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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 1 juillet 2025, n° 24/00964

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Scottish Fire and Rescue Service

Défendeur :

Systèmes et Télécommunications (SA), Arva (SELAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidente :

Mme Marquer

Vice-président :

M. Pascot

Conseiller :

M. Lecler

Avocats :

Me Clerc, Me Bidanda, Me Gallet, Me Robineau

T. com. La Rochelle, du 8 nov. 2022

8 novembre 2022

******

Le 13 avril 2018, l'établissement public de droit écossais Scottish Fire and Rescue Service (le Sfrs) a conclu un contrat avec la société anonyme Systèmes et Télécommunications SA (la société Systel) en vue de la fourniture et de la mise en 'uvre d'un système de gestion intégré des communications.

Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal de commerce de La Rochelle a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Systel et désigné la société civile professionnelle [G] [L] en qualité de mandataire judiciaire (le mandataire judiciaire) et la société d'exercice libéral par actions simplifiée Arva administrateurs judiciaires associés, prise en la personne de Madame [C] [I], en qualité d'administrateur judiciaire (l'administrateur judiciaire).

Le 6 mars 2023, le Sfrs a déclaré une créance de 16 120 208,77 euros au passif de la procédure.

Le 31 mars 2023, le mandataire judiciaire a fait part au créancier déclarant de son intention de la contester.

Le 27 avril 2023, le Sfrs a répondu au courrier du mandataire judiciaire.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 31 juillet 2023 par le juge-commissaire du tribunal de commerce de La Rochelle.

Par ordonnance en date du 5 avril 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce de La Rochelle a :

- rejeté la créance 194 : Scottish Fire and Rescue Service, pour un montant de 16 120 208,77 euros à titre échu chirographaire ;

- ordonné, à la diligence du greffe, la notification de la présente décision au créancier et au débiteur ;

- dit qu'elle serait communiquée au mandataire judiciaire et au conseil des parties ;

- dit que les entiers frais et dépens de la présente instance seraient passés en frais privilégiés de la procédure.

Le 17 avril 2024, le Sfrs a relevé appel de ce jugement, en intimant la société Systel, le mandataire judiciaire, et l'administrateur judiciaire.

Le 6 mai 2024, la société Systel, le mandataire judiciaire et l'administrateur judiciaire ont constitué avocat.

Le 17 septembre 2024, le Sfrs a déposé ses premières conclusions au fond.

Le 2 mai 2025, le Sfrs a demandé :

- de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée ;

- d'infirmer ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause, statuant à nouveau :

- d'admettre sa créance pour un montant de 16 120 208,77 euros à titre échu chirographaire ;

A titre subsidiaire,

- de l'enjoindre à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

En tout état de cause,

- de débouter tous intimés de toutes demandes contraires aux présentes ;

- de condamner la société Systèmes et télécommunications à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances ;

- de condamner la société Systèmes et télécommunications aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil.

Le 9 mai 2025, la société Systel a demandé :

A titre principal,

- de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Et en conséquence :

- de rejeter la créance qui avait été déclarée par le Sfrs à son passif, et ce pour un montant total de 16 120 208,77 euros ;

En tout état de cause, de :

- débouter le Sfrs de toutes ses demandes ;

- condamner le Sfrs à lui payer la somme de 50 000 euros ;

- condamner le Sfrs à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures précitées des parties déposées aux dates susdites.

Le 12 mai 2025 a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

MOTIVATION

Sur l'annulation de l'ordonnance déférée

Il résulte de l'article 458 du code de procédure que l'obligation de motivation de la décision de première instance, mais encore l'obligation d'exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, prévue par l'article 455 alinéa 1 du même code, est édictée à peine de nullité de celle-ci.

Aucun texte ne détermine sous quelle forme doit être faite la mention des moyens présentés par les parties ; il suffit qu'elle résulte, même succinctement, des énonciations de la décision.

Il est satisfait à cette exigence lorsque le rappel des éléments de la cause et la motivation font apparaître que la cour répond ainsi aux moyens invoqués, ou lorsque sont discutés dans la décision les circonstances de fait et les déductions de droit sur lesquels elle se fonde.

Les dispositions des articles 455, alinéa 1er, et 458 du nouveau Code de procédure civile qui prescrivent à peine de nullité que le visa des conclusions indique leur date ne sont pas applicables aux procédures orales, dans lesquelles les écrits auxquels se réfère une partie, et que mentionne le juge, ont pour date celle de l'audience (Cass. 2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-17.039, Bull., 2004, II, n° 381).

Ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 le juge qui énonce seulement que les pièces communiquées corroborent les moyens de l'assignation ou qui se détermine sur le seul visa de documents n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ou sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lequel il se fonde.

Néanmoins, le juge du fond n'est pas tenu de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'il décide d'écarter.

Viole l'article 6§ premier de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile, l'arrêt qui se borne, au titre de sa motivation, à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel d'une partie et qui statue ainsi par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur l'impartialité la juridiction.

Mais il n'est pas interdit au juge de motiver sa décision en reprenant à son compte une partie des arguments avancés par l'une des parties ou de se référer, en visant les pièces versées aux débats, à l'analyse qu'en font les conclusions d'une partie.

Le juge n'a pas à répondre à des moyens que ses constatations rendent inopérantes, et ce défaut de réponse n'est pas assimilable à un défaut de réponse à conclusions.

Le défaut de réponse à conclusions n'équivaut pas à une absence de motivation de nature à emporter la nullité d'une décision.

Car le défaut de réponse à conclusions est propre à fonder la seule infirmation de la décision déférée, et non pas son infirmation.

* * * * *

Pour prétendre à la nullité de l'ordonnance déférée, le Sfrs fait valoir que le juge commissaire a totalement ignoré ses prétentions, moyens et pièces, qu'il n'a ni discuté, ni même évoqué dans sa décision, qu'il s'agisse de la validité de sa déclaration de créance ou de l'incompétence du juge-commissaire au regard de l'article L. 624-2 du code de commerce.

Il observe que seules sont visées dans le texte de l'ordonnance les conclusions de la société Systel, tandis qu'il n'y est aucunement fait état des propos tenus par son propre conseil à l'audience du 25 mars 2024, seuls les propos tenus par le conseil de la société Systel y étant mentionnés.

Il avance que ses pièces n'ont pas été examinées, la clé Usb les contenant, et présentée au premier juge, n'ayant pas été ouverte.

L'appelant estime que cette ordonnance ne contient aucun élément de motivation, de laquelle toute discussion juridique est absente.

Il remarque que cette ordonnance ne fait qu'énoncer les prétentions de la société Systel, sans les discuter.

La société Systel lui objecte que l'obligation de motivation et d'exposition des prétentions et moyens des parties ne serait pas applicable à la procédure orale.

Avec l'intimée, il y aura seulement lieu de retenir que l'obligation de visa des conclusions des parties n'est pas applicable à une procédure orale, dans lesquelles les écrits auxquels se réfère une partie, et que mentionne le juge, ont pour date celle de l'audience.

Au surplus en l'espèce, le Sfrs ne soutient ni ne démontre avoir déposé des conclusions devant le premier juge.

Mais l'obligation d'exposition des prétentions et moyens des parties demeure cependant une exigence applicable à la procédure orale.

Or, l'ordonnance déférée a exposé que le Sfrs avait demandé l'admission au passif de sa créance de 16 120 208,77 euros correspondant à des préjudices subis en raison de manquements contractuels survenus lors de l'exécution du contrat de prestation de services.

Elle a ainsi exposé, succinctement, les prétentions et un moyen de la demanderesse à l'admission de créance.

En outre, elle énonce qu'à l'audience du 25 mars 2024 ont été entendus en leurs explications le créancier, la débitrice, et le mandataire judiciaire.

Par la mention de l'audition des explications développée à l'audience par le conseil du Sfrs, cette décision vient ainsi faire référence, même sommairement, aux moyens présentés par celui-ci.

Par la suite, la décision ne fait référence qu'aux moyens de défense opposés par le conseil de la société Systel au sein de ses conclusions, opposant l'absence de preuve de tout manquement contractuel de sa part et ses observations à l'audience sur l'absence de pièces justificatives de la créance et donc à l'impossibilité d'apprécier la nature et le montant de celle-ci, et à la circonstance que le mandataire judiciaire s'associe aux observations de la débitrice pour s'opposer à l'admission de la créance sollicitée.

Et dans le surplus de sa motivation, elle en conclut que compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la créance du Sfrs.

Il s'en déduira qu'après avoir exposé les moyens de défense de la débitrice et son mandataire judiciaire, le premier juge les a fait siens.

Il a ainsi suffisamment motivé sa décision.

Et à supposer même la pertinence éventuelle des moyens du créancier, qu'il s'agisse de la validité de la déclaration de créance ou de l'incompétence du juge-commissaire au regard de l'article L. 624-2 du code de commerce, la circonstance que le premier juge n'y ait pas fait référence dans sa décision ne constitue qu'un défaut de réponse à conclusions, insusceptible d'emporter l'annulation de l'ordonnance déférée.

Il y aura donc lieu dire n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance déférée.

Sur le fond

Selon l'article L. 622-24 du code de commerce,

A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.

.....

La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture. Toutefois, si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement.

Selon l'article L. 624-2 du même code,

Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

La procédure de vérification des créances n'a pour objet que de déterminer l'existence, le montant et la nature de la créance déclarée.

Selon l'article R. 624-5 du même code,

Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Il résulte des articles L. 622-21 et L 622-22 du même code que seule l'existence d'une instance en cours devant un juge du fond enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet d'une créance (Cass. com., 14 mars 1995, n°93-12.489, publié), et encore d'une instance engagée à l'encontre du débiteur, et non par ce dernier.

L'instance en cours, suspendue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie au principal, une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.

Il n'entre pas dans les attributions du juge de la vérification des créances de se prononcer sur la responsabilité encourue par le créancier à l'occasion de l'exécution du contrat (Cass. com., 21 septembre 2004, n°02-16.825).

Le juge de la vérification des créances, qui est saisi d'une contestation ne relevant pas de son pouvoir juridictionnel, et susceptible d'avoir une incidence sur l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée, est tenu de surseoir à statuer sur l'admission de celle-ci, après avoir invité les parties à saisir le juge compétent (Cass. com., 27 janvier 2015, n°13-20.463, publié).

La contestation relative à l'exécution prétendument défectueuse d'un contrat ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, statuant dans la procédure de vérification des créances (Cass. Com., 24 mars 2009, pourvoi n°07-21.567).

Il résulte de la combinaison des articles R. 624-5 et R. 662-3 du code de commerce que la juridiction compétente pour trancher la contestation sérieuse dont une créance déclarée au passif d'une procédure collective fait l'objet n'est pas le tribunal de la procédure collective mais celui que déterminent une clause attributive de compétence ou, à défaut, les règles de droit commun

(Cass. com., 1er juillet 2020, pourvoi n°18-25.522, publié).

Selon l'article R. 622-23 du même code,

Outre les indications prévues à l'article L. 622-25, la déclaration de créance contient :

1° Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;

2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;

3° L'indication de la juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige ;

4° La date de la sûreté et les éléments de nature à prouver son existence, sa nature et son assiette, si cette sûreté n'a pas fait l'objet d'une publicité.

A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n'auraient pas été joints.

Le juge-commissaire qui estime que la créance déclarée n'est pas suffisamment justifiée ne peut la rejeter sans inviter au préalable le créancier à produire les documents justificatifs (Cass. com., 5 juin 2012, n°11-17.603, Bull. 114).

Lorsque le débiteur ou le liquidateur conteste la déclaration de créance en invoquant l'absence ou l'insuffisance des justifications produites à l'appui de celle-ci, il appartient au créancier de verser aux débats, le cas échéant, des pièces complémentaires, sans que la cour d'appel soit tenue de l'y inviter (Cass. Com., 2 juin 2015, pourvoi n° 14-10.391, Bull. 2015, IV, n° 95).

* * * * *

Le 13 avril 2018, la société Systel a conclu avec le Sfrs un contrat de prestation de services intitulé Service Agreement, en vue de la fourniture et de la mise en oeuvre d'un système de gestion intégré des communications dénommé Conmand & Control Mobilising Solution (Ccms).

Le 6 mars 2023, le Sfrs a déclaré sa créance au passif de la société Systel à hauteur de 16 120 208,77 euros à titre chirographaire.

Le déclarant fait valoir que les manquements contractuels de la débitrice lui ont causé un préjudice d'un tel quantum.

À l'occasion de sa déclaration de créance, le Sfrs a notamment produit un tableau de synthèse détaillant ses divers postes de préjudice contractuels, une note explicative de ses calculs, une clé Usb contenant le détail des calculs ainsi que les pièces justificatives ayant permis l'établissement du calcul d'évaluation des différents postes de préjudice se détaillant comme suit :

- 3 319 603,35 Gbp au titre des coûts qu'il avait supportés pour le pilotage et la mise en oeuvre du projet contractuel, n'ayant pas abouti du fait des manquements de Systel ;

- 4 907 490,05 Gbp au titre des coûts supplémentaires estimés qu'il devrait supporter pour la sélection d'un nouveau prestataire (par voie d'appel d'offre public), le pilotage et la mise en oeuvre d'un nouveau système ;

- 5 754 193,33 Gbp au titre des coûts supplémentaires réels et estimés relatifs à la poursuite de l'utilisation des systèmes de communication existants, jusqu'à la mise en oeuvre effective d'un nouveau Ccms avec un nouveau prestataire ;

- 52 150 Gbp au titre des coûts supplémentaires de prestations juridiques occasionnées par la situation de défaut contractuel de Systel et par la présente situation procédurale.

Le Sfrs y expose que les difficultés d'exécution de la part de Systel sont apparues dès 2019 et que des dates d'échéances contractuelles n'ont pas été respectées par le prestataire, donnant lieu à divers échanges entre les parties en 2021 et 2022, puis à la notification le 7 décembre 2022 de la résiliation du contrat sur sa propre initiative.

Elle y précise que son préjudice global, évalué à 14 033 436,73 Gbp équivaut à 16 120 208,77 euros, eu égard au taux de conversion de la livre britannique en euros au 8 novembre 2022.

Elle soutient avoir produit la copie des pièces comptables relatives à ses calculs sous forme de clé Usb représentant 21 Mo, soit plusieurs milliers de pièces.

Au regard notamment de l'article R. 622-23 du même code, la société Systel soutient que pour être admise, une déclaration de créance doit suffisamment justifier de la matérialité de la créance et de son quantum.

Elle ajoute que s'agissant d'une créance indemnitaire, le déclarant doit caractériser les trois conditions permettant d'engager la responsabilité contractuelle du débiteur prétendu, c'est à dire le fait générateur, le dommage, et le lien de causalité.

Elle soutient qu'une déclaration de créance, dont les motifs caractérisant le fait générateur de sa créance indemnitaire seraient absents, ne saurait être admise par le juge commissaire.

Elle argue de ce que la créance en litige est totalement infondée.

Elle estime que le Sfrs ne démontre aucune manquement contractuel de sa part et conteste toute faute de sa part.

Elle observe qu'aucun document probatoire n'a été apporté au soutien des affirmations averses, et dénie que le contrat aurait fait l'objet de manquements contractuels qui lui seraient uniquement imputables.

Elle entend contester le bien-fondé de la résiliation unilatérale, en arguant que les retards dans l'exécution du contrat étaient pleinement partagés entre les parties, et qu'en tout état de cause, ces retards ne pouvaient pas justifier une telle sanction contractuelle.

Elle réplique que c'est le Sfrs qui n'a pas respecté le planning concernant les tests à réaliser dans le cadre du contrat.

Il ressort des pièces produites par le Sfrs, notamment de sa déclaration de créance, que si celui-ci a produit un nombre très conséquent d'éléments de nature à justifier son préjudice, il n'en a produit strictement aucun de nature à établir l'apparence d'un quelconque manquement contractuel imputable à la société Systel.

Dès lors, il y aura lieu de retenir l'insuffisance des justificatifs produits à l'appui de sa déclaration de créance par le Sfrs.

Et il appartenait au déclarant de verser aux débats des pièces complémentaires pertinentes de sa propre initiative, sans que la cour soit tenue de l'y inviter avant de rejeter sa déclaration de créance.

Il y aura donc lieu de rejeter la créance déclarée par le Sfrs à hauteur de 16 120 208,77 euros échus à titre chirographaire, et l'ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur l'abus de procédure

Seule l'intention dolosive ou malicieuse, ou la faute lourde équivalente au dol, est de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice.

La société Systel demande la condamnation du Sfrs à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

En relevant l'absence de toute justification par le Sfrs d'un quelconque manquement contractuel de sa part pour caractériser son préjudice, la société Systel soutient que cette procédure caractérise une intention nocive à son égard dans le but de porter atteinte à son image en France et en Ecosse, notamment à l'égard de ses autres clients et partenaires, au regard des proportions manifestement excessives de cette déclaration de créance, mettant assurément en péril la confiance qu'elle-même entretient avec ses autres partenaires.

Elle ajoute que son préjudice d'image en résultant revêt un impact négatif sur son développement commercial au Royaume-Uni.

Mais le seul défaut de justification du manquement contractuel imputée à la société débitrice en procédure collective ne caractérise pas, à elle seule, les fautes et intention susdites de la part du créancier déclarant.

Il y aura donc lieu de débouter la société Systel de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.

* * * * *

L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a :

- ordonné, à la diligence du greffe, la notification de la présente décision au créancier et au débiteur ;

- dit qu'elle serait communiquée au mandataire judiciaire et au conseil des parties ;

- dit que les entiers frais et dépens de la présente instance seraient passés en frais privilégiés de la procédure.

Le Sfrs sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le Sfrs sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la société Systel la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit qu'il n'y pas lieu d'annuler l'ordonnance déférée ;

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société anonyme Systèmes et Télécommunications SA de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Déboute l'établissement public de droit écossais Scottish Fire and Rescue Service de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne l'établissement public de droit écossais Scottish Fire and Rescue Service aux entiers dépens d'appel et à payer à la société anonyme Systèmes et Télécommunications SA la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

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