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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 24 juin 2025, n° 21/05189

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/05189

24 juin 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2025

N° 2025/311

Rôle N° RG 21/05189 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHIBG

[T] [X] [Z] [A] épouse [R]

[U] [I] [V]

C/

[J] [Y]

[G] [N]

S.A.R.L. [18]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Caroline DE FORESTA

Me Paul GUEDJ

Me Alain DE ANGELIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 16] en date du 15 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/11104.

APPELANTES

Madame [T] [X] [Z] [A] épouse [R]

Née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 13] (92)

Demeurant [Adresse 12]

Madame [U] [I] [V]

Née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 20] (ROYAUME UNI)

Demeurant [Adresse 12]

toutes deux représentées par Me Caroline DE FORESTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [J] [Y], notaire membre de la SCP [15] [Y] [1]

Demeurant [Adresse 11]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Thomas D'JOURNO, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Madame [G] [N]

Demeurant [Adresse 14]

non comparante ni représentée

S.A.R.L. [18]

Prise en la personne de son représentant légal, demeurant et domicilié au siège social ès-qualités

Demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON-SEGOND-DESM URE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Benjamin GERARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Mars 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anastasia LAPIERRE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2025. A cette date, les parties ont été informées que le délibéré était prorogé au 18 Juin 2025. A cette date, les parties ont été informées que le délibéré était prorogé au 24 Juin 2025.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2025,

Signé par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Anastasia LAPIERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. et Mme [B] étaient propriétaires d'une parcelle située à [Localité 17] cadastrée section AT numéro [Cadastre 3] et ont fait procédé à sa division en différentes parcelles dont celles AT n° [Cadastre 5] et AT n° [Cadastre 6] selon un document d'arpentage établi par M. [D] géomètre expert du 15 novembre 2013.

Les époux [B] ont vendu la parcelle à construire AT numéro [Cadastre 6] à Mme [G] [N] selon acte authentique du 23 décembre 2015 établi par maître [S] notaire à Marseille et suivant un acte authentique du 28 avril 2017, reçu par maître [J] [Y] notaire associé de la SCP [15] [Y] et associés à Marseille, ils ont vendu à Mmes [R] et [V] des terrains à bâtir cadastrés section AT n° [Cadastre 5] et [Cadastre 7] .

Il était prévu à l'acte du 28 avril 2017 la création d'une servitude de passage à pied ou pour tout véhicule et un droit de passage en tréfonds pour tout réseau sur le fonds servant AT n° [Cadastre 5] au profit des fonds dominants AT n° [Cadastre 6] et AT n° [Cadastre 8].

Réciproquement, il était rappelé à l'acte qu'il avait été consenti la même servitude de passage

réelle et perpétuelle au bénéfice du fonds AT numéro [Cadastre 5] sur les fonds servants AT numéro [Cadastre 6] et AT numéro [Cadastre 8].

Soutenant par la suite avoir appris de Mme [N] que le plan qui leur avait été remis était erroné et qu'en réalité l'assiette de la servitude serait bien plus importante puisqu'elle porterait sur 100 m² de leur terrain et ce, alors même qu'elles avaient déjà entrepris des travaux pour clore leur propriété, par acte du 20 septembre 2018, Mmes [R] et [V] ont fait assigner la société [18] leur agent immobilier, maître [J] [Y], notaire, en présence de Mme [G] [N] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'obtenir indemnisation de leur préjudice résultant de la faute du notaire et de l'agent immobilier dans le cadre de la vente.

Dans leur assignation, elles soutenaient avoir été induites en erreur sur l'étendue de la servitude grevant leur fonds AT n° [Cadastre 5] et demandaient la condamnation solidaire de la société [18] et de maître [Y] à leur payer la somme de 43 431,88 euros à titre de dommages intérêts .

Par jugement rendu le 15 février 2021, le tribunal judiciaire de Marseille les a déboutés de leurs demandes et condamnés à payer à maître [Y] et à la société [18] les sommes de 3000 euros chacun au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que les demanderesses ne démontraient pas de fautes commises par l'agent immobilier liées à la transmission d'un plan erroné.

S'agissant de la responsabilité du notaire, il a considéré que l'acte de vente contenait en annexe l'acte de bornage réalisé par M. [C], le plan de M. [D] du 15 novembre 2013 et une note relative aux servitudes affectant les parcelles achetées et décrivant également la servitude litigieuse de passage et de canalisations, de sorte qu'il permettait aux acquéreurs de se faire une parfaite idée de la servitude consentie en 2015 et de son assiette.

Il a ainsi jugé que le notaire n'avait commis aucune faute à ne pas avoir annexé à l'acte un plan des servitudes dès lors que les acheteuses avaient obtenu dès le 7 novembre 2016 un permis de construire, ce dont il résulte qu'elles possédaient toutes les informations avant la vente.

Par déclaration du 9 avril 2012, Mme [R] et Mme [V] ont interjeté appel de la décision.

La clôture de l'instruction est en date du 18 février 2025.

Par conclusions du 11 mars 2025, elles demandent le rejet des conclusions post-clôture de maître [Y] du 10 mars 2025.

Par conclusions du 11 mars 2025, maître [Y] s'y oppose et demande le rejet ainsi que celui de la pièce n° 17.

EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 8 juillet 2021, les appelantes demandent à la cour au visa des articles 1240, 1112-1 du code civil de :

- réformer le jugement déféré ;

- dire que la société [19] a commis une faute, a manqué à ses obligations de conseil en donnant des fausses informations ,

- dire que maître [Y] notaire a aussi manqué à ses obligations de faire toutes les vérifications en son pouvoir et n'a pas donné toutes les informations de sa connaissance pour assurer à l'acte une efficacité juridique et aux parties une sécurité juridique liée à l'opération réalisée ;

- dire que maître [Y] notaire et la société [19] ont engagé leur responsabilité délictuelle relativement aux conséquences directes dommageables des manquements ;

- dire n'y avoir lieu à les condamner in solidum à payer à la SARL [18] et à maître [J] [Y] chacun, la somme de trois mille euros (3 000 euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens avec exécution provisoire de la décision ;

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages-intérêts ;

- condamner in solidum la SARL [18] et maître [J] [Y] à leur payer les sommes suivantes en réparation de leurs préjudices :

pour le réaménagement de la servitude : 4 997 euros,

pour compenser la surface perdue de 36,10 mètres 2 : 5 415 euros,

pour le préjudice financier de manque à gagner : 5 000,00 euros,

pour le préjudice moral : euros 2.000 euros ;

- dire que les condamnations seront assorties des intérêts légaux à compter de l'assignation introductive ou bien du jugement ;

- condamner in solidum la SARL [18] et maître [J] [Y] à leur payer chacune, la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 octobre 2021, M. [Y] notaire demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

En conséquence,

- débouter Mme [T] [A] épouse [R] et Mme [U] [V] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant,

- les condamner in solidum au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- les condamner in solidum aux entiers dépens de l'instance d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero ,avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 8 octobre 2021, La SARL [18] demande à la cour de :

* à titre principal

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- juger que Mme [T] [R] et Mme [U] [V] manquent radicalement à rapporter la preuve d'un quelconque manquement de sa part,

- les débouter en conséquence, de l'intégralité de leurs demandes à son encontre et la mettre hors de cause ;

*à titre subsidiaire

- juger que Mme [T] [R] et Mme [U] [V] manquent radicalement à rapporter la preuve d'un lien de causalité directe entre les préjudices qu'elles croient pouvoir alléguer et le manquement reproché ;

- les débouter de plus fort, de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;

*à titre infiniment subsidiaire,

- juger que Mme [T] [R] et Mme [U] [V] manquent tout aussi radicalement à rapporter la preuve de la réalité et de l'étendue des préjudices qu'elles allèguent avoir subis,

- les débouter, à nouveau, l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [T] [R] et Mme [U] [V] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner au paiement des entiers dépens de l'instance, distraits au profit de maître Alain de Angelis, avocat sur son affirmation de droit.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la procédure

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office procédure civile.

Ainsi, les conclusions déposées le 10 mars 2015, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture du 18 février 2025, et la pièce n° 17, ne peuvent être admises aux débats et seront déclarées irrecevables.

Au fond

1-Sur la responsabilité de l'agent immobilier

Moyens des parties

Les appelantes font valoir que l'agent immobilier est tenu aux obligations du mandataire envers la partie qui l'a chargé de la recherche d'un acquéreur ou d'un vendeur. Il est ainsi débiteur d'une obligation de loyauté et d' une obligation de conseil en application de l'article 1112-1 du Code civil envers l'autre partie, et à ce titre, il doit de porter à sa connaissance tous les éléments en sa possession portant sur le bien objet du contrat. Elles en déduisent qu'il a ainsi commis une faute en fournissant un plan erroné ou en s'abstenant de vérifier que les plans qu'il leur a remis étaient conformes.

Elles ajoutent qu'il a refusé une transaction amiable et a expressément manifesté ainsi sa mauvaise foi.

En réponse, la société [18] soutient qu'elle n'a commis aucune faute ; elle n'est pas partie à l'acte et l'acte de vente établi par maître [Y] relate l'intégralité des servitudes de passage en surface et en tréfonds créées aux termes de l'acte de vente reçu par Maître [P] [E] entre les époux [B] et Mme [N]. Dans ces conditions, il ne saurait être sérieusement soutenu que simple mandataire des vendeurs, elle aurait pu fournir lors de la vente un plan de servitude erroné.

Elle rappelle qu'elle n'est ni vendeur ni notaire et qu' elle n'avait aucune obligation de remettre un plan de servitudes parfaitement conforme et identique à celui remis à Mme [N].

Subsidiairement, si les préjudices allégués par les appelantes venaient à être établis, ils ne pourraient que résulter d'un manquement du notaire, seul rédacteur de l'acte authentique de vente et il n'existerait aucun lien de causalité direct et certain entre les préjudices des consorts [R] [V] résultant des conséquences d'une réduction de la superficie de l'assiette de servitude grevant leur fonds et le fait qu'elle ait prétendument remis un plan de servitude erroné préalablement à la vente, puisque lesdits préjudices résulteraient exclusivement de l'acte authentique de vente, lequel a été rédigé par le notaire instrumentaire.

Enfin plus subsidiairement, elle fait valoir qu'elles ne justifient pas de l'existence d'un préjudice né, certain et actuel qui découlerait des manquements qu'elles entendent alléguer à son encontre, ce qu'elles s'abstiennent manifestement de faire.

Réponse de la cour

L'agent immobilier est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil à l'égard de son mandant et de loyauté à l'égard des parties.

Il n'est pas contesté que la SARL [18] a été mandatée par M et Mme [B] et a été chargée de la vente des parcelles issues de la division de leur fond. En sa qualité de mandataire, elle était tenue de s'assurer que les conditions nécessaires à l'efficacité juridique des ventes à venir étaient réunies et notamment l'accès de chaque parcelle.

Pour démontrer qu'elle leur a fourni un plan erroné de la servitude de passage litigieuse, les appelantes soutiennent que c'est le plan du 26 mars 2015 qui leur a été communiqué par l'intermédiaire de M. [H] de la société de construction ( les maisons de [F]) qu'elles ont choisi pour réaliser leur immeuble.

Or, elles produisent des courriels qui mentionnent certes, « je vous prie de trouver ci-joint : le plan de géomètre », mais qui sont datés du 23 et 24 mars 2016 et ne portent aucune mention sur la date du plan transmis. Il s'en déduit que contrairement à ce qu'elles soutiennent, elles ne démontrent pas que le plan qui leur a été transmis est celui daté du 26 mars 2016 qui serait erroné. Par ailleurs, comme justement retenu par le tribunal, la jonction des pièces courriel et plan en pièce 2, ne suffit pas à confirmer que le plan litigieux était la pièce jointe du courriel adressé par l'agence à M. [H] qui leur aurait retransmises.

Enfin, elles ne reprochent aucune autre faute que celle de la transmission d'un plan erronée.

Mme [R] et Mme [V] ne sont donc pas fondées à rechercher la responsabilité délictuelle de l'agence immobilière chargée de vendre le bien.

Le jugement mérite confirmation de ce chef.

2-Sur la responsabilité des notaires

- sur la faute

Moyens des parties

S'agissant de la faute du notaire, les appelantes soutiennent que le notaire a méconnu son obligation de conseil rappelée dans l'acte du 28 avril 2017 et a commis une faute en application de l'article 1240 du code civil susceptible d'engager sa responsabilité en ce qu'il a reconnu avoir oublié d'annexer à l'acte d'achat du 28 avril 2017 le plan de la servitude alors qu' il avait été informé que l'agent immobilier l'avait présenté aux acheteuses.

Elles considèrent que le tribunal aurait dû en tirer toutes les conséquences dès lors qu'il est parfaitement démontré qu'il n'a fait aucune vérification malgré ses obligations.

Elles ajoutent que la cour doit constater que les passages de l'acte du 28 avril 2017 cités par le tribunal ne mentionnent aucune mesure de servitude et renvoient à un plan de servitudes de passage non annexé. Il ne pouvait donc en déduire qu'elles étaient en mesure de découvrir que le mandataire immobilier leur avait fourni en mars 2016, un plan de M. [D] géomètre expert du 26 mars 2015 qui représentait une servitude de passage au Nord-Ouest de leur parcelle, de forme triangulaire mesurant à angle droit depuis l'angle Nord-Ouest 5 mètres x 5,24 mètres soit environ 25 mètres² qui ne correspondaient pas à la réalité.

M. [Y] notaire soutient qu'il n'a commis aucune faute. Il précise que si les appelantes continuent de prétendre que le plan remis par la SARL [18] était celui de mars 2016, elles ne produisent aucun élément susceptible d'établir que des deux plans de M. [K] [D] des 26 mars 2015 et 4 novembre 2015 qu'elles versent aux débats, lesquels portent la même référence, seul celui qui était erroné a seul été porté à leur connaissance.

Il indique qu'en tout état de cause que l'acte de vente retranscrit précisément la création et l'existence des servitudes grevant ou profitant au fonds acquis, de sorte que ces dernières disposaient de toutes les informations leur permettant de se renseigner sur l'assiette des servitudes.

Il ajoute qu'il savait qu'elles avaient déjà pris connaissance au stade du compromis du plan matérialisant l'assiette de la servitude et qu'elles avaient déjà sollicité et obtenu un permis de construire le 7 novembre 2016, comme le retient à juste titre le tribunal judiciaire.

Réponse de la cour

Les notaires, institués pour donner aux conventions des parties les formes légales et l'authenticité, doivent mettre en 'uvre tous les moyens adéquats et nécessaires afin d'assurer l'efficacité de leurs actes.

Un acte efficace s'entend d'un acte conforme aux droits et à la volonté des parties.

Il en résulte que le notaire est responsable de tout manquement aux devoirs que lui impose sa charge, et que la faute même très légère, qui doit être analysée par comparaison avec la conduite qu'aurait dû avoir un notaire avisé, juriste compétent et méfiant, peut être source de responsabilité.

En l'espèce, après la rédaction d'une promesse de vente rédigé par l'agence immobilière, le notaire a établi et reçu l'acte authentique de vente par M et Mme [B] à Mme [R] et Mme [V] de la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 5] et [Cadastre 7], issue de la division de la parcelle anciennement numéroté AT [Cadastre 3].

L'acte mentionne que sont annexés sur support électronique, le plan de bornage réalisé par M. [C], le plan de division du 15 novembre 2013 établi par M. [D] géomètre et une note sur les servitudes dont est grevé le bien acquis.

Page 9, l'acte mentionne la servitude de passage et de tréfonds pesant sur la parcelle [Cadastre 5]. Son assiette est matérialisée « en teinte orange sur un plan de service aff 1363 échelle 1/250 annexé aux présentes ».

Cette mention est suivie, notamment, du rappel des dispositions aux termes desquelles il a été constitué une servitude de passage et de tréfonds sur les parcelles objet du litige au profit des parcelles [Cadastre 9], [Cadastre 6] et [Cadastre 5] grevant « sur toute la longueur de la limite ouest des parcelles et sur une largeur de 2 mètres donnant accès à la voie publique telles qu'elles figurent en teinte bleue, verte et rose sur le plan annexé approuvé par toutes les parties ».

Il est constant que lorsqu'il reçoit un acte authentique, le notaire n'est pas tenu se déplacer systématiquement sur les lieux afin de vérifier les dires des parties. Il n'est pas davantage tenu d'un devoir d'investigation systématique et peut se suffire d'éléments dont il a acquis la conviction par des éléments objectifs qu'ils sont connus des acquéreurs. Il peut enfin annexer à un acte un support électronique s'il ressort de l'acte que cet élément a été porté à la connaissance des parties.

Il ne peut ainsi lui être reproché de ne pas avoir vérifié les informations qui lui ont été transmises afin de savoir si elles correspondaient à la réalité ; par ailleurs, à supposer que le plan auquel l'acte fait référence n'ait effectivement pas été joint matériellement à l'acte, il n'en demeure pas moins que les parties ont approuvé celui décrit dans l'acte de vente et les éléments qu'il contenait, ce qui tend à démontrer qu'elles en ont eu effectivement connaissance quel qu'en soit le moyen de connaissance.

Enfin, par déclaration à l'acte le notaire a indiqué que les appelantes avaient eu connaissance par l'agence immobilière du plan localisant les servitudes, déclaration à laquelle elles ne se sont pas opposées. Il n'apparait pas possible non plus d'envisager que les appelantes aient obtenu leur permis de construire sans qu'elles aient disposé comme justement rappelé par le tribunal, des éléments sur la servitude litigieuse leur permettant d'élaborer avec le constructeur leur projet de construction.

Par voie de conséquence, elles sont défaillantes à établir que le notaire a commis une faute en n'annexant pas le plan des servitudes de passage qu'elles ont approuvé, dès lors qu'il est établi qu'elles avaient eu connaissance de son assiette par l'agence immobilière.

Le jugement de première instance mérite également confirmation en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité du notaire en l'absence de toute faute.

3-Sur les demandes accessoires

Parties perdantes, Mme [R] et Mme [V] supporteront la charge des dépens d'appel et seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande enfin d'allouer à M. [Y] notaire et à la SARL [18] la somme de 2 000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare les conclusions déposées le 10 mars 2015 postérieurement à l'ordonnance de clôture du 18 février 2025 ainsi que la pièce n°17, irrecevables ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [T] [A] épouse [R] et Mme [U] [V] à supporter in solidum la charge des dépens ;

Ordonne leur recouvrement direct au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [T] [A] épouse [R] et Mme [U] [V] in solidum à payer à M. [Y] notaire et à la SARL [18] la somme de 2 000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le Greffier La Présidente

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