Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 26 juin 2025, n° 25/09629

PARIS

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Atypik Assets Management (SNC)

Défendeur :

BTSG (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Avocats :

Me Catteau, Me Fragne

T. act. écon. Paris, du 13 févr. 2025, n…

13 février 2025

FAITS ET PROCÉDURE:

La SNC Atypik Assets Management a pour activité la création, l'exploitation et le management d'établissements hôteliers.

Sur requête du ministère public, invoquant l'existence de créances fiscales de 65.255,40 euros, et par jugement du 13 février 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Atypik Assets Management, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 4 novembre 2024 et désigné la SCP BTSG en la personne de Maître [Y], en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Atypik Assets Management a relevé appel de cette décision le 10 mars 2025 et par actes des 16 et 29 avril 2025 a fait assigner la SCP BTSG, ès qualités, et le ministère public devant le délégataire du premier président pour voir arrêter l'exécution provisoire du jugement dont appel, débouter les défendeurs de leurs prétentions et les condamner aux dépens.

Le ministère public a communiqué ses conclusions au fond, datées du 20 mai 2025, aux termes desquelles il soutient que l'état de cessation des paiements est caractérisé et sollicite la confirmation du jugement, arguant que la situation d'impécuniosité de la société est en totale inadéquation avec le projet immobilier qu'elle entend porter et qu'il n'est pas justifié de perspectives économiques futures suffisamment prometteuses pour permettre son redressement.

La SCP BTSG, ès qualités, représentée par son conseil, considérant l'absence de moyen sérieux, entend voir maintenir l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel et sollicite la condamnation de la société Atypik Assets Management aux dépens et à prendre en charge les émoluments, frais et débours, ainsi que les honoraires qu'elle a avancés, ès qualités, depuis le 13 février 2025, qui seront compris dans les frais privilégiés de procédure.

Vu l'article R.661-1 du code de commerce.

SUR CE,

Il résulte de l'article R.661-1 du code de commerce, dérogeant aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, que seuls des moyens sérieux d'appel permettent de suspendre l'exécution provisoire attachée au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Au soutien de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, la société Atypik Assets Management invoque:

- la nullité de la convocation, de la citation et du jugement,

- l'absence de cessation des paiements et en tout état de cause ses perspectives de redressement,

- les conséquences manifestement excessives.

Au regard des dispositions ci-dessus rappelées, le moyen pris des conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution provisoire du jugement dont appel est inopérant.

- Sur le moyen d'annulation

Par ordonnance du 12 novembre 2024 faisant suite à la requête du ministère public, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné au greffier de convoquer la société Atypik Assets Management pour l'audience du 11 décembre 2024. La convocation adressée en recommandé à la société Atypik Assets Management, [Adresse 7], est revenue avec la mention ' Destinataire inconnu à l'adresse indiquée'.

La société n'ayant pas comparu à l'audience du 11 décembre 2024, le tribunal a renvoyé l'affaire au 5 février 2025 pour citation du représentant légal à son domicile.

Le 30 décembre 2024, le commissaire de justice a signifié à M.[S] [V], [Adresse 4], d'avoir à comparaître à l'audience du tribunal de commerce de Paris le 5 février 2025. Cet acte a été délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, après que le commissaire de justice a constaté qu'il n'avait pu rencontrer le destinataire de l'acte, qu'un occupant de l'immeuble avait indiqué ne pas connaitre M.[V], que ses recherches sur les pages blanches étaient restées vaines, que son correspondant lui a indiqué ne pas pouvoir fournir de nouveaux éléments, et que cette même adresse apparaissait sur les statuts d'une société plus récente appartenant à M.[V].

L'extrait Kbis à jour au 24 avril 2025 mentionne que le siège social de la société est situé [Adresse 9] et qu'elle a pour dirigeant M.[S] [V] domicilié [Adresse 3].

Il s'ensuit que tant la société Atypik Assets Management dans un premier temps, que son dirigeant dans un second temps ont été convoqués aux adresses figurant au RCS.

La société Atypik Assets Management ne s'explique pas cette situation, indiquant dans ses conclusions qu'elle est 'domiciliée dans les locaux de SAS [L] Llopis Muller, huissier de justice' et que son nom est sur la boîte aux lettres. Si cette étude de commissaires de justice est bien domiciliée au [Adresse 9], rien dans la mention du siège social figurant sur le Kbis de la société Atypik Assets Management ne comporte de référence à une domiciliation en l'étude de la société [L] Llopis Muller. Il n'est pas davantage fait état d'une plaque apposée sur l'extérieur de l'immeble au nom de la société Atypik Assets Management.

La société Atypik Assets Management, qui soutient cependant disposer d'une boîte aux lettres à son nom au [Adresse 8], reproduit dans ses conclusions une photo d'une boîte aux lettres au nom de SCI B2, sur laquelle ont été ajoutées deux étiquettes manuscrites mentionnant ' SCI B1" et ' Atypik'. Toutefois, rien ne ne permet d'identifier le lieu dans lequel se situe cette boîte aux lettres, et encore moins la date à laquelle cette photo a été prise.

S'agissant de la signification de la convocation à son dirigeant, la société Atypik Assets Management indique que M.[V] n'était plus domicilié à l'adresse figurant sur son Kbis depuis plusieurs années et reproche au commissaire de justice de ne pas avoir effectué de diligences suffisantes pour le rechercher notamment au travers des sociétés dans lesquelles il exerce.

La société Atypik Assets Management entend tirer argument du fait que Maître [Y] a réussi par un seul courrier à toucher M.[V] en écrivant à l'adresse du siège social de la société TA2N à [Localité 14], qui est l'un des associés de Atypik Assets Management.

La société Atypik Assets Management ne précise pas dans ses écritures l'adresse actuelle de son dirigeant, mais il ressort de l'attestation établie par M.[S] [V] le 20 mai 2025, qu'à date ce dernier serait domicilié [Adresse 1], ce dont il se déduit que l'adresse déclarée au RCS n'a pas été mise à jour. La société ne démontrant pas avoir par ailleurs communiqué sa nouvelle adresse au requérant ou au tribunal, ne peut se prévaloir de sa propre négligence dans l'actualisation des mentions obligatoires au RCS, d'autant que son représentant légal dirige plusieurs sociétés et apparait rompu aux affaires compte tenu de l'importance des projets qu'il entend développer.

Il ressort par ailleurs des mentions du procès-verbal de citation, que l'huissier s'est livré à des vérifications suffisantes avant d'établir un procès-verbal selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, ayant interrogé un occupant puis son mandant, consulté les pages blanches de l'annuaire et ayant vérifié l'adresse de M.[V] sur le Kbis d'une société plus récente. Il ne peut en effet être exigé du commissaire de justice, qu'il examine tous les Kbis des sociétés dirigées par M.[V] pour autant que cela puisse être exaustif.

Dans ces conditions, le sérieux du moyen d'annulation n'est pas suffisamment établi.

- Sur le moyen pris de l'absence de cessation des paiements

Au 15 mai 2025, le passif déclaré s'élève, selon l'état des créances versé aux débats à 1.389.060,26 euros dont 24.526 euros à titre provisionnel (PRS du Haut-Rhin).

La société Atypik Assets Management considère que ce montant est lourdement erroné et qu'après retraitement le passif exigible se limite à la somme de 16.659,56 euros correspondant à la dette de la Banque Populaire, que toutefois son dirigeant, en sa qualité de caution, est en train de régler ce solde. Elle fait valoir que l'importante créance de 711.215 euros déclarée par Mme [L] au titre d'un prêt a donné lieu à un avenant reportant l'exigibilité au 1er janvier 2029 que l'exigibilité des créances déclarées par la société Readymade Networks (258.000 euros), la société TA2N (250.000 euros), et la société Voltere (30.000 euros) a également été reportée.

Il n'est fait état d'aucune trésorerie susceptible de caractériser un actif disponible.En effet, ni la valeur des biens immobiliers, ni la possibilité évoquée par le maire de la commune de [Localité 13] d'acheter du bois sur le terrain de la société Atypik Assets Management, si la production de la commune s'avérait insuffisante, ne constituent de l'actif disponible au sens de l'article L 631-1 du code de commerce.

Il existe donc un passif exigible qui n'est pas couvert par de la trésorerie, de sorte que le moyen pris de l'absence de cessation des paiements n'est pas à date sérieux.

- Sur le moyen pris de ce que tout redressement n'est pas manifestement impossible

Le 16 juillet 2019, la société Atypik Assets Managemen a fait l'acquisition à [Localité 13] (Haut-Rhin), moyennant le prix de 500.000 euros, d'un ancien centre médical en vue d'y installer, après d'importants travaux, un hôtel, un restaurant et des logements de grand standing.

A ce stade, le programme de développement est toujours à l'état de projet, aucun financement n'ayant été accordé. Le bien immobilier fait par ailleurs l'objet, à la suite d'un incendie, d'un arrêté d'évacuation depuis le 11 février 2022, qui n'a pas été rapporté à ce jour.

La société Atypik Assets Management revendique toutefois le sérieux de son projet et souligne qu'elle a obtenu un permis de construire fin novembre 2018, purgé en avril 2019, que si le démarrage de l'opération a marqué une pause depuis le crise du Covid 19, elle a depuis signé une convention de gestion avec Grand Metropolitan Hotel AG, l'un des principaux opérateurs mondiaux founissant des services de gestion sur mesure aux propriétaires d'hôtels et aux investisseurs. Elle produit également l'étude réalisée par la société Voletere en avril 2022 sur l'opportunité de développer un établissement 5 étoiles sur le site de l'ancien sanatorium de Salem, ainsi que la maquette commerciale réalisée par Grand Metropolitan Hotel en juin 2025. Elle fait état de la tenue de réunions sur la phase de financement.

Dans son étude réalisée en avril 2022, la société Voltere confirmait l'opportunité d'un développement hôtelier 5 étoiles sur ce site, adapté à une clientèle tant de loisirs que d'affaires et que, peu de produits de luxe existant en moyenne montagne dans cette zone, le projet '[K]' sera à même de se positionner comme leader sur son segment.

Toutefois, cette analyse favorable du marché en 2022, prévoit aussi un investissement très important de 30 millions d'euros, ce financement devant selon l'étude se composer de 50% de dettes et 50% de fonds propres ( 38% Caisse des dépôts et partenaires privés pour le reste.)

Le projet de transformation de l'ancien sanatorium en établissement hôtelier et d'habitations de luxe suppose la réalisation de très importants travaux d'aménagement de l'ordre de 30 millions d'euros, travaux qui n'ont pas encore débuté bien que les locaux appartiennent à la société Atypik Assets Management depuis près de 6 ans. S'il n'est pas contestable que la pandémie survenue fin 2019 a eu un impact sur le devéloppement de ce type de programme immobilier, il n'en reste pas moins qu'en 2025, la société Atypik Assets Management ne justifie toujours pas de réelles perspectives de financement.Elle a dû au contraire demander à certains de ses créanciers, dont Mme [L], de reporter l'exigibilité de leurs créances.

La société Grand Metropolitan Hotel avec laquelle laquelle la société Atypik Assets Management a signé le 18 septembre 2024 un contrat de gestion, a vocation à gérer l'établissement une fois celui-ci en état d'être exploité. Si la société Atypik Assets Management soutient qu'en ce domaine la signature d'une convention de gestion hôtelière constitue un préalable à l'obtention des financements, il n'en demeure pas moins, comme le souligne le liquidateur, que la société Grand Metropolitant Hotel n'est pas un partenaire financier, de sorte qu'en l'état la question du financement reste entière, la société Atypik Assets Management ne justifiant pas disposer du moindre apport alors qu'elle doit déjà rembourser à Mme [L] les fonds prêtés pour l'acquisistion du bien.

En l'état du budget non financé que requiert la réalisation de ce projet et du délai dans lequel un plan de redressement doit pouvoir être présenté, la société Atypik Assets Management manque à établir, à tout le moins au stade du référé, que son redressement n'est pas manifestement impossible.

En conséquence, la société sera déboutée de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Déboutons la société Atypik Assets Management de sa demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement dont appel,

Disons que les dépens du référé seront joints à ceux de l'appel, de même que le honoraires avancés par le liquidateur judiciaire, ès qualités, à la suite de l'ouverture de la liquidation judiciaire.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site