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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 26 juin 2025, n° 24/06764

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

NBB Lease France 2 (SAS)

Défendeur :

NBB Lease France 2 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Durand

Conseillers :

Mme Arbellot, Mme Coulibeuf

Avocats :

Me Galland, SCP GRV Associes, Me Inchauspe, Me Chevalier, SELARL Gravelle Avocats

TJ Paris, du 11 sept. 2023, n° 22/01663

11 septembre 2023

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable validée le 13 juillet 2018, M. [C] [S], avocat, a conclu avec la société Nova-Seo un contrat de licence d'exploitation de site internet pour une durée de 48 mois moyennant des loyers de 250 euros HT ou 300 euros TTC, comprenant la création d'un site internet conformément au cahier des charges, l'hébergement du site, un nom de domaine, une ou plusieurs adresses e-mail personnalisées, une base de données « produits », des outils statistiques, un référencement manuel sur les principaux moteurs de recherche et annuaires, un suivi de référencement, une modification du site à la demande.

La société NBB Lease France 2 est intervenue en qualité de cessionnaire du contrat de licence au regard des dispositions de l'article 1 des conditions générales de location.

Un procès-verbal de réception du site a été validé le 10 octobre 2018.

A la suite d'impayés de loyers à compter du 30 octobre 2020, la société NBB Lease France 2, cessionnaire de la société Nova-Seo fournisseur, a fait assigner M. [S], par acte d'huissier de justice du 5 juillet 2021, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins principalement de voir constater la résiliation du contrat acquise par le jeu de la clause de résiliation et de le voir condamner au paiement de la somme de 6 700 euros arrêtée au 26 février 2021.

Suivant jugement contradictoire rendu le 11 septembre 2023 auquel il convient de se reporter, le juge a :

- débouté M. [S] de sa demande en nullité du contrat,

- constaté la résiliation de plein droit du contrat à compter du 26 juillet 2021,

- condamné M. [S] à payer les sommes de 1 200 euros avec intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 janvier 2021 et de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [S] aux dépens de l'instance et au paiement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juge a considéré qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité du contrat au visa de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce qui sanctionne uniquement par des dommages et intérêts tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers qui soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Il a relevé que l'article 20 du contrat qui interdit au client de céder ses droits à un tiers ne caractérise pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, que les articles 2.2, 9.8, 12.2 et 14.3 qui dégagent la responsabilité du cessionnaire en cas de défaillance du fournisseur ne créent pas de déséquilibre dans la mesure où l'article 5 prévoit l'indépendance juridique entre le contrat de licence d'exploitation du site internet et les prestations d'hébergement, de maintenance et de référencement, et que le client conserve pour les cas de dysfonctionnement du site, une action à l'encontre de l'hébergeur dont il n'est pas contesté par le défendeur qu'il s'agit du fournisseur initial, que l'article 17.3 qui prévoit en cas de résiliation le versement au cessionnaire des échéances majorées d'une clause pénale de 10 % et des intérêts de retard ainsi que la totalité des échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorée d'une clause pénale de 10 % sans préjudice de dommages et intérêts n'est pas déséquilibrée dans la mesure où l'article 1231-5 alinéa 2 du code civil permet au juge, même d'office, de modérer la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive.

Il a également rejeté toute annulation sur le fondement de l'article 1104 du code civil, en l'absence d'élément accréditant les dires de M. [S] selon lesquels il n'y aurait eu aucune phase de négociation, qu'il aurait signé en blanc le 13 juillet 2018 un procès-verbal de réception du site qui n'était pas encore conçu et que le site livré n'avait pas respecté ses prescriptions.

Il a relevé que le dol invoqué par M. [S] affirmant s'être laissé convaincre par la promesse d'un tarif préférentiel finalement non appliqué n'était pas étayé.

Il a constaté que M. [S] avait cessé de payer les loyers à compter d'octobre 2020, que le contrat contenait une clause résolutoire mise en 'uvre par la société NBB Lease France 2 et qu'il convenait donc de constater la résiliation du contrat au 26 janvier 2021 et de condamner l'intéressé au paiement de la somme de 1 200 euros au titre des sommes impayées avec intérêts au taux légal majorés de 5 points. S'agissant de l'indemnité de résiliation revendiquée à hauteur de 5 500 euros, il l'a réduite à la somme de 3 000 euros.

Par déclaration enregistrée le 5 avril 2024, M. [S] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 5 juillet 2024, M. [S] demande à la cour :

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel et y faisant droit,

- d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- vu les dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce,

- de prononcer la nullité des articles 1, 2.2, 9.8, 12.2, 14.3, 17.1, 17.3, 17.4, 20 et 21 et plus généralement du contrat de licence d'exploitation du 13 juillet 2018,

- en conséquence, de condamner la société NBB Lease France 2 à lui restituer la somme de 8 100 euros assortie de l'intérêt au taux légal et anatocisme,

- subsidiairement et en tout état de cause,

- de condamner la société NBB Lease France 2 au paiement de la somme de 8 100 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par le déséquilibre significatif dans les obligations des parties induit par la signature du contrat de licence d'exploitation de site internet du 13 juillet 2018 de présentation de son activité d'avocat,

- d'ordonner la compensation avec toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- de débouter la société NBB Lease France 2 en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il explique exercer la profession d'avocat depuis 1970 et avoir fait l'objet d'un démarchage à son cabinet de la part de la société Nova Seo spécialisée dans la création de sites internet. Il indique que bien qu'il disposât déjà d'un site internet qui lui donnait toute satisfaction, le représentant de la société avait su le convaincre de confier aux développeurs de cette société la création d'un nouveau site avec un design plus attractif et professionnel, plus rapide, une meilleure organisation, avec un chargement plus rapide, le tout permettant un meilleur référencement. Il indique avoir signé un bon de commande auquel était joint un cahier des charges dont le démarcheur lui avait indiqué qu'il n'était pas utile de le remplir immédiatement car ses besoins seraient définis en cours d'élaboration du site.

Il expose avoir pu visualiser le site mis en ligne au mois d'octobre 2018, qu'il avait fait part de son insatisfaction à l'entreprise mais qu'il n'avait pas été donné suite à ses remarques, le prélèvement des échéances débutant à compter du mois d'octobre 2018. Il précise avoir continué à utiliser son ancien site internet qui est toujours en ligne, puis avoir été très fortement impacté par la crise du Covid avec des difficultés financières importantes ce qui l'avait conduit à l'arrêt des prélèvements des échéances en octobre 2020.

Il invoque la nullité de son engagement sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° ancien du code de commerce, qui prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (') de soumettre ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Il estime que le contrat est pré-rédigé sans possibilité pour le partenaire cocontractant de discuter tout ou partie de ses dispositions, qu'il s'agit donc d'un contrat d'adhésion dont plusieurs dispositions créent un déséquilibre significatif au sens donné par la cour d'appel de Paris à savoir des clauses qui reconnaissent une prérogative exorbitante à l'une des parties ou qui mettent un devoir exorbitant à la charge d'une partie, sans contrepartie et qui dérogent de manière répétée à des règles supplétives en faveur d'une partie.

Il vise l'article 2.2 qui exclut toute responsabilité contractuelle de la société, l'article 9.8 qui interdit au client de se prévaloir d'une exception d'inexécution au cas où le site internet ne fonctionnerait pas pour suspendre ses règlements, l'article 12.2 qui exonère le cessionnaire de toute responsabilité au cas où le site serait affecté d'anomalies de fonctionnement quelle qu'en en puisse être la cause et la durée, l'article 14.3 qui prévoit que par dérogation aux dispositions de l'article 1724 du code civil, le client renonce à demander au cessionnaire toute indemnité ou diminution du montant des échéances si pour une raison quelconque le site internet devenait temporairement ou définitivement inutilisable.

Il soutient que le motif selon lequel l'article 5 prévoit l'indépendance juridique entre le contrat de licence d'exploitation du site internet et les prestations d'hébergement, de maintenance et de référencement, avec possibilité pour le client en cas de dysfonctionnement du site, d'exercer une action à l'encontre de l'hébergeur ne peut être retenu car il fait peser sur le client l'obligation d'appeler dans la cause le fournisseur du site alors même que le cessionnaire vient aux droits de ce dernier, mais sans en assumer les risques. Il ajoute que dans le cas où le fournisseur a disparu (liquidation amiable ou liquidation judiciaire), le client ne dispose d'aucun recours, sachant que pour autant, l'article 9.8 lui impose dans un tel cas de régler le cessionnaire. Il invoque l'article 21 alinéa 1 lequel ouvre au seul cessionnaire le droit de se prévaloir de l'indivisibilité des contrats pour en solliciter la résiliation.

Il indique en outre que si le cessionnaire bénéficie de toute attitude pour résilier le contrat, tel n'est pas le cas du client sur lequel pèse une sanction financière disproportionnée et qui ne peut même pas invoquer le dysfonctionnement du site pour échapper à cette sanction selon les articles 17.1, 17.3 et 17.4 du contrat.

Il voit également en déséquilibre dans les conditions de cession du contrat.

Il affirme que si aux termes de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, la seule sanction prévue pour la victime de telles pratiques est l'allocation de dommages intérêts, la cour d'appel de Paris a admis que la victime puisse agir en nullité (Cour d'appel de Paris, 22 février 2017 RG n°16/17924).

Il rappelle que la nullité emportant anéantissement rétroactif du contrat, il demande le rejet des demandes formées par la société NBB Lease France 2 et le remboursement des sommes qu'il a d'ores et déjà réglées, soit la somme de 8 100 euros assortie de l'intérêt au taux légal et anatocisme. Pour ce qui concerne la restitution du site internet, il indique que celle-ci est déjà intervenue, la société NBB Lease France 2 ayant d'ores et déjà procédé au retrait du site.

Subsidiairement, en l'absence d'annulation du contrat, il demande la condamnation de la société NBB Lease France 2 à lui verser une somme de 8 100 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par le déséquilibre significatif dans les obligations des parties induit par la signature du contrat de licence d'exploitation de site internet du 13 juillet 2018 de présentation de son activité d'avocat avec compensation entre cette somme et les éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Aux termes de conclusions récapitulatives remises le 3 octobre 2024, la société NBB Lease France 2 demande à la cour :

- de la juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes,

- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a réduit la somme réclamée à titre d'indemnité de résiliation,

- statuant à nouveau,

- de condamner M. [S] à lui payer la somme de 5 500 euros au titre de l'indemnité de résiliation, dont le montant correspond aux loyers à échoir H.T. (5 000 euros) et la pénalité de 10 % (500 euros), assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 26 janvier 2021,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour ordonnait la restitution de loyers,

- de condamner M. [E] au paiement d'une somme équivalente aux loyers restitués, au titre de l'indemnité de jouissance du site internet mis à sa disposition,

- d'ordonner la compensation des sommes qui pourraient être dues,

- de débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes,

- de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et entiers dépens d'appel.

L'intimée fait valoir que de manière surprenante, M. [S] maintient son argumentation de première instance pourtant repoussée, et fait remarquer que celui-ci a la qualité d'avocat, qu'il n'est pas un profane du droit et qu'il avait donc parfaitement conscience de ses engagements au jour de la souscription du contrat. Elle rappelle que l'article 24 des conditions générales prévoit la possibilité, pour les cocontractants, de renoncer à invoquer le bénéfice de ces conditions générales.

Elle estime que c'est à tort que M. [S] prétend que les articles des conditions générales de location (art 1, 2.2, 9.8, 12.2, 14.3, 17.3 et 20) créeraient un déséquilibre entre les parties.

S'agissant des articles 1 et 20 qui prévoient la possibilité pour le fournisseur de céder les droits résultant du contrat, possibilité non offerte au locataire, elle juge qu'il n'y a aucun déséquilibre d'autant que M. [S] en sa qualité d'avocat était parfaitement informé de la cession, de sorte qu'aucun déséquilibre ne saurait être retenu et que l'impossibilité de cession est parfaitement justifiée par l'objet du contrat qui porte sur un site internet, personnalisé et répondant au souhait du locataire. Elle note que l'absence de réciprocité se justifie par le fait que NBB Lease France 2 a assuré le règlement de la facture de cession et ne saurait compenser une résiliation anticipée par une nouvelle remise en location dès lors que le site internet n'est pas réutilisable puis que le contrat ne saurait être cédé à l'initiative du locataire, sans que le loueur dispose de la moindre donnée financière du cessionnaire afin de s'assurer que le règlement des loyers puisse être assuré. Elle estime que l'argument selon lequel une telle clause empêcherait M. [S] de « céder son cabinet, même à des associés » est de pure mauvaise foi.

Sur les articles 2.2, 9.8, 12.2 et 14.3 lesquels ont vocation à prévoir l'impossibilité pour le locataire de se prévaloir de dysfonctionnement du site internet ou de défaillance du fournisseur, à l'encontre du cessionnaire, elle rappelle qu'en sa qualité de cessionnaire du contrat, elle n'a aucune compétence technique pour assurer le développement et la maintenance du site internet, ce qui est confirmé par l'article 5.1 qui rappelle l'indépendance juridique entre le contrat de licence d'exploitation du site et les prestations d'hébergement, de maintenance et de référencement, qui restent assurées par la société Nova Seo. Elle ajoute que le locataire a parfaitement la possibilité de se retourner contre le fournisseur qui assure toujours les prestations de maintenance, d'hébergement et de référencement, pour faire état de toute difficulté. Elle observe que M. [S] ne produit aucun courriel ou mise en demeure adressés à Nova Seo et/ou NBB Lease France 2 pour se plaindre, qu'il a au contraire réglé les échéances contractuelles durant 2 ans, sans formuler la moindre contestation.

Elle indique que l'article 17.3 prévoit les conséquences de la résiliation anticipée du contrat de licence d'exploitation, que le locataire est tenu de payer une somme correspondant aux échéances impayées au jour de la résiliation, majorée d'une clause pénale de 10 %, étant observé qu'elle ne se prévaut pas de la clause pénale de 10 % sur cette somme. Elle explique que s'agissant des échéances échues et impayées, ces dernières sont parfaitement dues compte tenu des manquements du locataire à la bonne exécution du contrat, que le locataire est également tenu de payer une somme correspondant aux échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorées d'une clause pénale et que cette clause pénale a une vocation indemnitaire d'une part et comminatoire d'autre part. Elle détaille son préjudice': elle indique qu'elle aurait dû percevoir 12 000 euros HT, et que du fait de la résiliation intervenue aux torts exclusifs de M. [S], elle n'a perçu que la somme de 250 euros HT x 24 = 6 000 euros HT soit un manque à gagner de 6 000 euros. Elle rappelle que le préjudice subi est d'autant plus caractérisé que pour mettre à disposition le site internet, elle a procédé à son acquisition pour la somme de 9 692,14 euros.

Si la Cour devait par extraordinaire constater l'existence d'un déséquilibre significatif, elle demande confirmation du jugement ayant dit que le non-respect des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce est sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts et non par la nullité du contrat. Elle indique que M. [S] ne fait état d'aucun préjudice réparable.

Elle demande confirmation de la résiliation du contrat et de la condamnation de M. [S] au paiement des loyers et s'oppose à toute réduction de l'indemnité de résiliation.

Elle conclut au rejet des demandes de restitution des loyers ce qui équivaudrait à un enrichissement sans cause au bénéfice de M. [S] et tendrait à requalifier en contrat à titre gratuit. Elle demande dans ce cas une somme équivalente aux loyers restitués, au titre d'une indemnité de jouissance du site internet mis à disposition.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 avril 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 14 mai 2025 pour être mise en délibéré au 26 juin 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

La cour constate que M. [S] ne fonde plus sa demande d'annulation du contrat de licence d'exploitation du 13 juillet 2018 et de certaines de ses clauses que sur la violation des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, abandonnant des demandes fondées sur l'article 1104 du code civil ou sur un dol. Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à ce titre.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce

Ces dispositions, abrogées depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commercer relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, étaient insérées dans un chapitre relatif aux pratiques restrictives de concurrence, et prévoyaient en leur version applicable au contrat « qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Il est prévu que l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. Il est également prévu que les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Ces dispositions introduisent une action particulière visant à faire sanctionner les pratiques restrictives de concurrence dont la compétence échoie à des juridictions commerciales ou civiles spécialement compétentes dont le tribunal judiciaire de Paris et en appel la cour d'appel de Paris.

Ces dispositions sont d'ordre public.

En l'espèce, c'est en défense à une demande en paiement de loyers et en constat de résiliation du contrat que M. [S] invoque ces dispositions.

Il doit cependant être constaté que celui qui agit sur le fondement du I de l'article L. 442-6 du code de commerce, ne peut demander à la juridiction saisie que d'ordonner la cessation des pratiques restrictives et la réparation du préjudice subi. L'annulation des clauses et du contrat n'est pas prévue et si elle est possible au titre du II de cet article, seuls le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie de constater la nullité des clauses ou des contrats illicites par référence aux clauses listées dans cet article.

Il résulte de ce qui précède que M. [S] ne saurait fonder son action en annulation du contrat et de certaines de ses clauses sur ces dispositions. Partant le jugement ayant rejeté ces demandes doit être confirmé.

Il forme cependant à titre subsidiaire une demande d'indemnisation à hauteur de 8 100 euros en raison du préjudice causé par le déséquilibre significatif dans les obligations des parties induit par certaines clauses du contrat de licence d'exploitation de site internet du 13 juillet 2018 de présentation de son activité d'avocat.

Comme l'indique lui-même M. [S], les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ont pour objet de sanctionner le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. D'une manière générale, il doit être observé que M. [S] a conclu le contrat en sa qualité d'avocat et au bénéfice de son cabinet d'avocat.

S'agissant des clauses 1 et 20 du contrat qui prévoient la possibilité pour le fournisseur de céder les droits résultant du contrat, possibilité non offerte au locataire, le déséquilibre n'est pas démontré dans la mesure où d'une part le principe de la cession figure au contrat et est donc connu du partenaire, et où d'autre part l'impossibilité de cession pour le locataire est fondée sur l'objet même du contrat qui porte sur un site internet personnalisé conçu selon les préconisations du client, site qui n'est donc pas réutilisable.

L'article 2.2 du contrat exclut toute responsabilité contractuelle du cessionnaire pour défaut de délivrance du site par le fournisseur, l'article 9.8 interdit au client de se prévaloir d'une exception d'inexécution au cas où le site internet ne fonctionnerait pas pour suspendre ses règlements, l'article 12.2 exonère le cessionnaire de toute responsabilité au cas où le site serait affecté d'anomalies de fonctionnement quelle qu'en en puisse être la cause et la durée et l'article 14.3 prévoit que par dérogation aux dispositions de l'article 1724 du code civil, le client renonce à demander au cessionnaire toute indemnité ou diminution du montant des échéances si pour une raison quelconque le site internet devenait temporairement ou définitivement inutilisable.

Les prestations d'hébergement, de maintenance et de référencement restent assurées par la société Nova Seo, fournisseur même en cas de cession et l'article 5.1 du contrat impose l'indépendance juridique entre le contrat et les différentes prestations. En cas de difficultés liées au fonctionnement du site internet ou aux prestations, il demeure possible pour le locataire de se retourner contre le fournisseur qui assure toujours les prestations, étant observé comme le fait remarquer la société intimée, que M. [S] ne produit aucune pièce attestant qu'il aurait formulé réclamation auprès du fournisseur en deux années d'exécution du contrat tout en continuant à régler les loyers, ce qui démontre en outre l'absence de tout préjudice à ce titre.

L'article 17.1 autorise le cessionnaire à résilier le contrat de plein droit en cas de non paiement d'une seule échéance 8 jours après mise en demeure infructueuse, l'article 17.3 définit les conséquences de la résiliation avec obligation pour le locataire de payer une somme correspondant aux échéances impayées au jour de la résiliation, majorée d'une clause pénale de 10 % et une somme correspond aux échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat majoré d'une clause pénale de 10 % sans préjudice de dommages et intérêts, l'article 17.4 prévoit qu'en cas de résiliation du contrat entre le cessionnaire et le fournisseur, le client devra verser au cessionnaire une indemnité égale au montant des sommes versées par le cessionnaire au fournisseur pour la concession de droit, objet du contrat.

Si M. [S] fait valoir que si le cessionnaire bénéficie de toute lattitude pour résilier le contrat, tel n'est pas le cas du client sur lequel pèse une sanction financière disproportionnée et qui ne peut même pas invoquer le dysfonctionnement du site pour échapper à cette sanction, force est de relever que la clause résolutoire insérée au contrat est fondée sur le non-respect par le locataire de ses engagements contractuels et en particulier de son engagement principal de paiement du loyer, que sa mise en 'uvre est subordonnée à l'envoi d'un courrier de mise en demeure préalable laissant un délai au client pour régulariser sa situation, que les indemnités de résiliation de 10 % à calculer sur les échéances échues et impayées et sur les échéances à courir sont des clauses pénales susceptibles d'être réduites par le juge au titre des dispositions d'ordre public de l'article 1231-5 du code civil, si elles présentent un caractère manifestement excessif ou lorsque l'engagement a été exécuté en partie, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, ce qui signifie que le juge peut tenir compte du préjudice réellement subi par le créancier pour réduire le montant de la pénalité laissant au débiteur toute latitude pour faire état d'un éventuel dysfonctionnement du site internet objet du contrat pour tenter de minorer cette indemnité. Aucun caractère disproportionné n'est démontré, étant observé que le cessionnaire subit nécessairement un préjudice lié à la résiliation anticipée du contrat du fait de la défaillance du locataire en proportion des loyers demeurés impayés et de ceux qu'ils escomptait jusqu'à la date d'échéance du contrat.

En revanche, les dispositions de l'article 17.4 du contrat sont susceptibles de créer un déséquilibre dans la mesure où le locataire se voit sanctionner financièrement par la résiliation de la convention liant le cessionnaire et le fournisseur alors qu'il n'est pas partie à ces relations contractuelles. Pour autant, M. [S] qui ne développe aucun moyen à ce titre ne fait pas non plus la démonstration d'un quelconque préjudice ni d'un lien de causalité sur ce fondement.

L'article 21 du contrat ouvre au seul cessionnaire le droit de se prévaloir du fait que la résiliation de plein droit d'un contrat conclu avec un client entraînera automatiquement celle des autres contrats conclus avec ce même client de manière indivisible. M. [S] n'établit pas non plus de préjudice à ce titre.

Il résulte de ce qui précède, que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande d'indemnisation.

Sur la résiliation du contrat et le paiement des loyers

Si M. [S] demande l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, il ne conteste en réalité pas les chefs du jugement ayant constaté la résiliation de plein droit du contrat à compter du 26 juillet 2021 et l'ayant condamné à payer les sommes de 1 200 euros avec intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 janvier 2021 et de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision puisqu'il ne développe aucun moyen à ce titre.

La société NBB Lease France 2 demande confirmation du jugement sauf en ce qui concerne l'indemnité de résiliation réclamée à hauteur de 6 000 euros et réduite par le juge à la somme de 3 000 euros.

Partant, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résiliation de plein droit du contrat à compter du 26 juillet 2021 et a condamné M. [S] à payer à la société NBB Lease France 2 la sommes de 1 200 euros avec intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 janvier 2021 au titre des loyers impayés.

L'article 1231-5 du code civil prévoit que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Comme indiqué, l'article 17.3 du contrat prévoit en cas de résiliation le paiement d'une somme correspond aux échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat majoré d'une clause pénale de 10 %, s'agissant d'une clause pénale.

Le montant réclamé correspond aux loyers à échoir HT pour 5 000 euros et la pénalité de 10 % pour 500 euros.

La société NBB Lease France 2 expose qu'elle aurait dû percevoir 48 loyers de 250 euros HT soit 12 000 euros HT, que compte tenu de la résiliation, elle n'a reçu que 24 loyers HT soit 6 000 euros HT soit un manque à gagner de 6 000 euros alors qu'elle a financé le site pour 9 692,14 euros.

L'indemnité est manifestement excessive eu égard au fait que le client a exécuté le contrat pendant 2 années sur les 4 prévues, sans difficulté, faisant état de difficultés financières liées à la période de restriction sanitaire liée au Covid 19. C'est donc à bon droit que le premier juge a réduit cette indemnité à de plus justes proportions à hauteur de 3 000 euros, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être confirmé quant au sort des dépens et des demandes relatives aux frais irrépétibles.

M. [S] qui succombe en son appel doit être condamné aux dépens d'appel et il apparaît équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles supportés par la société intimée à hauteur de la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne M. [C] [I] [S] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [C] [I] [S] à verser à la société NBB Lease France 2 une somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette tout demande plus ample ou contraire.

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