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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 1 juillet 2025, n° 24/01260

POITIERS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Brasserie Jean (SAS)

Défendeur :

Charantelec (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidente :

Mme Marquer

Vice-président :

M. Pascot

Conseiller :

M. Lecler

Avocat :

Me Mazaudon

T. com. La Rochelle, du 21 mars 2023

21 mars 2023

*****

La société par actions simplifiée Charantelec, prise en son établissement secondaire de Cegelec (nom commercial), a conclu un contrat avec la société par actions simplifiée Brasserie Jean visant des travaux à effectuer dans les locaux de cette dernière.

Par jugement en date du 21 mars 2023, le tribunal de commerce de La Rochelle a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Brasserie Jean et a désigné la société civile professionnelle [D] [S] prise en la personne de Maître [D] [S] en qualité de mandataire judiciaire (le mandataire judiciaire).

La société Cegelec a déclaré une créance d'un montant de 26 831,20 euros à titre chirographaire.

La créance a fait l'objet d'une contestation lors des opérations de vérification du passif.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 22 avril 2024 du juge-commissaire du tribunal de commerce de La Rochelle, à laquelle seule le mandataire judiciaire était présent.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 13 mai 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce de La Rochelle a :

- admis la créance 13 : Cegelec, pour un montant de 26 831,20 euros à titre échu chirographaire ;

- ordonné, à la diligence du greffe, la notification de la présente décision au créancier et au débiteur ;

- dit qu'elle serait communiquée au mandataire judiciaire et aux conseils des parties ;

- dit que les entiers frais et dépens de la présente instance seraient passés en frais privilégiés de la procédure.

Le 24 mai 2024, la société Brasserie Jean a relevé appel de ce jugement, en intimant la société Charantelec et son mandataire judiciaire.

Le 27 juin 2024, le greffe a avisé l'appelant d'avoir à procéder par voie de signification à l'égard des deux intimés susdits, non constitués.

Le 5 juillet 2024, la société Brasserie Jean a signifié sa déclaration d'appel à la société Charantelec à sa personne.

Le 10 juillet 2024, la société Brasserie Jean a signifié sa déclaration d'appel au mandataire judiciaire à sa personne.

Le 26 août 2024, la société Brasserie Jean a déposé ses premières conclusions au fond.

Le 3 septembre 2024, la société Brasserie Jean a signifié ses conclusions du 26 août 2024 à la société Charantelec à sa personne.

Le 23 septembre 2024, la société Brasserie Jean a signifié ses conclusions du 26 août 2024 à la société [S] à sa personne.

Le 14 avril 2025, la société Brasserie Jean a demandé d'infirmer intégralement l'ordonnance déférée, et statuant à nouveau des chefs infirmés, de :

- rejeter en totalité la créance 13 : Cegelec, d'un montant de 26 831,20 euros, à son passif ;

- débouter la société Charantelec de toutes ses demandes ;

- condamner la société Charantelec à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures précitées des parties déposées aux dates susdites.

Le 15 avril 2025, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

Par message sur le réseau privé justice avocat en date du 14 mai 2025, la cour a invité les parties à présenter pour le 27 mai 2025 au plus tard leurs observations sur un éventuel retrait du rôle de l'affaire, dans l'hypothèse d'une contestation sérieuse à la créance déclarée opposée par la société débitrice en procédure collective.

Le 26 mai 2025, la société Brasserie a déposé une note en délibéré.

MOTIVATION

Selon l'article L. 622-24 du code de commerce,

A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.

.....

La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture. Toutefois, si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement.

Selon l'article L. 624-2 du même code,

Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

La procédure de vérification des créances n'a pour objet que de déterminer l'existence, le montant et la nature de la créance déclarée.

Selon l'article R. 624-5 du même code,

Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Il n'entre pas dans les attributions du juge de la vérification des créances de se prononcer sur la responsabilité encourue par le créancier à l'occasion de l'exécution du contrat (Cass. com., 21 septembre 2004, n°02-16.825).

Le juge de la vérification des créances, qui est saisi d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel, et susceptible d'avoir une incidence sur l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée, est tenu de surseoir à statuer sur l'admission de celle-ci, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent (Cass. com., 27 janvier 2015, n°13-20.463, publié).

Selon l'article 1217 du Code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.

La société Brasserie demande de rejeter la demande de la société Charantelec, tendant à l'admission à son propre passif d'une créance de 26 831,20 euros à titre échu chirographaire.

Elle expose avoir confié à la société Charantelec des travaux d'électricité au sein de ses propres locaux qu'elle faisait aménager en restaurant.

Elle soutient que dès l'ouverture de son restaurant le 12 avril 2019, d'importants dysfonctionnements électriques sont apparus, générant un important préjudice de son propre chef, et constituant la raison pour laquelle elle n'a pas procédé au règlement du solde des factures de la société Charantelec pour un montant de 26 831,20 euros.

Elle ajoute que par ailleurs, la société Charantelec ne lui a jamais réclamé paiement du solde de ses factures.

Elle précise que la société Charantelec a été incapable de trouver la cause du problème, alors qu'à lui suite d'une nouvelle surtension le 26 mai 2019, elle a fait appel à l'entreprise Guron qui a constaté que les surtensions résultaient du neutre non serré au niveau du disjoncteur d'alimentation.

Elle conteste devoir tout somme que ce soit au titre de ses travaux affectés de malfaçons auxquels il lui a fallu remédier, et qui lui ont occasionné un important préjudice.

Par la production de ses échanges par sms avec la société Charantelec courant avril et mai 2019, mais encore de la facture d'intervention en date du 27 mai 2019 de l'entreprise [Localité 6], la société Brasserie rapporte la preuve tant des dysfonctionnements affectant l'installation électrique réalisée par la société Charantelec que la preuve de la malfaçon touchant l'ouvrage et susceptible d'être imputée à cet entrepreneur.

En faisant valoir avec pertinence l'exception d'inexécution, la débitrice a opposé à la créancière une contestation sérieuse susceptible d'affecter le quantum voire le principe de la créance dont l'admission est sollicitée.

Il y aura donc lieu :

- d'inviter les parties à mieux se pourvoir ;

- d'inviter la société Charantelec à saisir le juge compétent pour trancher de la contestation sérieuse tendant à l'existence et au montant de sa créance déclarée à hauteur de 26 831,20 euros à titre échu chirographaire à l'encontre de la société Brasserie Jean, et ce dans un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ;

- de surseoir à statuer sur l'admission de la créance de la société Charantelec au passif de la société Brasserie dans l'attente d'une décision irrévocable sur le principe et le quantum de celle-ci.

Dans cette attente, il y aura lieu de réserver les dépens et frais irrépétibles des deux instances.

Au vu des observations des parties, il y aura lieu d'ordonner le retrait de l'affaire du rôle des affaires en cours.

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Invite les parties à mieux se pourvoir ;

Invite la société par actions simplifiée Charantelec à saisir le juge compétent pour trancher de la contestation sérieuse tenant à l'existence et au montant de sa créance déclarée pour un montant de 26 831,20 euros à titre échu chirographaire à l'encontre de la société par actions simplifiée Brasserie Jean, et ce dans un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt ;

Sursoit à statuer sur l'admission de la créance de la société par actions simplifiée Charantelec au passif de la société par actions simplifiée Brasserie Jean dans l'attente dans l'attente d'une décision irrévocable sur le principe et le quantum de celle-ci ;

Réserve les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Ordonne le retrait de l'affaire du rôle des affaires en cours.

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