CA Douai, 3e ch., 26 juin 2025, n° 24/01839
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
X
Défendeur :
Aldi Marche Bois Grenier (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Salomon
Conseillers :
Mme Belkaid, Mme Joubert
Avocats :
Me Pelletier, Me Laurent, Me Dubois, Me Boizel
EXPOSE DU LITIGE
Les faits et la procédure antérieure :
Le 7 décembre 2021, Mme [N] [B] épouse [F] s'est fracturée la cheville gauche, après avoir chuté alors qu'elle se rendait au magasin [Adresse 9] à [Localité 16].
Par acte des 1er et 7 avril 2022, elle a fait assigner la société Aldi Marché et la CPAM de [Localité 16]-[Localité 20] devant le tribunal judiciaire de Lille.
La décision dont appel :
Par jugement du 19 février 2024, le tribunal judiciaire de Lille a :
- déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [N] [P] à l'encontre de l'assureur de la SARL [Adresse 10] ;
- débouté Mme [N] [B] de l'intégralité des demandes formées à l'encontre de la SARL Aldi Marché Bois Grenier ;
- condamné Mme [N] [P] aux dépens et autorise Me Frédéric Brazier, avocat au Barreau de Lille, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
- condamné Mme [N] [B] à versera à la SARL [Adresse 10] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé l'exécution provisoire de droit par provision.
3. La déclaration d'appel :
Par déclaration au greffe du 17 avril 2024, Mme [B] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de l'intégralité des chefs du dispositif de ce jugement, excepté celle rappelant l'exécution provisoire de droit par provision.
Les prétentions et moyens des parties :
Aux termes de ses conclusions notifiées le 26 décembre 2024 et signifiées à la CPAM le 21 janvier 2025, Mme [N] [B] épouse [F], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 901 du code de procédure civile dans sa version issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022 , des articles 748-1, 748-6, 930-1 alinéas 1 et 5, des articles 4, 954, 1245 et 700 du code de procédure civile, de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022, des articles 1240 et 1242 du code civil, des articles L. 421-1 et L. 421-3 du code de la consommation, de :
In limine litis,
- juger que la déclaration d'appel n°24/02570 en date du 17 avril 2024 enregistrée à son nom est valable et que son appel est bien pourvu de l'effet dévolutif limité aux chefs du jugement critiqués visés dans l'annexe de la déclaration d'appel ;
- juger que la cour d'appel de Douai n'est pas saisie par la société [Adresse 9] de prétentions dans le dispositif de ses conclusions d'intimée n°1 notifiées par RPVA le 19 août 2024 ;
- réformer le jugement du 19 février 2024 rendu par le tribunal judiciaire de Lille dans les termes de la déclaration d'appel ;
Statuant à nouveau,
- juger que la société Aldi Marché est responsable du dommage corporel dont elle a été victime dans le cadre de son accident du 7 décembre 2021 ;
En conséquence,
- avant-dire droit, désigner un expert en traumatologie aux fins d'évaluation de ses préjudices ;
- avant-dire droit, condamner la société [Adresse 9] à lui payer une provision à hauteur de 1 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;
- surseoir à statuer sur la liquidation définitive de son préjudice corporel ;
- condamner la société Aldi Marché à lui payer une provision ad litem à hauteur de 1 000 euros ;
- condamner la société [Adresse 9] au paiement d'une provision à hauteur de
7 650,93 euros au bénéfice de la CPAM ;
- condamner la société [Adresse 9] à lui payer une indemnité à hauteur de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et à hauteur de 4 200 euros pour la procédure d'appel ;
- condamner la société Aldi Marché aux entiers frais et dépens ;
- juger que l'arrêt à venir sera opposable à la CPAM de [Localité 16]-[Localité 20].
Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 janvier 2025, et signifiées à la CPAM le 27 décembre 2024, la SARL [Adresse 11] (enseigne Aldi Marché), intimée, demande à la cour, au visa des articles 9, 562, 907 et 789 alinéa 1er et 3°, 907 et 789 alinéa 1er et 2°, 699 et 700 du code de procédure civile, des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, des articles 1353, 1242 alinéa 1er, 1240 et 1245 du code civil, de l'ancien article L. 221-1 devenu L. 421-3 du code de la consommation, de :
In limine litis :
- prendre acte du fait que, au vu des éléments communiqués par Mme [B] épouse [F] dans le cadre de ses conclusions d'appelant n°2, elle n'entend pas maintenir sa demande de voir constater et juger que la déclaration d'appel est dépourvue d'effet dévolutif et que la cour n'est saisie d'aucune demande ;
- juger la cour d'appel de Douai a bien été saisie de prétentions dans ses conclusions d'intimées n°1 notifiées par RPVA le 19 août 2024 ;
- débouter Mme [B] épouse [F] de sa demande à ce titre ;
Statuant sur les demandes :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 19 février 2024;
- débouter Mme [B] épouse [F] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner Mme [B] épouse [F] à lui payer une indemnité de 3 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [B] épouse [F] aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés par Maître Marie-Hélène Laurent, avocat du Barreau de Douai, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Plus subsidiairement encore, si, par impossible, la cour devait retenir sa responsabilité :
· sur la mesure d'expertise judiciaire sollicitée par Mme [B] épouse [F] :
- lui donner acte de ses protestations et réserves les plus expresses quant aux faits allégués, aux responsabilités encourues et à l'expertise sollicitée ;
- désigner, aux frais avancés de Mme [B] épouse [F], tel médecin expert qu'il plaira à la cour, spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologie (nomenclature F-03.05), avec la possibilité de s'adjoindre un sapiteur de spécialité différente, et avec la mission d'expertise complète de type Dinthillac ;
· sur la demande de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice définitif :
- juger que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour se prononcer sur la demande de provision de Mme [B] épouse [F] à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif et en conséquence, juger irrecevable la demande de provision présentée par Mme [B] épouse [F], à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif ;
- subsidiairement, débouter Mme [B] épouse [F], de sa demande de provision ;
- à défaut, en réduire le montant à de plus justes proportions ;
· Sur la demande de provision ad litem :
- juger que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour se prononcer sur la demande de provision ad litem de Mme [B] épouse [F], et en conséquence, juger irrecevable la demande de provision ad litem présentée par Mme [B] épouse [F] ;
- subsidiairement, débouter Mme [B] épouse [F] de sa demande ;
· Sur la demande de condamnation « au bénéfice de la CPAM » :
- débouter Mme [B] épouse [F], de sa demande de condamnation au paiement d'une provision à hauteur de 7 650,93 euros au bénéfice de la CPAM ;
En tout état de cause,
- condamner Mme [B] épouse [F] à lui payer une indemnité de 3 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
- débouter Mme [B] épouse [F], de sa demande formulée à son encontre à ce titre, tant au titre de la procédure de première instance que de la procédure d'appel ;
- condamner Mme [B] épouse [F], aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Marie-Hélène Laurent, Avocat aux offres de droit, au visa des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La CPAM n'a pas constitué avocat, bien que régulièrement intimée.
Mme [F] verse aux débats un débours provisoire de la CPAM en date du 23 novembre 2023 pour un montant de 7 650,93 euros, relatif à des prestations ayant eu lieu entre le 7 décembre 2021 et le 4 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au vu de communication de la déclaration d'appel comportant une annexe listant les chefs de jugement critiqués, la société [Adresse 9] indique qu'elle ne maintient pas sa demande concernant l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel, de sorte que la cour n'est plus saisie de cette demande.
Mme [F] demande à la cour de juger qu'elle n'est pas saisie par la société Aldi Marché de prétentions dans le dispositif de ses conclusions d'intimée n°1 notifiées par RPVA le 19 août 2024, sans pour autant en tirer aucune conséquence juridique.
A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les «prendre acte», «dire et juger» et les «constater» qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.
La cour observe par ailleurs que dans ses premières conclusions d'intimée, la société Aldi demandait à la cour de constater et juger que la déclaration d'appel était dépourvue d'effet dévolutif et que la cour n'était saisie d'aucune demande. A titre subsidiaire, elle sollicitait la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et le débouté des demandes formées par Mme [F], ce qui constitue bien des prétentions.
Enfin, la cour relève que Mme [N] [P] ne formule en appel aucune demande à l'encontre de l'assureur de la SARL [Adresse 10], lequel n'a pas été appelé à l'instance et n'a pas été nommément désigné, de sorte que le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [N] [P] à l'encontre de l'assureur de la SARL Aldi Marché Bois Grenier.
Sur la responsabilité du gardien de la chose :
Mme [F] agit en premier lieu sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, soutenant que l'état du sol du parking du magasin Aldi, anormal en raison de la présence de verglas, a occasionné sa chute.
La société Aldi fait valoir que les circonstances de la chute ne sont pas établies, Mme [F] ne rapportant la preuve ni de l'endroit allégué de sa chute, ni de l'état anormal du sol, qui serait lié à la présence d'une plaque de verglas sur laquelle elle aurait glissé.
Aux termes de l'article 1242 alinéa 1er du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
La preuve du rôle actif de la chose inerte dans la survenue du dommage implique que soit caractérisée une anormalité de cette chose à l'origine du dommage. Cette anormalité de la chose peut notamment résulter de son état ou de sa position. L'existence d'une dangerosité ou anormalité de la chose doit s'apprécier au jour où le dommage s'est réalisé.
Pour engager la responsabilité civile du gardien, il incombe par conséquent à la victime d'établir à la fois l'anormalité de la chose et le lien de causalité entre cette anormalité et le dommage qu'elle a subi. Il suffit en revanche qu'elle établisse que cette chose a été, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, l'instrument du dommage.
Il convient enfin d'apprécier le rôle actif d'une chose inerte en considération du rôle causal du comportement de la victime.
Le gardien peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant l'existence d'une cause étrangère, imprévisible et irrésistible. La faute de la victime justifie un partage de responsabilité.
En revanche, il ne suffit pas que le gardien prouve qu'il n'a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue pour renverser la présomption de responsabilité établie par l'article 1242 alinéa 1er du code civil.
Le principe de la responsabilité du fait des choses inanimées trouve son fondement dans la notion de garde, indépendamment du caractère intrinsèque de la chose et de toute faute personnelle du gardien.
Le gardien est celui qui exerce sur la chose les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle.
Il incombe à Mme [F] de prouver qu'elle a chuté sur le parking du magasin dont la société Aldi a la garde.
Pour établir les circonstances de sa chute, Mme [F] verse aux débats :
- le formulaire d'avis de dégâts non daté, complété par le directeur du magasin Aldi, M. [H] [T], mentionnant que Mme [F] [N] « a glissé sur une plaque de verglas à l'entrée du parking pour aller au magasin vers 9h-9h30 » contenant les indications suivantes : « date, jour et heure : 7/12/2021 », « rue : [Adresse 15] », « lieu : parking », « témoins : pompiers ». En haut du document, sous les cases préimprimées pour les sinistres vol/effraction/incendie,/bris de vitre, a été rajoutée à la main une case cochée avec la mention « chute verglas » ;
- une attestation d'intervention du directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) datée du 17 décembre 2021, indiquant que les sapeurs-pompiers sont intervenus le 7 décembre 2021 à 8h57, [Adresse 18], pour une « chute voie publique », faisant état d'une intervention « sur un parking devant un supermarché pour une femme d'une cinquantaine d'années qui se trouvait au sol. Elle présentait un traumatisme à la cheville. Nous l'avons transporté au CH Provo à [Localité 16] après bilan » ;
- un extrait cadastral indiquant que la société Immaldi et compagnie est propriétaire d'un parking de 70 m2 situé [Adresse 8]. La société Aldi ne conteste pas qu'il s'agit du parking du magasin Aldi ;
- une attestation émanant de l'époux de Mme [F], selon laquelle cette dernière n'est pas titulaire du permis de conduire.
Il ressort de l'étude de ces pièces que :
- M. [T] n'a pas lui-même été témoin de la chute de Mme [F], et n'a fait que retranscrire les déclarations de la victime a posteriori. La mention « cheville gauche fracturée » qui figure sur l'avis de dégâts établit qu'il a été rempli après que Mme [F] ait passé des examens après sa prise en charge aux urgences, le compte-rendu du centre hospitalier de [Localité 16] versé aux débats par Mme [F] mentionnant une admission pour traumatisme du membre inférieur, puis le 7 décembre 2021 à 12h02 « avis traumato : fracture malléole externe gauche », l'attestation d'intervention des pompiers se référant également uniquement à un « traumatisme à la cheville ».
Dans une attestation datée du 26 juillet 2022 répondant au formalisme de l'article 202 du code de procédure civile, M. [T] confirme qu'il n'a pas été témoin direct de la chute de Mme [F] et n'a fait que retranscrire, dans l'avis de dégâts complété bien après l'accident à la demande du mari de Mme [F], les déclarations de cette dernière concernant les circonstances alléguées de sa chute.
Contrairement à ce qu'affirme de Mme [F], la mention pré-imprimée figurant sur le formulaire « à délivrer à la Centrale dans les 48h » n'établit pas que l'avis de dégâts ait été transmis à l'assureur d'Aldi aux fins d'indemnisation de la victime.
La qualité de directeur de magasin du rédacteur ne saurait suffire à conférer à cette pièce une valeur probante irréfutable sur les circonstances de la chute rapportées ;
- aucune attestation d'un témoin direct de la chute n'a été communiquée ;
- l'extrait cadastral fait apparaître qu'en face du parking du magasin Aldi, de l'autre côté de la chaussée, se trouve un parking d'une taille beaucoup plus importante que ce dernier, également situé [Adresse 15], et dont il n'est pas contesté qu'il n'appartient pas à la société Aldi, qui n'en a donc pas la garde.
Les captures d'écran extraites du site googlemaps versées aux débats par Aldi et celle reproduite par Mme [S] dans ses conclusions corroborent l'existence de ce parking situé juste en face de l'entrée du parking du magasin Aldi, la chaussée étant traversée à cet endroit par un passage piéton ;
- l'attestation du SDIS se réfère à une intervention sur la voie publique sur un parking devant un supermarché, [Adresse 17], et non pas sur le parking du supermarché ;
- le fait que Mme [F] ne soit pas titulaire du permis de conduire ne permet pas d'exclure qu'elle soit passé à pied sur le parking public de la [Adresse 15] ou qu'elle y ait été véhiculée ;
- l'ensemble de ces éléments ne permet pas d'établir que la chute a eu lieu sur le parking du supermarché situé [Adresse 8] dont Aldi a la garde.
En tout état de cause, Mme [F] n'établit pas que sa chute est due à la présence de verglas. Le formulaire d'avis de dégâts rempli par Mme [T] qui n'a pas été témoin de la scène, n'a fait que rapporter les propos de Mme [F].
L'extrait du compte twitter du SDIS mentionnant 58 accidents de la route, 13 accidents autoroutiers et 55 chutes de personnes sur voie publique ayant nécessité des secours entre 5h et 10 h du matin le 7 décembre 2021 à travers tout le département du Nord et la mention dans le corps des conclusions de l'appelante de la température à [Localité 16] le 6 décembre 2021, ayant oscillé entre 4 et 5 degrés et de la neige fondue en faible quantité à 19h ne permettent pas d'établir que Mme [F] a chuté sur une plaque de verglas, d'autant plus que l'avis d'intervention des sapeurs-pompiers le 7 décembre 2021 à 8h57 ne mentionne pas la présence de verglas.
En conséquence, Mme [F] ne rapporte pas la preuve d'une chute accidentelle au sol, provoquée par du verglas recouvrant l'aire de stationnement réservée à la clientèle du magasin Aldi.
Sur la responsabilité du fait personnel
La responsabilité du fait des choses est un régime de responsabilité délictuelle de droit commun, tout comme celui de la responsabilité pour faute. Aucun des deux régimes n'a le pas sur l'autre, et la victime est en droit d'invoquer à la fois l'article 1242, et l'article 1240 du code civil.
En application des dispositions de l'article 1240 du code civil, il appartient à Mme [U] de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Selon Mme [F], la faute est constituée par le manquement manifeste d'Aldi à son obligation générale de sécurité en ne mettant pas en 'uvre les moyens nécessaires afin d'éviter les chutes occasionnées par le verglas sur son parking le 7 décembre 2021 notamment par l'usage de sel et d'une signalétique attirant l'attention des usagers sur le risque de chute.
Mme [F], ne démontrant pas avoir chuté sur une plaque de verglas sur le parking de la société Aldi, ne peut reprocher à cette dernière de ne pas avoir pris les mesures nécessaires à empêcher sa chute. Aucune faute de la société Aldi n'est établie.
Par ailleurs, si Mme [F] vise les dispositions de l'article L. 421-3 du code de la consommation, qui édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, la cour rappelle que cet article ne soumet pas l'exploitant d'un magasin à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle. La responsabilité de l'exploitant d'un magasin dont l'entrée est libre ne peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce magasin ou sur son parc de stationnement et dont une chose inerte serait à l'origine, que sur le fondement de l'article 1242 alinéa 1er du code civil.
Le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de l'intégralité de ses demandes.
Sur la demande tendant à rendre l'arrêt commun au tiers payeur :
La demande tendant à voir déclarer l'arrêt commun à la Cpam de [Localité 16]-[Localité 20] est sans objet, dès lors qu'elle est intimée en appel.
La demande en ce sens de Mme [F] sera en conséquence rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :
Le sens du présent arrêt conduit :
d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
et d'autre part, à condamner Mme [F], outre aux entiers dépens d'appel, à payer à la société Aldi la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorise Maître Marie-Hélène Laurent à recouvrer directement contre Mme [F] les dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu le 19 février 2024 par le tribunal judiciaire de Lille dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [N] [B] épouse [F] aux dépens d'appel ;
Autorise Maître Marie-Hélène Laurent à recouvrer directement à l'encontre de Mme [N] [B] épouse [F] les dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans en recevoir provision ;
Condamne Mme [N] [B] épouse [F] à payer à la société [Adresse 10] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.