CA Bordeaux, 1re ch. civ., 23 juin 2025, n° 23/01874
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
Mjs Partners (SELAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Poirel
Conseillers :
Vallée, Lamarque
Avocats :
Maxwell, Batbare
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1 - M. [S] [E] et Mme [M] [E], née [W], sont propriétaires d'une maison sise [Adresse 5].
2 - Le 19 mai 2015, lors d'une opération de démarchage à domicile initiée par la SARL Sungold sous le nom Institut des nouvelles énergies, les époux [E] ont commandé la fourniture et la pose de 24 panneaux photovoltaïques monocristallins de marque Thomson d'une puissance globale de 6 000 WC et le raccordement au réseau ERDF, au prix total de 34 500 euros.
3 - Le même jour, les époux [E] ont souscrit auprès de la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient désormais la SA BNP Paribas Personal Finance, un crédit affecté à cette installation photovoltaïque d'un montant de 34 500 euros, remboursable après un différé de 12 mois selon 132 échéances d'un montant, assurance comprise, de 454,59 euros au taux effectif global fixe de 5,76%.
4 - Le 13 juin 2015, il a été procédé à la pose des panneaux photovoltaïques.
5 - Le 21 juillet 2015, l'Institut des nouvelles énergies a adressé aux époux [E] une facture d'un montant de 34 500 euros.
6 - Par acte d'huissier de justice du 28 juin 2019, les époux [E] ont fait assigner Me [F] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sungold et la société BNP Paribas Personal Finance devant tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins, notamment, d'obtenir la nullité des contrats de vente et de crédit, la restitution des sommes sous astreinte et l'ordre de procéder à la radiation de l'inscription au FICP, sous astreinte.
7 - Par jugement du 26 mai 2021 le tribunal judiciaire de Bobigny s'est déclaré incompétent au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Par ordonnance du 12 avril 2022, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a désigné la SELAS MJS Partners en qualité de mandataire ad'hoc chargée de représenter la société Sungold dont la liquidation judiciaire a éé prononcée le 6 septembre 2016 et clôturée pour insuffisance d'actifs le 28 juin 2019.
8 - Par jugement réputé contradictoire du 10 février 2023, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- ordonné la jonction de la procédure RG n°22-023 87 à la procédure RG n° 21-02678 ;
- déclaré recevable l'action intentée par les époux [E] à l'encontre de Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sungold ayant pour nom commercial l'Institut des nouvelles énergies, et de la société BNP Paribas Personal Finance ;
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 19 mai 2015 entre les époux [E] et la société Sungold sous le nom l'Institut des nouvelles énergies ;
- ordonné à la société Sungold, représentée par Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire, la reprise et la remise en état à ses frais de l'ensemble du matériel installé au domicile des époux [E] dans les 3 mois à compter de la signification de la décision à intervenir et, à défaut de reprise dans ce délai, elle sera réputée abandonnée ;
- prononcé la nullité en conséquence du contrat de crédit affecté conclu le 19 mai 2015
entre les époux [E] et la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance ;
- prononcé la privation de la société BNP Paribas Personal Finance de son droit au remboursement du capital emprunté ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer aux époux [E] la somme de 23 160 euros, arrêtée au 10 septembre 2020, au titre de la répétition de l'indu, correspondant au montant des mensualités de crédit versées ;
- dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;
- condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Sungold l'Institut des énergies nouvelles aux entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
9 - La société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de ce jugement par déclaration du 18 avril 2023, en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'action intentée par les époux [E] à l'encontre de Me [V], en qualités de liquidateur judiciaire de la société Sungold ;
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 19 mai 2015 entre les époux [E] et la société Sungold ;
- ordonné à la société Sungold, représentée par Me [V] la reprise et la remise en état à ses frais de l'ensemble du matériel installé au domicile des époux [E] ;
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 19 mai 2015 entre les époux [E] et la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance ;
- prononcé la privation du droit de la société BNP Paribas Personal Finance à restitution du capital prêté ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer aux époux [E] la somme de 23 160 euros arrêtée au 10 septembre 2020 au titre de la répétition de l'indu, correspondant au montant des mensualités de crédit versées ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté les plus amples demandes de la société BNP Paribas Personal Finance ;
- condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Sungold aux entiers dépens.
10 - Par dernières conclusions déposées le 8 décembre 2023, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat principal conclu entre les époux [E] et la société Sungold ;
- prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre les époux [E] et la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance ;
- privé la société BNP Paribas Personal Finance de son droit à restitution du capital emprunté ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer aux époux [E] les mensualités de crédit versées ;
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à verser aux époux [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté les plus amples demandes de la société BNP Paribas Personal Finance ;
- condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Sungold aux dépens.
Et statuant à nouveau :
à titre principal :
- débouter les époux [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
À titre subsidiaire :
- débouter les époux [E] du surplus de leurs demandes ;
- ordonner la remise en état des parties ;
- prendre acte que la société BNP Paribas Personal Finance a déjà restitué les mensualités réglées par les époux [E] d'un montant de 36 329,60 euros ;
- condamner in solidum les époux [E] à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque la somme de 34 500 euros correspondant au capital emprunté.
En tout état de cause :
- condamner in solidum les époux [E] à verser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les époux [E] aux dépens de première instance et d'appel.
11 - Par dernières conclusions déposées le 24 avril 2025, les époux [E] demandent à la cour de :
- juger mal fondé l'appel interjeté par la société BNP Paribas Personal Finance et la débouter de toutes ses demandes dirigées à l'encontre des époux [E] ;
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- juger les époux [E] bien fondés en leurs demandes et y faire droit ;
- juger le contrat de vente non conforme tant sur l'information des modalités de rétractation que sur les mentions obligatoires devant y figurer à peine de nullité ;
- juger que les travaux ont été faits pendant le délai de rétractation ;
- juger que les contrats de vente et de crédit ont été souscrits à la suite de man'uvres
dolosives employées par la société Sungold envers les époux [E] ;
- prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit ;
- juger que les nullités n'ont pas été couvertes par les époux [E], consommateurs profanes ;
- ordonner à la SELAS MJS Partners d'effectuer à ses frais la reprise du matériel et la remise en état de la toiture dans les trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir et juger qu'à défaut de reprise dans ce délai, l'installation photovoltaïque sera réputée abandonnée par elle et définitivement conservée par les époux [E] ;
- juger que la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance a commis des fautes, tant sur la vérification du bon de commande que sur celle du certificat de livraison, la privant de la restitution de sa créance.
À titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour devait faire droit à la demande en paiement du prêteur :
- prononcer la déchéance des intérêts du crédit en l'absence de prérogative du démarcheur en violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation.
En tout état de cause :
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à verser aux époux [E] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
12 - La société MJS Partners n'a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.
13 - L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 12 mai 2025.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 28 avril 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur la demande en nullité du bon de commande
14 - L'appelante conteste le jugement déféré qui a retenu trois motifs de nullité du bon de commande en ce qu'il ne reproduisait pas les dispositions de l'article L. 121-25 du code de la consommation, qu'il comportait une information erronée concernant le point de départ du délai de rétractation et que les panneaux avaient été livrés et installés avant l'expiration du délai de rétractation.
15 - Elle soutient que l'information erronée concernant le délai de rétractation entraîne sa prorogation de 12 mois à compter du délai initial, que les manquements aux dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement constituent des causes de nullité relative couvertes en l'espèce par les actes postérieurs parle quels les contractants ont montrer leur volonté de l'exécuter.
16 - Les intimés soulèvent des irrégularités formelles au regard des exigences posées par les articles L. 121-17, L. 121-18-1 , R.121-1, L. 121-21 et L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation applicables à la date des faits, prescrites à peine de la nullité conformément l'article L. 121-18-1 du même code :
- l'absence d'information précontractuelle avant la signature du contrat, et notamment le nom du démarcheur, le contrat ne reprenant aucune information précontractuelle qui leur aurait été fournie (L. 121-18),
- l'absence d'information sur le délai de rétractation, l'article L. 121-21 n'étant pas reproduit en intégralité et le point de départ du délai n'est pas précisé, le bon de rétractation évoquant le 14ème jour à partir du jour de la commande,
- l'absence de précision dans la désignation de la nature et des caractéristiques essentielles du bien ou du service, le bon de commande étant un formulaire prérempli sur lequel le vendeur a inscrit le matériel en cochant des cases.
A ce titre, le bon ne précise ni la référence ni le poids, ni les dimensions des panneaux, ni le type ou la puissance de l'onduleur,
- l'absence du prix du bien ni HT ni TTC, seul étant indiqué le montant du financement,
- l'absence de date d'exécution ou de livraison, étant seulement indiqué Trois mois maximum' sans précision du point de départ des trois mois, sans précision sur les délais de raccordements,
- l'absence et les coordonnées de l'assureur garant en garantie décennale en violation de l'article L. 111-2 du code de la consommation,
- l'absence d'informations contractuelles sur le crédit proposé,
- l'absence de la productivité de l'électricité et l'amortissement de l'investissement.
- le manquement aux règles relatives à la faculté de renonciation.
Sur ce :
17 - En matière de souscription d'un contrat par démarchage à domicile, le vendeur est tenu de respecter les conditions prévues aux articles L.121-18 et L. 121-17 du code de la consommation s'agissant des informations préalables à porter à la connaissance des acquéreurs avant signature du bon de commande, et L. 111-1 du même code relatif aux dispositions devant figurer sur le bon de commande.
18 - Les dispositions pré-citées du code de la consommation ne font pas de l'absence d'information précontractuelle une cause de nullité du contrat de vente, mais à tout le moins une perte de chance de ne pas signer le contrat, l'intimée ayant au surplus certifié avoir reçu avant la signature du contrat toute information susceptible de l'intéresser sur les caractéristiques du bien, produit et service et notamment une brochure détaillée qu'elle produit aux débats.
19 - S'agissant du délai de rétractation de 14 jours, le contrat doit mentionner de façon apparente la possibilité de se rétracter, le contrat devant par ailleurs reprendre la retranscription des articles du code de la consommation, le consommateur disposant d'un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement à compter de la réception du bien par le consommateur.
20 - Le bordereau de rétractation auquel renvoi l'article L. 121-21 du code de la consommation doit répondre au formalisme édicté par l'annexe de l'article R. 121-2 du même code très détaillé.
21 - [Localité 9] est de constater que le bordereau situé en bas du bon de commande signé par les époux [E] n'est pas conforme à cette présentation, même s'il est facilement identifiable par une ligne en pointillé, le code de la consommation n'imposant pas son pré-découpage. Toutefois, ce bon de rétractation réunit sur une même face l'adresse d'envoi et les modalités d'annulation de la commande et sur l'autre face, des stipulations contractuelles dont la faculté de rétractation, alors que le formulaire détachable destiné à faciliter pour le client la faculté de rétractation doit comporter sur une face, l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé et sur l'autre face, les modalités d'annulation de la commande, aucune autre mention que celles visées par les textes ne pouvant figurer sur le formulaire.
22 - Par ailleurs, les articles information prévus par l'annexe à l'article R. 121-2 du même code sont bien indiqués également et notamment 'le délai de rétractation expire quatorze jours' mais précise à tort que le délai court à partir de la commande alors qu'il ne saurait courir avant la livraison des biens.
23 - De sorte que le bon de commande n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation.
24 - De même, le bon de commande, précisait que la commande portait sur une offre 'd'installation solaire photovoltaïque d'une puisse globale de 6.000 WC, comprenant 24 panneaux photovoltaïques monocristallins Thomson, d'une puissance de 250 haut rendement certifiés NF EN 61215 Classe II,
avec démarches administratives (mairie, Erdf...) Et raccordement au réseau Erdf à la charge de l'Institut des nouvelles énergie en totalité.'
Le bon de commande ne précise aucune dimension des panneaux, aucune capacité ni puissance individuelle alors qu'il appartenait à la société vendeuse de donner à l'acheteur toutes les informations essentielles pour signer son engagement en connaissance de cause.
La connaissance du nombre et par conséquent de la taille de chacun des panneaux en fonction de leur puissance, le nombre d'ondulateurs sont des éléments essentiels permettant à un consommateur avisé de procéder à un comparatif avec d'autres marques éventuelles et de se décider en toute connaissance de cause, chaque module devant être compatible avec le système de fixation choisi et sa mise en oeuvre.
25 - La première facture du 21 juillet 2015 comporte la liste de tous les matériels, dont l'ondulateur Eaton 6000W, un boîtier AC DC , 2 panneaux 250 WC Black 40 mm, 10 abergements latéral universel Balck new (18 cm), 2 abergements faitage gauche, 6 abergements pairage central 6 cornières abergement central, 8 abergements faitage jonction, 38 joints d'étanchéité, 25 écrans toiture multivap...et la seconde facture du même jour mentionne uniquement 'certifiés IEC 61215 et IEC 61730, Cerfication consuel, prestations diverses liées au raccordement ERDF et raccordement ERDF, avec le forfait installation et main d'oeuvre de 4.583,33 euros, faisant un total de 34.500 euros TTC.
Rien ne permet de vérifier que ces éléments livrés et installés étaient conformes à ce qui avait été souscrit dans le bon de commande. La facture ainsi ne reprend pas la marque des appareils alors que celle-ci est bien une caractéristique essentielle du contrat (Cass, 2ème civil, 24 janvier 2024, n° 21-20.691), le bon de commande ayant indiqué Thomson mais sans préciser la marque de l'ondulateur ni sa puissance.
26 - Après une analyse complète des éléments et pièces soumis, et conformément aux articles L. 121-21, L 111-1 et l'article R 221-21 du code de la consommation dans leur version applicable en l'espèce, les moyens de nullité tirés de la non conformité du bon de rétractation et de l'absence de précision sur la nature et les caractéristiques du contrat sont fondés.
27 - Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
II - Sur la confirmation de la nullité du contrat de vente
28 - Se basant sur les conditions générales de vente figurant au dos du bon de commande et reproduisant l'ensemble des dispositions du code de la consommation, dont ils ont signé le paragraphe indiquant qu'ils avaient pris connaissance de l'ensemble de ces dispositions, l'appelante soutient que les époux [E] avaient connaissance des vices affectant le contrat et qu'ils ont par plusieurs actes positifs non équivoques échelonnés dans le temps confirmé l'installation purgeant ainsi tout vice, ne s'étant jamais rétracté et en ayant signé le certificat de livraison et autorisé le déblocage des fonds, en procédant au remboursement d'échéances du contrat de crédit et en percevant des sommes au titre de sa production.
29 - Ils font valoir que conformément à l'article L. 121-21-1 du code de la consommation, en cas d'informations erronées concernant le délai de rétractation, celui-ci était prolongé de 12 mois à compter du délai de rétractation, leur permettant de se rétracter, ce qu'ils n'ont pas fait.
30 - Les intimés contestent toute volonté de confirmation des moyens de nullité, n'ayant pu prendre connaissance des dispositions du code de la consommation applicables qui ne figuraient pas dans leur version applicable au litige sur le bon de commande et s'étant plaints d'infiltrations dans la maison directement liées à la mauvaise installation des panneaux.
Sur ce :
31 - L'exécution volontaire du contrat ne peut en valoir confirmation qu'à la double condition que le consommateur ait la connaissance précise du vice affectant l'acte et que soit caractérisée sa volonté non équivoque de couvrir ce vice. Il appartient à la société qui l'allègue de le démontrer, cela ne se présumant pas.
32 - En l'espèce, le contrat reproduit au verso du bon de commande les dispositions des articles L. 121-21n L.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-26 du code de la consommation. Mais les époux [E] n'avaient pas forcément conscience que le contrat était entaché d'irrégularités en ce que la nature et la description du matériel étaient insuffisantes et ne pouvaient pas avoir connaissance de ce que ces irrégularités étaient cause de nullité du bon de commande.
33 - La lecture de ces dispositions et le caractère imprécis des mentions au contrat de vente ne permettaient donc pas d'alerter un consommateur normalement attentif sur les omissions du bon de commande, quant aux caractéristiques essentielles des biens offerts, aux conditions d'exécution du contrat et aux modalités de paiement.
34 - Par ailleurs, rien ne permet de considérer que les époux [E] aient jamais, même implicitement, renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat de vente, un certificat de livraison produit en date du 13 juin 2015 est une fiche rédigée en termes très généraux, sans descriptif du bon de commande, et dans lequel ils reconnaissent avoir été installée 'désignation : kit photovoltaïque' ainsi qu'une attestation de livraison à destination de la banque, sur un encart de 5 cm. Cette fiche a pour objet de prononcer ainsi la réception sans réserve et dans le même feuillet de demander le déblocage des fonds. Ces deux documents que sont le bon de fin de travaux et la fiche d'attestation de livraison ne sont toutefois pas assez précises sur la connaissance de la conformité de l'installation dans ses détails, les époux [E] ayant fait au surplus procédé le 12 janvier 2016 à une étude technique de leur installation photovoltaïque faisant apparaître notamment des défauts de conformité qui ont pu les alerter. Si cette expertise régulièrement versée aux débats ne constitue pas une expertise judiciaire, elle est toutefois soumise à la discussion contradictoire des parties, et constitue un élément de preuve de l'absence de volonté non équivoque des époux [E] de ratifier le bon de commande.
35 - Ainsi, les circonstances invoquées par l'appelante selon lesquelles les époux [E] n'ont pas exercé leur droit de rétractation et ont régulièrement exécuté leurs obligations souscrivant un contrat de rachat de l'électricité ne suffisent pas à établir la volonté de couvrir les irrégularités affectant le contrat de vente.
36 - Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré qui a prononcé la nullité du bon de commande du 19 mai 2015.
III - Sur la nullité du contrat de crédit
37 - Conformément à l'article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'application de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le contrat de crédit souscrit par les époux [E] auprès de BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sigma Banque sera annulé de plein dès lors que le contrat en vue duquel il a été conclu a été lui-même judiciairement annulé.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
IV - Sur les restitutions
38 - Le jugement déféré a retenu la faute de la banque pour s'opposer à la restitution des fonds libérés à la banque en ce qu'elle a délivré les fonds en présence d'un bon de commande entaché de multiples causes de nullité et d'un certificat de livraison dont il ressort que le délai de rétractation n'avait pas été respecté.
39 - L'appelante conteste l'existence d'une faute dans le déblocage des fonds que lui a demandé expressément les époux [E], ni d'un préjudice en lien avec une faute qu'elle aurait commise, les panneaux fonctionnant, ayant été raccordés et un contrat de rachat d'électricité signé avec ERDF. Elle met en doute le rapport de M. [X] et en tout état de causes, si les infiltrations provenaient de la pose des panneaux, ce préjudice résulterait d'une malfaçon de la société mais pas d'une faute de la banque.
Elle soutient que cette déchéance du droit à restitution du capital emprunté, porte atteinte au droit la propriété consacré par la CEDH, n'étant consacrée par aucun texte, et n'étant pas proportionnée au but poursuivi.
Se basant sur les factures produites, elle relève que les panneaux fonctionnement et que les époux [E] revendent leur électricité produite depuis 2016, permettant l'autoconsommation.
40 - Les intimés au contraire, font valoir leur préjudice consistant en la souscription d'un crédit pour une installation défectueuse, affectée de désordres potentiellement dangereux, constatés dans l'étude technique et le constat d'huissier et alors que le vendeur est en liquidation judiciaire et son assureur tenu par la garantie décennale non précisé dans le contrat.
Sur ce :
41 - Du fait de l'annulation rétroactive du contrat, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion.
42 - Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal au regard des dispositions régissant le démarchage du domicile principal ou de l'exécution complète de la prestation convenue, préalablement au déblocage des fonds, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
43 - Il n'est pas contesté que la banque a versé la somme de 34.500 euros à la société SARL SUNGOLD conformément à l'offre de crédit souscrite et que les époux [E] ont remboursé une partie de la somme empruntée.
44 - Compte tenu de l'annulation du contrat de vente, les époux [E] ne sont plus propriétaires de l'installation qu'ils avaient acquise, laquelle doit être restituée au vendeur, qui ne peut toutefois pas être ordonnée, la société étant en liquidation judiciaire et la SELAS MJC Partners n'en sollicitant pas la restitution dans le cadre de la procédure collective en cours.
45 - En l'espèce, il ressort du bon de commande imprécis, que la banque, qui est une professionnelle du crédit et notamment affecté à l'achat et l'installation de panneaux photovoltaïque n'a pas procédé aux vérifications du bon de commande alors qu'elle était en capacité de relever qu'il était susceptible de nullité au regard du caractère très lacunaire de la description du matériel ne comportant aucune marque ni aucune indication de puissance. Elle ne s'est par ailleurs pas assurée de la souscription par la société vendeuse de sa souscription d'une garantie décennale en cas de malfaçons.
46 - Par ailleurs, la banque a commis une seconde faute en libérant les fonds de l'offre de crédit affectée à l'installation d'un kit de panneaux photovoltaïque sur la base d'un certificat de livraison ne pouvant valoir attestation de livraison pré-rédigée et imprécise, ne comportant aucune mention propre aux époux [E], comportant dans le même formulaire la demande de financement signée par l'emprunteur le 19 mai 2015 insuffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé, le contrat d'achat de l'énergie électrique ayant été passé le 4 avril 2016 avec ERDF, soit postérieurement au déblocage des fonds et la société SUNGOLD n'ayant pas déposé la déclaration préalable pour l'installation de panneaux ni adressé la déclaration attestant de l'achèvement des travaux et de la conformité du dispositif comme en atteste la mairie de [Localité 11], de sorte que la banque a délivré les fonds sans vérifier la réalisation de cette formalité.
47 - La banque ne pouvait en effet ignorer que de tels travaux sont soumis à autorisation administrative. Or, l'attestation dont elle se prévaut est signée le 13 juin 2015 soit moins d'un mois après la commande ne pouvait permettre à la banque de considérer que la prestation était complètement exécutée, puisqu'une telle exécution était juridiquement impossible au jour où elle était signée. La Banque a ainsi omis de s'assurer de l'exécution par la société des démarches administratives nécessaires préalables, telle que la souscription effective au contrat d'achat EDF.
48 - En procédant à un déblocage des fonds aussi rapidement, c'est-à-dire seulement 3 semaines après la date de souscription du contrat principal, suite à la délivrance d'une attestation de livraison lapidaire, se bornant à indiquer que la réception était prononcée sans réserve, la banque a commis une faute puisqu'il lui appartenait, en tant que professionnel spécialisé dans les opérations de crédit affectées dans le cadre de démarchage à domicile, de procéder à des vérifications supplémentaires visant à s'assurer que l'ensemble des prestations avaient été réalisées par la société et notamment le raccordement au réseau ERDF, alors qu'il ressort des pièces produites que celui-ci n'était pas réalisé, pas plus que la mise en service de l'installation, de sorte que l'exécution de la prestation n'était pas conforme au contrat souscrit puisqu'elle n'était que partielle, ce qu'était en mesure de vérifier la banque.
49 - Dès lors, le défaut de vérification par le prêteur de la formation et de l'exécution du contrat de vente avant de le financer a participé à la nullité de ce contrat entaché d'erreurs manifestes et est de nature à priver la société BNP Paribas Personal Finance de sa créance de restitution, sous réserve de la démonstration par les époux [E] d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute de la banque et ce préjudice.
50 - En l'espèce, les intimés produisent un rapport d'expertise du 12 janvier 2016 faisant état de ce que les panneaux sont mal posés, l'allongement en toiture est mal fait et présente des risques d'étanchéités. De plus, l'installation est posée sans pare-pluie, ce qui contraire au DTU. Ils versent également le procès verbal d'huissier du 28 janvier 2022 ayant constaté que dans le salon-séjour, des races d'entrées d'eau pluviales sont visibles au plafond, devant la fenêtre sud, avec coloration et déformation du plafond'
Toutefois, ces défauts étanchéité et d'installation sont sans lien avec les fautes commises par la banque, ce préjudice découlant d'une mauvaise installation.
51 - En revanche, il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est insolvable.
52 - En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit être restituée au vendeur à charge pour lui de venir récupérer le matériel et de procéder à ses désinstallation à ses frais, peu important que les époux [E] disposent ou non d'une centrale photovoltaïque fonctionnelle. D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
53 - Contrairement à ce que soutien la banque, la déchéance du droit à restitution du capital emprunté est prévue par les articles 1231-1 du code civil et L. 312-55 du code de la consommation et appliquant le principe d'équivalence des conditions dès lors que c'est la faute de la banque qui n'a pas correctement examiné le contrat de fourniture et d'installation des panneaux photovoltaïques qui a conduit in fine à l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir sa créance de restitution du prix, il ne saurait y avoir disproportion par rapport au droit de propriété invoqué par l'appelante.
54 - Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
55 - Il s'ensuit en l'espèce que les époux [E] ont subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'est plus propriétaire, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.
56 - En conséquence, la société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à restituer aux époux [E] l'ensemble des sommes versées en exécution du crédit affecté conclu le 19 mai 2015 et la société BNP Paribas Personal Finance déboutée de sa demande en restitution du capital emprunté, le jugement étant confirmé en ce sens.
VI - Sur les dépens et les frais irrépétibles
57 - La société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à M. et Mme [E] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement déféré
Y ajoutant,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à verser à M. et Mme [E] la somme complémentaire de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés e cause d'appel,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.