CA Pau, 2e ch - sect. 1, 24 juin 2025, n° 23/01944
PAU
Arrêt
Autre
JP/PM
Numéro 25/1948
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 24 JUIN 2025
Dossier : N° RG 23/01944 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISUC
Nature affaire :
Cautionnement - Recours de la caution contre le débiteur principal ou contre une autre caution
Affaire :
[K] [N]
C/
S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES
S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 JUIN 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 06 Mai 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [K] [N]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEES :
S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES, représentée par Me [E], es qualité de liquidateur judiciiaire de Madame [K] [N], selon jugement du Tribunal judiciaire de Bayonne en date du 25 mars 2024
intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Clarisse PALASSET, avocat au barreau de PAU
assistée de Me Sarah SAHNOUN, avocat au barreau de CANNES
sur appel de la décision
en date du 04 JUILLET 2023
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 8]
Par jugement contradictoire du 4 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Pau a :
Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 13 juillet 2021 et jusqu'au parfait règlement
Débouté Madame [K] [N] de toutes ses demandes
Rappelé que la décision est exécutoire
Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 10 juillet 2023, [K] [N] a interjeté appel de la décision.
Par acte du 24 avril 2024, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a assigné en intervention forcée la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES représentée par Maître [E] en qualité de liquidateur judiciaire de [K] [N].
Par ordonnance du 30 avril 2024, les procédures ont fait l'objet d'une jonction sous le numéro23/01944.
La SELAS GUERIN ET ASSOCIEES es qualité de liquidateur judiciaire de [K] [N] conclut à':
Vu l'article L 622-21 du Code de commerce
Vu l'article L. 643-11 du Code de commerce ;
Vu l'article 2308 alinéa 2 du Code civil ;
Vu les pièces versées aux débats ;
Il est demandé à la Cour de céans de :
- DONNER ACTE à la SELAS GUERIN & ASSOCIES de son intervention volontaire en
qualité de liquidateur de Madame [K] [N].
- DECLARER recevable l'appel interjeté par Madame [K] [N] à l'encontre du
jugement du Tribunal Judiciaire de PAU en date du 4 juillet 2023 ;
- REFORMER le jugement entrepris par le Tribunal Judiciaire de PAU en date du 4 juillet
2023, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
A titre principal,
- DIRE ET JUGER la CEGC irrecevable en ses demandes, faute de qualité à agir à
l'encontre de Madame [N] ;
A titre subsidiaire,
- PRONONCER la déchéance de la CEGC dans son droit d'agir contre Madame
[N], motif pris du recours subrogatoire ;
- PRONONCER la déchéance de la CEGC dans son droit d'agir contre Madame
[N], motif pris du recours personnel ;
En tout état de cause,
- PRONONCER la déchéance de la CEGC son droit d'agir motif pris du non-respect des
dispositions de l'article 2308 alinéa 2 du Code Civil ;
- DEBOUTER la CGCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la CGCE à payer à Madame [N] la somme de 2.000 € sur le
fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers
dépens.
A titre infiniment subsidiaire,
- DIRE ET JUGER irrecevable la CEGC en ses demandes de condamnation de Madame
[K] [N], motif pris de l'arrêt des poursuites individuelles ;
- DEBOUTER la CEGC de sa demande tendant à voir « ordonner que le jugement à intervenir vaille titre exécutoire contre Madame [N] seulement aux fins de sûretés » ;
- FIXER au passif de la liquidation judiciaire de Madame [N] la créance de la
CEGC ;
- METTRE à la charge de Madame [N] et de la CEGC les frais irrépétibles qu'ils
ont chacun d'eux engagé.
La SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS conclut à :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les dispositions des articles 2305 ancien, 2308 ancien, 1134 ancien du Code civil du Code civil,
Vu l'article 1343-2 du Code Civil,
Vu le jugement rendu le 4 juillet 2023 par le Tribunal judiciaire de PAU,
Il est demandé à la Cour de':
CONFIRMER le jugement rendu le 4 juillet 2023 par le Tribunal judiciaire de PAU en
l'intégralité de ses dispositions et en ce qu'il a':
- Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENE
DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts
au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 13 juillet 2021 et jusqu'au
parfait règlement.
- Débouté Madame [K] [N] de toutes ses demandes.
- Rappelé que la décision est exécutoire.
- Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENE
DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 1000,00 € en vertu des dispositions
de l'article 700 du CPC
- Condamné Madame [K] [N] aux entiers dépens.En cause d'appel,
Y ajoutant,
Vu la liquidation judiciaire prononcée en date du 25 mars 2024
RECONNAITRE l'existence et l'exigibilité de la créance de la COMPAGNIE
EUROPENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à l'encontre Madame [K] [N]
et fixer au passif de la liquidation judiciaire de Madame [K] [N]:
- la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts au taux légal courant à compter
de la mise en demeure du 13 juillet 2021 et jusqu'au parfait règlement.
- la somme de 1.000,00 € en vertu des dispositions de l'article 700 du CPC pour les
frais irrépétibles exposés en première instance
- la somme de 267,37 € au titre des dépens exposés en première instance
- la somme de 3.000 € TTC au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
- Les entiers dépens de l'instance d'appel
ORDONNER que le jugement à intervenir vaille titre exécutoire contre Madame [K]
[N]
DEBOUTER Madame [K] [N] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et
conclusions formulés en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2025.
SUR CE
Selon offre de prêt immobilier en date du 30 décembre 2016 acceptée par
Madame [N] [K] le 3 janvier 2017 et offre de prêt immobilier en date du
24 février 2017 acceptée par Mme [N] [K] le 10 mars 2017, la CAISSE
D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE a consenti à cette dernière deux prêts :
- Un crédit à la consommation affecté ' « PRIMO ECUREUIL MODULABLE »
n° 4824574 d'un montant de 22 320 € au taux d'intérêt hors assurance de 2,370 %
remboursable en 210 mois.
- Un prêt « PRIMO ECUREUIL MODULABLE » n° 48671 12 d'un montant de 61 350 €
au taux d'intérêt hors assurance de 3,05 % remboursable en 210 mois.
Les prêts accordés ont été consentis avec accord de caution de la COMPAGNIE
EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (ci après désignée CEGC).
Madame [N] [K] a déposé un dossier de surendettement qui a été
déclaré recevable le 20 décembre 2019 et clôturé à sa demande le 2 février 2021.
Le Tribunal de Commerce de PAU a ouvert une procédure de liquidation judiciaire
simplifiée par Jugement en date du 5 janvier 2021 publié au BODACC le 19 janvier 2021
à l'encontre de Madame [N] [K], générant la déchéance du terme des emprunts
sus visés.
La CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE a déclaré sa créance le
15 mars 2021 entre les mains de la SELAS EGIDE, Mandataire Judiciaire de la
liquidation judiciaire de Madame [N] [K].
La liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif par Jugement du Tribunal
de Commerce de [Localité 8] en date du 2 juillet 2021 publié au BODAC le 17 août 2021.
Suivant courrier du 8 juillet 2021, la SELAS EGIDE a certifié auprès de la CAISSE
D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE de l'irrécouvrabilité totale et définitive
de sa créance.
En exécution de ses engagements de caution solidaire, la COMPAGNIE EUROPEENNE
DE GARANTIES ET CAUTIONS a été amenée à rembourser à la CAISSE D'EPARGNE
DE PROVENCE ALPES CORSE, sur demande expresse de cette dernière en date du
11 juin 2021, sa créance pour un montant de 75 139,14 € concernant les deux prêts
n° 4824574 et n° 4867112, et ce en date du 2juillet 2021.
Par lettre recommandée en date du 13 juillet2021, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE
GARANTIES ET CAUTIONS a informé Mme [N] [K] de sa subrogation aux
droits de la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE et l'a mise en
demeure de payer la somme de 75 219,37 € augmentée des intérêts légaux à compter de
la mise en demeure.
Cette lettre est restée sans réponse.
C'est dans ces conditions que la CEGC a assigné Madame [K]
[N] devant le Tribunal judiciaire de PAU, par acte d'huissier en date du
26 octobre 2021 aux fins d'obtenir le remboursement des sommes versées ainsi
qu'une indemnité au titre de l'artic1e 700 du Code de procédure civile et aux entiers
dépens.
Le tribunal judiciaire de Pau a rendu la décision dont appel.
' Sur l'irrecevabilité de l'action en paiement tirée du défaut de qualité à agir et sur la déchéance du droit à agir de la CEGC :
La SELAS GUERIN ET ASSOCIEES es qualité de liquidateur judiciaire de [K] [N] soulève à titre principal une fin de non recevoir tirée de l' irrecevabilité à agir de la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS et à titre subsidiaire la déchéance du droit à agir de la CEGC en se fondant sur les dispositions de l'article L6 43 ' 11 du code de commerce et en se prévalant de la purge des dettes au profit du débiteur dont la liquidation a été clôturée.
Les droits et actions du créancier y compris contre des tiers étant transmises au subrogé et la caution ne pouvant avoir davantage de droits que le créancier qu'il garantit, il en résulte un anéantissement du recours subrogatoire qu'elle détient à l'encontre de [K] [N].
Il en est de même en ce qui concerne l'anéantissement du recours personnel de la caution qui se trouve lui-même paralysé par l'effet du jugement de clôture.
La CEGC est donc irrecevable en sa demande faute de qualité à agir à l'encontre de [K] [N].
La SELAS GUERIN ET ASSOCIEES cite les dispositions de l'article 2308 alinéa 2 du Code civil qui énonce que : « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura pas de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier. »
Elle dénonce l'absence d'avertissement du débiteur avant paiement de la caution puisque la CEGC a payé la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse sans être poursuivie mais aussi et surtout sans en avertir le débiteur principal à savoir [K] [N] ce qui n'est pas contesté.
Elle se prévaut de moyens que [K] [N] aurait pu faire valoir pour faire déclarer la dette éteinte notamment en raison de la nullité des actes de prêt souscrits. Elle n'a en effet jamais signé l'un des prêts à la date retenue comme date de signature c'est-à-dire la date du 3 janvier 2017 mais le 1er février 2017. Les fonds ont été immédiatement débloqués le 10 février 2017 et elle n'a nullement pu faire jouer son droit de rétractation de 14 jours.
Elle invoque s'agissant du prêt N° 486 71 12, le fait qu'elle aurait pu solliciter la substitution du taux de l'intérêt légal au taux fixé par la Caisse d'épargne et la nullité encourue en conséquence.
Par ce seul constat, la CEGCE ne pourra qu'être déchue de son droit d'agir concernant ce contrat.
La CEGC précise que l'interdiction des poursuites individuelles prévue par l'article L6 22-21 du code de commerce, ne fait pas obstacle à la recevabilité de son action puisque son action n'est pas une action en paiement mais tend à obtenir un titre exécutoire. Sa créance est née antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire prononcée le 25 mars 2024 par le tribunal judiciaire de Bayonne à l'encontre de [K] [N] et le créancier doit être en mesure d'obtenir un titre exécutoire contre le débiteur tendant à voir constater l'existence le montant et l'exigibilité de sa créance.
Elle conteste l'interprétation faite par la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES de l'article L6 43 ' 11 II du code de commerce en ajoutant une condition qui n'a jamais été prévue par la loi ni exigée par la Cour de cassation c'est-à-dire que le recours de la caution serait irrecevable puisqu'elle aurait payé le créancier après la clôture des opérations de liquidation judiciaire.
L'interdiction des poursuites dans le cadre d'une procédure collective clôturée pour insuffisance d'actif ne s'étend pas à la caution , l'obligation de celle-ci est maintenue et son recours personnel tout autant.
Elle rappelle que par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mai 2021 réceptionnée le 26 mai 2021, elle s'est bien rapprochée de [K] [N] afin de l'informer de sa mise en cause par la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse et de son intention de régler les sommes dues dans la limite de son engagement à l'expiration d'un délai de 15 jours en lui proposant une tentative de résolution amiable du litige.
Elle soutient le bien-fondé de son recours personnel.
En l'espèce la CEGC a bien été destinataire d'une demande de remboursement du prêt litigieux. Il y a également eu paiement de la caution après poursuite de la caution par la banque et enfin elle a informé la débitrice qu'elle avait été appelée par la banque en règlement des causes de son engagement solidaire et ce préalablement au règlement de la dette de l'emprunteur intervenu le 2 juillet 2021 puisque elle a adressé sa lettre recommandée avec accusé de réception le 21 mai 2021 et que celle-ci a été réceptionnée par [K] [N] le 26 mai 2021.
Il y a donc un paiement de la caution avec avertissement préalable du débiteur principal.
S'agissant de la nullité des contrats de prêt, si dans le cadre du recours subrogatoire le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire tel n'est pas le cas lorsque la caution exerce son recours personnel.
[K] [N] n'a jamais soulevé la nullité des contrats de prêt dont elle a commencé le remboursement et il n'est pas démontré de moyens tendant à faire déclarer la dette éteinte.
Les trois conditions cumulatives de l'article 2308 du Code civil dans son ancienne version applicable à l'espèce ne sont pas remplies et elle ne peut en tirer argument.
xxx
L'article L6 22 ' 21 du code de commerce dispose que : « le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L6 122 17, et tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; »
l'article L6 43 ' 11 I du code de commerce énonce que : « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.
'
II « Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci. »
Il résulte de ces dispositions que la caution qui a payé en lieu et place du débiteur peut poursuivre ce dernier après la clôture pour insuffisance d'actif.
Toute action en paiement est interdite mais la caution est recevable à agir contre le débiteur pour faire valoir ses droits.
Dans un arrêt du 28 juin 2016, la Cour de cassation a précisé que l'article L6 43 ' 11 II ne distingue pas selon que le paiement fait par la caution à la place du débiteur est antérieur ou postérieur à l'ouverture de la procédure collective ni suivant la nature subrogatoire ou personnelle du recours exercé par la caution. Dans un arrêt du 1er mars 2005 la Cour de cassation avait eu l'occasion de préciser que la créance de recours personnel de la caution prend naissance à la date de l'engagement de caution.
En application des textes précités et de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'argumentation de l'appelante sera écartée puisque la caution exerçant un recours personnel ne peut se voir opposer l'irrecevabilité du recours exercé à l'encontre du débiteur principal.
La caution est donc recevable à exercer un recours à l'encontre du débiteur principal nonobstant le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.
La fin de non-recevoir soulevée tenant à l'irrecevabilité de l'action de la caution sera donc rejetée.
L'article 2308 du Code civil dans sa version antérieure à la réforme en vigueur au 1er janvier 2022 est applicable en l'espèce compte tenu de la date à laquelle les prêts ont été souscrits ainsi que le cautionnement.
Cet article dans sa version ancienne dispose dans son deuxième alinéa que : « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura pas de recours contre lui dans le cas où, au moment du payement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action répétition contre le créancier. »
La CEGC établit par les pièces versées aux débats qu'elle a été actionnée par la caisse d'épargne par courrier du 11 juin 2021 comportant une demande de remboursement. Dans ce courrier la caisse d'épargne l'informe qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la débitrice le 5 janvier 2021 la déchéance des deux prêts a été prononcée et lui demandant en sa qualité de caution solidaire de lui adresser le règlement en garantie des deux prêts en joignant les décomptes actualisés des deux créances.
Elle produit les deux quittances subrogatives pour les prêts concernés, quittances datées du 5 juillet 2021.
Elle produit également la lettre adressée à [K] [N] le 21 mai 2021 lettre recommandée par laquelle elle l' informe avoir été contactée par le créancier pour régler la dette.
Enfin elle produit la lettre recommandée avec accusé de réception adressée à [K] [N] le 13 juillet 2021 l'informant qu'à la suite de sa défaillance elle a dû payer les sommes en ses lieux et place.
Il est donc établi ,contrairement à ce qui est soutenu par la partie adverse, que la caution, avant de procéder au paiement de la dette, a été poursuivie par le créancier et a averti le débiteur principal avant et après le paiement.
Dans ces conditions la caution conserve son recours contre le débiteur principal sans qu'il soit besoin d'examiner si au moment du paiement celui-ci aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.
En l'espèce il sera simplement observé que [K] [N] a commencé à rembourser les prêts concernés à compter de février 2017 et n'a jamais au préalable soulevé la nullité des prêts tout au long des procédures diligentées en particulier dans le cadre de la procédure collective et dans le cadre de la procédure de surendettement.
La contestation tenant à la déchéance du droit d'agir de la CEGC sera donc également rejetée.
' Sur la fixation de la créance de la CEGC au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N]':
A titre infiniment subsidiaire ,la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES rappelle le principe de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers conformément aux dispositions de l'article L6 22 ' 21 du code de commerce ; seule une demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N] peut être formulée ce qui est désormais le cas la CEGC ayant modifié ses demandes dans ses dernières écritures.
Elle conteste la demande tendant à voir ordonner que la décision à intervenir vaille titre exécutoire contre [K] [N].
En effet la CEGC ne peut solliciter que la décision à intervenir vaille titre exécutoire contre [K] [N] « seulement aux fins de sûreté ». Elle considère qu'il s'agit d'une tentative de tromper la religion de la cour. La possibilité dont essaye de se prévaloir la CEGC n'existe que lorsqu' une déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble d'habitation du débiteur liquidé a été faite et au surplus cette déclaration est inopposable aux créanciers. Il n'est pas rapporté que la CEGC détiendrait une sûreté ou souhaiterait en inscrire une sur un bien immobilier de [K] [N] et que ce bien immobilier serait son immeuble d'habitation ou aurait fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité.
Par voie de conséquence la seule demande qui peut prospérer est la fixation au passif de la présente créance.
La CEGC n'a pas argumenté sur ce point en sollicitant dans le dispositif de ses dernières conclusions : « ordonner que le jugement à intervenir vaille titre exécutoire contre Madame [K] [N] ».
En application des dispositions de l'article L6 122 ' 21 du code de commerce posant le principe de la suspension des poursuites individuelles et de la prohibition de toute condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent suite au jugement d'ouverture, la demande de dire que la décision vaudra titre exécutoire sera rejetée . Ce principe implique en effet l'arrêt des procédures d'exécution.
Ce chef de demande sera rejeté.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné [K] [N] au paiement de la somme sollicitée par la caution alors que cette somme sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N], compte tenu du prononcé de la liquidation judiciaire le 25 mars 2024.
La créance de la CEGC sera admise au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N] à hauteur de la somme de 75'139,14 € dont le montant est justifié ,augmentée des intérêts au taux légal courant à compté de la mise en demeure du 13 juillet 2021 jusqu'au parfait règlement.
Il aura lieu également d'inscrire au passif de la liquidation la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et d'allouer à la CEGC au titre des frais irrépétibles exposés en appel la somme de 1500 €.
Les dépens seront mis à la charge de la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Déboute la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [N] de sa fin de non-recevoir et de ses chefs de contestation
Déclare la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS recevable à agir et exercer un recours à l'encontre de la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [N]
infirmant le jugement déféré':
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N] les sommes suivantes :
' la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 juillet 2021 jusqu'au parfait règlement,
' la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
au titre des frais irrépétibles de première instance
' La somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
au titre des frais irrépétibles en cause d'appel
Déboute la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS de ses autres chefs de demande
Dit que les dépens seront supportés par la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [N] .
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Président, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Numéro 25/1948
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 24 JUIN 2025
Dossier : N° RG 23/01944 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISUC
Nature affaire :
Cautionnement - Recours de la caution contre le débiteur principal ou contre une autre caution
Affaire :
[K] [N]
C/
S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES
S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 JUIN 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 06 Mai 2025, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [K] [N]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEES :
S.E.L.A.S. GUERIN ET ASSOCIEES, représentée par Me [E], es qualité de liquidateur judiciiaire de Madame [K] [N], selon jugement du Tribunal judiciaire de Bayonne en date du 25 mars 2024
intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Florent BOURDALLÉ de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de BAYONNE
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Clarisse PALASSET, avocat au barreau de PAU
assistée de Me Sarah SAHNOUN, avocat au barreau de CANNES
sur appel de la décision
en date du 04 JUILLET 2023
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 8]
Par jugement contradictoire du 4 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Pau a :
Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 13 juillet 2021 et jusqu'au parfait règlement
Débouté Madame [K] [N] de toutes ses demandes
Rappelé que la décision est exécutoire
Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 10 juillet 2023, [K] [N] a interjeté appel de la décision.
Par acte du 24 avril 2024, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a assigné en intervention forcée la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES représentée par Maître [E] en qualité de liquidateur judiciaire de [K] [N].
Par ordonnance du 30 avril 2024, les procédures ont fait l'objet d'une jonction sous le numéro23/01944.
La SELAS GUERIN ET ASSOCIEES es qualité de liquidateur judiciaire de [K] [N] conclut à':
Vu l'article L 622-21 du Code de commerce
Vu l'article L. 643-11 du Code de commerce ;
Vu l'article 2308 alinéa 2 du Code civil ;
Vu les pièces versées aux débats ;
Il est demandé à la Cour de céans de :
- DONNER ACTE à la SELAS GUERIN & ASSOCIES de son intervention volontaire en
qualité de liquidateur de Madame [K] [N].
- DECLARER recevable l'appel interjeté par Madame [K] [N] à l'encontre du
jugement du Tribunal Judiciaire de PAU en date du 4 juillet 2023 ;
- REFORMER le jugement entrepris par le Tribunal Judiciaire de PAU en date du 4 juillet
2023, en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
A titre principal,
- DIRE ET JUGER la CEGC irrecevable en ses demandes, faute de qualité à agir à
l'encontre de Madame [N] ;
A titre subsidiaire,
- PRONONCER la déchéance de la CEGC dans son droit d'agir contre Madame
[N], motif pris du recours subrogatoire ;
- PRONONCER la déchéance de la CEGC dans son droit d'agir contre Madame
[N], motif pris du recours personnel ;
En tout état de cause,
- PRONONCER la déchéance de la CEGC son droit d'agir motif pris du non-respect des
dispositions de l'article 2308 alinéa 2 du Code Civil ;
- DEBOUTER la CGCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la CGCE à payer à Madame [N] la somme de 2.000 € sur le
fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers
dépens.
A titre infiniment subsidiaire,
- DIRE ET JUGER irrecevable la CEGC en ses demandes de condamnation de Madame
[K] [N], motif pris de l'arrêt des poursuites individuelles ;
- DEBOUTER la CEGC de sa demande tendant à voir « ordonner que le jugement à intervenir vaille titre exécutoire contre Madame [N] seulement aux fins de sûretés » ;
- FIXER au passif de la liquidation judiciaire de Madame [N] la créance de la
CEGC ;
- METTRE à la charge de Madame [N] et de la CEGC les frais irrépétibles qu'ils
ont chacun d'eux engagé.
La SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS conclut à :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les dispositions des articles 2305 ancien, 2308 ancien, 1134 ancien du Code civil du Code civil,
Vu l'article 1343-2 du Code Civil,
Vu le jugement rendu le 4 juillet 2023 par le Tribunal judiciaire de PAU,
Il est demandé à la Cour de':
CONFIRMER le jugement rendu le 4 juillet 2023 par le Tribunal judiciaire de PAU en
l'intégralité de ses dispositions et en ce qu'il a':
- Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENE
DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts
au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 13 juillet 2021 et jusqu'au
parfait règlement.
- Débouté Madame [K] [N] de toutes ses demandes.
- Rappelé que la décision est exécutoire.
- Condamné Madame [K] [N] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENE
DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 1000,00 € en vertu des dispositions
de l'article 700 du CPC
- Condamné Madame [K] [N] aux entiers dépens.En cause d'appel,
Y ajoutant,
Vu la liquidation judiciaire prononcée en date du 25 mars 2024
RECONNAITRE l'existence et l'exigibilité de la créance de la COMPAGNIE
EUROPENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à l'encontre Madame [K] [N]
et fixer au passif de la liquidation judiciaire de Madame [K] [N]:
- la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts au taux légal courant à compter
de la mise en demeure du 13 juillet 2021 et jusqu'au parfait règlement.
- la somme de 1.000,00 € en vertu des dispositions de l'article 700 du CPC pour les
frais irrépétibles exposés en première instance
- la somme de 267,37 € au titre des dépens exposés en première instance
- la somme de 3.000 € TTC au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
- Les entiers dépens de l'instance d'appel
ORDONNER que le jugement à intervenir vaille titre exécutoire contre Madame [K]
[N]
DEBOUTER Madame [K] [N] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et
conclusions formulés en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2025.
SUR CE
Selon offre de prêt immobilier en date du 30 décembre 2016 acceptée par
Madame [N] [K] le 3 janvier 2017 et offre de prêt immobilier en date du
24 février 2017 acceptée par Mme [N] [K] le 10 mars 2017, la CAISSE
D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE a consenti à cette dernière deux prêts :
- Un crédit à la consommation affecté ' « PRIMO ECUREUIL MODULABLE »
n° 4824574 d'un montant de 22 320 € au taux d'intérêt hors assurance de 2,370 %
remboursable en 210 mois.
- Un prêt « PRIMO ECUREUIL MODULABLE » n° 48671 12 d'un montant de 61 350 €
au taux d'intérêt hors assurance de 3,05 % remboursable en 210 mois.
Les prêts accordés ont été consentis avec accord de caution de la COMPAGNIE
EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (ci après désignée CEGC).
Madame [N] [K] a déposé un dossier de surendettement qui a été
déclaré recevable le 20 décembre 2019 et clôturé à sa demande le 2 février 2021.
Le Tribunal de Commerce de PAU a ouvert une procédure de liquidation judiciaire
simplifiée par Jugement en date du 5 janvier 2021 publié au BODACC le 19 janvier 2021
à l'encontre de Madame [N] [K], générant la déchéance du terme des emprunts
sus visés.
La CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE a déclaré sa créance le
15 mars 2021 entre les mains de la SELAS EGIDE, Mandataire Judiciaire de la
liquidation judiciaire de Madame [N] [K].
La liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif par Jugement du Tribunal
de Commerce de [Localité 8] en date du 2 juillet 2021 publié au BODAC le 17 août 2021.
Suivant courrier du 8 juillet 2021, la SELAS EGIDE a certifié auprès de la CAISSE
D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE de l'irrécouvrabilité totale et définitive
de sa créance.
En exécution de ses engagements de caution solidaire, la COMPAGNIE EUROPEENNE
DE GARANTIES ET CAUTIONS a été amenée à rembourser à la CAISSE D'EPARGNE
DE PROVENCE ALPES CORSE, sur demande expresse de cette dernière en date du
11 juin 2021, sa créance pour un montant de 75 139,14 € concernant les deux prêts
n° 4824574 et n° 4867112, et ce en date du 2juillet 2021.
Par lettre recommandée en date du 13 juillet2021, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE
GARANTIES ET CAUTIONS a informé Mme [N] [K] de sa subrogation aux
droits de la CAISSE D'EPARGNE DE PROVENCE ALPES CORSE et l'a mise en
demeure de payer la somme de 75 219,37 € augmentée des intérêts légaux à compter de
la mise en demeure.
Cette lettre est restée sans réponse.
C'est dans ces conditions que la CEGC a assigné Madame [K]
[N] devant le Tribunal judiciaire de PAU, par acte d'huissier en date du
26 octobre 2021 aux fins d'obtenir le remboursement des sommes versées ainsi
qu'une indemnité au titre de l'artic1e 700 du Code de procédure civile et aux entiers
dépens.
Le tribunal judiciaire de Pau a rendu la décision dont appel.
' Sur l'irrecevabilité de l'action en paiement tirée du défaut de qualité à agir et sur la déchéance du droit à agir de la CEGC :
La SELAS GUERIN ET ASSOCIEES es qualité de liquidateur judiciaire de [K] [N] soulève à titre principal une fin de non recevoir tirée de l' irrecevabilité à agir de la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS et à titre subsidiaire la déchéance du droit à agir de la CEGC en se fondant sur les dispositions de l'article L6 43 ' 11 du code de commerce et en se prévalant de la purge des dettes au profit du débiteur dont la liquidation a été clôturée.
Les droits et actions du créancier y compris contre des tiers étant transmises au subrogé et la caution ne pouvant avoir davantage de droits que le créancier qu'il garantit, il en résulte un anéantissement du recours subrogatoire qu'elle détient à l'encontre de [K] [N].
Il en est de même en ce qui concerne l'anéantissement du recours personnel de la caution qui se trouve lui-même paralysé par l'effet du jugement de clôture.
La CEGC est donc irrecevable en sa demande faute de qualité à agir à l'encontre de [K] [N].
La SELAS GUERIN ET ASSOCIEES cite les dispositions de l'article 2308 alinéa 2 du Code civil qui énonce que : « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura pas de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier. »
Elle dénonce l'absence d'avertissement du débiteur avant paiement de la caution puisque la CEGC a payé la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse sans être poursuivie mais aussi et surtout sans en avertir le débiteur principal à savoir [K] [N] ce qui n'est pas contesté.
Elle se prévaut de moyens que [K] [N] aurait pu faire valoir pour faire déclarer la dette éteinte notamment en raison de la nullité des actes de prêt souscrits. Elle n'a en effet jamais signé l'un des prêts à la date retenue comme date de signature c'est-à-dire la date du 3 janvier 2017 mais le 1er février 2017. Les fonds ont été immédiatement débloqués le 10 février 2017 et elle n'a nullement pu faire jouer son droit de rétractation de 14 jours.
Elle invoque s'agissant du prêt N° 486 71 12, le fait qu'elle aurait pu solliciter la substitution du taux de l'intérêt légal au taux fixé par la Caisse d'épargne et la nullité encourue en conséquence.
Par ce seul constat, la CEGCE ne pourra qu'être déchue de son droit d'agir concernant ce contrat.
La CEGC précise que l'interdiction des poursuites individuelles prévue par l'article L6 22-21 du code de commerce, ne fait pas obstacle à la recevabilité de son action puisque son action n'est pas une action en paiement mais tend à obtenir un titre exécutoire. Sa créance est née antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire prononcée le 25 mars 2024 par le tribunal judiciaire de Bayonne à l'encontre de [K] [N] et le créancier doit être en mesure d'obtenir un titre exécutoire contre le débiteur tendant à voir constater l'existence le montant et l'exigibilité de sa créance.
Elle conteste l'interprétation faite par la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES de l'article L6 43 ' 11 II du code de commerce en ajoutant une condition qui n'a jamais été prévue par la loi ni exigée par la Cour de cassation c'est-à-dire que le recours de la caution serait irrecevable puisqu'elle aurait payé le créancier après la clôture des opérations de liquidation judiciaire.
L'interdiction des poursuites dans le cadre d'une procédure collective clôturée pour insuffisance d'actif ne s'étend pas à la caution , l'obligation de celle-ci est maintenue et son recours personnel tout autant.
Elle rappelle que par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mai 2021 réceptionnée le 26 mai 2021, elle s'est bien rapprochée de [K] [N] afin de l'informer de sa mise en cause par la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse et de son intention de régler les sommes dues dans la limite de son engagement à l'expiration d'un délai de 15 jours en lui proposant une tentative de résolution amiable du litige.
Elle soutient le bien-fondé de son recours personnel.
En l'espèce la CEGC a bien été destinataire d'une demande de remboursement du prêt litigieux. Il y a également eu paiement de la caution après poursuite de la caution par la banque et enfin elle a informé la débitrice qu'elle avait été appelée par la banque en règlement des causes de son engagement solidaire et ce préalablement au règlement de la dette de l'emprunteur intervenu le 2 juillet 2021 puisque elle a adressé sa lettre recommandée avec accusé de réception le 21 mai 2021 et que celle-ci a été réceptionnée par [K] [N] le 26 mai 2021.
Il y a donc un paiement de la caution avec avertissement préalable du débiteur principal.
S'agissant de la nullité des contrats de prêt, si dans le cadre du recours subrogatoire le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire tel n'est pas le cas lorsque la caution exerce son recours personnel.
[K] [N] n'a jamais soulevé la nullité des contrats de prêt dont elle a commencé le remboursement et il n'est pas démontré de moyens tendant à faire déclarer la dette éteinte.
Les trois conditions cumulatives de l'article 2308 du Code civil dans son ancienne version applicable à l'espèce ne sont pas remplies et elle ne peut en tirer argument.
xxx
L'article L6 22 ' 21 du code de commerce dispose que : « le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L6 122 17, et tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; »
l'article L6 43 ' 11 I du code de commerce énonce que : « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur.
'
II « Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci. »
Il résulte de ces dispositions que la caution qui a payé en lieu et place du débiteur peut poursuivre ce dernier après la clôture pour insuffisance d'actif.
Toute action en paiement est interdite mais la caution est recevable à agir contre le débiteur pour faire valoir ses droits.
Dans un arrêt du 28 juin 2016, la Cour de cassation a précisé que l'article L6 43 ' 11 II ne distingue pas selon que le paiement fait par la caution à la place du débiteur est antérieur ou postérieur à l'ouverture de la procédure collective ni suivant la nature subrogatoire ou personnelle du recours exercé par la caution. Dans un arrêt du 1er mars 2005 la Cour de cassation avait eu l'occasion de préciser que la créance de recours personnel de la caution prend naissance à la date de l'engagement de caution.
En application des textes précités et de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'argumentation de l'appelante sera écartée puisque la caution exerçant un recours personnel ne peut se voir opposer l'irrecevabilité du recours exercé à l'encontre du débiteur principal.
La caution est donc recevable à exercer un recours à l'encontre du débiteur principal nonobstant le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.
La fin de non-recevoir soulevée tenant à l'irrecevabilité de l'action de la caution sera donc rejetée.
L'article 2308 du Code civil dans sa version antérieure à la réforme en vigueur au 1er janvier 2022 est applicable en l'espèce compte tenu de la date à laquelle les prêts ont été souscrits ainsi que le cautionnement.
Cet article dans sa version ancienne dispose dans son deuxième alinéa que : « lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura pas de recours contre lui dans le cas où, au moment du payement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action répétition contre le créancier. »
La CEGC établit par les pièces versées aux débats qu'elle a été actionnée par la caisse d'épargne par courrier du 11 juin 2021 comportant une demande de remboursement. Dans ce courrier la caisse d'épargne l'informe qu'à la suite de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la débitrice le 5 janvier 2021 la déchéance des deux prêts a été prononcée et lui demandant en sa qualité de caution solidaire de lui adresser le règlement en garantie des deux prêts en joignant les décomptes actualisés des deux créances.
Elle produit les deux quittances subrogatives pour les prêts concernés, quittances datées du 5 juillet 2021.
Elle produit également la lettre adressée à [K] [N] le 21 mai 2021 lettre recommandée par laquelle elle l' informe avoir été contactée par le créancier pour régler la dette.
Enfin elle produit la lettre recommandée avec accusé de réception adressée à [K] [N] le 13 juillet 2021 l'informant qu'à la suite de sa défaillance elle a dû payer les sommes en ses lieux et place.
Il est donc établi ,contrairement à ce qui est soutenu par la partie adverse, que la caution, avant de procéder au paiement de la dette, a été poursuivie par le créancier et a averti le débiteur principal avant et après le paiement.
Dans ces conditions la caution conserve son recours contre le débiteur principal sans qu'il soit besoin d'examiner si au moment du paiement celui-ci aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.
En l'espèce il sera simplement observé que [K] [N] a commencé à rembourser les prêts concernés à compter de février 2017 et n'a jamais au préalable soulevé la nullité des prêts tout au long des procédures diligentées en particulier dans le cadre de la procédure collective et dans le cadre de la procédure de surendettement.
La contestation tenant à la déchéance du droit d'agir de la CEGC sera donc également rejetée.
' Sur la fixation de la créance de la CEGC au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N]':
A titre infiniment subsidiaire ,la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES rappelle le principe de l'interdiction de toute action en justice de la part de tous les créanciers conformément aux dispositions de l'article L6 22 ' 21 du code de commerce ; seule une demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N] peut être formulée ce qui est désormais le cas la CEGC ayant modifié ses demandes dans ses dernières écritures.
Elle conteste la demande tendant à voir ordonner que la décision à intervenir vaille titre exécutoire contre [K] [N].
En effet la CEGC ne peut solliciter que la décision à intervenir vaille titre exécutoire contre [K] [N] « seulement aux fins de sûreté ». Elle considère qu'il s'agit d'une tentative de tromper la religion de la cour. La possibilité dont essaye de se prévaloir la CEGC n'existe que lorsqu' une déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble d'habitation du débiteur liquidé a été faite et au surplus cette déclaration est inopposable aux créanciers. Il n'est pas rapporté que la CEGC détiendrait une sûreté ou souhaiterait en inscrire une sur un bien immobilier de [K] [N] et que ce bien immobilier serait son immeuble d'habitation ou aurait fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité.
Par voie de conséquence la seule demande qui peut prospérer est la fixation au passif de la présente créance.
La CEGC n'a pas argumenté sur ce point en sollicitant dans le dispositif de ses dernières conclusions : « ordonner que le jugement à intervenir vaille titre exécutoire contre Madame [K] [N] ».
En application des dispositions de l'article L6 122 ' 21 du code de commerce posant le principe de la suspension des poursuites individuelles et de la prohibition de toute condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent suite au jugement d'ouverture, la demande de dire que la décision vaudra titre exécutoire sera rejetée . Ce principe implique en effet l'arrêt des procédures d'exécution.
Ce chef de demande sera rejeté.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné [K] [N] au paiement de la somme sollicitée par la caution alors que cette somme sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N], compte tenu du prononcé de la liquidation judiciaire le 25 mars 2024.
La créance de la CEGC sera admise au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N] à hauteur de la somme de 75'139,14 € dont le montant est justifié ,augmentée des intérêts au taux légal courant à compté de la mise en demeure du 13 juillet 2021 jusqu'au parfait règlement.
Il aura lieu également d'inscrire au passif de la liquidation la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et d'allouer à la CEGC au titre des frais irrépétibles exposés en appel la somme de 1500 €.
Les dépens seront mis à la charge de la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Déboute la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [N] de sa fin de non-recevoir et de ses chefs de contestation
Déclare la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS recevable à agir et exercer un recours à l'encontre de la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [N]
infirmant le jugement déféré':
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de [K] [N] les sommes suivantes :
' la somme de 75'139,14 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 juillet 2021 jusqu'au parfait règlement,
' la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
au titre des frais irrépétibles de première instance
' La somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
au titre des frais irrépétibles en cause d'appel
Déboute la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS de ses autres chefs de demande
Dit que les dépens seront supportés par la SELAS GUERIN ET ASSOCIEES ès qualité de liquidateur judiciaire de Madame [K] [N] .
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Président, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,