CA Bordeaux, 1re ch. civ., 23 juin 2025, n° 23/01497
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Cofidis (SA)
Défendeur :
Ekip' (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Poirel
Conseillers :
Vallée, Lamarque
Avocats :
Fonrouge, Haussmann, Auffret de Peyrelongue
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1 - Selon bon de commande n°06287 du 6 février 2018, M. [Y] [R] a conclu avec la société Sweetcom, dans le cadre d'un démarchage à domicile, un contrat de fourniture et de pose d'une pompe à chaleur et d'une isolation des combles pour un coût TTC de 18 615 euros.
2 - Le jour même, M. [R] a signé une offre de prêt auprès de la SA Cofidis pour le financement intégral de l'installation.
3 - M. [R] a pris connaissance du placement en liquidation judiciaire de la société Sweetcom suivant jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 14 avril 2021.
4 - Par actes d'huissier de justice des 27 et 29 juin 2022, M. [R] a fait assigner la SELARL Ekip', en qualité de mandataire liquidateur de la société Sweetcom et la société Cofidis devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment, d'obtenir le prononcé de la nullité du contrat principal, le débouté de la société Cofidis de toute demande de restitution et sa condamner à restituer les fonds, outre le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.
5 - Par jugement réputé contradictoire du 10 février 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 6 février 2018 entre la société Sweetcom et M. [R] ;
- ordonné à la société Sweetcom, représentée par la société Ekip',en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Sweetcom, la reprise et la remise en état à ses frais de l'ensemble du matériel installé au domicile de M. [R] ;
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 6 février 2018 entre la société Co'dis et M. [R] ;
- prononcé la privation de la société Cofidis de son droit au remboursement du capital emprunté ;
- condamné la société Co'dis à restituer à M. [R] la somme de 28 457,66 euros correspondant au coût total du crédit consenti ;
- rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral formée par M. [R] ;
- rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la société Co'dis à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Cofidis aux dépens de l'instance.
6 - La société Cofidis a relevé appel de ce jugement par déclaration du 27 mars 2023, en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 6 février 2018 entre la société Sweetcom et M. [R] ;
- ordonné à la société Sweetcom, représentée par la société Ekip' en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sweetcom, la reprise et la remise en état à ses frais de l'ensemble du matériel installé au domicile de M. [R];
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 6 février 2018 entre la société Cofidis et M. [R] ;
- prononcé la privation de la société Cofidis de son droit au remboursement du capital emprunté ;
- condamné la société Cofidis à restituer à M. [R] 28 457,66 euros correspondant au coût total du crédit consenti ;
- débouté la société Cofidis de ses demandes notamment :
- pour voir débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes et de juger qu'aucune somme n'est due, le prêt ayant été intégralement soldé par anticipation ;
- de sa demande subsidiaire de condamnation au remboursement des seuls intérêts, le capital remboursé par anticipation lui restant acquis ;
- condamné la société Cofidis à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Cofidis aux entiers dépens.
7 - Par dernières conclusions déposées le 18 mars 2025, la société Cofidis demande à la cour d' infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
- déclarer la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions.
Y faisant droit :
- déclarer M. [R] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;
- condamner M. [R] à rembourser à la société Cofidis l'intégralité des sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire, comme cela est de droit.
À titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement sur la nullité des conventions :
condamner M. [R] à rembourser à la société Cofidis la somme de 26 935,91 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, en l'absence de faute de la société Cofidis et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité.
En tout état de cause :
- voir condamner M. [R] à payer à la société Cofidis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le voir condamner aux entiers dépens.
8 - Par dernières conclusions déposées le 25 mars 2025, M. [R] demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M.[R].
Par conséquent :
- prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 6 février 2018 entre la société Sweetcom et M. [R] ;
- ordonner à la société Sweetcom, représentée par la société Ekip', en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Sweetcom, la reprise et la remise en état à ses frais de l'ensemble du matériel installé au domicile de M.[R] ;
- prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 6 février 2018 entre la société Cofidis et M. [R] ;
- prononcer la privation de la société Cofidis de son droit au remboursement du capital emprunté ;
- condamner la société Cofidis à restituer à M. [R] la somme de 28 457,66 euros correspondant au coût total du crédit consenti ;
- condamner la société Cofidis à payer à M. [R] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Cofidis aux dépens tant de première instance que d'appel.
Y ajoutant :
- condamner la société Cofidis au paiement de la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [R].
En tout état de cause :
- débouter la société Cofidis de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes.
9 - La société Ekip', en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Sweetcom, n'a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.
10 - L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 12 mai 2025.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 28 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur la demande en nullité du bon de commande
11 - L'appelante sollicite l'infirmation du jugement déféré qui a retenu la nullité du bon de commande d'une part sur le fondement du dol ayant vicié le consentement de M. [R] au regard des très faibles économies retirées de l'installation et d'autre part en raison des irrégularités formelles du bon de commande en l'absence de précisions techniques suffisantes, ni délai auquel la société s'engageait à livrer le bien.
12 - La banque soutient que la société vendeuse ne s'est jamais engagée ni sur le rendement ni sur l'autofinancement et conteste l'intérêt du rapport d'expertise non contradictoire versé, qui comporte des erreurs et relève le manque de professionnalisme de son auteur qui est expert mathématique et financier.
Se rapportant au bon de commande signé, elle note que la référence et la puissance du matériel ont bien été indiquées, aucune obligation n'étant faite à la société de préciser le poids, la taille ni la surface de l'installation, pas plus que la ventilation entre le prix du matériel et le coût de la main d'oeuvre, rappelant que le litige concerne une pompe à chaleur et non l'installation de panneaux photovoltaïques.
Elle relève en outre que le bon de commande stipule expressément un délai maximal de livraison de 180 jours.
13 - L'intimé soulève la nullité du contrat principal pour dol, la promesse de rentabilité résultant des documents commerciaux et publicitaires lors du démarchage à domicile ayant eu pour finalité la signature du contrat et soutient que cette rentabilité procède de la nature même de la chose vendue. En achetant une pompe à chaleur et en faisant isoler les combles de manière complémentaire, il soutient qu'il est ainsi promis un gain financier à tout le moins une économie substantielle. Pour établir cette absence de rentabilité, M. [R] verse le rapport d'étude du 17 mars 2021 selon lequel il n'a réalisé que 38 euros d'économies par mois alors qu'il aurait dû en réaliser 450 pour rendre l'opération rentable, réglant des mensualités de crédit de 182,50 euros. Il soutient ainsi que la société Sweetcom devait donc analyser la rentabilité de son produit et l'en informer sincèrement.
Il soulève également la nullité du bon de commande en raison des irrégularités formelles au regard des exigences posées par les articles L. 221-5 et L. 111-1 du code de la consommation, prescrites à peine de la nullité conformément l'article L. 242-1 du même code :
- l'absence de précision dans la désignation de la nature et des caractéristiques essentielles du bien ou du service, le bon de commande n'ayant pas indiqué la nature des matériels, leurs caractéristiques techniques comme la marque, la taille, le poids, les dimensions, la surface occupée ou encore la puissance des biens commandés,
- l'absence de mentions relatives au prix de vente décomposé entre le coût du matériel et celui de la main d'oeuvre.
Sur ce :
- Sur le dol
14 - L'erreur provoquée par le dol n'est sanctionnée que si elle a déterminé le consentement de celui qui en a été victime. L'existence ou l'absence d'intention de tromper fournit le critère essentiel de distinction entre le dol par réticence et le simple manquement à une obligation d'information.
15 - L'obligation mise à la charge du vendeur d'une installation de pompe à chaleur d'informer |'acquéreur des caractéristiques essentielles du bien vendu, et spécialement des aspects tenant à la rentabilité économique de l'opération, compte tenu notamment des contraintes financières de |'installation et de celles de l'isolation des combles, suppose que l'installateur se soit engagé sur un rendement particulier ou ait fait entrer, d'une manière ou d'une autre, la rentabilité économique de |'opération dans le champ contractuel. Or, M. [R] qui procède par voie de simples affirmations, ne produit aux débats aucune pièce propre a établir que la société Sweetcom se serait engagée sur une rentabilité particulière qu'il ne serait pas possible d'atteindre, ou n'aurait obtenu son consentement à l'opération qu'en lui communiquant, sous une forme ou une autre, une étude de faisabilité économique de l'opération qui se révélerait fallacieuse.
16 - Dès lors, M. [R] ne démontre pas que le vendeur, par une dissimulation intentionnelle d'une information dont il savait le caractère déterminant pour l'autre partie, a commis un dol qui devrait être sanctionne par la nullité du contrat principal.
17 - S'agissant de l'obligation pré-contractuelle d'information de la rentabilité économique de l'installation par financement via un crédit affecté, les dispositions du code de la consommation ne font pas de l'absence d'information précontractuelle une cause de nullité du contrat de vente, mais à tout le moins une perte de chance de ne pas signer le contrat, l'intimé ayant au surplus certifié avoir reçu avant la signature du contrat toute information susceptible de l'intéresser sur les caractéristiques du bien, produit et service et notamment les brochures publicitaires et commerciales qu'il produit aux débats.
18 - Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu le dol pour prononcer l'annulation du contrat.
- Sur les irrégularités du bon de commande
19 - Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le détail du prix de la pompe à chaleur de celle du coût de la main d'oeuvre ne constituent pas des informations substantielles au sens de l'article 7, § 4, de la directive CE 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur susceptibles de rendre nul le contrat de vente, cette information globale permettant à M. [R] de faire un comparatif avec les autres sociétés proposant le même type de pompe avec installation.
20 - De même, le bon de commande précise les informations relatives à l'identité du professionnel, ainsi que ses coordonnées postales téléphoniques et électroniques qui figurent en bas du bon de commande de manière lisible ainsi que les modalités de mise en oeuvre des garanties légales reprises en dernière page du bon de commande.
21 - S'agissant des caractéristiques essentielles de l'installation de la pompe à chaleur et de l'isolation des combles, le bon de commande fait expressément référence :
- au matériau isolant à utiliser, en l'espèce, de la laine minérale de 32 cm d'épaisseur pour 7 m2,
- une pompe à chaleur air/air de marque Mitsubishi, Multiple, de puissance de 9,3 kw avec ses références Compact 2S VE.
22 - Il n'est pas démontré en quoi la précision de la taille de la pompe à chaleur, son poids, les dimensions de la surface occupée représenteraient des caractéristiques essentielles alors que les informations dont disposaient M. [R] lui permettaient de comparer avec les autres offres du marché.
23 - En revanche, la cour constate que figure en troisième page du bon de commande la mention pré-imprimée selon laquelle la livraison du ou des matériaux et la pose auraient lieu dans un délai maximum de 180 jours, dont le caractère insuffisant de cette mention doit être retenu pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu'il n'était pas distingué entre le délai de pose de la pompe et celui de l'isolation des combles et qu'un tel délai global ne permettait pas à M. [R] de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécuterait ses différentes obligations, de sorte que la nullité du contrat principal était encourue.
24 - Enfin S'agissant du délai de rétractation de 14 jours, le contrat doit mentionner de façon apparente la possibilité de se rétracter, le contrat devant par ailleurs reprendre la retranscription des articles du code de la consommation.
25 - Le bordereau de rétractation auquel renvoi l'article L. 221-5 du code de la consommation doit répondre au formalisme édicté par l'annexe de l'article R. 221-1 du même code :
'(Veuillez compléter et renvoyer le présent formulaire uniquement si vous souhaitez vous rétracter du contrat.)
A l'attention de [le professionnel insère ici son nom, son adresse géographique et, lorsqu'ils sont disponibles, son numéro de télécopieur et son adresse électronique] :
Je/nous (*) vous notifie/notifions (*) par la présente ma/notre (*) rétractation du contrat portant sur la vente du bien (*)/pour la prestation de services (*) ci-dessous :
Commandé le (*)/reçu le (*) :
Nom du (des) consommateur(s) :
Adresse du (des) consommateur(s) :
Signature du (des) consommateur(s) (uniquement en cas de notification du présent formulaire sur papier) :
Date :
(*) Rayez la mention inutile.'
26 - [Localité 4] est de constater que le bordereau situé en bas du bon de commande signé par M. [R] n'est pas conforme à cette présentation, même s'il est facilement identifiable par une ligne en pointillé, le code de la consommation n'imposant pas son pré-découpage.
Par ailleurs, les articles information prévus par l'annexe à l'article R. 221-3 du même code ne sont pas indiqués.
27 - De sorte que le bon de commande n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation.
28 - Conformément aux dispositions de l'article L. 242-1 du code de la consommation, les dispositions des articles L. 221-5 et L. 111-1 aux quelles par renvoi de l'article L. 221-9 du même sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
29 - En conséquence, au regard de ces irrégularités, il convient de confirmer le jugement déféré qui a annulé le bon de commande du 6 février 2018 en raison des irrégularités relatives au formalisme du code de la consommation.
II - Sur la confirmation de la nullité du contrat de vente
30 - Se basant sur les conditions générales de vente figurant en dernière page du bon de commande et reproduisant l'ensemble des dispositions du code de la consommation, dont il a signé le paragraphe indiquant qu'il avait pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions, l'appelante soutient que M. [R] avait connaissance des vices affectant le contrat et qu'elle a par plusieurs actes positifs non équivoques échelonnés dans le temps confirmé l'installation purgeant ainsi tout vice, ne s'étant jamais rétracté, n'ayant jamais sollicité d'information complémentaire, en ayant laissé la société Sweetcom livrer les marchandises, suivre les travaux, en ayant signé une attestation de livraison sans réserver, payé l'intégralité des mensualités et procédé à un remboursement anticipé total.
31 - L'intimé soutenant que les irrégularités constituent une nullité absolue, elles sont insusceptibles de confirmation.
Sur ce :
32 - L'exécution volontaire du contrat ne peut en valoir confirmation qu'à la double condition que le consommateur ait la connaissance précise du vice affectant l'acte et que soit caractérisée sa volonté non équivoque de couvrir ce vice. Il appartient à la société qui l'allègue de le démontrer, cela ne se présumant pas.
33 - Toutefois, la reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
34 - En l'espèce, la lecture de dispositions du contrat, l'absence de précision quant aux délais de livraison et l'absence de formulaire de rétractation comportant le nom de la société ne permettaient pas d'alerter un consommateur rendait non effectif le droit de rétractation de M. [R].
35 - Par ailleurs, rien ne permet de considérer que M. [R] ait jamais, même implicitement, renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat de vente, un bon 'd'attestation de livraison et d'installation demande de financement' en date du 21 mars 2018, qui est une fiche rédigée en termes très généraux, ne reprenant pas le descriptif du bon de commande, et dans lequel M. [R] reconnaît que 'la prestation de service objet du contrat de crédit qu'il a souscrit a été livrée conforme (exécutée en totalité) ce jour et par lequel il autorise la société COFIDIS à procéder au règlement de 18.600 euros entre les mais du vendeur'.
36 - Cette fiche a pour objet de prononcer ainsi la réception sans réserve et dans le même feuillet de demander le déblocage des fonds. Ce document n'est toutefois pas assez précis sur la connaissance de la conformité de l'installation dans ses détails, de l'installation de l'appareil extérieur et des splits à l'intérieur de la maison, ainsi que de l'isolation des combles. M. [R] ayant fait au surplus procéder le 17 mars 2021 à une étude technique de son installation faisant apparaître notamment un défaut de rentabilité qui a pu l'alerter. Si cette expertise régulièrement versée aux débats ne constitue pas une expertise judiciaire, elle est toutefois soumise à la discussion contradictoire des parties, et constitue un élément de preuve de l'absence de volonté non équivoque de M. [R] de ratifier le bon de commande, alors qu'il appartient à la société Cofidis de rapporter la preuve d'une volonté univoque de ratifier le bon de commande.
37 - Ainsi, les circonstances invoquées par l'appelante selon lesquelles M. [R] n'a pas exercé son droit de rétractation et a régulièrement exécuté ses obligations acceptant la livraison et réglant les mensualités par anticipation ne suffisent pas à établir la volonté de couvrir les irrégularités affectant le contrat de vente.
38 - Il convient en conséquence de prononcer la nullité du bon de commande du 6 février 2018.
Le jugement sera confirmé de ce chef
III - Sur la nullité du contrat de crédit
39 - Conformément à l'article L. 312-55 du code de la consommation, dans sa version postérieure à l'application de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le contrat de crédit souscrit par M. [R] auprès de la SA Cofidis sera annulé de plein dès lors que le contrat en vue duquel il a été conclu a été lui-même judiciairement annulé.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
IV - Sur les restitutions
40 - Le jugement déféré a retenu la faute de la banque pour s'opposer à la restitution des fonds libérés à la banque en ce qu'elle a délivré les fonds en présence d'un bon de commande entaché de multiples causes de nullité et d'un certificat de livraison qui ne comprenait pas toutes les informations permettant de s'assurer de la réalisation complète de la prestation commandée.
41 - L'appelante conteste l'existence d'une faute dans le déblocage des fonds que lui a demandé expressément M. [R], ni d'un préjudice en lien avec une faute qu'elle aurait commise, la pompe à chaleur fonctionnant, les combles étant isolés et le versement s'étant effectué après la signature de l'attestation de livraison par M. [R] et qu'elle ne s'est pas engagée contractuellement à vérifier la mise en service de l'installation.
Elle soutient en outre que l'opération n'était pas complexe puisqu'il n'y avait aucune intervention d'entreprises tiers, et que l'isolation a été réalisée en une seule journée, comme la mise en service de la pompe à chaleur.
S'agissant des irrégularités du bon de livraison, elle maintient ne pas avoir commis de faute dès lors que le prix de chaque prestation était stipulé ainsi qu'un prix global et que les caractéristiques de la pompe et du matériel d'isolation étaient précis.
Elle met en doute le rapport de l'expert et en tout état de causes, rappelle que la rentabilité n'était pas contractualisée.
42 - L'intimé au contraire, fait valoir son préjudice consistant en la souscription d'un crédit pour une installation non rentable alors que la banque avait une obligation de résultat sur la validité du contrat de prêt mais aussi un devoir d'information et de conseil et le cas échéant d'alerte de ses clients quant à la régularité des opérations financées par elle face à un bon de commande qui comportait des irrégularités. Elle fait également valoir le caractère ambigüe de l'attestation de livraison.
Sur ce :
43 - Du fait de l'annulation rétroactive du contrat, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion.
44 - Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal au regard des dispositions régissant le démarchage du domicile principal ou de l'exécution complète de la prestation convenue, préalablement au déblocage des fonds, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
45 - Il n'est pas contesté que la banque a versé la somme de 18.600 euros à la société Sweetcom conformément à l'offre de crédit souscrite et que M. [R] a remboursé la somme de 20.121,75 euros, intérêts compris.
46 - Compte tenu de l'annulation du contrat de vente, M. [R] n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit être restituée au vendeur, qui ne peut toutefois pas être ordonnée, la société étant en liquidation judiciaire et la SELARL Ekip' n'en sollicitant pas la restitution dans le cadre de la procédure collective en cours.
47 - Il ressort du bon de commande incomplet que la banque, qui est une professionnelle du crédit et notamment affecté à l'achat et l'installation de panneaux photovoltaïque n'a pas procédé aux vérifications du bon de commande alors qu'elle était en capacité de relever qu'il était susceptible de nullité au regard de l'absence de certaines mentions obligatoires.
48 - Par ailleurs, la banque a commis une seconde faute en libérant les fonds de l'offre de crédit affectée à l'installation d'une pompe à chaleur et de l'isolation des combles sur la base d'un certificat de livraison ne pouvant valoir attestation de livraison pré-rédigée et imprécise, ne comportant aucune mention propre à M. [R], et mentionnant dans le même formulaire la demande de financement signée par l'emprunteur insuffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé qui était composé de deux prestations. Il est également établi que la société Sweetcom n'a pas déposé la déclaration attestation l'achèvement et la conformité des travaux auprès de la mairie du lieu de résidence de M. [R], de sorte que la banque a délivré les fonds sans vérifier la réalisation de cette formalité.
La banque ne pouvait en effet ignorer que de tels travaux sont soumis à autorisation administrative.
49 - Dès lors, le défaut de vérification par le prêteur de la formation et de l'exécution du contrat de vente avant de le financer a participé à la nullité de ce contrat entaché d'erreurs manifestes et est de nature à priver la société COFIDIS de sa créance de restitution, sous réserve de la démonstration par M. [R] d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute de la banque et ce préjudice.
50 - En l'espèce, l'intimé produit un rapport d'études d'un mathématicien du 17 mars 2021 faisant état de ce que la pompe à chaleur qui aurait dû permettre de réaliser des économies de 450 euros par an (soit 38 euros par mois) alors que les échéances mensuelles du crédit s'élèvent à 182,50 euros.
51 - Toutefois, si le rapport d'études a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il ne s'agit que d'un rapport privé établi à l'initiative d'ue des parties. Ce document n'a donc de valeur probante que s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve. Or, M. [R] ne produit aucune facture de chauffage avant l'installation des panneaux et l'isolation des combles et après celles-ci, qui auraient permis, par comparaison de vérifier l'étude théorique faite par l'expert.
52 - Par ailleurs, il a été reconnu que la rentabilité économique de l'installation n'avait pas été contractualisée, de sorte que la banque ne saurait être tenue d'aucune faute à ce titre.
53 - Il n'est pas contesté que la pompe à chaleur fonctionne depuis le 18 juin 2018 et qu'aucune malfaçon n'a été détectée tant son installation que dans l'isolation des combles.
54 - En revanche, il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est insolvable.
55 - Toutefois, l'installaiton est en état de fonctionnement et il convient de considérer que la faute de la banque ne cause un préjudice aux emprunteur que de 18.600 euros si le mandataire vient effectivement procéder à la dépose et ne leur en cause aucun si tel n'est pas le cas. Il y a donc lieu de prévoir la privation de la créance de restitution de la banque dans cette mesure que le mandataire liquidateur n'a pas sollicité la reprise du matériel, le seul préjudice causé par la faute de la banque étant le paiement des intérêts au titre du crédit souscrit qui a été annulé et dont elle devra rembourser à M. [R] la totalité à hauteur de 8.335,91 euros.
56 - En conséquence le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la banque à verser la totalité de la créance de restitution et sur le quantum des condamnations.
57 - Compte tenu de ce qui précède, M. [R] ne justifie d'aucun préjudice moral et cette demande doit être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
VI - Sur la demande au titre du préjudice moral
58 - M. [R] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral qui serait imputable à la société Cofidis qui serait directement en lien avec les fautes précédemment relevées.
Sa demande sera rejetée à ce titre.
VI - Sur les dépens et les frais irrépétibles
59 - La société COFIDIS sera condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à M. [X] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société COFIDIS à restituer à M. [R] la somme totale du prêt souscrit avec les intérêts,
Statuant à nouveau du chef du jugement infirmé et y ajoutant,
Condamne la société COFIDIS à verser à M. [R] la somme de 8.335,91 euros au titre des intérêts du contrat de prêt souscrit,
Condamne la société COFIDIS à verser à M. [R] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,
Condamne la société COFIDIS aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.