CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 26 juin 2025, n° 24/12923
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Union fédérale des consommateurs-que choisir
Défendeur :
Deutsche Lufthansa AG (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devillers
Conseillers :
Mme Morlet, Mme Zysman
Avocats :
Me Macchetto, Me Jarry, Me Sportes, Me Hervy
Rappel des faits et de la procédure :
Le 24 avril 2020, dans le contexte de la lutte contre la pandémie de Covid-19 conduisant les Etats à prononcer des restrictions de circulation et à fermer leurs frontières, l'association (ci-après l'UFC ou l'UFC-Que Choisir) a adressé à plus de cinquante transporteurs aériens une mise en demeure de se conformer aux dispositions du règlement CE 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol.
Ce règlement impose notamment à la compagnie d'informer les passagers concernés de leurs droits, de leur proposer le choix entre le remboursement de leur billet dans un délai de 7 jours ou le cas échéant, sous réserve de leur accord signé, le remboursement sous forme de bons de voyage et/ou d'autres services, ou de la proposition d'autres vols dans des conditions comparables et à titre de réacheminement.
Courant mai 2020, l'UFC-que choisir a fait citer vingt-et-une compagnies aériennes devant le tribunal judiciaire de Paris, dont la société Deutsche Lufthansa AG (ci-après également Lufthansa) aux fins de voir le tribunal :
- juger que ces sociétés enfreignent, au préjudice des consommateurs, les dispositions des articles 5, 7, 8 et14 du règlement CE n°261/2004 du Parlement Européen et du Conseil établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol,
- leur ordonner la cessation des pratiques illicites ainsi jugées, à peine d'astreinte,
- leur enjoindre à peine d'astreinte d'offrir à chacun des consommateurs s'étant vu remettre un avoir au motif de la pandémie liée au Covid-19, des suites d'une annulation de vol, de le lui rembourser dans les délais et modalités légales, à savoir sous un délai de 7 iours et par virement bancaire, espèces ou chèque
- leur enjoindre à peine d'astreinte d'offrir à chacun des consommateurs subissant une annulation de vol de lui rembourser dans les délais et modalités légales, à savoir : sous un délai de 7 jours et par virement bancaire, espèces ou chèque, sauf à recueillir de lui, dans ce délai, une autorisation signée pour la remise d'un avoir
- dire et juger qu'elles ont recours à une pratique commerciale trompeuse au préjudice des consommateurs
- leur ordonner la cession de la pratique commerciale trompeuse ainsi jugée, à peine d'astreinte provisoire
- dire et Juger qu'elles ont recours à des dispositions à valeur contractuelle illicites et abusives et ordonner de les supprimer.
Suite aux conclusions d'incident déposées par certaines compagnies soulevant une exception d'incompétence territoriale et sollicitant l'organisation d'une médiation, le juge de la mise en état, par ordonnance du 18 mai 2021, a ordonné une mesure de médiation entre l'UFC-que choisir et quatorze des défenderesses et sursis à statuer sur les incidents formés par les autres compagnies dans l'attente de l'issue de cette mesure.
A l'issue de la médiation, l'UFC a repris ses demandes rajoutant des demandes de publication et de dommages et intérêts. Les quinze compagnies qui n'avaient pas accepté de médiation, ou pour lesquelles elle avait échoué, ont alors notifié à l'UFC-que choisir des conclusions d'incident soulevant diverses exceptions de procédure et fins de non recevoir.
Par ordonnance rendue le 24 octobre 2023, le juge de la mise en état a notamment :
- rejeté les exceptions d'incompétence territoriale
- déclaré l'UFC-que choisir irrecevable en ses demandes rattachées au règlement CE 261/2004 et notamment à ses articles 5,7,8,14 formées à l'encontre des compagnies en cause à l'exception de la société Deutsche Lufthansa AG et de la société Vueling Airlines SA qui n'avaient pas soulevé cette fin de non recevoir.
Cette ordonnance n'a pas été frappée d'appel.
Par conclusions du 13 novembre 2023 l'UFC a formé un incident de communication de pièces à l'égard des sociétés Vueling et Air Caraibes, incident étendu à d'autres compagnies par conclusions ultérieures.
Les sociétés Vueling et Deutsche Lufthansa AG ont respectivement transmis au juge de la mise en état (le 27 décembre 2023 pour la première, le 1er mars 2024 pour la seconde), des conclusions tendant, pour la première fois en ce qui mles concerne, à voir déclarer l'UFC-que choisir irrecevable en ses demandes formées à leur encontre rattachées au règlement 261/2004 en raison d'un défaut de qualité à agir.
Le 15 avril 2024, le conseil de l'UFC a pris de nouvelles conclusions au fond, en mentionnant qu'elles étaient 'expurgées des prétentions fondées sur le Règlement CE 264/2011 (sic) déclarées irrecevables par l'ordonnance du 24 octobre 2023".
Par ordonnance en date du 30 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
En premier ressort
- Déclaré l'UFC-que choisir irrecevable en ses demandes rattachées au règlement CE261/2004 à l'égard de la société Deutsche Lufthansa AG et des sociétés Vueling Airlines SA et SL,
Par décision insusceptible d'appel immédiat
- Débouté l'UFC-que choisir de sa demande de communication des décisions du ministre des Transports prononçant une amende administrative à l'égard des compagnies Air Algérie, Volotea SL SA, Vueling, Air Caraïbes,
- Débouté les parties de leurs demandes en paiement formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Joint les dépens au fond,
Par déclaration du 11 juillet 2024, l'UFC-Que Choisir a interjeté appel de cette ordonnance, intimant la société Deutsche Lufthansa AG devant la cour.
Par dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 18 décembre 2024, l'UFC-que choisir demande à la cour de :
Vu les articles visés, (sic)
- Infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de [Localité 4] en date du 30 mai 2024 (RG n° 20/05755) en ce qu'elle a déclaré l'UFC-que choisir irrecevable en ses demandes rattachées au règlement CE n°261/2004 à l'égard de la société Deutsche Lufthansa AG.
- Et, statuant à nouveau de ce chef infirmé, de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Deutsche Lufthansa AG.
- Condamner la société Deutsche Lufthansa AG aux entiers dépens d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.
- Condamner la société Deutsche Lufthansa AG à payer à l'UFC-que choisir une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter la société Deutsche Lufthansa AG de toute demande contraire.
L'UFC soutient que l'ordonnance dont appel contredit celle du 24 octobre 2023, car dans cette dernière, l'UFC a été jugée recevable en ses demandes fondées sur l'existence de pratiques commerciales trompeuses et de clauses abusives, ce qui n'est pas le cas dans l'ordonnance frappée ici d'appel. Elle prétend en outre que le moyen invoqué par la société Deutsche Lufthansa au soutien de la fin de non recevoir ne relève pas du défaut de qualité pour agir mais du défaut d'intérêt pour agir de l'UFC.
Elle se fonde sur les articles L.621-1, L.621-2, L.621-7 et L.621-8 du code de la consommation, pour affirmer qu'une association de consommateurs est recevable à invoquer toute règle de droit de nature à qualifier de trompeuses ou d'abusives les pratiques commerciales et clauses dont elle fait grief et qu'elle est donc recevable à invoquer le règlement CE n°261/2004.
Par dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 4 décembre 2024, la société Deutsche Lufthansa AG demande à la cour de :
Vu les articles 122, 542 et suivants, 700, 789 et 901 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles L.621-1 et suivants, R.212-1 et 2, L.121- 2, 3 et 7 du code de la consommation,
Vu la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives contenues dans les contrats conclus avec les consommateurs ;
Vu la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ;
Vu le règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol ;
Vu les ordonnances d'octobre et mai rendues par le juge de la mise en état,
Vu les pièces versées aux débats,
- Débouter l'UFC-que choisir de sa demande d'infirmation de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de [Localité 4] en date du 30 mai 2024 (RG n°20/05755) en ce qu'elle a déclaré l'UFC-que choisir « irrecevable en ses demandes rattachées au Règlement CE n°261/2004 à l'égard de la société Deutsche Lufthansa AG ' Lufthansa Lignes Aeriennes Allemandes ».
- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de [Localité 4] en date du 30 mai 2024 (RG n°20/05755), en particulier en ce qu'elle a déclaré l'UFC-que choisir « irrecevable en ses demandes rattachées au Règlement CE n°261/2004 à l'égard de la société Deutsche Lufthansa AG ' Lufthansa Lignes Aeriennes Allemandes ».
- Débouter l'UFC-que choisir de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens à l'encontre de la société Deutsche Lufthansa AG,
- Condamner l'UFC-que choisir au paiement de la somme de 5.000 euros au profit de la société Deutsche Lufthansa AG au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que l'ordonnance dont il est présentement fait appel n'est pas revenue sur l'ordonnance précédente du 24 octobre 2023, qu'en effet le juge de la mise en état a réitéré en le confirmant son raisonnement selon lequel, si l'UFC est bien recevable à agir sur les fondements des pratiques commerciales trompeuses et des clauses abusives, elle ne peut valablement le faire qu'à la condition de démontrer l'existence de pratiques commerciales trompeuses et de clauses abusives distinctes de manquements aux dispositions du règlement CE 261/2004 et non directement fondées sur ce dernier. Le juge de la mise en état a donc à juste titre déclaré irrecevable l'UFC car elle s'est fondée sur des moyens de droit tirés du règlement CE 261/2004, même si celui-ci n'est pas expressément visé.
La société Deutsche Lufthansa AG prétend que la question tenant au fait de savoir si l'UFC est recevable à invoquer des violations du règlement CE n°261/2004 comme moyens de droit au soutien de ses demandes déclarées recevables et fondées sur les pratiques commerciales trompeuses et les clauses abusives n'est pas la question qui a été tranchée par le juge de la mise en état dans son ordonnance dont appel puisque le juge s'est contenté de trancher la recevabilité de l'UFC à agir contre la société Deutsche Lufthansa AG sur le fondement du règlement CE 261/2004. Elle soutient que Les les arguments de l'UFC tendant à justifier son bien fondé d'invoquer des manquements au règlement CE 261/2004 au soutien de ses demandes sont inopérants puisqu'ils relèvent des débats sur le fond du dossier.
La clôture a été prononcée le 8 janvier 2025.
SUR CE
Aux termes de l'article L. 621-7 du Code de la consommation :
« Les associations mentionnées à l'article L. 621-1 et les organismes justifiant de leur inscription sur la liste publiée au Journal officiel de l'Union européenne en application de l'article 4 de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiée relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs, peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'article 1 er de la directive précitée. »
Cet article 1 en vigueur au jour de l'introduction de l'instance (et ce depuis la seconde réforme intervenue en 2013), précise ainsi son champ d'application :
« La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux actions en cessation, mentionnées à l'article 2, visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs inclus dans les actes de l'Union énumérés à l'annexe I, afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur'.
Cette annexe vise deux textes seulement
- La Directive n°2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (dont relèvent les pratiques commerciales trompeuses) transposée, notamment aux articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation.
- La Directive n°93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, transposée notamment, aux articles L. 212-1 et suivants du Code de la consommation.
Aux termes de l'article L. 621-8 du Code de la consommation :
« Lorsqu'il est saisi en application de l'article L. 621-7, le juge peut ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ou dans tout contrat en cours d'exécution.
Les associations et les organismes mentionnés à l'article L. 621-7 peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, et de lui ordonner d'en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. »
Le Règlement CE n°261/2004 (ou règlement CE 261/2004) établit des règles communes pour indemniser et assister les passagers en cas de refus d'embarquement, d'annulation ou de retard important de vols, il offre dans ses articles 5 et 7 divers droits aux passagers aériens en cas d'annulation, de retard ou de surréservation d'un vol, incluant la possibilité de réclamer une indemnisation financière. L'article 8 prévoit notamment que la compagnie peut proposer un autre vol mais que le voyageur dans certaines situations peut exiger le remboursement en refusant un transfert. L'article 14 stipule que le transporteur aérien qui refuse l'embarquement ou qui annule un vol présente à chaque passager concerné une notice écrite reprenant les règles d'indemnisation.
Ainsi que relevé par l'ordonnance dont appel ainsi que antérieurement, l'ordonnance du 24 octobre 2023, l'article L621-7 du code de la consommation (et donc les actions de l'article L621-8) ne vise pas ce règlement relatif au transport aérien mais seulement les deux directives spécifiquement sur les droits des consommateurs.
L'UFC dans son assignation et ses premières conclusions devant le tribunal déclarait agir sur trois fondements juridiques, support de demandes distinctes, toutes qualifiées de principales, soit les pratiques et agissements illicites au regard des articles 5,7,8 et 14 du règlement CE 261/2004, les pratiques commerciales trompeuses, et les clauses abusives.
La requête des compagnies aériennes tendant à la déclarer irrecevable était à l'évidence fondée sur la qualité pour agir, c'est à dire la preuve que l'UFC avait juridiquement le pouvoir d'engager ses actions en s'appuyant sur les textes lui en donnant la possibilité.
Le juge de la mise en état, dans son ordonnance du 24 octobre 2023 a, en application des dispositions des articles L.621-7 et L.621-8 du code de la consommation, et aux motifs que la liste des actes visés à l'article 1 de la directive 2009/221CE ne comportait pas le règlement CE 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, déclaré I'UFC irrecevable en ses demandes rattachées au règlement CE 261/2004.
L'UFC-Que choisir n'a pas fait appel de cette première ordonnance.
Les demandeurs à l'incident soulevaient aussi l'irrecevabilité des demandes fondées sur des pratiques commerciales trompeuses et des clauses abusives au motif que les griefs soutenus sur ces fondements sont constitués par des violations du Règlement n°261/2004. Le juge de la mise en état a considéré que cette argumentation 'relève de l'examen du bien-fondé des prétentions et de l'office du juge du fond, auquel il reviendra de dire si les compagnies aériennes dans la cause ont commis des pratiques commerciales trompeuses ou édicté des clauses abusives au sens du code de la consommation distinctes de manquements aux dispositions du Règlement 261/2004".
L'UFC a repris, postérieurement à la première ordonnance du juge de la mise en état, de nouvelles conclusions dans lesquelles elle ne vise plus expressément comme dans les précédentes, les articles 5, 7, 8 et 14 du règlement CE n°261/2004 puisque ses demandes sont présentées comme exclusivement fondées sur l'existence de pratiques commerciales trompeuses d'une part et de clauses abusives d'autre part.
L'UFC que choisir ne critique pas la décision sur le fond, mais soutient que la société Lufthansa n'avait pas d'intérêt à agir puisque le règlement n'est plus le fondement d'une demande.
Cependant comme dans ses précédentes conclusions, pour voir établir une pratique commerciale trompeuse, elle soutient que la compagnie présentait des allégations et indications, qui ont trompé les consommateurs quant aux conditions de vente des titres de transport aérien qu'elles ont commercialisés et quant à la portée de leurs engagements, particulièrement en alléguant ou annonçant, sur leur site Internet et au sein de leurs documents contractuels, une conformité de leurs pratiques commerciales au regard du Règlement CE n°261/2004 et donc un engagement à appliquer ledit texte à l'occasion de la fourniture des services de transport, et en dissimulant ou fournissant et de façon inintelligible ou à contretemps aux consommateurs une ou plusieurs informations substantielles, à savoir celles correspondant à la réalité de leurs droits au remboursement tels que (et selon les modalités, dont de délais) prévus par le Règlement CE n°261/2004.
La société Lufthansa ne demandait pas l'irrecevabilité des demandes directement fondées sur le règlement (il n'y en a plus) mais de celles fondées sur des pratiques commerciales trompeuses et des clauses abusives, mais avec le règlement comme « moyen » à l'appui.
L'UFC elle, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déclarée irrecevable en ses demandes « rattachées » au Règlement CE n°261/2004 mais de juger que l'UFC est recevable à invoquer, au soutien des prétentions maintenues fondées sur l'existence de pratiques commerciales trompeuses et de clauses abusives, des moyens de droit tirés du Règlement CE n°261/2004 sans qu'il importe que les faits en cause constituent par ailleurs également des manquements au regard de ce même Règlement.
Le juge de la mise en état dans sa nouvelle ordonnance dont appel n'a pas, contrairement à ce qu'affirme l'UFC, changé sa position par rapport à la précédente ordonnance, même si le règlement n'est plus directement le fondement des demandes. Il réaffirme en effet que l'UFC reste irrecevable à invoquer au soutien des prétentions maintenues sur le terrain des pratiques commerciales trompeuses et des clauses abusives, des moyens de droit directement fondés sur ledit Règlement et qu'il appartiendra au tribunal si nécessaire de restituer aux demandes leur véritable qualification juridique et de dire si sous couvert d'une action en cessation d'agissements illicites et de suppression de clauses abusives, l'UFC agit en réalité pour faire sanctionner des manquements au Règlement 261/2004, ce que le juge de la mise en état a jugé irrecevable dans la première ordonnance et confirmé dans la deuxième.
Pour justifier le principe de l'impossibilité éventuelle pour l'UFC d'invoquer des moyens de droit fondés sur le Règlement CE n°261/2004 au soutien de ses prétentions fondées sur des pratiques commerciales trompeuses et des clauses abusives, et de renvoyer au juge du fond l'appréciation de la qualification des moyens, le juge a rappelé que le règlement ne peut servir de fondement à l'action de l'UFC, même si cette dernière ne l'invoque plus directement. C'est donc à bon droit qu'il indique dans sa motivation que « nonobstant les modifications apportées à la formulation des prétentions », la société Lufthansa a « intérêt à voir juger par le juge de la mise en état, comme il l'a fait précédemment à l'égard des autres compagnies aériennes dans la cause, que 1'UFC est irrecevable à invoquer au soutien des prétentions maintenues, sur le terrain des pratiques commerciales trompeuses et des clauses abusives, des moyens de droit directement fondés sur le Règlement CE 261/2004 ».
Il a précisé à nouveau que « il appartiendra au tribunal si nécessaire de restituer aux demandes leur véritable qualification juridique et de dire si sous couvert d'une action en cessation d'agissements illicites et de suppression de clauses abusives, l'UFC agit pour faire sanctionner des manquements au Règlement 261/2004 ».
L'UFC dans de très longs développements expose en quoi ses demandes fondées sur le règlement 261/2004 seraient recevables, mais ceux-ci sont inutiles dans la mesure où le juge de la mise en état a clairement indiqué, comme dans la première ordonnance , que la possibilité pour l'UFC d'utiliser le règlement comme moyen serait appréciée par le juge du fond. Elle ne peut donc demander au juge de la mise en état d'affirmer qu'elle est recevable sans plus d'examen, à invoquer des moyens de droit tirés du Règlement 261/2004 au soutien des prétentions fondées sur l'existence de pratiques commerciales trompeuses et de clauses abusives sans qu'il importe que les faits en cause constituent par ailleurs également des manquements au regard de ce même Règlement.
L'insistance de l'UFC à voir infirmer l'ordonnance démontre également l'intérêt de la société Lufthansa à la voir confirmer. Il est équitable en outre que la société Lufthansa puisse être dans la même situation juridique que les autres défendeurs.
L'ordonnance devra donc être confirmée en toutes ses dispositions.
L'appel de l'UFC, partie perdante et condamnée aux dépens, a obligé Lufthansa a exposer des frais et l'équité commande de lui accorder la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état de [Localité 4] en date du 30 mai 2024 (RG n°20/05755) en toutes ses dispositions,
Condamne l'UFC-Que Choisir aux dépens
Condamne l'UFC-Que Choisir à payer à la société DEUTSCHE LUFTHANSA AG ' LUFTHANSA LIGNES AERIENNES ALLEMANDES la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.