorer,

- en accordant des financements inappropriés s'agissant de travaux construction,

- en manquant à ses obligations d'informations et de conseils à l'égard de M. [U],

- en délivrant les fonds à la société World Energy sans s'assurer de l'achèvement des travaux,

- déclarer que les fautes commises par la société CA Consumer Finance ont causé un préjudice à M. [U],

En conséquence,

déclarer que les sociétés World Energy et CA Consumer Finance sont solidairement responsables de l'ensemble des conséquences de leurs fautes à l'égard de M. [U],

prononcer la nullité du contrat de vente liant M. [U] et la société World Energy,

prononcer la nullité du contrat de crédit affecté liant M. [U] et la société CA Consumer Finance,

déclarer que la société CA Consumer Finance ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs,

ordonner le remboursement des sommes versées par M. [U] à la société CA Consumer Finance au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 21 825,96 euros, sauf à parfaire,

condamner solidairement les sociétés World Energy et CA Consumer Finance à 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée,

condamner la société CA Consumer Finance à verser à M. [U] la somme de :

- 8 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- dire qu'à défaut pour la société World Energy de récupérer le matériel fourni dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement, celui-ci sera définitivement acquis par M. [U],

condamner la société World Energy à garantir M. [U] de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,

déclarer qu'en toutes hypothèses, la société CA Consumer Finance ne pourra se faire restituer les fonds auprès de M. [U] mais devra nécessairement récupérer les sommes auprès de la société World Energy seule bénéficiaire des fonds débloqués eu égard le mécanisme de l'opération commerciale litigieuse,

condamner solidairement les sociétés World Energy et société CA Consumer Finance au paiement des entiers dépens outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum la société World Energy et la société CA Consumer Finance, dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 relatif au tarif des huissiers, en application de l'article R.631-4 du code de la consommation.

Par conclusions notifiées le 5 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Crédit Agricole Consumer Finance demande en dernier lieu à la cour de :

constater que M. [U] régulièrement avisé n'a pas constitué avocat en cause d'appel,

déclarer l'appel principal de la société World Energy recevable et fondé,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre la société World Energy d'une part et M. [U] d'autre part, matérialisé par la signature d'un bon de commande le 4 juillet 2018,

- jugé en conséquence nul de plein droit le contrat de prêt affecté souscrit avec la société CA Consumer Finance,

- ordonné à M. [U] de restituer à la société World Energy l'installation litigieuse et précise que cette récupération se fera aux frais de la société World Energy en ceux compris les frais de remise en état de la toiture après dépose des éléments figurant sur le bon commande,

- jugé que la société CA Consumer Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds au vendeur,

- condamné in solidum la société CA Consumer Finance et la société World Energy à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société CA Consumer Finance et la société World Energy à supporter chacune la moitié les dépens,

déclarer l'appel incident de la société CA Consumer Finance recevable et fondé,

infirmé le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté la société CA Consumer Finance de sa demande tendant à voir condamner la société World Energy à la garantir du remboursement du capital versé,

- débouté la société CA Consumer Finance de sa demande de condamnation de la société World Energy à lui payer les intérêts aux taux contractuel à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur les chefs critiqués, à titre principal,

débouter M. [U] de l'ensemble de ses prétentions formulées en première instance,

A titre subsidiaire, en cas d'annulation du contrat,

juger que la société CA Consumer Finance n'a pas commis de faute personnelle engageant sa responsabilité contractuelle,

condamner M. [U] à restituer à la société CA Consumer Finance le capital prêté, déduction faite des sommes qu'il a déjà versées au prêteur,

condamner la société World Energy tenue sur le fondement de l'article L.312-56 du code de la consommation de garantir la société CA Consumer Finance du remboursement du capital versé à M. [U], déduction faite des sommes déjà versées,

condamner la société World Energy au paiement du montant des intérêts contractuels à titre de dommages-intérêts, soit la somme de 5 925,96 euros,

A titre infiniment subsidiaire, en l'absence de réformation,

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- jugé qu'en l'absence de préjudice, M. [U] est tenu de restituer à la société CA Consumer Finance le capital prêté, déduction faite des sommes qu'il a déjà versées au prêteur,

- condamné M. [U] à rembourser à la société CA Consumer Finance la somme de 15 900 euros, déduction faite des versements déjà effectués,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Et en tout état de cause,

condamner la société World Energy et M. [U] à payer chacun 5 000 euros à la société CA Consumer Finance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société World Energy et M. [U] aux entiers dépens,

dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Me Sarah-Emmanuelle Pozzallo, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2025. L'affaire a été clôturée à la date du 13 janvier 2025 et renvoyée à l'audience du 25 février 2025, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 15 mai 2025, prorogé à ce jour.

Par message du 11 mars 2025, la cour a sollicité des parties qu'elles fassent toutes observations utiles sur les points suivants, avant le 1er avril 2025 :

- en l'absence de constitution du liquidateur judiciaire, la société World Energy est réputée ne pas maintenir son appel principal, la cour ne serait donc saisie que des appels incidents,

- en l'absence de déclaration de créance du CA Consumer Finance au passif de la société World Energy les demandes seraient irrecevables, même en fixation de créance,

- l'impossibilité de prononcer une condamnation en paiement contre la société World Energy en liquidation judiciaire.

Aucune réponse n'a été apportée par les parties interrogées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur l'appel principal et les appels incidents dirigés contre la société World Energy :

En application des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

L'article L. 622-22 du code de commerce dispose que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire dûment appelé, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

Selon les articles L. 622-24, L. 622-26, L. 641-3 et R.622-24 du même code, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture, sauf à solliciter le relevé de forclusion dans le délai de six mois à compter de la même date.

Ces dispositions sont d'ordre public et il appartient au juge saisi d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de vérifier d'office que les conditions de reprise de l'instance sont réunies.

En l'espèce, il est constant que la société World Energy a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 31 mai 2023, publié au BODACC le 9 juin 2023, procédure convertie en liquidation judiciaire le 13 décembre 2023.

M. [U] justifie avoir adressé un courrier électronique au mandataire judiciaire le 22 juin 2023 avec la déclaration de sa créance pour un montant de 16 900 euros, de sorte que la procédure a été valablement reprise, Me [E] ayant été dûment appelé en cause.

Pour autant, le liquidateur judiciaire n'ayant pas constitué avocat, l'appel principal n'est plus soutenu par la société World Energy, dessaisie de ses droits et actions concernant son patrimoine conformément aux dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce, l'action engagée contre elle par M. [U] tendant à sa condamnation en paiement, mais également en une condamnation à faire.

La cour ne peut donc examiner les moyens développés au soutien de l'appel principal, n'étant désormais saisie que des appels incidents.

En outre, M. [U] persiste à faire des demandes en condamnation en paiement et à faire contre la société World Energy, demandes qui ne peuvent prospérer, seule une fixation de créance au passif pouvant être prononcée contre la société en liquidation judiciaire.

Concernant la société CA Consumer Finance, la cour ne peut que constater qu'elle n'a jamais justifié de la déclaration d'une créance au passif de la société World Energy, et qu'elle est désormais manifestement forclose pour le faire, de sorte que cette forclusion sera constatée, aucune demande de la banque contre la société World Energy ne pouvant dès lors prospérer.

2. Sur la nullité du contrat de vente :

M. [U] invoque plusieurs moyens de nullité du contrat principal, fondés notamment sur des irrégularités formelles, mais également sur le dol commis selon lui par la société World Energy.

La société CA Consumer Finance conclut à l'absence de nullité du contrat de vente, et à l'absence de dol démontré à l'encontre de la société World Energy.

Sur ce, la cour,

Il résulte des articles L. 111-1, 6°, L. 221-5, L. 221-9 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021, et de l'article L. 242-1 du même code, qu'un contrat de vente conclu hors établissement doit comporter, à peine de nullité, une mention relative à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre I du livre VI du code de la consommation (Civ. 1, 18 septembre 2024, pourvoi n° 22-19.583, publié).

En l'espèce, c'est à juste titre et par des motifs que la cour approuve que le premier juge, après avoir fait une exacte analyse des pièces produites aux débats, notamment du contrat de vente (pièce n° 2 de M. [U]), a constaté que celui-ci ne contient pas la mention de la possibilité de recourir au médiateur de la consommation comme requis par l'article L. 11-1 du code de la consommation.

Dès lors, c'est à juste titre que le jugement déféré a prononcé la nullité du contrat de vente, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité invoqués.

Il convient seulement d'ajouter que M. [U] ne rapporte pas la preuve des manoeuvres dolosives qu'il allègue à l'encontre du vendeur. En effet, ces manoeuvres reposent exclusivement sur ses propres affirmations, sans aucune preuve de celles-ci, puisqu'il se contente de produire les contrats de vente et de crédit, dont les termes ne permettent aucunement d'établir qu'il aurait été trompé par la société World Energy sur la rentabilité de l'installation, aucune mention de celle-ci ne figurant dans les documents produits, de sorte que cette rentabilité ainsi que la prétendue « gratuité » de l'installation qui lui aurait été présentée comme autofinancée, ne sont manifestement pas entrées dans le champ contractuel. Il ne démontre même pas que ces éléments auraient été pour lui déterminants dans la souscription du contrat, puisque ce n'est qu'après mise en service qu'il s'en est inquiété.

3. Sur la confirmation du contrat nul :

La société CA Consumer Finance soutient que, nonobstant l'éventuelle nullité formelle du contrat, M. [U] a manifesté sa volonté de confirmer le contrat nul en acceptant la réception sans réserves, en remboursant le prêt et en manifestant sa satisfaction lors de l'enquête téléphonique, réalisée par la banque. Celle-ci ajoute qu'il ne s'est jamais plaint de l'absence de mentions obligatoires sur le contrat.

M. [U] sollicite la confirmation du jugement qui a retenu qu'il n'avait pas confirmé le contrat nul.

Sur ce, la cour,

En application de l'article 1181 du code civil, la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. Elle peut être couverte par la confirmation.

L'article 1182 dispose que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

Ainsi la confirmation d'un acte nul par un consommateur suppose la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir une exécution volontaire et en connaissance de cause de la nullité. Il est de jurisprudence constante que la reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance.

Il appartient à celui qui prétend que le contrat nul a été confirmé d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que le fait pour M. [U] d'avoir accepté la livraison, utilisé l'installation et payé les échéances du prêt ne peuvent valoir acquiescement au contrat nul, alors qu'aucun élément ne permet d'établir qu'en sa qualité de consommateur profane il aurait eu connaissance des nullités à couvrir.

La cour souligne par ailleurs qu'en l'absence de pièces déposées par la société World Energy qui ne soutient plus son appel, elle ne dispose pas de copie complète du contrat de vente, et ne peut ainsi vérifier, contrairement au premier juge, les conditions générales qui y figurent.

Il sera ajouté que la société CA Consumer Finance n'apporte aucun élément supplémentaire en appel de nature à établir une connaissance effective par M. [U] de la nullité du contrat, quand bien même il n'aurait jamais réclamé l'intervention d'un médiateur de la consommation.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente.

La société World Energy étant en liquidation judiciaire, elle ne peut ni être condamnée à restituer à M. [U] le prix de vente, ni être obligée à retirer l'installation et à remettre les lieux en état, de sorte que les restitutions réciproques dues par les parties au contrat de vente ne peuvent en l'espèce que se limiter, en ce qui concerne la société World Energy, à fixer la créance de M. [U] au passif à la somme de 15 900 euros au titre de la restitution du prix de l'installation.

Le jugement sera réformé en ce sens, M. [U] devant faire son affaire personnelle du maintien ou du retrait de l'installation litigieuse.

4. Sur la nullité du contrat de crédit et la faute de la banque :

La société CA Consumer Finance soutient que, si la nullité du contrat principal devait être confirmée, qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver du remboursement du capital prêté, les fonds ayant été libérés sur la foi d'une attestation de fin de travaux signée par M. [U] qui a attesté de la conformité de l'installation au bon de commande, ainsi que de la facture détaillée du 6 septembre 2018, d'une enquête téléphonique de satisfaction et d'une facture d'installation préalable photosolaire sur laquelle l'onduleur serait installé. Elle conteste toute participation à un prétendu dol commis par le vendeur, soutient qu'elle a parfaitement vérifié la solvabilité de l'emprunteur qui était en capacité de rembourser le crédit.

M. [U] soutient que la banque a manqué à ses obligations en participant au dol commis par le vendeur, en libérant les fonds sans procéder aux vérifications nécessaires quant à la validité du bon de commande et à la bonne exécution du contrat. Il soutient en outre que la société CA Consumer Finance a manqué à son devoir de mise en garde, le crédit consenti étant excessif au regard de ses capacités financières.

Sur ce, la cour,

En application de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.

En l'espèce, le contrat principal étant annulé, le contrat de crédit consenti à M. [U] par la société CA Consumer Finance l'est par voie de conséquence.

Les parties au contrat de crédit doivent en conséquence être rétablies dans leur situation antérieure et l'annulation du prêt consécutive à celle de la vente entraîne la restitution des prestations réciproques effectuées.

Il est de jurisprudence constante que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1, 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908, publié).

En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que le procès-verbal de réception des travaux signé par M. [U] le 6 septembre 2018, n'est pas suffisamment précis pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et de sa complète exécution, aucune description des travaux réalisés n'y figurant. La facture émise le même jour n'est pas plus précise, et la demande de financement est particulièrement succincte et ne permet pas de la rattacher au contrat litigieux.

En effet, L'exécution complète du contrat s'entend de la réalisation des démarches de raccordement et de mise en service lorsque le vendeur s'est engagé à les accomplir. L'attestation doit donc être suffisamment précise pour permettre à la banque de s'assurer de l'exécution complète du contrat y compris les prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'est engagé.

Or ici en dehors d'une mention générale et évasive, le procès-verbal de réception ne contient aucun descriptif des travaux réalisés.

Le premier juge doit donc être approuvé en ce qu'il a retenu que la banque a commis une faute en libérant les fonds sans procéder aux vérifications élémentaires requises.

S'agissant du devoir de mise en garde invoqué par M. [U], il convient de rappeler que le prêteur n'est tenu d'un tel devoir que si le crédit sollicité fait naître un risque d'endettement excessif pour l'emprunteur.

En l'espèce il résulte des pièces produites aux débats, que M. [U], qui travaillait en Suisse, disposait d'un revenu annuel de plus de 100 000 euros selon sa déclaration de revenus de 2017, soit plus de 8 000 euros par mois (et non 5 700 euros comme il l'a déclaré dans sa fiche de renseignements), ses bulletins de salaires en francs suisses pour le début de l'année 2018 ne révélant pas une diminution de ses ressources (de 9 206 CHF après retenue pour impôts, soit environ 8 000 euros par mois après impôts au taux de change de juillet 2018). Il ne justifie d'aucune charge particulière (aucune pièce n'est produite par lui sur sa situation financière à l'époque du contrat) et il se contente d'affirmer que le crédit serait ruineux, alors que ses revenus lui permettaient sans aucun doute possible de faire face aux mensualités du crédit de 139,91 euros, même en considération du prêt immobilier déclaré pour 2 150 euros.

Il n'y avait donc aucun risque d'endettement excessif et la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard.

Enfin, le dol de la société World Energy n'étant pas établi comme retenu ci-dessus, la banque ne peut en être tenue pour complice. Aucune manoeuvre dolosive n'est démontrée à son égard.

Pour pouvoir être exonéré de la restitution du capital emprunté, M. [U] doit en outre justifier du préjudice qu'il a subi en lien avec la faute commise par la banque dans le déblocage des fonds.

Or, ainsi que le premier juge l'a justement retenu, M. [U] ne justifie pas d'un tel préjudice.

En effet, il affirme sans le démontrer que l'installation ne serait pas rentable, et il ne prétend pas qu'elle ne fonctionnerait pas. Il ne produit pas le moindre élément de nature à établir l'absence de rentabilité dont il se prévaut. En effet, les pièces qu'il produit aux débats sont au nombre de 4 (pour 56 pages de conclusions), et se limitent aux deux contrats, à la mise en demeure adressée par son conseil le 18 mars 2019 (sans aucune pièce jointe) et à sa déclaration de créance au passif de la société World Energy. Aucun préjudice financier n'est démontré, le crédit contracté ne l'ayant pas mis dans une situation délicate.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à restituer à la société CA Consumer Finance le montant du capital emprunté.

Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, la société WE, déjà tenue à la restitution du prix de vente, ne peut être en sus tenue à relever et garantir M. [U] du remboursement du capital emprunté, ce qui reviendrait à mettre deux fois la même somme à la charge du vendeur.

5. Sur le retrait de l'installation et la remise en état du toit et les autres demandes de dommages et intérêts :

M. [U] sollicite la condamnation de la société World Energy et de la banque à lui payer des dommages et intérêts au titre du coût de retrait de l'installation et de remise en état de son toit.

La société CA Consumer Finance soutient que les préjudices invoqués ne sont pas démontrés et sollicite d'être relevée et garantie par la société World Energy en cas de condamnation

Sur ce, la cour,

Concernant la société World Energy, en liquidation judiciaire, la cour ne peut que constater que le montant de dommages et intérêts réclamés à ce titre par M. [U] ne figure pas dans sa déclaration de créance au passif, de sorte qu'il ne peut y être fait droit, aucune condamnation ne pouvant être prononcée à l'encontre du vendeur.

A l'égard de la société CA Consumer Finance, M. [U] ne démontre ni que l'installation serait dysfonctionnelle ou inesthétique, ni que sa présence même lui causerait un préjudice moral, ni que la faute commise par la banque serait en lien direct et certain avec les préjudices qu'il allègue. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté cette demande.

6. Sur les demandes accessoires :

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Si la société World Energy, appelante principale, succombe du fait qu'elle ne soutient plus son appel, la cour relève que M. [U] et la société CA Consumer Finance succombent également en leurs appels incidents.

En conséquence, il convient de dire que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a engagés, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat constitué pour la société CA Consumer Finance.

Le jugement déféré sera enfin confirmé en ce qu'il a alloué à M. [U] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la charge in solidum de la société World Energy et de la société CA Consumer Finance, sauf à fixer la créance de M. [U] à ce montant au passif de la liquidation judiciaire de la société World Energy.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties pour les frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Constate que la société World Energy, en liquidation judiciaire, ne soutient pas son appel principal,

Déclare la société CA Consumer Finance forclose en ses demandes formées à l'encontre de la société World Energy, en liquidation judiciaire, faute de justifier d'une déclaration de créance au passif dans les délais légaux,

Réforme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Annemasse le 18 juin 2021 en ce qu'il a :

ordonné la restitution par la société World Energy du prix de vente, soit la somme de 15 900 euros, à M. [B] [U],

ordonné à M. [B] [U] de restituer à la société World Energy l'installation litigieuse et précisé que cette récupération se fera aux frais de la société World Energy en ce compris les frais de remise en état de la toiture après dépose des éléments figurant sur le bon de commande,

condamné in solidum la société CA Consumer Finance et la société World Energy à payer à M. [B] [U] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Fixe la créance de M. [B] [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société World Energy aux sommes de :

- 15 900,00 euros au titre de la restitution du prix de vente,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CA Consumer Finance à payer à M. [B] [U] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance, étant précisé que cette condamnation est in solidum avec la société World Energy, en liquidation judiciaire,

Dit que M. [B] [U] fera son affaire personnelle du maintien ou du retrait de l'installation litigieuse,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a engagés, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat constitué pour la société CA Consumer Finance,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties pour les frais exposés en appel.

Ainsi prononcé publiquement le 26 juin 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

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