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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 26 juin 2025, n° 22/01475

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Stratom (SAS)

Défendeur :

Chabe Affaires (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Prigent

Avocats :

Me Leboucq Bernard, Me De Maussion, SCP Huvelin & Associés, SCP Rossi Bordes & Associés, Me Boccon Gibod, SELARL LX Paris-Versailles-Reims, Me Plantin, Me Gaborel, AARPI Solférino Associés

T. com. Paris, du 6 déc. 2021, n° 202002…

6 décembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

Par plusieurs contrats conclus depuis novembre 2002, le transport de M. [X], dirigeant de sociétés, a été confié à la société Service Affaires.

Le dernier contrat a été conclu le 31 mai 2016 entre la société Services affaires et la société Stratom pour une durée de 48 mois.

La société Chabé Affaires (la société Chabé) est venue aux droits de la société Service Affaires.

A la suite de désaccords entre les parties, la société Stratom a rompu la relation contractuelle.

Par acte du 17 juin 2020, la société Chabé a assigné la société Stratom devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de factures et en indemnisation sur le fondement de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Pris acte de l'intervention volontaire de M. [X] ;

- Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 27 191 euros pour rupture brutale de relations commerciales établies concernant le contrat de 2016 ;

- Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 31 322,90 euros au titre de factures impayées dans le cadre du contrat du 31 mai 2016 ;

- Débouté la société Chabé de sa demande de paiement de la somme de 8 142,77 euros au titre de réparations sur le véhicule « Maybach » ;

- Débouté la société Stratom de ses demandes pour procédure abusive et préjudice moral ;

- Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Condamné la société Stratom aux dépens.

Par déclaration du 14 janvier 2022, la société Stratom et M. [X] ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 27 191 euros pour rupture brutale de relations commerciales établies concernant le contrat de 2016 ;

- Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 31 322,90 euros au titre de factures impayées dans le cadre du contrat du 31 mai 2016 ;

- Débouté la société Stratom de ses demandes pour procédure abusive et préjudice moral et de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

- Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, l'exécution provisoire étant de droit.

M. [O] [X] est décédé le 29 septembre 2022.

Ses deux héritiers, M. [Y] [X] et Mme [D] [X], sont intervenus volontairement.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2022, la société Stratom, M. [X] et Mme [X] demandent, au visa de l'article 339 du code de procédure civile, de l'article 442-1 II du code de commerce, des articles 1240, 1219 et 1315 du code civil, de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

* Pris acte de l'intervention volontaire de M. [X] ;

* Débouté la société Chabé de sa demande de paiement de la somme de 8 142,77 euros et au titre de réparations sur le véhicule « Maybach » ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

* Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 27 191 euros pour rupture brutale de relations commerciales établies concernant le contrat de 2016 ;

* Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 31 322,90 euros au titre de factures impayées dans le cadre du contrat du 31 mai 2016 ;

* Débouté la société Stratom de ses demandes pour procédure abusive et préjudice moral ;

* Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

* Condamné la société Stratom aux dépens ;

Et, statuant à nouveau,

- Juger que la rupture du contrat litigieux n'est pas une rupture brutale de relation commerciale établie au sens de l'article 442-1 II du code de commerce ;

- Juger que la gravité des inexécutions de la société Chabé justifie pleinement la rupture du contrat avant son terme, sans préavis ;

- Juger que la société Chabé ne justifie pas du bien-fondé des arriérés dont elle sollicite le règlement à hauteur de 31 322,90 euros ;

Et, en conséquence,

- Débouter la société Chabé de toutes ses demandes ;

- Condamner la société Chabé à restituer à la société Stratom, a minima et sauf à parfaire, la somme de 39 261,5 euros toutes taxes comprises au titre de l'exécution partielle de ses obligations de juin à décembre 2019 ;

- Juger recevable l'intervention volontaire des ayants droit de M. [X] [O], M. [X] [Y] et Mme [X] [D] ;

- Condamner la société Chabé à payer à M. [X] [Y] et Mme [X] [D], en leurs qualités d'ayants droit de M. [O] [X], la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral ;

- Condamner la société Chabé à payer à la société Stratom la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamner la société Chabé à payer à la société Stratom la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2025, la société Chabé demande, au visa des articles L. 442-1 et L. 442-4, II, 3e alinéa du code de commerce, de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies à l'initiative de la société Stratom ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société Stratom à la somme de 27 191 euros correspondant à un préavis raisonnable de 6 mois ;

Et statuant à nouveau,

- Juger que le préavis raisonnable qui aurait dû être respecté est de 15 mois ;

En conséquence,

- Condamner la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 84 296,40 euros correspondant à 15 mois de marge sur coûts variable réalisée par la société Chabé sur les prestations fournies à la société Stratom ;

A titre subsidiaire

- Juger que la société Stratom est tenue de régler les dommages et intérêts dus au titre de l'inexécution du préavis contractuel de 3 mois et des frais engagés au titre du contrat ;

En conséquence,

- Condamner la société Stratom à payer la somme de 29 915,28 euros au titre de l'inexécution contractuelle du préavis de 3 mois et des frais engagés au titre du contrat ;

- Condamner la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 31 322,90 au titre des arriérés sur les prestations fournies à la société Stratom ;

En tout état de cause

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

* Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé affaire la somme de 32 322,90 euros au titre des factures impayées dans le cadre du contrat du 31 mai 2016 ;

* Débouté la société Stratom de ses demandes pour procédure abusive et préjudice moral ;

* Condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

* Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires mais seulement lorsqu'il a débouté la société Stratom de ses demandes ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Chabé de sa demande de paiement de la somme de 8 142,77 euros au titre de réparations sur le véhicule Maybach ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner la société Stratom à payer la somme de 8 142,77 euros au titre de la remise en état du véhicule Maybach ;

Y ajoutant,

- Débouter la société Stratom de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société Stratom à verser à la société Chabé la somme de 7 500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 février 2025.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la relation entre les parties

La société Stratom prétend que la relation entre les parties n'est pas une relation commerciale établie au sens de l'article 442-1 II du code de commerce, en ce que le flux d'affaires n'est pas significatif pour la société Chabé, que la cessation de la relation n'a imposé pour cette dernière aucune réorganisation de son activité, et que la société Chabé ne pouvait pas croire à la continuité de la relation commerciale compte tenu des incidents significatifs survenus au cours de l'année 2019.

La société Chabé soutient que la relation commerciale, qui a débuté en 2002, présentait un caractère suivi, stable et habituel depuis plus de 17 ans au jour de la rupture, et significatif, et qu'elle pouvait raisonnablement anticiper sa continuité.

Selon l'article L 442-6, devenu L. 442-1, II du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.

La relation commerciale est établie lorsqu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel, et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux dans la durée.

En l'espèce, entre novembre 2002 et mai 2016, la société Service Affaires a conclu successivement 5 contrats de transport avec des sociétés différentes, la société Compagnie Financière Saint Thomas, la société SIPD, la société Condom Hospitality et la société Stratom, représentées par leur dirigeant, M. [X], le dernier étant celui du 31 mai 2016 conclu avec la société Stratom.

Ces contrats, à durée déterminée, se sont succédés, sans interruption, et sans mise en concurrence, et avaient pour même objet le transport de M. [X] en voiture particulière avec chauffeur, en longue durée, avec un quota d'heures, M. [X] étant en situation de handicap physique.

Il n'est pas contesté que ces sociétés faisaient partie du même groupe Stratom dont M. [X] était « le fondateur et le président ».

Pour la réalisation de ses prestations, la société Services Affaires échangeait avec M. [X].

Ainsi, la société Services Affaires était en relation commerciale avec M. [X] par le biais de différentes sociétés dont il était le dirigeant.

Il n'est pas contesté que la société Chabé est venue aux droits de la société Services Affaires postérieurement au contrat conclu le 31 mai 2016.

Le chiffre d'affaires réalisé par la société Chabé au titre de ces prestations de transport s'est élevé, en ce qui concerne les années 2017, 2018 et 2019, respectivement à 205 569 euros, 193 575 euros et 181 803 euros. La société Chabé, société distincte du « groupe Chabé », et seule contractante du transport de M. [X], a réalisé un chiffre d'affaires net de 8 276 647 euros au 31 décembre 2019.

La société Stratom a contesté des facturations en 2018 et 2019, puis s'est plainte de l'attitude d'un chauffeur en juin 2019, postérieurement à la conclusion du dernier contrat de mai 2016. La société Chabé fait état de retards de paiement dès septembre 2016.

Cependant, la relation s'est poursuivie, la société Chabé apportant des réponses aux griefs émis.

En outre, les parties ont modifié les conditions particulières du contrat à compter du 1er janvier 2018 en augmentant le quota mensuel de 260 heures à 276 heures, le quota trimestriel de 780 heures à 828 heures, avec un quota trimestriel de 25 000 kilomètres, sans augmentation de prix.

Si en mars 2019, la société Stratom a indiqué à la société Chabé qu'elle envisageait de ne plus recourir à un prestataire de service, puis, par courriel du 28 mai 2019, qu'il était envisagé de mettre un terme à la collaboration « bien avant la fin de l'année », elle a continué à utiliser les services de la société Chabé jusqu'en janvier 2020.

La société Chabé a proposé une modification du contrat en décembre 2019 à la société Stratom pour adapter les relations contractuelles aux besoins de M. [X].

Par lettre datée du 26 décembre 2019, la société Stratom a indiqué à la société Chabé : « nous ne pouvons continuer dans ces conditions, et soit vous me proposez un nouveau contrat avec un nouveau véhicule qui devra être aménagé à un tarif raisonnable', soit nous en restons là, le contrat précédent ayant été dénoncé en temps et en heures pour une prestation non conforme ou non rendue ».

La société Stratom ne justifie pas avoir résilié le contrat antérieurement à cette lettre, que la société Chabé indique avoir reçue le 8 janvier 2020, et qui a provoqué la rupture de la relation.

Il résulte de ces éléments que les parties ont ainsi été en relation économique de manière suivie, stable et habituelle depuis novembre 2002, et selon un contrat en vigueur conclu le 31 mai 2016, et que la société Chabé pouvant légitimement croire en sa poursuite en adaptant ses prestations aux demandes et besoins de M. [X].

Il est dès lors retenu l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties depuis novembre 2002, d'une durée de plus de 17 ans au moment de la rupture.

Sur la rupture de la relation

La société Stratom soutient que la société Chabé a commis de nombreuses inexécutions graves justifiant la rupture immédiate du contrat, ce que conteste cette dernière.

En application de l'article susvisé, la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Les dispositions de l'article L 442-6, devenu L. 442-1, II du code de commerce susvisé ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Le contrat conclu le 31 mai 2016 stipulait les prix suivants :

- prix mensuel : 15 310 euros HT

- prix de l'heure normale : 59 euros HT

- prix de l'heure supplémentaire hors quota : 74 euros HT

- majoration horaire (21h00 ' 6h00, dimanches, jours fériés) : 12,50 euros HT

- prix du kilomètre supplémentaire hors quota : 0,90 euros HT,

Outre les suppléments forfaitaires d'indemnité de repas, de découcher et d'indemnité de dimanche et jour férié.

Il est précisé que « le client bénéficie d'un quota mensuel de 20 heures dites « majorées » incluses dans le loyer mensuel et 20 repas du soir ».

Les conditions particulières du contrat ont été modifiées à compter du 1er janvier 2018 par l'augmentation du quota mensuel de 260 heures à 276 heures, du quota trimestriel de 780 heures à 828 heures, avec un quota trimestriel de 25 000 kilomètres, et sans augmentation de prix.

Les articles 9 et 15 des conditions générales définissent les éléments de décompte du quota d'heures et de calcul des heures effectuées. Il est notamment précisé que les heures comprises dans le quota d'heures « sont décomptées, pour une prise en charge ou une dépose dans [Localité 11] ou la petite couronne, de l'heure demandée de prise en charge par le chauffeur dédié à la prestation de transport à l'heure de dépose du bénéficiaire et, pour une prise en charge ou une dépose en dehors de [Localité 11] ou la petite couronne, de l'heure de départ ou d'arrivée au domicile du chauffeur ».

La société Stratom reproche la facturation de suppléments.

Des observations et des demandes d'explications ont été adressées à la société Chabé à compter de janvier 2018, auxquelles cette dernière a répondu.

La société Stratom, qui conteste les décomptes horaires établis sur les déclarations des chauffeurs, ne démontre pas leur caractère erroné ni l'application inexacte des stipulations contractuelles pour les majorations d'horaires de nuit, dimanches et jours fériés et en cas de dépassement du quota convenu.

Selon l'article 16 des conditions générales, un livre de bord quotidien récapitulant les heures de services, les kilomètres parcourus et les frais éventuels engagés pour les déplacements est rempli par le chauffeur et accessible sur internet à tout moment par le bénéficiaire qui le valide et qui dispose d'un délai de 15 jours pour le cas échéant formuler des contestations.

La société Stratom n'a adressé aucune contestation dans le délai imparti.

Les facturations ont été émises sur la base des livres de bord.

La société Stratom reproche un comportement inadmissible d'un des chauffeurs, parti avec les clés du domicile de M. [X] et son matériel d'assistance, lequel a été dénoncé à la société Chabé par lettre du 3 juin 2019.

La société Chabé a informé la société Stratom, par lettre du 20 juin 2019, qu'elle avait engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de ce chauffeur qui n'a plus été mis au service de M. [X].

La société Stratom fait valoir qu'à compter de cet événement, aucun second chauffeur n'a été mis à la disposition de M. [X], ce qui a limité ses déplacements.

Cependant, elle ne démontre pas que la société Chabé n'aurait pas rempli le forfait convenu ou n'aurait pas exécuté les prestations demandées.

Il est relevé que le contrat de transport conclu le 31 mai 2016 ne prévoit pas l'exécution des prestations par deux chauffeurs en alternance.

Il n'est pas justifié que la société Chabé aurait refusé des transports en sus du forfait.

La société Stratom fait également grief à la société Chabé de l'indisponibilité du véhicule convenu, la Maybach, la contraignant à louer un véhicule.

Cependant, il résulte des livres de bord hebdomadaires qu'un autre véhicule a été fourni en remplacement de l'indisponibilité temporaire du véhicule. La société Stratom ne justifie pas que le véhicule de remplacement ne correspondait pas aux caractéristiques convenues. Elle a décidé de louer un autre véhicule à compter de novembre 2019, et ne démontre pas que ce choix aurait été imputable à une défaillance contractuelle de la société Chabé.

Suite à la rupture du contrat par la société Stratom, la société Chabé a cessé ses prestations le 9 janvier 2020, ce qui ne peut lui être reproché.

Il résulte de ces éléments que la société Stratom ne justifie pas d'inexécution contractuelle de la société Chabé justifiant une rupture sans préavis de la relation commerciale.

La société Stratom n'a notifié aucun préavis de rupture à la société Chabé.

Au regard de l'ancienneté de 17 ans de la relation commerciale, du secteur d'activité et du flux économique réalisé par la société Chabé à l'occasion du transport de M. [X], il convient de retenir une insuffisance de préavis de six mois.

Il résulte de l'article L 442-6, devenu L. 442-1, II du code de commerce, que doit être indemnisé le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, évalué en considération de la marge escomptée durant la période d'insuffisance de préavis.

Il ressort des éléments comptables produits que la société Chabé a réalisé, avec la société Stratom, une marge annuelle moyenne au cours des années 2017, 2018 et 2019 de 29,60 % , soit 4 531,76 euros par mois, soit 27 191 euros pendant six mois.

La société Chabé fait valoir qu'elle a continué de supporter des frais de location et d'assurance relatifs au véhicule Maybach jusqu'en juin 2020, s'élevant à une somme totale de 16 320 euros.

Cependant, ces frais sont pris en considération dans le calcul de la marge.

En conséquence, le préjudice économique de la société Chabé résultant de la brutalité de la rupture sera fixé à la somme de 27 191 euros.

Le jugement, qui a condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 27 191 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie, sera confirmé.

Sur les factures de la société Chabé

Ainsi qu'il a été retenu, les facturations ont été établies sur la base des livres de bord non contestés dans les délais, et conformément aux stipulations contractuelles.

Il résulte de l'état des comptes établi au 25 mai 2020 par la société Chabé que la société Stratom, qui n'argue pas de paiement en sus de ceux pris en considération, reste redevable d'une somme de 31 322,90 euros.

Le jugement, qui a condamné la société Stratom à payer à la société Chabé la somme de 31 322,90 euros au titre de factures impayées, sera confirmé.

Sur la réparation du véhicule

La société Chabé réclame le paiement d'une somme de 8 142,77 euros au titre d'une remise en état du véhicule Maybach.

Elle se prévaut de l'article 25, intitulé « Fin de contrat », qui stipule :

« A la fin du contrat, il sera procédé aux réajustements nécessaires qu'il resterait à faire entre la réalité des prestations effectuées et les quotas d'heures et de kilomètres définis par le bénéficiaire, ainsi qu'à la facturation finale de tous frais, indemnités, communications, suppléments, provisions, remise en l'état du véhicule, engagés pour le compte du bénéficiaire. Une facture finale sera alors émise dans les trois mois de la fin du contrat. »

L'article 13 des conditions générales stipule que « le transporteur assume à ses frais l'entretien courant du véhicule » et qu'il « s'engage à conserver le véhicule dans le meilleur état possible de présentation intérieure et extérieure dans les conditions normales d'utilisation ».

La société Chabé produit un devis du 22 mai 2020 d'un carrossier relatif à des travaux portant sur des monogrammes, l'emblème de marque, un enjoliveur, des agrafes, des jantes, des feux, le système de sonorisation, la plaque d'immatriculation, un pare-chocs, des ailes, des travaux de peinture, pour un montant total de 8 142,77 euros, ainsi qu'un état du véhicule mentionnant des rayures.

Elle explique que la remise en état du véhicule porte sur des usures liées à l'utilisation intensive du véhicule pendant plus de trois ans.

Cependant, la société Chabé ne justifie pas que les travaux de carrosserie faisant l'objet du devis seraient imputables à la société Stratom, et ne relèveraient pas des frais d'entretien courant du véhicule et de conservation dans les conditions normales d'utilisation, relevant de l'article 13 des conditions générales et non pas de l'article 25, alors que le véhicule était conduit par des employés de la société Chabé dans le cadre du contrat conclu le 31 mai 1996.

Le jugement, qui a rejeté la demande de la société Chabé en paiement de la somme de 8 142,77 euros au titre de réparations sur le véhicule « Maybach », sera confirmé.

Sur les demandes indemnitaires de la société Stratom

Ainsi qu'il a été retenu, la société Stratom n'a pas surfacturé des prestations.

La société Chabé ne démontrant pas avoir payé des sommes indues, sa demande en restitution d'une certaine somme sera rejetée.

Les héritiers de M. [X] font valoir que ce dernier a subi un préjudice moral causé par des agissements et pressions exercés par la société Chabé , arguant du comportement d'un chauffeur qui l'a abandonné sans ses clefs et sans son matériel d'assistance, a donné des instructions malveillantes, et du fait de tours de garde opérés par un salarié à proximité de son domicile.

Le caractère malveillant d'instructions n'est pas établi en ce que la société Chabé a cessé ses prestations à la suite de la rupture du contrat sans préavis à l'initiative de la société Stratom.

Les tours de garde opérés par un salarié à proximité du domicile de M. [X] sont allégués sans être établis.

Les agissements du chauffeur n'ont pas été contestés par la société Chabé qui a réagi en ne le mettant plus au service de M. [X] lorsque ce dernier s'en est plaint. M. [X] n'a pas fait valoir l'existence de retentissements d'ordre moral. Compte tenu des mesures prises immédiatement par la société Chabé, l'existence d'un préjudice moral n'est pas établie.

Le jugement, qui a rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice moral, sera confirmé.

La société Stratom ne démontrant pas une défaillance de la société Chabé dans l'exécution de ses prestations et ayant rompu brutalement la relation commerciale établie, aucun abus procédural n'est établi à l'encontre de la société Chabé.

Le jugement, qui a rejeté la demande indemnitaire pour procédure abusive, sera confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

La société Stratom et les consorts [X], partie perdante, seront tenus aux dépens d'appel.

Il apparaît équitable de les condamner à payer à la société Chabé la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de la société Stratom et des consorts [X] à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 6 décembre 2021 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Stratom et les consorts [X] à payer à la société Chabé Affaires la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Stratom et des consorts [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Stratom et les consorts [X] aux dépens d'appel.

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