CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 26 juin 2025, n° 21/06564
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 26 JUIN 2025
N° 2025 /
Rôle N° RG 21/06564
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMCT
[Y] [G]
C/
S.A.R.L. [I] [K] MATERIEL TP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Cyril OFFENBACH,
- Me Robin
EVRARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 2] en date du 13 Avril 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/05473.
APPELANT
Monsieur [Y] [G] Maître [Y] [G]
demeurant [Adresse 1], es qualités de liquidateur judiciaire de LA MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES (MTA),
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Cyril OFFENBACH, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
S.A.R.L. [I] [K] MATERIEL TP
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Robin EVRARD de la SELARL BOSIO-EVRARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MÖLLER, Conseillère-rapporteur, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025 prorogé au 26 juin 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
La société d'assurance mutuelle à cotisations variables Mutuelle Des Transports Assurances (MTA) était une mutuelle d'assurance spécialisée dans l'assurance des professionnels du transport et de la location de véhicules et équipements.
Au cours de l'année 2014, la Sarl [I] [K] Matériel TP (B2MTP) a souscrit auprès de la MTA les contrats d'assurance suivants :
- un contrat d'assurance « Dommages aux biens » 11075000/606210 afin d'assurer ses matériels à compter du 1er janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Assurance Automobile » 110 75000/605750, afin d'assurer sa flotte de véhicules à compter du 1er janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Protection Accidents conducteurs» 110 75000/605936 afin d'assurer les conducteurs de ses véhicules à compter du Ier janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Responsabilité Civile Entreprise » 11075000/606073R afin de bénéficier d'une couverture dans le cadre de son activité, à compter du 1er janvier 2013 ; - un contrat d'assurance « Responsabilité Civile Entreprise » 110 75000/606241 afin de bénéficier d'une couverture dans le cadre de son activité, à compter du 1er janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Protection juridiques » 11075000/606377 afin d'assurer son activité à compter du 1er janvier 2013.
Le 23 août 2016 1'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a retiré les agréments accordés à la MTA au motif qu'elle ne répondait plus aux règles de solvabilité requises par la réglementation applicable s'agissant de la reconstitution des fonds propres d'une société d'assurance mutuelle.
La MTA a ensuite fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 1er décembre 2016, désignant Maître [Y] [G] en qualité de liquidateur.
Se plaignant du défaut de règlement de ses cotisations par la société B2M TP pour l'année 2016, la MTA lui a adressé des mises en demeure le 27 décembre 2016, portant sur les sommes suivantes :
- 3.549,86 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/606210 ;
- 4.738,71 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/605750 ;
- 633,40 euros au titre du contrat d'assurance 11075000/605936 ;
- 1.358,10 euros au titre du contrat d'assurance n075000/606073R;
- 870,00 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/606241
- 38,20 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/606377.
La MTA a adressé à la société B2M TP des derniers avis avant poursuites relatifs aux cotisations précitées le 10 avril 2017 et le 21 novembre 2018, restés sans réponse.
Par acte du 05 septembre 2019, Maître [Y] [G] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, a fait délivrer assignation à la Sarl [I] [K] MaterieL TP, afin d'obtenir le paiement des cotisations impayées.
Par jugement en date du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Grasse :
Déclare sans objet la demande en révocation de l'ordonnance de clôture ;
Déclare irrecevables comme atteintes par la prescription, les demandes formées par Maître [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les autres demandes de la Sarl [I] [K] Materiel TP qui sont toutes formées à titre subsidiaire ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Maître [Y] [G] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances aux entiers dépens de la présente procédure, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu la prescription de l'action de Maître [G] en paiement des cotisations sur le fondement de l'article L 114-1 du code des assurances. Il a rejeté le moyen d'interruption de la prescription tiré de l'article L 114-2 du même code aux motifs que les mises en demeure ont été adressées par la MTA alors que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, qu'il n'est pas démontré que le liquidateur avait délivré mandat spécial à la MTA pour procéder elle-même au recouvrement des sommes dues par les assurés ou l'autorisant à adresser des mises en demeure en vue de recouvrement de créances directement aux débiteurs, interruptives de prescription, que la MTA n'avait donc pas qualité pour délivrer ces mises en demeure et que Maître [G] ne démontre pas avoir été empêché de procéder lui-même aux actes conservatoires. Il en déduit que l'arrêt du paiement des cotisations étant intervenu en 2016 alors que l'assignation n'a été délivrée qu'en septembre 2019, la prescription biennale était acquise lors de la délivrance de l'assignation.
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 30 avril 2021, Monsieur [Y] [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la MTA a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
Déclaré irrecevables comme atteintes par la prescription, les demandes formées par Maître [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire la Mutuelle Des Transports Assurances et notamment tendant à voir :
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à régler la somme de 10.378,58 € à Maître [Y] [G], es qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à régler la somme de 5337,93 € à Maître [Y] [G], es qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,
ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution, CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à verser à Maître [Y] [G], es qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'affaire était enregistrée au répertoire général sous le n°RG 21/06564.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 27 juillet 2021, Maître [Y] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société d'assurance mutuelle à cotisations variables Mutuelle Des Transports Assurances (la MTA), sollicite de la cour d'appel de :
INFIRMER le jugement du 13 avril 2021 du Tribunal judiciaire de Grasse dans toutes ses dispositions en ce qu'il a déclaré irrecevable son action,
Et statuant à nouveau,
DECLARER son action recevable et bien fondée,
En conséquence,
A titre principal,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à lui régler, es-qualité, la somme de 10.378,58euros, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil,
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à lui régler la somme de 5.337,93euros, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Maître [G] reproche au tribunal d'avoir retenu la prescription de son action en recouvrement de créance alors qu'en vertu des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances, le délai de prescription a été valablement interrompu par les mises en demeure adressées à l'assuré par la MTA puisqu'il avait donné pouvoir à la cellule liquidative de cette mutuelle pour assurer le recouvrement des sommes dues par les sociétaires et lui avait donné mandat de saisir toutes juridictions françaises aux fins de diligenter des injonctions de payer, qu'en outre, en vertu de l'article L 641-9 du code de commerce, la société en liquidation continue à pouvoir réaliser seule des actes conservatoires, notamment afin d'éviter une forclusion ou une déchéance procédurale.
Il fait valoir qu'en tout état de cause, la sanction du défaut de capacité à agir n'est pas la nullité mais l'inopposabilité de l'acte à la procédure collective.
Maître [G] conclut ensuite que la société B2M TP n'a pas contesté devoir les cotisations pour une période allant jusqu'au 23 août 2016, correspondant à la date du retrait de l'agrément. Cependant, en application de l'article L 326-12 du code des assurances, les cotisations d'assurance au titre de l'exercice 2016 sont dues dès lors que la suspension de l'agrément est intervenue le 23 août 2016, soit après le 1er janvier de l'année d'exercice en cours.
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 20 août 2021, la Société [I] [K] Materiel TP (la société B2M TP) sollicite de :
Vu l'article 122 du COC
Vu les articles 1224 et suivants et 1248 du Code Civil,
Vu les articles L 326-1 et suivants du Code des assurances,
Vu les conditions particulières des contrats d'assurance,
Vu les conditions générales des contrats d'assurance,
Vu les pièces,
CONFIRMER le Jugement entrepris en toutes ses dispositions.
DECLARER Me [G] irrecevable en ses demandes, frappées de prescription ;
SUBSIDIAIREMENT,
Le DEBOUTER de toutes ses demandes ;
SUBSIDIAIREMENT encore,
CONSTATER que le contrat d'assurance a été résolu le 23 août 2016 suivant décision de l'autorité de contrôle prudentiel ;
En conséquence :
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurance n°75000/606241 ;
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurance n°75000/606377 euros pour la somme supérieure à 20,36 euros ;
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurances n°75000/606210,
n°75000/605936, n°75000/606073 et 75000/605750 pour la somme supérieure à 3.556,75
euros.
A titre infiniment subsidiaire :
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurances n°75000/606210,
n°75000/605936, n°75000/606073 et 75000/605750 pour la somme supérieure à 3.953,19
euros.
CONDAMNER Me [G] à payer à la société B2MTP la somme de 416,63 euros au titre de la période non garantie ;
PRONONCER la compensation entre la dette de la société B2MTP s'élevant à la somme de 3.953,19 euros et la créance de la société B2MTP s'élevant à la somme de 416,63 euros ;
CONDAMNER Me [G] aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement
d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civil au titre des frais irrépétibles que la société demanderesse a été contrainte
d'exposer dans le cadre de la présente procédure et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
Au soutien de ses prétentions, la société B2MTP maintient que les mises en demeure émises directement par la MTA et non par son liquidateur, seul habilité à la représenter, ne sont pas interruptives de la prescription biennale en vertu du principe de dessaisissement du débiteur.
Elle soutient ensuite que les primes ne sont pas acquises en totalité, comme réclamée, mais au prorata de la durée de la période garantie jusqu'au jour de la résiliation, c'est-à-dire au mieux pour moitié, qu'il y a donc un défaut d'exigibilité de la créance revendiquée.
L'ordonnance de clôture est en date du 17 février 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 19 mars 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 22 mai 2025. Le délibéré a été prorogé.
MOTIFS :
Sur la prescription :
En application de l'article L 114-1 alinéa 1er du code des assurances, « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance ».
Il résulte de ces dispositions que la prescription de l'action en paiement des primes débute au jour de l'échéance de la prime.
Selon l'article L 114-2 du même code, « la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ».
L'article L 641-9 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2014 au 14 mai 2022, prévoit que :
« I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
III.-Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure.
IV. - Le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d'une succession ouverte après l'ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l'indivision pouvant en résulter ».
Néanmoins, dans la mesure où les actes conservatoires contribuent à préserver les actifs à liquider, ils échappent au dessaisissement, et le débiteur peut valablement les accomplir.
Parmi les actes conservatoires que l'administrateur ou le débiteur peut accomplir, la jurisprudence reconnait le caractère conservatoire par nature aux actes interruptifs de prescription.
En l'espèce, la MTA a adressé des courriers de mises en demeure à la société B2M TP en recommandés, ce qui est interruptif de la prescription biennale en application des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances sus-visé. Ces courriers de mises en demeure doivent donc s'analyser comme des mesures conservatoires que le débiteur est autorisé à faire pendant la procédure de liquidation judiciaire puisqu'il s'agit d'actes qui contribuent à préserver les actifs à liquider.
Ces courriers ou avis ayant été adressés entre les mois de décembre 2016 et novembre 2018, l'action en recouvrement des cotisations engagée par exploit d'huissier délivré le 05 septembre 2019 n'est pas prescrite. Elle est donc recevable.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables comme éteintes par la prescription, les demandes de Maître [G] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA.
Sur les cotisations :
L'article L 326-12 du codes assurances dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 29 novembre 2017, dispose que :
« En cas de retrait de l'agrément administratif accordé à une entreprise mentionnée au 2° et au 3° de l'article L. 310-1, tous les contrats souscrits par elle cessent de plein droit d'avoir effet le quarantième jour à midi, à compter de la publication au Journal officiel de la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prononçant le retrait. Les primes ou cotisations échues avant la date de la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prononçant le retrait d'agrément, et non payées à cette date, sont dues en totalité à l'entreprise, mais elles ne sont définitivement acquises à celle-ci que proportionnellement à la période garantie jusqu'au jour de la résiliation. Les primes ou cotisations venant à échéance entre la date de la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prononçant le retrait d'agrément et la date de résiliation de plein droit des contrats ne sont dues que proportionnellement à la période garantie.
Toutefois, en ce qui concerne les contrats d'assurance maritime, un décret fixe les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions prévues au précédent alinéa ».
Les contrats souscrits par la société B2M TP ont tous pour date d'échéance annuelle le 1er janvier de chaque année (voir les contrats d'assurances, pièces n°3 à 8 de Maître [G]).
Les cotisations d'assurances au titre de l'exercice 2016 sont ainsi échues à compter du 1er janvier 2016. La suspension de l'agrément de la MTA étant intervenue le 23 août 2016, soit postérieurement au 1er janvier 2016 (date d'échéance principale des cotisations d'assurance du contrat souscrit par la société B2M TP) cette dernière est tenue de procéder au paiement de l'intégralité des cotisations d'assurance dues au titre de l'exercice 2016.
Il ressort du rapprochement de ces dispositions que, lorsque la liquidation de l'assureur est consécutive au retrait de son agrément administratif, l'exception de compensation entre dettes connexes, qu'autorise l'article 622-7 du code de commerce, n'est opposable qu'au recouvrement des cotisations et primes échues pendant le délai de quarante jours séparant la décision prononçant ce retrait d'agrément et la résiliation consécutive du contrat d'assurance, et non à celui de la fraction des cotisations et primes échues et non payées à la date de cette décision couvrant la période de non-garantie résultant de ce retrait, laquelle n'est remboursable que dans la limite de l'actif disponible, après liquidation (Civ. 2ème, 6 octobre 2011, n°10-24.519 et Civ. 1ère, 29 mai 2013, n°11-28.819).
Il s'en suit que les primes échues avant le retrait des agréments sont dues en totalité, mais ne restent acquises que prorata temporis. Cependant, elles devront être restituées dans cette mesure si la situation financière de la société le permet.
Le remboursement sera effectué par le liquidateur de la MTA à l'issue de la période de liquidation.
En tout état de cause, si la décision de retrait des agréments est intervenue le 23 août 2016, les contrats encore en cours ont tous été résiliés non pas à cette date mais de manière automatique au 10 octobre 2016. La période non assurée dont il est question ne commence donc pas à courir à compter du 24 Août 2016 mais du 11 Octobre 2016.
Maître [G] verse aux débats les contrats d'assurance, les courriers recommandés de mises en demeure et avis avant poursuites justifiant la créance de la MTA.
En conséquence, la société B2M TP est redevable d'une somme globale de 10.348,27euros (3.549,86€ + 4.738,71€ + 663,40€ + 1.358,10€ + 38,20€) au titre des contrats n°75000/606210,
n°75000/605750, n°75000/605936, n°75000/606073R et n°75000/606377.
Elle sera donc condamnée à payer à Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA, la somme de 10.348,27 euros et débouté de toutes ses demandes.
Cette condamnation sera assortie des intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
La société B2M TP, qui succombe, sera condamnée à payer à Maître [G] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA une indemnité de 3.000euros pour les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et ceux d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 13 avril 2021 en toutes ses dispositions,
DECLARE recevable l'action en recouvrement de cotisations de Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA,
CONDAMNE la société B2M TP à payer à Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA, la somme de 10.348,27 euros, avec les intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et la capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil,
CONDAMNE la société B2M TP, qui succombe, à payer à Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA, la somme de 2.500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société B2M TP aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 26 JUIN 2025
N° 2025 /
Rôle N° RG 21/06564
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHMCT
[Y] [G]
C/
S.A.R.L. [I] [K] MATERIEL TP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Cyril OFFENBACH,
- Me Robin
EVRARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 2] en date du 13 Avril 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/05473.
APPELANT
Monsieur [Y] [G] Maître [Y] [G]
demeurant [Adresse 1], es qualités de liquidateur judiciaire de LA MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES (MTA),
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Cyril OFFENBACH, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
S.A.R.L. [I] [K] MATERIEL TP
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Robin EVRARD de la SELARL BOSIO-EVRARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MÖLLER, Conseillère-rapporteur, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Christiane GAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025 prorogé au 26 juin 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURES, PRETENTIONS DES PARTIES :
La société d'assurance mutuelle à cotisations variables Mutuelle Des Transports Assurances (MTA) était une mutuelle d'assurance spécialisée dans l'assurance des professionnels du transport et de la location de véhicules et équipements.
Au cours de l'année 2014, la Sarl [I] [K] Matériel TP (B2MTP) a souscrit auprès de la MTA les contrats d'assurance suivants :
- un contrat d'assurance « Dommages aux biens » 11075000/606210 afin d'assurer ses matériels à compter du 1er janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Assurance Automobile » 110 75000/605750, afin d'assurer sa flotte de véhicules à compter du 1er janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Protection Accidents conducteurs» 110 75000/605936 afin d'assurer les conducteurs de ses véhicules à compter du Ier janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Responsabilité Civile Entreprise » 11075000/606073R afin de bénéficier d'une couverture dans le cadre de son activité, à compter du 1er janvier 2013 ; - un contrat d'assurance « Responsabilité Civile Entreprise » 110 75000/606241 afin de bénéficier d'une couverture dans le cadre de son activité, à compter du 1er janvier 2013 ;
- un contrat d'assurance « Protection juridiques » 11075000/606377 afin d'assurer son activité à compter du 1er janvier 2013.
Le 23 août 2016 1'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a retiré les agréments accordés à la MTA au motif qu'elle ne répondait plus aux règles de solvabilité requises par la réglementation applicable s'agissant de la reconstitution des fonds propres d'une société d'assurance mutuelle.
La MTA a ensuite fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 1er décembre 2016, désignant Maître [Y] [G] en qualité de liquidateur.
Se plaignant du défaut de règlement de ses cotisations par la société B2M TP pour l'année 2016, la MTA lui a adressé des mises en demeure le 27 décembre 2016, portant sur les sommes suivantes :
- 3.549,86 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/606210 ;
- 4.738,71 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/605750 ;
- 633,40 euros au titre du contrat d'assurance 11075000/605936 ;
- 1.358,10 euros au titre du contrat d'assurance n075000/606073R;
- 870,00 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/606241
- 38,20 euros au titre du contrat d'assurance 110 75000/606377.
La MTA a adressé à la société B2M TP des derniers avis avant poursuites relatifs aux cotisations précitées le 10 avril 2017 et le 21 novembre 2018, restés sans réponse.
Par acte du 05 septembre 2019, Maître [Y] [G] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, a fait délivrer assignation à la Sarl [I] [K] MaterieL TP, afin d'obtenir le paiement des cotisations impayées.
Par jugement en date du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Grasse :
Déclare sans objet la demande en révocation de l'ordonnance de clôture ;
Déclare irrecevables comme atteintes par la prescription, les demandes formées par Maître [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les autres demandes de la Sarl [I] [K] Materiel TP qui sont toutes formées à titre subsidiaire ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Maître [Y] [G] agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances aux entiers dépens de la présente procédure, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu la prescription de l'action de Maître [G] en paiement des cotisations sur le fondement de l'article L 114-1 du code des assurances. Il a rejeté le moyen d'interruption de la prescription tiré de l'article L 114-2 du même code aux motifs que les mises en demeure ont été adressées par la MTA alors que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, qu'il n'est pas démontré que le liquidateur avait délivré mandat spécial à la MTA pour procéder elle-même au recouvrement des sommes dues par les assurés ou l'autorisant à adresser des mises en demeure en vue de recouvrement de créances directement aux débiteurs, interruptives de prescription, que la MTA n'avait donc pas qualité pour délivrer ces mises en demeure et que Maître [G] ne démontre pas avoir été empêché de procéder lui-même aux actes conservatoires. Il en déduit que l'arrêt du paiement des cotisations étant intervenu en 2016 alors que l'assignation n'a été délivrée qu'en septembre 2019, la prescription biennale était acquise lors de la délivrance de l'assignation.
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 30 avril 2021, Monsieur [Y] [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la MTA a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
Déclaré irrecevables comme atteintes par la prescription, les demandes formées par Maître [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire la Mutuelle Des Transports Assurances et notamment tendant à voir :
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à régler la somme de 10.378,58 € à Maître [Y] [G], es qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à régler la somme de 5337,93 € à Maître [Y] [G], es qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,
ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution, CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à verser à Maître [Y] [G], es qualités de liquidateur judiciaire de la Mutuelle Des Transports Assurances, la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'affaire était enregistrée au répertoire général sous le n°RG 21/06564.
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 27 juillet 2021, Maître [Y] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société d'assurance mutuelle à cotisations variables Mutuelle Des Transports Assurances (la MTA), sollicite de la cour d'appel de :
INFIRMER le jugement du 13 avril 2021 du Tribunal judiciaire de Grasse dans toutes ses dispositions en ce qu'il a déclaré irrecevable son action,
Et statuant à nouveau,
DECLARER son action recevable et bien fondée,
En conséquence,
A titre principal,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à lui régler, es-qualité, la somme de 10.378,58euros, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil,
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à lui régler la somme de 5.337,93euros, avec intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil,
CONDAMNER la société [I] [K] Materiel TP à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Maître [G] reproche au tribunal d'avoir retenu la prescription de son action en recouvrement de créance alors qu'en vertu des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances, le délai de prescription a été valablement interrompu par les mises en demeure adressées à l'assuré par la MTA puisqu'il avait donné pouvoir à la cellule liquidative de cette mutuelle pour assurer le recouvrement des sommes dues par les sociétaires et lui avait donné mandat de saisir toutes juridictions françaises aux fins de diligenter des injonctions de payer, qu'en outre, en vertu de l'article L 641-9 du code de commerce, la société en liquidation continue à pouvoir réaliser seule des actes conservatoires, notamment afin d'éviter une forclusion ou une déchéance procédurale.
Il fait valoir qu'en tout état de cause, la sanction du défaut de capacité à agir n'est pas la nullité mais l'inopposabilité de l'acte à la procédure collective.
Maître [G] conclut ensuite que la société B2M TP n'a pas contesté devoir les cotisations pour une période allant jusqu'au 23 août 2016, correspondant à la date du retrait de l'agrément. Cependant, en application de l'article L 326-12 du code des assurances, les cotisations d'assurance au titre de l'exercice 2016 sont dues dès lors que la suspension de l'agrément est intervenue le 23 août 2016, soit après le 1er janvier de l'année d'exercice en cours.
Selon des conclusions notifiées par RPVA le 20 août 2021, la Société [I] [K] Materiel TP (la société B2M TP) sollicite de :
Vu l'article 122 du COC
Vu les articles 1224 et suivants et 1248 du Code Civil,
Vu les articles L 326-1 et suivants du Code des assurances,
Vu les conditions particulières des contrats d'assurance,
Vu les conditions générales des contrats d'assurance,
Vu les pièces,
CONFIRMER le Jugement entrepris en toutes ses dispositions.
DECLARER Me [G] irrecevable en ses demandes, frappées de prescription ;
SUBSIDIAIREMENT,
Le DEBOUTER de toutes ses demandes ;
SUBSIDIAIREMENT encore,
CONSTATER que le contrat d'assurance a été résolu le 23 août 2016 suivant décision de l'autorité de contrôle prudentiel ;
En conséquence :
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurance n°75000/606241 ;
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurance n°75000/606377 euros pour la somme supérieure à 20,36 euros ;
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurances n°75000/606210,
n°75000/605936, n°75000/606073 et 75000/605750 pour la somme supérieure à 3.556,75
euros.
A titre infiniment subsidiaire :
REJETER les demandes en paiement relatives au contrat d'assurances n°75000/606210,
n°75000/605936, n°75000/606073 et 75000/605750 pour la somme supérieure à 3.953,19
euros.
CONDAMNER Me [G] à payer à la société B2MTP la somme de 416,63 euros au titre de la période non garantie ;
PRONONCER la compensation entre la dette de la société B2MTP s'élevant à la somme de 3.953,19 euros et la créance de la société B2MTP s'élevant à la somme de 416,63 euros ;
CONDAMNER Me [G] aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement
d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civil au titre des frais irrépétibles que la société demanderesse a été contrainte
d'exposer dans le cadre de la présente procédure et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
Au soutien de ses prétentions, la société B2MTP maintient que les mises en demeure émises directement par la MTA et non par son liquidateur, seul habilité à la représenter, ne sont pas interruptives de la prescription biennale en vertu du principe de dessaisissement du débiteur.
Elle soutient ensuite que les primes ne sont pas acquises en totalité, comme réclamée, mais au prorata de la durée de la période garantie jusqu'au jour de la résiliation, c'est-à-dire au mieux pour moitié, qu'il y a donc un défaut d'exigibilité de la créance revendiquée.
L'ordonnance de clôture est en date du 17 février 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 19 mars 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 22 mai 2025. Le délibéré a été prorogé.
MOTIFS :
Sur la prescription :
En application de l'article L 114-1 alinéa 1er du code des assurances, « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance ».
Il résulte de ces dispositions que la prescription de l'action en paiement des primes débute au jour de l'échéance de la prime.
Selon l'article L 114-2 du même code, « la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ».
L'article L 641-9 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2014 au 14 mai 2022, prévoit que :
« I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.
III.-Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure.
IV. - Le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d'une succession ouverte après l'ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l'indivision pouvant en résulter ».
Néanmoins, dans la mesure où les actes conservatoires contribuent à préserver les actifs à liquider, ils échappent au dessaisissement, et le débiteur peut valablement les accomplir.
Parmi les actes conservatoires que l'administrateur ou le débiteur peut accomplir, la jurisprudence reconnait le caractère conservatoire par nature aux actes interruptifs de prescription.
En l'espèce, la MTA a adressé des courriers de mises en demeure à la société B2M TP en recommandés, ce qui est interruptif de la prescription biennale en application des dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances sus-visé. Ces courriers de mises en demeure doivent donc s'analyser comme des mesures conservatoires que le débiteur est autorisé à faire pendant la procédure de liquidation judiciaire puisqu'il s'agit d'actes qui contribuent à préserver les actifs à liquider.
Ces courriers ou avis ayant été adressés entre les mois de décembre 2016 et novembre 2018, l'action en recouvrement des cotisations engagée par exploit d'huissier délivré le 05 septembre 2019 n'est pas prescrite. Elle est donc recevable.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables comme éteintes par la prescription, les demandes de Maître [G] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA.
Sur les cotisations :
L'article L 326-12 du codes assurances dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 29 novembre 2017, dispose que :
« En cas de retrait de l'agrément administratif accordé à une entreprise mentionnée au 2° et au 3° de l'article L. 310-1, tous les contrats souscrits par elle cessent de plein droit d'avoir effet le quarantième jour à midi, à compter de la publication au Journal officiel de la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prononçant le retrait. Les primes ou cotisations échues avant la date de la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prononçant le retrait d'agrément, et non payées à cette date, sont dues en totalité à l'entreprise, mais elles ne sont définitivement acquises à celle-ci que proportionnellement à la période garantie jusqu'au jour de la résiliation. Les primes ou cotisations venant à échéance entre la date de la décision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution prononçant le retrait d'agrément et la date de résiliation de plein droit des contrats ne sont dues que proportionnellement à la période garantie.
Toutefois, en ce qui concerne les contrats d'assurance maritime, un décret fixe les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions prévues au précédent alinéa ».
Les contrats souscrits par la société B2M TP ont tous pour date d'échéance annuelle le 1er janvier de chaque année (voir les contrats d'assurances, pièces n°3 à 8 de Maître [G]).
Les cotisations d'assurances au titre de l'exercice 2016 sont ainsi échues à compter du 1er janvier 2016. La suspension de l'agrément de la MTA étant intervenue le 23 août 2016, soit postérieurement au 1er janvier 2016 (date d'échéance principale des cotisations d'assurance du contrat souscrit par la société B2M TP) cette dernière est tenue de procéder au paiement de l'intégralité des cotisations d'assurance dues au titre de l'exercice 2016.
Il ressort du rapprochement de ces dispositions que, lorsque la liquidation de l'assureur est consécutive au retrait de son agrément administratif, l'exception de compensation entre dettes connexes, qu'autorise l'article 622-7 du code de commerce, n'est opposable qu'au recouvrement des cotisations et primes échues pendant le délai de quarante jours séparant la décision prononçant ce retrait d'agrément et la résiliation consécutive du contrat d'assurance, et non à celui de la fraction des cotisations et primes échues et non payées à la date de cette décision couvrant la période de non-garantie résultant de ce retrait, laquelle n'est remboursable que dans la limite de l'actif disponible, après liquidation (Civ. 2ème, 6 octobre 2011, n°10-24.519 et Civ. 1ère, 29 mai 2013, n°11-28.819).
Il s'en suit que les primes échues avant le retrait des agréments sont dues en totalité, mais ne restent acquises que prorata temporis. Cependant, elles devront être restituées dans cette mesure si la situation financière de la société le permet.
Le remboursement sera effectué par le liquidateur de la MTA à l'issue de la période de liquidation.
En tout état de cause, si la décision de retrait des agréments est intervenue le 23 août 2016, les contrats encore en cours ont tous été résiliés non pas à cette date mais de manière automatique au 10 octobre 2016. La période non assurée dont il est question ne commence donc pas à courir à compter du 24 Août 2016 mais du 11 Octobre 2016.
Maître [G] verse aux débats les contrats d'assurance, les courriers recommandés de mises en demeure et avis avant poursuites justifiant la créance de la MTA.
En conséquence, la société B2M TP est redevable d'une somme globale de 10.348,27euros (3.549,86€ + 4.738,71€ + 663,40€ + 1.358,10€ + 38,20€) au titre des contrats n°75000/606210,
n°75000/605750, n°75000/605936, n°75000/606073R et n°75000/606377.
Elle sera donc condamnée à payer à Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA, la somme de 10.348,27 euros et débouté de toutes ses demandes.
Cette condamnation sera assortie des intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
La société B2M TP, qui succombe, sera condamnée à payer à Maître [G] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA une indemnité de 3.000euros pour les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et ceux d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 13 avril 2021 en toutes ses dispositions,
DECLARE recevable l'action en recouvrement de cotisations de Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA,
CONDAMNE la société B2M TP à payer à Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA, la somme de 10.348,27 euros, avec les intérêts de droit au taux légal à compter des mises en demeure de payer datées du 27 décembre 2016, et la capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du Code Civil,
CONDAMNE la société B2M TP, qui succombe, à payer à Maître [G], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la MTA, la somme de 2.500euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société B2M TP aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,