CA Dijon, 2e ch. civ., 19 juin 2025, n° 22/00626
DIJON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Domofinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blanchard
Conseillers :
Mme Charbonnier, Mme Kuentz
Avocats :
Me Perrin, Me Auffret de Peyrelongue, Me Cunin, Me Goncalves
EXPOSE DU LITIGE
Démarchés à leur domicile par la SARL Agence France Ecologie, M. [D] [Y] et Mme [L] [V] ont signé le 16 janvier 2013, un bon de commande portant sur la fourniture d'une installation solaire photovoltaïque, moyennant un prix global de 23 500 euros TTC, opération financée dans son intégralité par un crédit consenti par la SA Domofinance, suivant offre de prêt acceptée le même jour, prévoyant un remboursement en 90 mensualités de 319,37 euros, calculées selon un taux d'intérêts nominal de 4,93 % l'an et un TAEG annuel de 5,04 %.
La société Agence France Ecologie a procédé à l'installation des panneaux photovoltaïques, établissant une attestation de conformité le 11 juin 2013.
Les fonds prêtés ont été libérés par la société Domofinance au profit du vendeur.
Par jugement du 8 février 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Agence France Ecologie et a désigné la SELARL [M] MJ en qualité de liquidateur judiciaire.
Se prévalant du défaut de rentabilité de leur investissement, M. [Y] et Mme [V], ont fait assigner la SELARL [M] MJ, ès qualités, et la société Domofinance par actes d'huissier des 26 mai et 21 juin 2021, en nullité des contrats de vente et de prêt.
Par jugement du 31 mars 2022, le tribunal judiciaire de Mâcon a :
- déclaré irrecevables les demandes de M. [D] [Y] et Mme [L] [V] visant à voir prononcer la nullité du contrat de vente et à voir condamner la société Domofinance à des dommages-intérêts,
- déclaré irrecevables les demandes présentées contre la SELARL [M] MJ au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné in solidum M. [D] [Y] et Mme [L] [V] à payer à la société Domofinance une somme de 700 euros en application de l'aricle 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [D] [Y] et Mme [L] [V] aux dépens.
Suivant déclaration au greffe du 17 mai 2022, M. [Y] et Mme [V] ont relevé appel de cette décision
Prétentions de M. [Y] et Mme [V]
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 juillet 2023 et signifiées le 1er août 2023 à la SELARL [M] MJ, ès qualités, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de leurs moyens, M. [Y] et Mme [V] demandent à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondés M. [Y] et Mme [V] en leur appel, y faire droit ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que l'action de M. [Y] et Mme [V] était irrecevable pour cause de prescription et en ce qu'il les a condamnés au paiement de la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
statuant à nouveau :
- déclarer M. [Y] et Mme [V] recevables en leur action en nullité de la vente pour cause du dol ;
- déclarer M. [Y] et Mme [V] recevables en leur action en nullité de la vente en raison des irrégularités affectant le bon de commande ;
à titre principal :
- prononcer la nullité du contrat principal de vente conclu entre M. [Y], Mme [V] et la société Agence France Ecologie sur le fondement du dol ;
subsidiairement :
- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [Y], Mme [V] et la société Agence France Ecologie en raison des irrégularités affectant le bon de commande ;
en conséquence :
- prononcer la nullité du contrat de crédit à la consommation conclu entre M. [Y], Mme [V] et la société Domofinance ;
- condamner la société Domofinance au paiement de la somme de 38 050,36 euros correspondant au montants versés au titre du prêt, sans compensation avec la restitution du capital prêté ;
- condamner la SELARLU [M] MJ, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie à procéder, aux frais de la liquidation, à la dépose et la reprise du matériel installé au domicile de M. [Y] et Mme [V], dans le délai de deux mois à compter de la décision devenue définitive, en prévenant 15 jours à l'avance du jour de sa venue par lettre recommandée avec accusé de réception et sans opérer de dégradations en déposant le matériel ;
- juger que faute pour la SELARLU [M] MJ, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie, de reprendre aux frais de liquidation, l'ensemble du matériel installé dans les deux mois suivant la signification du jugement, en prévenant 15 jours à l'avance du jour de sa venue par lettre recommandée avec accusé de réception et sans opérer de dégradations en déposant le matériel, M. [Y] et Mme [V] pourraient en disposer à leur guise ;
en tout état de cause :
- condamner solidairement la SELARLU [M] MJ, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie et la société Domofinance à payer à M. [Y] et à Mme [V] la somme de 1 500 euros à chacun, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner solidairement la SELARLU [M] MJ, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie et la société Domofinance aux entiers dépens de l'instance.
Prétentions de la société Domofinance :
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2022, la société Domofinance entend voir :
à titre principal,
- dire et juger que Mme [L] [V] et M. [D] [Y] sont irrecevables en leurs demandes pour cause de prescription,
- dire et juger que Mme [L] [V] et M. [D] [Y] sont irrecevables en leurs demandes en l'absence de déclaration de créances,
- dire et juger que les conditions de nullité des contrats de vente et de crédit ne sont pas réunies,
- dire et juger que Mme [L] [V] et M. [D] [Y] ne peuvent plus invoquer la nullité du contrat de vente, et donc du contrat de prêt du fait de l'exécution volontaire des contrats, de sorte que l'action est irrecevable en application de l'article 1338 alinéa 2 du code civil,
- dire et juger que la société Domofinance n'a commis aucune faute,
en conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Macon,
- débouter Mme [L] [V] et M. [D] [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée,
- dire et juger que l'absence de faute de l'établissement de crédit laisse perdurer les obligations de restitutions réciproques,
- dire et juger que les sommes versées par Mme [L] [V] et M. [D] [Y] au titre du contrat de crédit seront acquises à la société Domofinance,
à titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait prononcée et une faute des établissements de crédit retenue,
- débouter Mme [L] [V] et M. [D] [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
- condamner solidairement Mme [L] [V] et M. [D] [Y] au paiement de la somme de 23 500,00 euros à titre de dommages et intérêts,
- fixer au passif de la liquidation de la société Agence France Ecologie, prise en la personne de son liquidateur, SELARLU [M] MJ, la somme de 23 500,00 euros au titre du capital perdu,
en tout état de cause,
- condamner solidairement Mme [L] [V] et M. [D] [Y] à payer à la société Domofinance une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Prétentions de la SELARL [M] MJ , en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie :
La déclaration d'appel a été signifiée le 6 juillet 2022 à la SELARL [M] MJ, ès qualités, qui n'a pas constitué avocat devant la cour.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé des moyens des parties.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'appel.
Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsqu'elles se contentent d'énoncer, voire de développer, ce qui constituent en réalité des moyens au soutien des prétentions.
En conséquence, il n'y sera pas répondu.
1°) sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action :
La société Domofinance oppose aux prétentions des appelants la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action et fait valoir que l'action en nullité engagée par les consorts [Y]/[V] est prescrite qu'elle soit fondée sur les irrégularités formelles du bon de commande ou sur le dol, au motif que le délai quinquennal de prescription a commencé à courir dès la signature des contrats, date à laquelle les acheteurs étaient en mesure d'apprécier les vices affectant l'acte et disposaient des éléments nécessaires au calcul de la rentabilité de leur installation.
M.[Y] et Mme [V] soutiennent qu'étant des consommateurs profanes, le point de départ du délai de prescription de leur action en nullité n'a pu commencer à courir à leur encontre qu'à compter du jour où, d'une part, informés par leur conseil, ils ont pris connaissance des vices touchant au formalisme du contrat de vente et où d'autre part, ils se sont rendus compte, à la réception du rapport de l'expert qu'ils ont mandaté, que les résultats de l'installation achetées ne correspondaient pas à ceux qu'ils en espéraient.
Ils considèrent que ces occurrences étant survenues dans le courant de l'année 2020, l'action engagée en mai et juin 2021 n'est pas éteinte par la prescription.
- - - - - -
En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il est de principe que ces actions se prescrivent à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime.
a) sur l'action en nullité fondée sur le dol :
A titre principal, M. [Y] et Mme [V] entendent se prévaloir de manoeuvres dolosives de leur vendeur à qui ils reprochent de leur avoir présenté l'installation comme constituant un investissement autofinancé par le bénéfice d'un crédit d'impôt et la revente de la production énergétique.
Le document manuscrit qu'ils produisent, à en-tête : « 2013 - Partenaire Bleu [Localité 8] d'EDF » présente les différentes étapes de l'investissement, prévoyant une installation fin février/ début mars 2013, une première période d'amortissement du prêt de six mois couverte par un crédit d'impôt, la perception d'un premier revenu à compter de mars 2014 et un revenu de 200 euros par mois jusqu'au terme du prêt.
Or, le contrat de crédit affecté au financement de cet investissement souscrit le même jour que le bon de commande, prévoyait une durée de 95 mois, un différé d'amortissement de 5 mois et 90 échéances de 319,37 euros.
De ces seules constatations, il ressort que le revenu escompté de l'installation, présenté par le vendeur à concurrence de 200 euros par mois, ne couvrait pas le coût mensuel de remboursement du prêt.
De plus, dès les premières factures de rachat de leur production électrique par EDF, établies à compter de juillet 2014, les consorts [T] ont pu se rendre compte du niveau de production de leur installation et des revenus annuels qu'ils pouvaient en tirer.
C'est donc avec raison que le premier juge a fixé le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur le dol à l'issue de la seconde année d'exploitation de l'installation, en juillet 2015 et a considéré en conséquence que cette action se trouvait prescrite à la date d'introduction de l'instance devant lui en mai 2021.
b) sur l'action en nullité fondée sur les irrégularités formelles du bon de commande :
A titre subsidiaire, les consorts [T] fondent leur action en nullité sur l'absence, dans le bon de commande, d'informations suffisantes sur les caractéristiques de l'installation photovoltaïque achetée.
Le bon de commande désigne l'installation vendue en précisant sa puissance globale, le nombre de panneaux la composant, leur classe et leur puissance et liste un ensemble de matériels : système d'intégration au bâti, onduleur, coffrets de protection, disjoncteurs, coffrets parafoudre.
Il indique que sont inclus le forfait d'installation de l'ensemble, la mise en service, le consuel et le tirage des câbles entre le compteur et l'onduleur, les démarches administratives (mairie, EDF, Consuel, etc..), le raccordement au réseau.
Il fait enfin état de garantie de rendement des panneaux de 25 ans et de 20 ans concernant l'onduleur.
Les conditions générales de ventes figurant au verso du bon de commande comportent la reproduction intégrale du texte des articles L.121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version en vigueur au 16 janvier 2013, applicable au démarchage, particulièrement de l'article L.121-23, prévoyant que le contrat doit comporter à peine de nullité les mentions suivantes:
« 4° la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
5° les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et les délais de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de service
[']
7° faculté de renonciation prévue à l'article [11]-25 ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et de façon apparente le texte intégral des articlesL.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-26 ».
Néanmoins, la simple reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement est insuffisante pour permettre au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions, en l'absence de circonstances particulières, permettant de justifier d'une telle connaissance (Cass. 1ère civ., 24 janv. 2024, n°22-16.115).
Au cas particulier , le bon de commande comporte bien un certain nombre d'informations sur les caractéristiques de l'installation proposée par le vendeur et il n'est pas démontré, ni même soutenu, que Mme [V] et M. [Y] disposaient de compétences, notamment juridiques, leur permettant d'analyser le bon de commande et ces informations, en regard des dispositions légales et d'en tirer eux-même les conséquences quant au respect du formalisme édicté et à la validité de leur engagement contractuel.
Le délai de prescription de l'action en nullité en ce qu'elle est fondée sur l'irrégularité du bon de commande n'a donc pu commencer à courir à leur encontre dès sa signature le 16 janvier 2013.
Les consorts [Y]/[V] se prévalent d'une prise de connaissance des vices du bon de commande lors de la consultation de leur conseil courant 2020 qu'aucun élément produit aux débats ne permet de contredire, mais que confirme leur courrier adressé à la société Domofinance le 30 avril 2020 pour lui demander communication d'éléments contractuels et soulignant le caractère préjudiciable de la vente.
Il en résulte qu'aux dates de délivrance des assignations en mai et juin 2021, leur action ne se trouvait pas atteinte par la prescription.
Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a déclaré M. [Y] et Mme [V] irrecevables en leur action en nullité à raison de la prescription.
2°) sur la fin de non recevoir tirée du défaut de déclaration de créance :
La société Domofinance soutient que M.[Y] et Mme [V] n'ayant pas déclaré leur créance à la liquidation judiciaire de leur vendeur, toute action en paiement ou en nullité entraînant une remise en état leur est interdite en application de l'article L.622-24 du code de commerce.
Les appelants font valoir que l'interdiction des actions tendant à la condamnation du débiteur en procédure collective au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, ne s'applique pas à l'action en nullité du contrat.
L'action introduite par M.[Y] et Mme [V] poursuit la nullité du contrat pour violation des prescriptions du code de la consommation, sans qu'il soit réclamé de condamnation de la société Agence France Ecologie au paiement d'une somme d'argent, ni à la restitution du prix de vente.
Il en résulte qu'elle n'entre pas dans les prévisions de l'article L.622-24 du code de commerce et ne se heurte pas à l'interdiction des poursuites, ni à l'obligation de déclaration des créances.
La fin de non recevoir ne peut être retenue et les appelants devront être déclarés recevables en leur action.
3°) sur la nullité du contrat de vente :
M.[Y] et Mme [V] soutiennent que le bon de commande ne respecte pas les prescriptions du code de la consommation quant à la description des caractéristiques essentielles des biens vendus (marque, référénce, type, modèle, dimension, inclinaison), la nature des travaux de pose de l'installation et des démarches administratives à la charge du vendeur, le prix unitaire des matériels, la date de livraison, les modalités de paiement, l'existence d'une clause attributive de compétence, l'identité du démarcheur, l'exercice de la faculté de rétractation.
La société Domofinance considère qu'en l'absence de définition légale des caractéristiques essentielles, le bon de commande comporte une description suffisamment précise de l'installation vendue, les appelants ne démontrant pas le caractère essentiel des informations qu'ils estiment manquantes.
Elle relève que le prix unitaire de chaque matériel n'est pas exigé par les textes, que les acheteurs ont été informés des modalités de livraison et que les griefs développés sur le bon de rétractation détachable sont inopérants.
- - - - - -
- sur les irrégularités du bon de commande :
Le bon de commande ayant été régularisé le 16 janvier 2013, le contrat est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur version en vigueur avant le 14 juin 2014.
En vertu de l'article L.121-23 du code de la consommation, les opérations de vente par démarchage doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L.313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l'article [11]-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L.121-25 et L. 121-26.
Selon les termes des articles L.121-24 et L.121-25 du même code, le contrat doit également comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation, dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, et ne peut comporter aucune clause attributive de compétence.
Il résulte de l'examen du bon de commande que ce dernier ne comporte aucune indication sur la marque des appareils constituant l'installation (panneaux, onduleur) ne précisant que leur type, ce qui ne permet pas au consommateur de procéder à une comparaison entre les différentes offres en concurrence et de se déterminer au terme d'un choix éclairé. Par ailleurs, s'il renseigne sur la puissance théorique de l'installation et des panneaux photovoltaïques, il ne précise pas leur capacité de production d'électricité, alors même que la note manuscrite de présentation de l'opération (pièce n°5 des appelants) montre que la question du volume de production d'électricité était manifestement essentielle pour les acheteurs qui entendaient, par la revente, en tirer des revenus destinés à couvrir leur investissement.
Le contrat n'informe pas non plus l'acheteur de la date ou du délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à réaliser les démarches administratives annoncées, la seule mention pré-imprimée d'un délai global par l'article 5 des conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande, étant insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L.121-23, 5°, du code de la consommation, dès lors d'une part qu'il n'est pas distingué entre le délai de pose des matériels et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un tel délai global ne permet pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécuterait ses différentes obligations (Cass. 1re Civ., 15 juin 2022, n° 21-11.747).
En outre, le contrat principal n'énonce pas les modalités de paiement du prix, alors que les acquéreurs ont eu recours à un crédit et prévoit au paragraphe 16 de ses conditions générales de vente, une clause attributive de compétence en cas de litige.
Au titre de ces seules irrégularités, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, le bon de commande ne satisfait pas aux dispositions impératives de l'article L. 121-23 du code de la consommation, et encourt la nullité.
- sur la confirmation de l'acte nul :
La société Domofinance se prévaut de la confirmation de la nullité relative du bon de commande par l'exécution volontaire qui en a été faite par les appelants, soulignant que ces derniers ont eu connaissance des dispositions du code de la consommation reproduites dans les conditions générales de vente, qui leur permettaient de se convaincre d'éventuelles irrégularités et qu'ils n'ont pas fait usage de leur droit de rétractation.
Les appelants soutiennent qu'ils n'ont pu avoir l'intention de ratifier les nullités de la vente en exécutant celle-ci, à défaut d'avoir préalablement acquis la connaissance précise des vices affectant le bon de commande.
Si l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, permet la confirmation d'une obligation contre laquelle est admise un action en nullité, par l'exécution volontaire qui en est faite en connaissance de cause, il est de principe, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, que la simple reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances particulières, permettant de justifier d'une telle connaissance (Cass. 1ère civ., 24 janv. 2024, n°22-16.115).
Il s'en déduit que M [Y] et Mme [V] ont exécuté le contrat sans avoir eu une connaissance effective des irrégularités affectant le bon de commande et entraînant sa nullité de sorte qu'ils n'ont pu avoir l'intention de confirmer cet acte.
En conséquence, la cour prononcera la nullité du contrat de vente intervenu le 16 janvier 2013 entre la société Agence France Ecologie d'une part et M. [D] [Y] et Mme [L] [V] d'autre part.
4°) sur la nullité du contrat de prêt :
Conformément aux dispositions de l'article L.311-32 code de la consommation dans sa version en vigueur du 1er mai 2011 au 1er juillet 2016, le contrat de crédit est réolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les énonciations du contrat de prêt signé le même jour que le contrat de vente de l'installation photovoltaïque confirment qu'il était dedié au financement de l'acquisition de sorte qu'en raison de l'interdépendance de ces deux contrats participant d'une opération commerciale unique, l'annulation du contrat de vente emporte annulation du contrat de prêt intervenu entre les consorts [Y]/[V] et la société Domofinance, que la cour prononcera.
5°) sur les conséquences de la nullité :
- au titre du contrat de vente :
L'annulation d'une vente entraîne de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion et il appartiendra aux consorts [T] de tenir les différents matériels à la disposition de la SELARL [M] MJ, liquidateur de la société Agence France Ecologie, afin qu'il en assure la reprise.
L'annulation de la vente restaurant la propriété du vendeur sur la chose vendue, ce qui fait obstacle à ce que les appelants puissent, ainsi qu'ils le demandent, en disposer librement passé un délai de deux mois après signification de la décision. Ils seront déboutés de cette prétention.
- au titre du contrat de prêt :
L'annulation subséquente du contrat de prêt oblige l'emprunteur à rembourser au prêteur les sommes prêtées, déduction faite des sommes remboursées, sauf si, en libérant les fonds prêtés au bénéfice du vendeur, le prêteur a commis une faute en ne s'assurant pas de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, auquel cas il peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution si l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Cass. 1re civ 25 nov 2020 n°19-14.908).
Les consorts [T] soutiennent que la société Domofinance n'a pas vérifié la régularité formelle du bon de commande alors qu'il se trouve affecté de nombreuses irrégularités formelles, que le prêt a été souscrit par l'entremise de la société Agence France Ecologie, vendeur de l'installation, révélant un partenariat financier et des relations d'affaires étroites et que le prêteur de deniers ne peut se considérer comme un tiers et se désintéresser de la validité du contrat de vente.
Ils font valoir que par la faute du prêteur, ils ont perdu une chance de ne pas souscrire un contrat qui s'est révélé ruineux à défaut de retirer des revenus suffisants de l'exploitation d'une installation qui génére des coûts de maintenance et ne permet pas d'amortir leur investissement. Ils ajoutent que la liquidation judiciaire du vendeur aggrave leur préjudice en les privant de toute restitution du prix.
La société Domofinance conteste toute faute considérant qu'il ne lui appartient pas de vérifier la conformité du bon de commande avec les dispositions du code de la consommation, alors que l'octroi du prêt n'est pas subordonné à sa présentation et que le contrôle qui est exigé d'elle est contraire à l'effet relatif des contrats.
Elle ajoute que la signature par les acheteurs de l'attestation de fin de travaux et leur demande de paiement, manifestent l'intention de couvrir l'éventuelle nullité.
La confirmation de l'acte nul ne peut résulter de son exécution volontaire qu'à la double condition de la connaissance effective du vice l'affectant et de la volonté de le couvrir.
Ainsi qu'il a été dit précédemment, la simple reproduction des dispositions du code de la consommation relatives au formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de leur inobservation et la signature de l'attestation de fin de travaux comme la demande de libération des fonds au profit du vendeur ne peuvent à eux seuls, en l'absence de connaissance effective du vice, suffire à ratifier le contrat nul.
Il résulte des précédentes constatations de la cour, que le bon de commande a été établi en méconnaissance des dispositions du code de la consommation, relatives au démarchage à domicile et particulièrement de celles de l'article L.121-23.
Il est tout autant établi par les pièces que l'offre de prêt, destinée à financer la vente, a été présentée aux consorts [T] par la société Agence France Ecologie, à qui la société Domofinance a donc confié la distribution de ses produits.
Les deux contrats contribuant l'un et l'autre à la réalisation une seule opération commerciale de vente à domicile, le prêteur avait, tout autant que le vendeur, l'obligation d'assurer le respect des dispositions légales de protection des consommateurs.
Professionnelle du crédit, elle-même soumise, dans l'exercice de son activité, au respect des dispositions du code de la consommation, la société Domofinance était tenue de procéder aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et d'installation était affecté d'une cause de nullité, d'en informer les consommateurs pour leur permettre de renoncer au contrat ou de le confirmer.
Ne le faisant pas, elle a commis une faute à l'encontre des acquéreurs, qui ont contracté le prêt destiné au financement du prix de vente et que la liquidation judiciaire de la société Agence France Ecologie, prive de la contrepartie de la restitution de l'installation vendue, dont ils ne sont plus propriétaires par l'effet de la nullité.
Les consorts [T] justifient ainsi d'une perte équivalente au montant du crédit, libéré au profit du vendeur sans vérifications de la régularité formelle du contrat de vente, préjudice en lien de causalité avec la faute commise par la société Domofinance.
Ils sont en droit d'obtenir des dommages et intérêts correspondant au capital emprunté de sorte que la société Domofinance sera condamnée à leur verser la somme de 23 500 euros.
Par ailleurs, l'annulation du prêt impose la remise en état des parties dans leur état antérieur de sorte que si le prêt ayant déjà été intégralement remboursé à ce jour, la société Domofinance doit restituer aux emprunteurs les sommes remboursées au titre des intérêts et les frais du crédit.
Selon le tableau d'amortissement et l'historique incomplet du prêt produits aux débats, les emprunteurs ont remboursé treize mensualités de 346,82 euros et effectué un règlement anticipé de 20 861,61 euros, soit un total de 25 370,27 euros et leur créance de restitution est de 1 870,27 euros (25 370,27 ' 23 500), somme que la société Domofinance sera condamnée à leur verser.
6°) sur la demande de la société Domofinance en fixation de créance :
La société Domofinance demande la fixation au passif de la procédure collective de la société Agence France Ecologie, d'une créance de 23.500 euros alors qu'après en avoir fait grief aux appelants, elle ne justifie pas avoir elle-même procédé à la déclaration de sa créance auprès du liquidateur judiciaire, rendant sa demande irrecevable.
7°) sur les demandes accessoires dirigées contre la SELARL [M] MJ :
L'instance en nullité du contrat ayant été engagée postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Agence France Ecologie, les frais irrépétibles et les dépens nés de cette instance constituent des créances postérieures qui ne sont pas soumises à l'interdiction édictée par l'article L.622-21 du code de procédure civile.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes présentées à ce titre par les consorts [T].
Compte tenu de l'impécuniosité de la procédure collective, il n'y a cependant pas lieu de condamner le liquidateur, ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Mâcon en date du 31 mars 2022, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. [D] [Y] et Mme [L] [V] visant à voir prononcer la nullité du contrat de vente sur le fondement du dol ;
statuant à nouveau,
Déclare M. [D] [Y] et Mme [L] [V] recevables en leur demande de nullité du contrat de vente sur le fondement des irrégularités formelles,
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 16 janvier 2013 entre M. [D] [Y], Mme [L] [V] et la SARL Agence France Ecologie,
Prononce la nullité du contrat de prêt conclu le 16 janvier 2013 entre M. [D] [Y], Mme [L] [V] et la SA Domofinance,
Condamne la SA Domofinance à payer à M. [D] [Y] et Mme [L] [V] les sommes de :
- 1 870,27 euros à titre de restitution,
- 23 500 euros à titre de dommages-intérêts,
Dit que la SELARL [M] MJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Agence France Ecologie, devra assurer aux frais de la procédure collective la dépose et la reprise du matériel vendu,
Ordonne à M. [D] [Y] et Mme [L] [V] de tenir à la disposition de la SELARL [M] MJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Agence France Ecologie, le matériel vendu et installé en exécution du contrat de vente,
Déboute M. [D] [Y] et Mme [L] [V] de leur demande visant à être autorisés à disposer de l'installation,
Déclare la SA Domofinance irrecevable en sa demande en fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Agence France Ecologie ;
Condamne in solidum la SA Domofinance et la SELARLU [M] MJ, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie, aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SA Domofinance à payer à M. [D] [Y] et Mme [L] [V] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes de condamnation de la SELARLU [M] MJ, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence France Ecologie, fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.