CA Toulouse, 2e ch., 1 juillet 2025, n° 24/01171
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Banque Populaire Occitane (SA)
Défendeur :
Terres De Vies (EARL), Aegis (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Martin de la Moutte, M. Norguet
Avocats :
Me Marfaing-Didier, Me Dejean
Exposé des faits et de la procédure :
Par acte en date du 12 avril 2019, l'Earl Terre de vies a souscrit auprès de la Banque Populaire Occitane un prêt foster développement agriculture n°087960100 d'un montant de 177.900,00 euros. Ce prêt était assorti d'un nantissement de produit monétaire à concurrence de 20.000 euros en principal plus tous intérêts, frais, commissions et accessoires.
Par jugement du 18 avril 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse à ouvert à l'égard de l'EARL Terres de vies une procédure de redressement judiciaire et désigné la Selarl Aegis prise en la personne de Me [K] en qualité de mandataire judiciaire.
Par courrier en date du 07 juin 2023, la banque populaire occitane a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire pour un montant de 137 402,09 euros.
Le mandataire judiciaire a contesté cette déclaration et adressé à la banque une proposition que cette dernière a partiellement acceptée.
Par ordonnance du 25 mars 2024 le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Toulouse a :
- Admis la créance n°25 à hauteur de la somme de 20 000 euros à échoir à titre privilégié outre intérêts au taux de 1,45 %
- Admis la créance n°29 à hauteur de la somme de 113 417,57 euros à échoir à titre chirographaire outre intérêts au taux de 1,45 %
- Débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire
- Passé les dépens en frais privilégiés de procédure collective
Par déclaration en date du 05 avril 2024, la Sas Banque populaire occitane a relevé appel de l'ordonnance en ce qu'elle a débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.
La clôture est intervenue le 17 mars 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 07 avril 2025 à 9h30.
Exposé des prétentions et des moyens
Vu les conclusions d'appelant n°2 notifiées par RPVA le 07 octobre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sa Banque populaire occitane demandant, au visa des articles 1103 du code civil, L622-24 et L622-28 du code de commerce de:
- Confirmer partiellement l'ordonnance du juge-commissaire du 25 mars 2024 en ce qu'elle a : « admis la créance n°25 à hauteur de la somme de 20.000 € à échoir à titre privilégié, outre intérêt au taux de 1,45% ; admis la créance n°29 à hauteur de la somme de 113.417,57 € à échoir à titre chirographaire, outre intérêt au taux de 1,45% »
- Infirmer partiellement l'ordonnance du juge-commissaire du 25 mars 2024 en ce qu'elle a : «débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire »
Et statuant à nouveau :
- Juger que les intérêts de retard au taux de 1,45%, admis à titre privilégié pour la créance n°25 et à titre chirographaire pour la créance n°29, courent à compter du 23/04/2023
- Admettre la créance de la société Banque Populaire Occitane, au titre du contrat de prêt foster developpement agriculture n°08796100, au passif de l'Earl terre de vies, à titre chirographaire, pour :
' 4.002,52 € au titre de l'indemnité de 3% en cas de production à un ordre,
' L'indemnité forfaitaire de 5% des sommes restant dues en cas d'exigibilité anticipée, pour mémoire ;
- Passer les dépens de l'instance en frais privilégiés de procédure collective.
Vu les conclusions d'intimé notifiées par RPVA le 04 septembre 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de l'Earl Terre de vies demandant de :
- Confirmer l'ordonnance du 24 mars 2024 en ce qu'elle admet la créance n°25 à hauteur de la somme de 20 000 € à échoir à titre privilégié, outre intérêts au taux de 1,45% et admet la créance n°29 à hauteur de la somme de 113 417.57 € à échoir à titre chirographaire outre intérêts au taux de 1,45%,
- Juger ce que de droit s'agissant du point de départ des intérêts de retard
- Passer les dépens de l'instance en frais privilégiés de procédure collective
.La Selarl Aegis, à laquelle la déclaration d'appel a été dénoncée à personne morale, n'a pas constitué avocat.
Par avis du 15 avril 2024, le ministère public a annoncé s'en rapporter à l'appréciation de la cour.
Motifs
La banque qui a déclaré sa créance au titre du contrat de prêt Foster développement agriculture n°08796l00 d'un montant initial de 175376.82 € consenti le I2 avril 2019 sollicite l'admission de sa créance au titre de ce prêt
- à titre chirographaire pour les sommes de :
- 113.417,57 € au titre des échéances à échoir du 23 avril 2023 au 23 octobre 2029, outre les intérêts de retard au taux de 1,45% l'an du 23 avril 2023 jusqu'à complet paiement,
- 4.002,52 € au titre de l'indemnité de 3% en cas de production à un ordre,
' outre l'indemnité forfaitaire de 5% des sommes restant dues en cas d'exigibilité anticipée, pour mémoire ;
- à titre privilégié, pour la somme de 20.000 €, outre les intérêts de retard au taux de 1,45% l'an jusqu'à complet paiement.
Elle conteste l'ordonnance déférée qui a admis sa créance :
- à concurrence de la somme de 20 000 euros à échoir à titre privilégié outre intérêts au taux de 1,45 %
- et à concurrence de la somme de 113 417,57 euros à échoir à titre chirographaire outre intérêts au taux de 1,45 % ,
mais n'a pas fait droit à ses demandes relatives à l'indemnité de 3 % en cas de production à un ordre et à l'indemnité forfaitaire de 5 % des sommes restant dues en cas d'exigibilité anticipée.
Elle demande en outre à la cour de fixer le point de départ des intérêts ce que le juge commissaire a omis de faire.
La société Terre de vies s'en remet à justice s'agissant du point de départ des intérêts.
Elle estime que la créance de la banque au titre de l'indemnité forfaitaire de 3 % en cas de nécessité de produire à un ordre ou d'ester en justice, a pour effet d'aggraver sa situation à l'égard de la banque créancière du seul fait de l'ouverture de la procédure collective et qu'elle ne peut donc être admise.
Elle ajoute que la banque qui n'a pas manifesté sa volonté de bénéficier de l'exigibilité anticipée avant l'ouverture de la procédure collective ne peut prétendre à l'indemnité contractuellement fixée dans cette hypothèse.
- sur le point de départ des intérêts
L'ordonnance déférée a admis la créance de la banque au titre des intérêts au taux contractuel sur la somme de 113 417,57 euros à échoir, sans fixer le point de départ de ces intérêts.
La banque sollicite, sans opposition de la part du mandataire que les intérêts soient fixés à compter du 9 mai 2023.
Selon l'article L 622 28 alinéa 1 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire en application de l'article L 631-14 alinéa 1 du même code, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.
L'exception à la règle de l'arrêt du cours des intérêts en faveur de ceux résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, vise tous les intérêts sans en exclure les intérêts de retard prévus par la convention de prêt. Il appartient par conséquent au créancier de déclarer les intérêts de retard, quand bien même ils ne portaient pas sur des sommes échues, mais sur les mensualités à échoir du prêt (Com. 16 juin 2021, no 20-13.989).
La procédure étant ouverte depuis le 18 avril 2023, l'échéance du 23 avril 2023, comme les suivantes n'ont pas été réglées. Les intérêts doivent donc être fixés à compter du 23 avril 2023. L'ordonnance déférée sera complétée sur ce point.
- sur l'indemnité forfaitaire de 5 % en cas d'exigibilité anticipée
La banque fait valoir que la créance au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée est une créance antérieure qui doit être déclarée au passif de la procédure collective quand bien même elle n'est pas encore exigible.
La société débitrice fait valoir que cette indemnité n'est pas due à défaut de mise en demeure préalable.
L'article 11 des conditions générales du contrat de prêt prévoit que les sommes dues seront immédiatement exigibles dans un certain nombre de circonstances, précisément listées et accorde à la banque le droit de réclamer une indemnité égale à 5 % du montant des sommes dues dans toutes les circonstances ou l'emprunteur est déchu du terme.
L'article L. 622-24 du code de commerce précise que les créances dont le montant n'est pas encore définitivement fixé doivent être déclarées sur la base d'une évaluation.
Il appartient par conséquent au créancier de déclarer sa créance en fournissant les modalités de calcul de cette indemnité éventuelle.
C'est vainement que la société débitrice fait valoir que les conditions de résiliation pour non paiement d'une échéance antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ne sont pas réunies à défaut de mise en demeure préalable ce que la banque, qui n'invoque aucune défaillance antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire, ne conteste pas.
La déclaration de créance de la banque prend seulement en compte la perspective encore éventuelle de réalisation d'une des causes de résiliation anticipée du contrat, et notamment celle de la liquidation de la société ou de la cessation d'activité, qui lui impose de déclarer sa créance éventuelle.
A la date de la déclaration de créance, le montant de l'indemnité d'exigibilité anticipée n'était pas connu. C'est donc à juste titre en application des dispositions de l'article L622-24, alinéa 4 du Code de commerce, que la banque n'a déclaré sa créance à ce titre que pour mémoire.
Il suffit sur ce point de rappeler que le créancier ne concourra à la distribution que si les conditions lui permettant de bénéficier de cette indemnité sont effectivement réunies.
Il convient en conséquence d'admettre la créance déclarée à ce titre. L'ordonnance déférée sera infirmée sur ce point.
- Sur l'indemnité forfaitaire de 3 % en cas de production à un ordre
La Banque populaire occitane sollicite enfin l'admission de sa créance au passif de l'Earl Terre de vies au titre de l'indemnité forfaitaire de 3% des sommes dues en cas de production à un ordre pour un montant de 4 002,52 euros.
La société Terre de vies fait valoir que l'admission d'une créance à ce titre aurait pour effet d'aggraver sa situation en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de l'ouverture du redressement judiciaire et le premier juge a retenu que pour cette raison, la clause invoquée par la banque devait être considérée comme non écrite.
L'article 11 de la convention de prêt prévoit in fine que 'dans le cas ou, pour arriver au recouvrement de sa créance, la banque serait obligée de produire à un ordre, d'introduire une instance ou d'engager une procédure quelconque, elle aura droit à une indemnité de 3% supplémentaire sur le montant de sa créance, indépendamment des frais taxés ou taxables à la charge de sa cliente.
D'une portée très générale, cette clause vise toutes les hypothèses ou le prêteur est contraint d'engager des frais pour le recouvrement de sa créance en l'absence d'exécution spontanée. Elle n'a pas en elle même pour objet d'aggraver la situation du débiteur du seul fait de l'ouverture de la procédure collective et ne peut donc pas être présumée non écrite.
En l'espèce toutefois, le prêt n'était pas exigible à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la débitrice et cette dernière n'était pas défaillante dans l'exécution de ses obligations. Dans cette hypothèse particulière, la mise en oeuvre de la clause a bien pour effet d'aggraver les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaires en l'absence de toute défaillance et du seul fait de l'ouverture de sa procédure collective.(Com., 22 février 2017, pourvoi n° 15-15.942, Bull. 2017, IV, n° 27 ).
Il n'y a donc pas lieu d'admettre la créance de la banque à ce titre. L'ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
Les dépens sont à la charge de la procédure collective de la société Terres de vie.
Par ces motifs
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
- Admis la créance n°25 à concurrence de la somme de 20 000 euros à échoir à titre privilégié outre intérêts au taux de 1,45 %
- Admis la créance n°29 à concurrence de la somme de 113 417,57 euros à échoir à titre chirographaire outre intérêts au taux de 1,45 %
Mais complète ces dispositions en précisant que les intérêts au taux de 1, 45 % courent à compter du 23 avril 2023,
- Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté la Banque populaire occitane de l'ensemble de ses autres demandes,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
- Admet la créance de la société Banque Populaire Occitane, au titre de l'indemnité forfaitaire de 5% des sommes restant dues en cas d'exigibilité anticipée,
- Déboute la société Banque populaire occitane de sa demande d'admission de sa créance de 4.002,52 € au titre de l'indemnité de 3% en cas de production à un ordre,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la procédure collective de la société Terre de vies.